BGer 2C_313/2018 |
BGer 2C_313/2018 vom 17.09.2018 |
2C_313/2018 |
Arrêt du 17 septembre 2018 |
IIe Cour de droit public |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Donzallaz et Haag.
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Greffier: M. Tissot-Daguette.
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Participants à la procédure
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X.________,
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recourante,
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contre
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Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève.
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Objet
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Impôts cantonal et communal 2014,
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recours contre l'arrêt de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève du 20 février 2018 (ATA/167/2018).
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Faits : |
A. Le 24 février 2016, X.________ a été taxée pour l'impôt fédéral direct (ci-après: IFD) et les impôts cantonal et communal (ci-après: ICC) de l'année 2014. L'Administration fiscale cantonale de la République et canton de Genève (ci-après: l'Administration fiscale) a en particulier refusé une déduction sociale à titre de charge de famille pour la soeur de la contribuable, née en 1987 et domiciliée à Genève, au motif que celle-ci ne remplissait pas les critères de "proche nécessiteux" prévus par la loi.
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B. Sur réclamation de l'intéressée du 29 mars 2016, l'Administration fiscale, par décision du 27 avril 2016, a accordé une charge de famille en matière d'IFD, mais a refusé cette charge pour l'ICC. Le 30 mai 2016, X.________ a contesté cette décision sur réclamation auprès du Tribunal administratif de première instance de la République et canton de Genève (ci-après: le Tribunal administratif de première instance). Celui-ci, par jugement du 22 mai 2017, a rejeté le recours. Le 30 juin 2017, l'intéressée a interjeté un recours auprès de la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève (ci-après: la Cour de justice) contre ce prononcé. Par arrêt du 20 février 2018, la Cour de justice a rejeté le recours.
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C. Dans un acte intitulé " Recours de droit public ", X.________ demande au Tribunal fédéral, outre l'assistance judiciaire et l'effet suspensif, d'annuler l'arrêt de la Cour de justice du 20 février 2018 et de lui reconnaître une charge complète de famille pour l'ICC 2014, subsidiairement une demi-charge; plus subsidiairement, elle demande le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision lui reconnaissant une charge complète de famille ou à tout le moins une demi-charge. Elle se plaint d'une mauvaise application du droit cantonal et de violations du droit fédéral.
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Par ordonnance du 7 mai 2018, le Président de la IIe Cour de droit public du Tribunal fédéral a admis la requête d'effet suspensif.
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La Cour de justice persiste dans les considérants et le dispositif de son arrêt. L'Administration fiscale conclut au rejet du recours. L'Administration fédérale des contributions renonce à se déterminer.
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Considérant en droit : |
1. La décision attaquée relève du droit public et aucune des exceptions prévues à l'art. 83 LTF n'est réalisée, de sorte que la voie du recours en matière de droit public est ouverte sur la base de l'art. 82 let. a LTF. Déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 al. 1 et 2 LTF), le recours est dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (cf. art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF). Par ailleurs, la recourante, qui a participé à la procédure devant l'autorité précédente, est particulièrement atteinte par la décision entreprise en tant que contribuable et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification. Elle a ainsi qualité pour recourir (cf. art. 89 al. 1 LTF). Bien que l'institution du "recours de droit public" devant le Tribunal fédéral ait disparu avec l'entrée en vigueur de la LTF au 1 er janvier 2007, la dénomination erronée employée par la recourante ne saurait lui nuire, dans la mesure où, comme en l'espèce, son acte répond aux exigences de la voie de droit à disposition (ATF 138 I 367 consid. 1.1 p. 370; 133 I 300 consid. 1.2 p. 302 s.). Il convient, dès lors, d'entrer en matière sur le recours.
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2. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF (ATF 142 I 155 consid. 4.4.3 p. 156). Le recourant ne peut critiquer les constatations de fait ressortant de la décision attaquée que si celles-ci ont été effectuées en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte, c'est-à-dire arbitraire, et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358). Conformément à l'art. 106 al. 2 LTF, le recourant doit expliquer de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées. Les faits et les critiques invoqués de manière appellatoire sont irrecevables (ATF 141 IV 369 consid. 6.3 p. 375). Par ailleurs, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut en principe être présenté devant le Tribunal fédéral (art. 99 al. 1 LTF).
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3.
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3.1. D'après l'art. 106 al. 1 LTF, le Tribunal fédéral applique le droit d'office. Il examine en principe librement l'application du droit fédéral ainsi que la conformité du droit cantonal harmonisé et de son application par les instances cantonales aux dispositions de la loi du 14 décembre 1990 sur l'harmonisation des impôts directs des cantons et des communes (LHID; RS 642.14).
