BGer 2C_233/2019 |
BGer 2C_233/2019 vom 29.08.2019 |
2C_233/2019 |
Arrêt du 29 août 2019 |
IIe Cour de droit public |
Composition
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MM. et Mme les Juges fédéraux Seiler, Président,
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Aubry Girardin et Stadelmann.
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Greffière : Mme Kleber.
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Participants à la procédure
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Administration fédérale des contributions, Division principale de la taxe sur la valeur ajoutée,
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recourante,
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contre
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Parking Plaine de Plainpalais SA,
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représentée par Serge Leuenberger,
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intimée.
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Objet
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Taxe sur la valeur ajoutée (TVA); subvention,
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recours contre l'arrêt du Tribunal administratif fédéral, Cour I, du 30 janvier 2019 (A-3156/2017).
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Faits : |
A. |
A.a. La société Parking Plaine de Plainpalais SA (ci-après: la société ou l'assujettie) a son siège à Genève. Inscrite au registre du commerce le 3 juillet 1968, elle a pour but, entre autres, l'étude, le financement, la construction et l'exploitation de parcs pour voitures pouvant comprendre des garages et des stations-services (extrait du Registre du commerce du canton de Genève du 6 juin 2017). Elle est immatriculée au registre des assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après: TVA) tenu par l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) depuis le 1
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A.b. Par convention des 22 et 30 juin 1978 (ci-après: la convention), la Ville de Genève a constitué, sur une parcelle lui appartenant, un droit de superficie en faveur de la société, permettant à celle-ci d'établir, maintenir et exploiter un parking souterrain.
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Cette convention prévoit notamment, à son article 6, que "considérant l'intérêt public de l'ouvrage et les risques économiques encourus par la superficiaire" (cf. art. 105 al. 2 LTF), la Ville de Genève renonce à percevoir une rente de superficie tant et aussi longtemps que les investissements de la superficiaire et des prêteurs ne sont pas rentés et amortis suivant certaines modalités. Le moment à partir duquel la rente devient exigible se détermine selon un calcul effectué sur la base des comptes de la bénéficiaire de la servitude. Il est prévu que si les dépenses dépassent les recettes brutes, le déficit est ajouté aux charges de l'exercice suivant. Dans le cas contraire, la différence positive est premièrement affectée au remboursement des emprunts, des dettes chirographaires et du capital social et aucune rente n'est perçue avant leur remboursement intégral. Selon la convention, le retour des constructions à l'expiration du droit de superficie s'opérera sans contrepartie. Initialement prévue pour 35 ans (jusqu'en 2013), la convention a été modifiée les 1 er février et 17 mars 1999 et le droit de superficie prolongé jusqu'en 2043 (cf. art. 105 al. 2 LTF).
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Au 2 mai 2017, aucune rente de superficie n'avait encore été perçue par la Ville de Genève.
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B. |
B.a. A la suite d'un contrôle effectué le 26 mai 2015 et portant sur les périodes fiscales allant du 1
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Par courrier du 18 décembre 2015, l'assujettie a contesté le mode de détermination de la rente de superficie fondé sur la taxe professionnelle communale. Sur la base d'un autre mode de calcul de la rente, fondé sur un montant de 50 fr. par mètre carré avec un rendement de 5 % (de surface extérieure exploitée ou de surface totale utilisée), elle a proposé qu'un montant annuel fixe de 25'000 fr. soit retenu à titre de rente de superficie.
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Le 2 mai 2016, l'Administration fédérale a communiqué à l'assujettie son intention de fixer le montant de la rente de superficie sur la base de la convention de superficie, sans tenir compte du déficit reporté. Par courrier du 26 mai 2016, l'assujettie a contesté cette méthode de calcul.
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B.b. Par décision du 28 juin 2016, confirmée sur réclamation par décision du 2 mai 2017, l'Administration fédérale a fixé les créances fiscales pour les années 2010 à 2013 à, respectivement, 203'082 fr., 114'997 fr., 186'001 fr. et 198'943 fr. (art. 105 al. 2 LTF) et la correction de l'impôt en sa faveur à 44'565 fr.
