BGer 6B_945/2016
 
BGer 6B_945/2016 vom 14.06.2017
6B_945/2016
 
Arrêt du 14 juin 2017
 
Cour de droit pénal
Composition
MM. et Mme les Juges fédéraux Denys, Président,
Jacquemoud-Rossari et Oberholzer.
Greffière : Mme Paquier-Boinay.
Participants à la procédure
X.________,
représenté par Me François Chanson, avocat,
recourant,
contre
Ministère public de la République et canton du Jura,
intimé.
Objet
Demande de révision (brigandage qualifié, utilisation frauduleuse d'un ordinateur), arbitraire,
recours contre le jugement de la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura du 29 juin 2016.
 
Faits :
A. Par arrêt du 18 juin 2008, la Cour criminelle du Tribunal cantonal de la République et canton du Jura a reconnu X.________ coupable de brigandage qualifié et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur en relation avec des faits qui se sont produits le 12 novembre 2002 à A.________ et B.________. Elle l'a condamné à une peine privative de liberté de deux ans et demi, complémentaire à celle de deux ans de réclusion prononcée le 17 mars 2005 pour complicité de brigandage qualifié commis à C.________ les 27/28 novembre 2002. Elle a en revanche libéré D.________ des chefs d'infraction de brigandage qualifié et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur en relation avec les mêmes faits.
La Cour criminelle a admis la culpabilité de X.________ dans le contexte du brigandage du 12 novembre 2002 en se fondant sur le fait que son téléphone portable avait été localisé sur le lieu de l'infraction. L'intéressé a en revanche toujours nié sa participation à ce brigandage en expliquant qu'il avait prêté son téléphone à son fils qui l'avait par la suite remis à son tour à des étrangers.
B. Le 23 mars 2009, le Tribunal fédéral a rejeté le recours formé par X.________ contre l'arrêt du 18 juin 2008, notamment pour violation du principe in dubio pro reo (arrêt 6B_722/2008).
C. Par arrêt du 1er octobre 2010, la Cour de cassation du Tribunal cantonal jurassien, statuant sur des demandes de révision de X.________ et du Ministère public, a annulé l'arrêt du 18 juin 2008 en tant qu'il déclarait l'intéressé coupable des infractions de brigandage qualifié et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur en relation avec les faits qui se sont produits le 12 novembre 2002 à A.________ et B.________ et en tant qu'il libérait D.________ de celles-ci. La cause a été renvoyée à la Cour criminelle pour nouveau jugement.
La demande de révision de X.________ reposait sur une lettre de D.________, adressée le 26 août 2008 au Président de la Cour criminelle, dans laquelle il déclarait que le 12 novembre 2002 il était en possession du téléphone portable de X.________, contestant toutefois avoir participé au brigandage de A.________, ainsi que sur une déclaration écrite datée du 27 mai 2009 dans laquelle il affirmait au contraire avoir participé audit brigandage. Devant la Cour de cassation, D.________ était revenu sur ses précédentes déclarations; il a maintenu ses affirmations selon lesquelles X.________ n'était pas présent lors du brigandage, mais a dit qu'il n'y était pas non plus lui-même.
Par jugement du 2 décembre 2011, le Tribunal pénal du Tribunal de première instance a derechef déclaré X.________ coupable de brigandage qualifié et d'utilisation frauduleuse d'un ordinateur et l'a condamné à la peine privative de liberté de deux ans et demi à titre de peine complémentaire à celle prononcée le 17 mars 2005. Il a retenu que D.________ avait été particulièrement inconstant dans ses déclarations de sorte que sa version des faits paraissait dénuée de toute crédibilité, d'autant plus qu'il ne pouvait être exclu que le revirement de ses déclarations soit intervenu dans un contexte de pressions suite à l'insistance de X.________.
Saisie d'un appel du condamné, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a confirmé cette décision par jugement du 23 mars 2012.
Par arrêt du 8 octobre 2012, le Tribunal fédéral a rejeté, dans la mesure où il était recevable, le recours formé par X.________ contre cette dernière décision (arrêt 6B_287/2012).
D. Le 14 décembre 2015, X.________ a introduit une nouvelle demande en révision auprès de la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien en se prévalant d'aveux faits par son fils, E.________, en date du 8 octobre 2014, desquels il ressort que ce dernier aurait commis le brigandage de A.________ en compagnie de D.________ et d'un troisième comparse alors que son père se trouvait dans sa jeep avec la soeur de D.________ sur une sortie d'autoroute près de A.________.
E. Par jugement du 29 juin 2016, la Cour pénale du Tribunal cantonal jurassien a rejeté la demande en révision du 14 décembre 2015 de X.________.
F. X.________ forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral contre cette décision. Il conclut à l'annulation du jugement attaqué et au renvoi de la cause à la cour cantonale pour qu'elle statue à nouveau.
Le recourant a par ailleurs sollicité l'octroi de l'effet suspensif. Sa demande a été rejetée par ordonnance du Président de la Cour de droit pénal du Tribunal fédéral du 30 janvier 2017.
 