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Cependant, lorsque les dispositions de la LHID laissent une certaine marge de manoeuvre aux cantons, l'examen de l'interprétation du droit cantonal est limité à l'arbitraire (ATF 134 II 207 consid. 2 p. 210); les griefs doivent alors être motivés conformément aux exigences accrues de l'art. 106 al. 2 LTF. Cette disposition reprend le principe d'allégation (" Rügeprinzip "), selon lequel l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation (ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41; 139 I 229 consid. 2.2 p. 232). Le recourant ne saurait se contenter de soulever de vagues griefs ou de renvoyer aux actes cantonaux. Le Tribunal fédéral n'a pas à vérifier de lui-même si l'acte entrepris est en tous points conforme au droit et à l'équité (ATF 136 II 304 consid. 2.5 p. 314 et les références citées).
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3.2. L'art. 9 LHID traite des déductions pouvant être défalquées du revenu imposable et les énumère. Plus particulièrement, l'art. 9 al. 4 LHID prévoit que les déductions pour enfants et autres déductions sociales de droit cantonal sont réservées. La teneur de cet alinéa laisse ainsi une grande marge de manoeuvre au législateur cantonal dans la mise en place de ces déductions (cf. art. 1 al. 3 LHID; arrêt 2C_287/2015 du 23 juillet 2015 consid. 3.2 et les références citées), qui relèvent donc du droit cantonal autonome. Tel est le cas de l'art. 39 al. 1 de la loi genevoise du 27 septembre 2009 sur l'imposition des personnes physiques (LIPP/GE; RSGE D 3 08; cf. arrêt 2C_327/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.2), selon lequel est déduit du revenu net annuel 10'000 fr. pour chaque charge de famille dès la période fiscale 2011 (déduction de 5'000 fr. en cas de demi-charge), et de l'art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE, qui précise sous le titre "proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins" que constituent notamment une charge de famille les ascendants et descendants (autres que les enfants mineurs et les enfants majeurs), frères, soeurs, oncles, tantes, neveux et nièces, incapables de subvenir entièrement à leurs besoins, qui n'ont pas une fortune supérieure à 87'500 fr. ni un revenu annuel supérieur à 15'333 fr. (charge entière) ou à 23'000 fr. (demi-charge), pour celui de leur proche qui pourvoit à leur entretien.
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3.3. En l'occurrence, la Cour de justice, appliquant sa jurisprudence constante relative à l'art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE et plus particulièrement à la notion de "proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins", a jugé que la recourante ne pouvait pas prétendre à une déduction, sa soeur, à qui une prolongation de l'autorisation de séjour a été refusée et qui ne pouvait de ce fait plus travailler en Suisse, n'entrant pas dans cette notion. Elle a en effet rappelé que les cas dans lesquels un proche nécessiteux pouvait constituer une charge de famille se référaient à une incapacité de la personne à gagner sa vie en raison de son âge ou d'une déficience qui lui est propre, qu'elle soit physique, psychique ou intellectuelle. L'autorité précédente a ajouté qu'un simple obstacle administratif ne permet pas de considérer la personne en cause comme un proche nécessiteux, comme le fait de poursuivre des études ou l'incapacité de trouver un emploi.
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La recourante est quant à elle d'avis que la Cour de justice a fait une mauvaise application de l'art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE. Elle estime en outre que l'arrêt entrepris viole l'art. 127 Cst. en tant qu'il institue une situation discriminatoire. Selon elle, en " la comparant à ce qui n'est pas comparable, soit aux célibataires sans enfants ou membres de famille à charge ou aux parents dont les enfants majeurs en formation n'ont aucun problèmes d'accès au marché du travail, on viole l'art. 127 Cst. ". Elle se plaint en outre d'une violation de l'art. 7 Cst., l'arrêt contesté ne respectant pas la dignité humaine, d'une violation de l'art. 8 Cst., en tant que la situation dans laquelle elle se trouve est discriminatoire, ainsi que de violations des art. 9, 10 et 12 Cst.
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3.4. En l'occurrence, il est plus que douteux que la motivation de la recourante relative à l'arbitraire dans l'application de l'art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE par la Cour de justice remplisse les conditions de l'art. 106 al. 2 LTF. Quand bien même il faudrait reconnaître une motivation suffisante, force serait de constater que l'application faite par l'autorité précédente de l'art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE n'est aucunement arbitraire. La Cour de justice a expliqué de manière pleinement soutenable que la notion de "proches incapables de subvenir entièrement à leurs besoins" doit être interprétée de manière stricte. Pour ce faire, elle s'est notamment fondée sur la jurisprudence développée en relation avec l'art. 14 al. 5 let. c de l'ancienne loi genevoise du 22 septembre 2000 sur l'imposition des personnes physiques (aLIPP-V/GE), dont la teneur était semblable à l'actuel art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE et qui se fondait déjà sur une disposition plus ancienne, aux travaux préparatoires du Conseil d'Etat de la République et canton de Genève relatifs à cette dernière disposition (projet de loi n° 7532 sur l'imposition des personnes physiques du 8 novembre 1996) et au travaux préparatoires relatifs à l'art. 39 LIPP/GE (cf. MGC 2008-2009/IX A 11652). Selon ces derniers, la notion ici disputée se réfère à une incapacité de la personne à gagner sa vie en raison de son âge ou d'une déficience qui lui est propre, qu'elle soit physique, psychique ou intellectuelle, tel que cela ressort de la jurisprudence cantonale constante rendue en la matière et dont il n'y a pas lieu de s'écarter. Ainsi, c'est sans arbitraire que la Cour de justice a considéré qu'une personne qui ne présente aucune déficience particulière ne peut pas constituer un "proche nécessiteux" au sens de l'art. 39 al. 2 let. c LIPP/GE. Retenir qu'un simple obstacle administratif ne permet pas de considérer la personne en cause comme un "proche nécessiteux", comme le fait de poursuivre des études ou l'incapacité de trouver un emploi, est donc pleinement soutenable. Au demeurant, comme l'a déjà jugé le Tribunal fédéral en relation avec cette disposition de droit cantonal, on ne saurait exiger du législateur qu'il renonce totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation (cf. arrêt 2C_327/2016 du 23 mai 2016 consid. 5).