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Contre la décision sur réclamation du 2 mai 2017, l'assujettie a formé un recours auprès du Tribunal administratif fédéral. Par arrêt du 30 janvier 2019, celui-ci a admis le recours, annulé la décision sur réclamation du 2 mai 2017 et renvoyé le dossier à l'Administration fédérale, " afin qu'elle se prononce sur la TVA éventuellement due sur le retour des constructions et quant au sort du montant déjà versé par la recourante". En substance, le Tribunal administratif fédéral a retenu que la renonciation par la Ville de Genève à percevoir une rente superficiaire pendant les années litigieuses n'était pas constitutive d'une subvention, car l'octroi gratuit du droit de superficie se trouvait dans un rapport d'échange avec le retour sans indemnité des constructions à l'échéance de la convention. Selon le Tribunal administratif fédéral, la reprise effectuée par l'Administration fédérale devait partant être annulée.
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C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, l'Administration fédérale demande au Tribunal fédéral, sous suite de frais et dépens, d'annuler l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 janvier 2019 et de dire que les montants non encaissés à titre de rente superficiaire par la Ville de Genève constituent des subventions, ce qui entraîne une réduction de la déduction de l'impôt préalable auprès de l'intimée. Elle conclut en outre, principalement, à la confirmation de la valeur des subventions qu'elle a retenue et, subsidiairement, au renvoi de la cause au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue sur cette valeur.
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Le Tribunal administratif fédéral, qui se réfère intégralement à son arrêt, indique ne pas avoir d'observations à formuler. La société conclut, sous suite de frais et dépens, principalement à la confirmation de l'arrêt entrepris et, subsidiairement, à la confirmation qu'aucune subvention n'existe en sa faveur tant et aussi longtemps que le résultat d'exploitation annuel, calculé sur la base d'une lecture intégrale de la convention, est négatif.
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Considérant en droit : |
Erwägung 1 |
1.1. L'arrêt entrepris, qui concerne le domaine de la TVA, a été rendu par le Tribunal administratif fédéral (art. 86 al. 1 let. a LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), qui ne tombe pas sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF. Il peut donc en principe faire l'objet d'un recours en matière de droit public.
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Erwägung 1.2 |
1.2.1. Le recours au Tribunal fédéral est ouvert contre les décisions finales et partielles visées par les art. 90 et 91 LTF. Le recours est aussi recevable contre les décisions incidentes concernant la compétence et la récusation visées par l'art. 92 LTF. Contre d'autres décisions incidentes, un recours séparé n'est recevable qu'aux conditions restrictives prévues à l'art. 93 al. 1 LTF.
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Un arrêt de renvoi constitue en principe une décision incidente (ATF 138 I 143 consid. 1.2 p. 148) contre laquelle le recours au Tribunal fédéral n'est ouvert qu'aux conditions des art. 92 et 93 LTF, à moins que l'autorité à laquelle l'affaire est renvoyée n'ait aucune marge de manoeuvre (cf. ATF 138 I 143 consid. 1.2 p. 148; 135 V 141 consid. 1.1 p. 143). En vertu de l'art. 93 al. 1 LTF, les décisions incidentes notifiées séparément peuvent faire l'objet d'un recours immédiat au Tribunal fédéral si elles peuvent causer un préjudice irréparable (let. a), ou si l'admission du recours peut conduire immédiatement à une décision finale qui permet d'éviter une procédure probatoire longue et coûteuse (let. b). Selon la jurisprudence, une autorité qui serait tenue, à la suite d'une décision de renvoi, de rendre une nouvelle décision qui, de son point de vue, serait contraire au droit, sans pouvoir par la suite la remettre en cause devant l'instance supérieure, est réputée subir un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF (ATF 141 V 330 consid. 1.2 p. 332; 138 V 106 consid. 1.2 p. 109).
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1.2.2. En l'occurrence, l'arrêt entrepris est un arrêt de renvoi et donc une décision incidente dans la mesure où le Tribunal administratif fédéral a annulé la décision sur réclamation du 2 mai 2017 et renvoyé le dossier à l'Administration fédérale pour nouvelle décision, tout en lui laissant une marge de manoeuvre sur les montants dus.
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D'après les instructions obligatoires du Tribunal administratif fédéral, l'Administration fédérale doit se prononcer sur la TVA éventuellement due sur le retour des constructions à la Ville de Genève - qui aura lieu à l'échéance de la convention en 2043 - et sur le sort du montant déjà versé par l'assujettie. Comme le relève la recourante, elle n'aura d'autre choix dans ce cadre que de considérer, comme le retient l'arrêt de renvoi, que le retour des constructions est dans un rapport d'échange avec le droit de superficie octroyé par la Ville de Genève. Elle devrait donc, à la suite de la décision de renvoi, rendre une nouvelle décision qui, de son point de vue, serait contraire au droit, sans pouvoir par la suite remettre en cause ce point devant l'instance supérieure, ce qui constitue, selon la jurisprudence, un préjudice irréparable ouvrant le recours immédiat au Tribunal fédéral.