Considérant en droit :
 
Erwägung 1
1.1. La demande de révision et la décision attaquée sont postérieures à l'entrée en vigueur du CPP. Il s'ensuit que les règles de compétence et de procédure des art. 410 ss CPP s'appliquent. Les motifs de révision pertinents sont, en revanche, ceux prévus par le droit applicable au moment où la décision dont la révision est demandée a été rendue. Cette réserve est toutefois sans portée en l'occurrence dès lors que, s'agissant d'une révision en faveur du condamné, le motif de révision prévu à l'art. 410 al. 1 let. a CPP correspond à celui de l'art. 385 CP, qui n'a d'ailleurs formellement pas été abrogé.
1.2. L'art. 410 al. 1 let. a CPP permet à toute personne lésée par un jugement entré en force d'en demander la révision s'il existe des faits ou des moyens de preuve qui étaient inconnus de l'autorité inférieure et qui sont de nature à motiver l'acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère du condamné. Cette disposition reprend la double exigence posée par l'art. 385 CP selon laquelle les faits ou moyens de preuve invoqués doivent être nouveaux et sérieux (voir arrêt 6B_310/2011 du 20 juin 2011 consid. 1.2, in SJ 2012 I p. 390).
Un fait ou un moyen de preuve est inconnu, ou nouveau, lorsque le juge n'en a pas eu connaissance au moment où il s'est prononcé, c'est-à-dire lorsqu'il ne lui a pas été soumis sous quelque forme que ce soit (ATF 137 IV 59 consid. 5.1.2 p. 66 s.). Il est sérieux lorsqu'il est propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles se fonde la condamnation et que l'état de fait ainsi modifié rend possible un jugement sensiblement plus favorable au condamné (voir ATF 137 IV 59 consid. 5.1.4 p. 68). Savoir si l'autorité cantonale s'est fondée sur une juste conception de faits ou de moyens de preuve nouveaux et sérieux et si la modification, le cas échéant, de l'état de fait sur lequel repose la condamnation est de nature à entraîner une décision plus favorable au condamné relève du droit. En revanche, déterminer si un fait ou un moyen de preuve était effectivement inconnu du juge relève de l'établissement des faits. Il en va de même de la question de savoir si un fait ou un moyen de preuve nouveau est propre à modifier l'état de fait retenu, puisqu'elle relève de l'appréciation des preuves, étant rappelé qu'une vraisemblance suffit au stade du rescindant; elle n'est revue par le Tribunal fédéral que sous l'angle limité de l'arbitraire (ATF 130 IV 72 consid. 1 p. 73; plus récemment arrêt 6B_71/2017 du 14 février 2017 consid. 1.1).
1.3. Est seule litigieuse la question de savoir si le moyen de preuve invoqué, à savoir les aveux de E.________, est propre à ébranler les constatations de fait sur lesquelles repose la condamnation.
La cour cantonale a considéré que les aveux en question n'étaient pas suffisamment crédibles pour remettre en cause les précédents jugements car dits aveux étaient intervenus tardivement, paraissaient plus dictés par la volonté de faire condamner D.________ que par un élan de sincérité et que trop d'incohérences et de contradictions subsistaient.
1.3.1. Le recourant reproche à la cour cantonale de ne s'être pas contentée d'examiner si les éléments invoqués rendaient vraisemblable une modification de sa condamnation mais d'avoir procédé à un nouvel examen du fond de l'affaire. Il ne prétend toutefois pas que la cour cantonale aurait méconnu la notion de vraisemblance ou l'aurait mal interprétée et aurait exigé un degré supérieur de crédibilité. On ne voit dès lors pas en quoi le fait que la cour cantonale ait analysé de manière approfondie les éléments dont elle disposait constituerait une violation du droit fédéral.
1.3.2. Le recourant se plaint d'arbitraire; il soutient que l'appréciation faite par la cour cantonale des déclarations de E.________ est purement subjective et fondée sur des a priori et des jugements de valeur.