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3.5. La recourante fait en outre valoir que l'arrêt entrepris viole diverses dispositions constitutionnelles.
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3.5.1. Citant les art. 8 et 127 Cst., elle invoque une violation du principe de l'égalité de traitement.
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En vertu de l'art. 127 al. 2 Cst., dans la mesure où la nature de l'impôt le permet, les principes de l'universalité, de l'égalité de traitement et de la capacité économique doivent, en particulier, être respectés. En vertu des principes de l'égalité d'imposition et de l'imposition selon la capacité contributive, les contribuables qui sont dans la même situation économique doivent supporter une charge fiscale semblable; lorsqu'ils sont dans des situations de faits différentes qui ont des effets sur leur capacité économique, leur charge fiscale doit en tenir compte et être adaptée. Ainsi, d'après le principe de la proportionnalité de la charge fiscale à la capacité contributive, chaque citoyen doit contribuer à la couverture des dépenses publiques compte tenu de sa situation personnelle et en proportion de ses moyens (ATF 140 II 157 consid. 7.1 p. 160 s. et les références citées).
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En l'espèce, on ne voit pas en quoi ce principe ne serait pas respecté. La recourante ne peut certes pas déduire de son revenu une charge de famille au sens de l'art. 39 al. 1 LIPP/GE. Il en va toutefois de même des autres contribuables qui, comme elle, donnent de l'argent à un proche ne pouvant subvenir à ses besoins en raison d'un obstacle de nature administrative. On ne saurait dès lors parler d'inégalité de traitement, puisque des situations économiques semblables sont traitées de la même manière. Le fait qu'elle se soit effectivement acquittée de diverses sommes d'argent pour que sa soeur puisse subvenir à ses besoins n'a pas d'incidence en l'espèce. Celle-ci ne présentait aucune déficience l'empêchant de subvenir elle-même à ses besoins et, si elle ne pouvait effectivement pas travailler en Suisse faute d'autorisation, rien ne l'empêchait de trouver un travail à l'étranger, en particulier dans son pays d'origine, et d'y attendre la décision de police des étrangers (cf. art. 17 al. 1 LEtr [RS 142.20]).
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3.5.2. Dans la mesure où la recourante se plaint d'une violation de l'art. 7 Cst., qui dispose que la dignité humaine doit être respectée et protégée, son grief ne peut qu'être écarté. Elle n'explique en effet aucunement, ou à tout le moins pas de manière suffisante (cf. art. 106 al. 2 LTF), en quoi la confirmation du refus, par l'autorité précédente, de déduire une charge de famille constituerait une violation de cette disposition. Le simple fait d'affirmer que la contraindre à payer une somme dont elle ne dispose plus parce qu'elle l'a investie pour nourrir un être humain n'est aucunement suffisant. Par sa motivation en relation avec l'art. 7 Cst., mais également en relation avec les art. 10 (droit à la vie et liberté personnelle) et 12 Cst. (droit d'obtenir de l'aide dans des situations de détresse), la recourante cherche bien plus à démontrer que la situation de sa soeur en matière de police des étrangers est incompatible avec ces dispositions, ce qui ne fait nullement l'objet de la présente procédure.
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3.5.3. Dans ces conditions, en tant que la recourante se plaint de violation des art. 7, 8, 10, 12 et 127 Cst., ses griefs doivent être écartés.
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4. Sur le vu des considérants qui précèdent, le recours est rejeté. Le recours étant d'emblée dénué de chances de succès, la demande d'assistance judiciaire est rejetée (art. 64 al. 1 LTF). Succombant, la recourante doit supporter les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Il n'est pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est rejeté.
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2. La demande d'assistance judiciaire est rejetée.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 1'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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4. Le présent arrêt est communiqué à la recourante, à l'Administration fiscale cantonale et à la Chambre administrative de la Cour de justice de la République et canton de Genève, ainsi qu'à l'Administration fédérale des contributions.
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Lausanne, le 17 septembre 2018
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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Le Greffier : Tissot-Daguette
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