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1.3. Au surplus, le recours a été formé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes prescrites (art. 42 LTF), par l'Administration fédérale, qui a la qualité pour recourir (art. 89 al. 2 let. a LTF) en vertu de l'art. 141 de l'ordonnance du 27 novembre 2009 régissant la taxe sur la valeur ajoutée (OTVA; RS 641.201; arrêt 2C_153/2013 du 16 août 2013 consid. 1.3, non publié in ATF 139 II 460). Il est donc recevable et il convient d'entrer en matière.
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Erwägung 2 |
2.1. Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet alinéa, le Tribunal fédéral n'examine la violation de droits fondamentaux que si ce grief a été invoqué et motivé par la partie recourante, à savoir exposé de manière claire et détaillée (cf. ATF 141 I 36 consid. 1.3 p. 41).
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2.2. Le Tribunal fédéral fonde son raisonnement juridique sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), hormis dans les cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Le recours ne peut critiquer les constatations de fait que si les faits ont été établis de façon manifestement inexacte - notion qui correspond à celle d'arbitraire - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF; ATF 142 II 355 consid. 6 p. 358; 139 II 373 consid. 1.6 p. 377).
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2.3. En outre, aucun fait nouveau ni preuve nouvelle ne peut être présenté devant le Tribunal fédéral à moins de résulter de la décision de l'autorité précédente (art. 99 al. 1 LTF). L'exclusion des faits et moyens de preuve nouveaux est la règle. Le Tribunal fédéral est juge du droit et non du fait. Cette règle connaît une exception lorsque c'est la décision de l'autorité précédente qui, pour la première fois, a rendu pertinents ces faits ou moyens de preuve (ATF 139 III 120 consid. 3.1.2 p. 123).
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2.3.1. La recourante produit pour la première fois devant le Tribunal fédéral des exemples de conventions octroyant à des tiers des droits de superficie en lien avec des parkings, afin de démontrer que, contrairement à ce qu'a retenu le Tribunal administratif fédéral, l'octroi gratuit du droit de superficie n'est pas dans un rapport d'échange avec le retour gratuit des constructions à l'expiration de ce droit. Elle fait valoir que ces pièces sont recevables, car ce serait l'argumentation du Tribunal administratif fédéral qui aurait rendu leur production pertinente.
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2.3.2. Ainsi qu'il sera vu ci-après (cf.
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3. Invoquant l'art. 29 al. 2 Cst., la recourante estime qu'elle ne pouvait pas s'attendre à ce que le Tribunal administratif fédéral nie l'existence d'une subvention, car elle-même avait toujours considéré que la renonciation par la Ville de Genève à prélever une rente superficiaire était une subvention et l'assujettie n'avait jamais remis en cause cette qualification. En ne lui donnant pas l'occasion de se prononcer sur cette question avant de rendre son arrêt, le Tribunal administratif fédéral aurait violé son droit d'être entendue.
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3.1. Le droit d'être entendu garanti par l'art. 29 al. 2 Cst. comprend notamment le droit pour toute partie de s'exprimer sur les éléments pertinents avant qu'une décision ne soit prise touchant sa situation juridique (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 170 s.; 142 III 48 consid. 4.1.1 p. 52 ss; 140 I 285 consid. 6.3.1 p. 298 s. et les arrêts cités). Le droit d'être entendu se rapporte surtout à la constatation des faits. Le droit des parties d'être interpellées sur des questions juridiques n'est reconnu que de manière restreinte (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 171). L'autorité n'a en principe pas à soumettre par avance aux parties, pour prise de position, le raisonnement qu'elle entend tenir (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 171; arrêt 2C_654/2018 du 20 février 2019 consid. 4.2). Cependant, lorsqu'elle envisage de fonder sa décision sur une norme ou un motif juridique non évoqué dans la procédure antérieure et dont aucune des parties en présence ne s'est prévalue et ne pouvait supputer la pertinence, le droit d'être entendu implique de donner aux intéressés la possibilité de se déterminer à ce sujet (ATF 145 I 167 consid. 4.1 p. 171; 131 V 9 consid. 5.4.1 p. 26; 130 III 35 consid. 5 p. 39 s.; 128 V 272 consid. 5b/bb p. 278).
