BGer 1B_352/2015 |
BGer 1B_352/2015 vom 27.10.2015 |
{T 0/2}
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1B_352/2015
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Arrêt du 27 octobre 2015 |
Ire Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Fonjallaz, Président,
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Merkli et Chaix.
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Greffière : Mme Sidi-Ali.
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Participants à la procédure
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recourant,
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contre
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Office régional du Ministère public du Valais central, case postale 2202, 1950 Sion 2.
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Objet
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détention provisoire; récusation
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recours contre l'ordonnance du Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale, du 8 septembre 2015.
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Faits : |
A. Le 6 août 2013, A.________ a été arrêté provisoirement par la police. Une instruction a été ouverte contre lui le lendemain pour meurtre (art. 111 CP). Il lui est en substance reproché d'avoir tué B.________ le 7 juin 2013 en le précipitant du haut d'une falaise.
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B. Le 28 juillet 2015, le Tribunal des mesures de contrainte a ordonné la prolongation de la détention provisoire du prévenu pour une durée de trois mois, soit jusqu'au 28 octobre 2015. Saisie d'un recours, la Chambre pénale du Tribunal cantonal du Valais a confirmé cette décision par ordonnance du 8 septembre 2015.
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C. Par acte du 9 octobre 2015, A.________ forme un recours en matière pénale. Il conclut à l'annulation de l'ordonnance cantonale et demande la récusation de la Chambre pénale du Tribunal cantonal, ordre étant donné au Tribunal cantonal de nommer un juge unique et un greffier suppléant neutres et indépendants pour juger à nouveau des conditions de la détention provisoire. Il demande par ailleurs à être mis au bénéfice de l'assistance judiciaire. Le Tribunal cantonal conclut au rejet du recours. Le recourant persiste dans ses conclusions.
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Considérant en droit : |
1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) est ouvert contre les décisions relatives à la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté au sens des art. 212 ss CPP. Le recours a été formé à l'échéance du délai fixé à l'art. 100 al. 1 LTF contre une décision prise en dernière instance cantonale (art. 233 CPP et 80 LTF). L'arrêt cantonal confirme une nouvelle prolongation de la détention. Le recourant a qualité pour agir (art. 81 al. 1 let. a et b ch. 1 LTF).
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Dans ses conclusions, le recourant demande la récusation de la cour cantonale. Se pose dès lors la question de l'épuisement des voies de droit cantonales (art. 86 al. 1 let. d et 2 LTF). Le droit valaisan ne prévoit pas de voie de droit ordinaire pour se plaindre d'une composition irrégulière de la cour cantonale. Dans de telles situations, la voie du recours en matière de droit public est ouverte indépendamment de la présentation d'une demande en révision au plan cantonal (ATF 136 I 341 consid. 2.3 p. 344; cf. également arrêt 1C_443/2013 du 6 décembre 2012 consid. 1.2).
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Il convient dès lors d'entrer en matière.
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2. Le recourant fait valoir son droit à un tribunal indépendant et impartial. Selon lui, le magistrat de la cour cantonale aurait fait preuve de prévention dans la motivation de son ordonnance. Le recourant se réfère à deux extraits de phrases de l'acte attaqué qu'il cite comme suit: "au stade avancé où se trouve l'enquête, ces différents éléments suffisent à rendre vraisemblable sa condamnation pour meurtre" et "le risque qu'il [le recourant] se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible, que se soit en prenant la fuite à l'étranger ou en disparaissant dans la clandestinité, est très élevé, d'autant qu'il conteste avoir tué [la victime], en dépit des preuves qui l'accablent [...]".
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2.1. La garantie d'un tribunal indépendant et impartial instituée par les art. 30 al. 1 Cst. et 6 par. 1 CEDH - qui ont, de ce point de vue, la même portée - permet de demander la récusation d'un juge dont la situation ou le comportement est de nature à susciter des doutes quant à son impartialité (ATF 138 I 425 consid. 4.2.1 p. 428). L'art. 56 let. f CPP, qui prévoit la récusation d'une personne lorsqu'il existe des motifs de nature à la rendre suspecte de prévention, équivaut par ailleurs à ces deux dispositions. Celles-ci n'imposent pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 139 I 121 consid. 5.1 p. 125 s.; 138 IV 142 consid. 2.1 p. 144 et les arrêts cités).
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2.2. Pour ce qui est de la première phrase incriminée, on comprend de l'argumentation du recourant qu'il reproche au juge cantonal d'avoir considéré que les éléments du dossier rendaient "vraisemblable sa condamnation pour meurtre", ces termes étant mis en évidence dans le recours.
