BGer 5A_75/2019
 
BGer 5A_75/2019 vom 19.02.2019
 
5A_75/2019
 
Arrêt du 19 février 2019
 
IIe Cour de droit civil
Composition
MM. les Juges fédéraux Herrmann, Président,
von Werdt et Schöbi.
Greffière : Mme Gauron-Carlin.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Franck Ammann, avocat,
recourant,
contre
B.________,
représentée par Me Alain Sauteur, avocat,
intimée.
Objet
action alimentaire (irrecevabilité de l'appel),
recours contre l'arrêt du Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 10 janvier 2019 (JI16.012788-190050 11).
 
Considérant en fait et en droit :
1. Par arrêt du 10 janvier 2019, le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a déclaré irrecevable - faute de motivation et de conclusions suffisantes - le recours interjeté le 20 décembre 2018 par A.________ à l'encontre du jugement rendu le 7 décembre 2018 par la Présidente du Tribunal civil de l'arrondissement de Lausanne admettant notamment l'action alimentaire déposée par la mineure B.________ contre A.________, fixant le montant de l'entretien convenable de B.________ et condamnant A.________ à contribuer à l'entretien de sa fille B.________.
Le Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a retenu que l'acte d'appel se limitait à déclarer un désaccord avec le jugement de première instance, sans présenter ni conclusion, ni argumentation relative à la prétendue violation du droit par le premier juge.
2. Par acte du 25 janvier 2019, A.________ exerce un recours en matière civile et un recours constitutionnel subsidiaire au Tribunal fédéral, tendant à l'annulation de l'arrêt déféré et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle entre en matière sur son appel déposé le 25 janvier 2019. Au préalable, le recourant sollicite l'octroi de l'effet suspensif à son recours.
Dans son mémoire, le recourant fait valoir la violation de l'interdiction du formalisme excessif (art. 29 al. 1 Cst., art. 52 CPC), la violation de l'interdiction de l'arbitraire (art. 9 Cst.) et la violation de l'art. 56 CPC, exposant que le juge cantonal est parti à tort du principe que le courrier du 20 décembre 2018 consistait en un acte d'appel, alors qu'il s'agissant d'une demande de prolongation de délai en vue de déposer ultérieurement un acte d'appel. Dès lors que le délai légal pour déposer un appel courrait jusqu'au 25 janvier 2019, le juge a violé le droit en rendant une décision d'irrecevabilité sans interpeller l'appelant et avant cette échéance, à savoir le 10 janvier 2019, puisqu'un acte d'appel a été effectivement déposé dans le délai légal.
Par déterminations du 14 février 2019, l'intimée - représentée par sa mère, C.________ - a déclaré s'en remettre à justice, précisant refuser que des frais soient mis à sa charge, n'étant pas informée de l'introduction d'un appel et ne recevant aucune contribution d'entretien de son père depuis plusieurs années.
Le juge précédent a déclaré se référer aux considérants de son arrêt.
3. La voie du recours en matière civile étant ouverte, le recours constitutionnel interjeté simultanément à titre subsidiaire est d'emblée irrecevable (art. 113 LTF).
3.1. Le principe de la bonne foi (art. 2 al. 1 CC) et l'interdiction de l'abus de droit (art. 2 al. 2 CC) sont des principes fondamentaux de l'ordre juridique suisse (art. 5 al. 3 Cst.). Ils s'appliquent aussi en procédure civile (ATF 132 I 249 consid. 5; 128 III 201 consid. 1c; 123 III 220 consid. 4d), loi dans laquelle ce principe est désormais codifié à l'art. 52 CPC. Il s'adresse à tous les participants au procès, parties et juge (ATF 132 I 249 consid. 5).
Une décision est qualifiée d'arbitraire (art. 9 Cst.) si elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 142 II 369 consid. 4.3; 141 III 564 consid. 4.1 et les références).
En vertu de l'art. 311 al. 1 CPC, le recours doit être interjeté dans un délai non prolongeable de 30 jours. Le délai légal d'appel ne peut pas être prolongé par l'envoi d'une déclaration d'appel annonçant un mémoire motivé ultérieur (SPÜHLER, Basler Kommentar zum schweizerische Zivilprozessordnung, 2ème éd., N. 18 ad art. 311 CPC). Cependant, l'envoi d'un acte d'appel n'épuise pas le droit de faire appel. En effet, une fois l'appel introduit, l'appelant conserve le droit de produire des compléments à son écriture, pour autant que ces écritures soient introduites dans le délai d'appel (VERDA CHIOCCHETTI, Commentario pratico al Codice di diritto processuale civile svizzero, vol. 2, 2ème éd., N. 42 ad art. 311 CPC). A cet égard, la réglementation relative à la suspension des délais de l'art. 145 CPC est applicable en procédure d'appel également (MATHYS, Schweizerische Zivilprozessordnung (ZPO), Baker & McKenzie (éd.), N. 5 ad art. 311 CPC). Un acte d'appel introduit tardivement est sanctionné par la non-entrée en matière sur celui-ci (MATHYS, op. cit., N. 7 ad art. 311 CPC).
3.2. En l'occurrence, il n'apparaît pas que le courrier du recourant du 20 décembre 2018 dût être considéré comme un appel par le juge précédent, dès lors que cet écrit, adressé au tribunal de première instance et transmis à la cour cantonale comme objet de sa compétence, se limitait à annoncer un appel et à requérir une prolongation de délai à cet effet, sans autre précision. Même à considérer que la lettre du 20 décembre 2018 consistait en un appel formellement irrecevable, le juge cantonal devait attendre l'échéance du délai d'appel de 30 jours avant de statuer et de refuser d'entrer en matière, dès lors que l'appelant demeure libre de compléter son écriture jusqu'à cette échéance (cf. 
4. Vu ce qui précède, le recours doit être admis en procédure simplifiée (art. 109 al. 2 let. b LTF), la décision attaquée annulée et la cause renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision, ce qui rend la requête d'effet suspensif sans objet.
Vu l'issue du litige, les parties n'ont pas à supporter de frais de justice. Le canton de Vaud n'a pas non plus à supporter de frais judiciaires (art. 66 al. 4 LTF; arrêt 5A_39/2014 du 12 mars 2014 consid. 5, non publié à l'ATF 140 III 167). Cependant, le canton de Vaud versera une indemnité de dépens au recourant qui obtient gain de cause avec l'assistance d'un avocat (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est admis, l'arrêt attaqué est annulé et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision.
2. Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
3. Une indemnité de 1'000 fr. à payer au recourant à titre de dépens est mise à la charge du canton de Vaud.
4. Le présent arrêt est communiqué aux parties et au Juge délégué de la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
Lausanne, le 19 février 2019
Au nom de la IIe Cour de droit civil
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Herrmann
La Greffière : Gauron-Carlin