Le Tribunal fédéral n'est pas une autorité d'appel, auprès de laquelle les faits pourraient être rediscutés librement. Il est lié par les constatations de fait de la décision entreprise (cf. art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles n'aient été établies en violation du droit ou de manière manifestement inexacte au sens des art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF, soit pour l'essentiel de façon arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. La notion d'arbitraire a été rappelée récemment dans l'ATF 142 II 369 consid. 4.3 p. 380, auquel on peut se référer. En matière d'appréciation des preuves et d'établissement des faits, il n'y a arbitraire que lorsque l'autorité ne prend pas en compte, sans aucune raison sérieuse, un élément de preuve propre à modifier la décision, lorsqu'elle se trompe manifestement sur son sens et sa portée, ou encore lorsque, en se fondant sur les éléments recueillis, elle en tire des constatations insoutenables (ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266 et les références citées). Le Tribunal fédéral n'entre en matière sur les moyens fondés sur la violation de droits fondamentaux que s'ils ont été invoqués et motivés de manière précise (art. 106 al. 2 LTF). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 p. 253).
er §). Elle relève en outre que, pendant plus de 10 ans, E.________ avait toujours nié avoir participé à un quelconque brigandage avant de reconnaître, au moment où il avait déjà pratiquement purgé l'intégralité de sa peine, en avoir commis plusieurs.
Ces éléments, qui ne sont pas contestés, suffisent pour faire admettre que les aveux de E.________ sont sujets à caution, de sorte que les constatations de la cour cantonale à ce propos n'ont rien d'insoutenable. Peu importe que la cour cantonale ait ensuite supputé les motifs pour lesquels les relations entre les protagonistes avaient pu se modifier, les amenant à faire de nouvelles déclarations.
1.3.3. Le recourant reproche par ailleurs à la cour cantonale de ne pas avoir examiné les nouvelles affirmations de E.________ à la lumière des autres éléments du dossier. Selon lui, elles concordent avec celles d'autres personnes-clé du brigandage litigieux. Il se prévaut dans ce contexte de déclarations de D.________, de F.________ ainsi que du recourant lui-même, qui ne permettent toutefois pas de remettre en question l'appréciation de la cour cantonale. En effet, il ressort du jugement attaqué ( 
1.3.4. Il ressort de ce qui précède que la cour cantonale pouvait à l'issue d'une appréciation anticipée des preuves qui résiste au grief d'arbitraire, considérer que les aveux dont se prévaut le recourant n'apparaissent pas, même sous l'angle de la vraisemblance, suffisamment crédibles pour remettre en question les constatations sur lesquelles repose sa condamnation. Dans ces circonstances, le rejet de sa demande de révision au motif que le moyen de preuve invoqué n'est pas de nature à motiver son acquittement ou une condamnation sensiblement moins sévère ne viole pas l'art. 410 al. 2 CPP et c'est en vain que le recourant soutient que la phase du rescisoire était nécessaire.
2. Mal fondé, le recours doit être rejeté. Comme les conclusions du recours étaient dépourvues de chances de succès, l'assistance judiciaire ne peut être accordée (art. 64 al. 1 LTF). Par conséquent, le recourant, qui succombe, supportera les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF), dont le montant sera toutefois fixé en tenant compte de sa situation financière qui n'apparaît pas favorable.
 
 Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'200 fr., sont mis à la charge du recourant.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et à la Cour pénale du Tribunal cantonal du canton du Jura.
Lausanne, le 14 juin 2017
Au nom de la Cour de droit pénal
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Denys
La Greffière : Paquier-Boinay