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L'intensité des charges propres à motiver un maintien en détention préventive n'est pas la même aux divers stades de l'instruction pénale. Si des soupçons, même encore peu précis, peuvent être suffisants dans les premiers temps de l'enquête, après l'accomplissement des actes d'instruction envisageables, la perspective d'une condamnation doit, selon la formule utilisée habituellement dans la jurisprudence, apparaître vraisemblable (cf. notamment arrêts 1B_292/2015 du 23 septembre 2015 consid. 4.1; 1B_289/2015 du 18 septembre 2015 consid. 2.1; 1B_295/2014 du 23 septembre 2014 consid. 2.1); en allemand, nach Durchführung der in Betracht kommenden Untersuchungshandlungen eine Verurteilung muss als wahrscheinlich erscheinen (ATF 137 IV 122 consid. 3.3 p. 127; arrêts 1B_383/2013 du 18 novembre 2013 consid. 4; 1B_466/2012 du 3 septembre 2012 consid. 2.2.2). On ne saurait ainsi faire grief au juge cantonal d'avoir constaté la vraisemblance d'une condamnation du recourant sur le vu des nombreux éléments du dossier préalablement mentionnés dans l'ordonnance - et au demeurant non contestés par le recourant.
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Dans la seconde phrase critiquée par le recourant, la cour cantonale expose que le risque que celui-ci se soustraie à la procédure pénale ou à la sanction prévisible est très élevé, d'autant qu'il conteste avoir tué la victime, en dépit des preuves qui l'accablent. La tournure employée est certes quelque peu malheureuse. Avec le recourant, on peut en effet considérer que le juge cantonal a ainsi exprimé une opinion sur le principe de la culpabilité.
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Rien n'indique toutefois que cette opinion irait au-delà de l'examen des forts soupçons au sens de l'art. 221 al. 1 CPP ou des "raisons plausibles de croire que le prévenu a commis une infraction" au sens de l'art. 5 par. 1 let. c CEDH auquel le magistrat s'était préalablement livré pour statuer sur le respect des conditions à la détention provisoire.
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Le Président de la Chambre pénale indique à cet égard dans ses déterminations que la phrase incriminée était destinée à illustrer le comportement du recourant en procédure, le caractère de l'intéressé étant un critère à prendre en considération dans l'évaluation du risque de fuite. L'ordonnance attaquée relève en effet que le recourant a changé de version dans ses déclarations en cours d'enquête, en particulier lorsqu'il a été confronté aux relevés rétroactifs de son téléphone portable, ce qui reflète un comportement peu collaboratif. Dans de telles circonstances, la cour cantonale aurait mis en balance les nombreux éléments à charge recueillis au cours de l'instruction avec le seul élément à décharge, à savoir les déclarations, non constantes, du recourant lui-même. On comprend ainsi de l'assertion litigieuse que, pour le juge cantonal, la négation, par le recourant, des faits reprochés apparaît peu compatible avec les éléments du dossier dont l'instruction arrive à son terme. Mais on comprend également, en replaçant cette assertion dans le contexte plus général de l'ordonnance attaquée, que le magistrat a bien mesuré son rôle de juge de la détention et que son appréciation relève ainsi bien de l'examen des indices de culpabilité pouvant justifier un maintien en détention sans qu'il prétende se déterminer fermement sur la culpabilité du recourant. Dans l'ordonnance attaquée, le juge cantonal rappelle en effet qu'il ne lui appartient pas de se substituer au juge de fond (ordonnance attaquée consid. 2.1. p. 6) et précise que l'hypothèse d'un éventuel suicide ou accident n'a pas à être débattue devant lui (ordonnance attaquée consid. 2.2 i. f. p. 7). Dans de telles circonstances, il n'apparaît pas que la Chambre pénale ait préjugé de la culpabilité du recourant au point de rendre le magistrat suspect de prévention.
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A cela s'ajoute que le recourant ne fait valoir aucun grief de fond qui mettrait en avant le caractère incohérent ou à tout le moins infondé de la solution à laquelle est parvenu le magistrat prétendument prévenu. Il y a lieu de noter qu'au contraire, l'examen de la cause repose sur de nombreuses constatations tirées du dossier et apparaît ainsi complet et objectif. Rien ne vient ainsi étayer les allégations du recourant relatives à une éventuelle prévention du juge.
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En résumé, le recourant s'en prend à deux phrases qu'il sort de leur contexte, alors que ce contexte révèle pourtant un examen circonstancié et rigoureux du dossier. Le recourant échoue ainsi à démontrer le moindre soupçon de partialité de la part de la cour cantonale. Il s'ensuit que le recours, mal fondé, doit être rejeté.
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3. Le recourant a demandé l'assistance judiciaire et les conditions en paraissent réunies (art. 64 al. 1 LTF). Il y a lieu de désigner Me Michel De Palma en qualité d'avocat d'office pour la présente procédure fédérale et de fixer ses honoraires, qui seront supportés par la caisse du Tribunal fédéral (art. 64 al. 2 LTF). Le recourant est en outre dispensé des frais judiciaires (art. 64 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. La requête d'assistance judiciaire est admise; Me Michel De Palma est désigné comme avocat d'office du recourant et une indemnité de 1'000 fr. lui est allouée à titre d'honoraires, à payer par la caisse du Tribunal fédéral. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3. Le présent arrêt est communiqué au mandataire du recourant, à l'Office régional du Ministère public du Valais central et au Tribunal cantonal du canton du Valais, Chambre pénale.
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Lausanne, le 27 octobre 2015
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Fonjallaz
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La Greffière : Sidi-Ali
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