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3.2. En l'occurrence, il est vrai que, dans un premier temps, le litige a porté sur la manière de calculer le montant de la rente du droit de superficie, l'assujettie ne contestant pas que la renonciation par la Ville de Genève à percevoir une rente de superficie constituait une subvention. Cela étant, et comme le relève l'intimée, il résulte du dossier que celle-ci a fait valoir, dans un second temps, que la Ville de Genève n'avait pas renoncé à une rente de superficie, mais seulement accepté d'en différer le paiement, et a ainsi contesté la qualification de subvention retenue par l'Administration fédérale. Celle-ci a d'ailleurs expressément relevé, dans sa décision du 28 juin 2016 figurant au dossier, que l'assujettie "mettait en cause l'existence de la subven-tion". La recourante est partant malvenue de prétendre avoir été prise au dépourvu par l'analyse du Tribunal administratif fédéral. On peut en outre relever que la qualification de la renonciation à une rente de superficie en tant que subvention était la prémisse nécessaire à la manière de calculer la rente, qui est au centre du désaccord entre les parties. Ce n'est en effet que dans la mesure où l'absence de rente de superficie constitue bel et bien une subvention que l'assujettie est tenue de réduire le montant de la déduction de l'impôt préalable en proportion de celle-ci (cf. art. 33 al. 2 de la loi fédérale régissant la taxe sur la valeur ajoutée du 12 juin 2009 [Loi sur la TVA, LTVA; RS 641.20]). Dès lors qu'il s'agit de la condition préalable de l'examen du montant de la réduction à opérer sur la déduction de l'impôt préalable, il n'était dans tous les cas pas surprenant que le Tribunal administratif fédéral s'assure que la renonciation à une rente constituait une subvention. Pour le surplus, son analyse s'est fondée sur la convention de superficie, dont l'intégralité figurait au dossier depuis le début de la procédure, ce qui n'est pas contesté. Le Tribunal administratif fédéral n'avait donc pas à interpeller la recourante pour qu'elle prenne position sur ce texte.
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3.3. Toujours sous l'angle du droit d'être entendu, la recourante reproche au Tribunal administratif fédéral d'avoir retenu que la TVA sur le retour des constructions ne faisait pas l'objet du litige, sans la consulter et après avoir pourtant conclu à l'existence d'un échange de prestations entre l'octroi gratuit du droit de superficie et le retour gratuit des constructions à l'échéance de la convention. Elle dénonce un défaut de motivation, le Tribunal administratif fédéral n'ayant fourni aucune explication à ce sujet.
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La jurisprudence a déduit du droit d'être entendu le devoir pour le juge de motiver sa décision, afin que le justiciable puisse la comprendre, la contester utilement s'il y a lieu et exercer son droit de recours à bon escient. Pour répondre à ces exigences, le juge doit mentionner, au moins brièvement, les motifs qui l'ont guidé et sur lesquels il a fondé sa décision, de manière à ce que l'intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l'attaquer en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 p. 565; 139 IV 179 consid. 2.2 p. 183).
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En l'espèce, le raisonnement du Tribunal administratif fédéral est suffisant pour qu'on le comprenne; la recourante parvient d'ailleurs à le critiquer en détail, ce qui montre qu'elle en a saisi la substance. Que ce raisonnement ne l'ait pas convaincue, comme elle l'explique dans son recours, relève d'une question de fond et non du droit d'être entendu.
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3.4. Sur le vu de ce qui précède, le grief tiré de la violation du droit d'être entendu est rejeté.
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4. Sur le fond, le litige porte sur la question de savoir si c'est à raison que le Tribunal administratif fédéral a retenu que la renonciation par la Ville de Genève à percevoir une rente de superficie pendant les périodes litigieuses ne constituait pas une subvention et que, partant, l'intimée n'avait pas à réduire en proportion la déduction de l'impôt préalable.
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Avant d'examiner les arguments des parties (consid. 7 et 8), il convient de rappeler les principes applicables du point de vue de la LTVA (consid. 5), mais aussi de présenter brièvement le régime du droit de superficie (consid. 6).
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Erwägung 5 |
5.1. Sont soumises à l'impôt grevant les opérations réalisées sur le territoire suisse les prestations fournies sur le territoire suisse par des assujettis moyennant une contre-prestation; ces prestations sont imposables pour autant que la LTVA ne l'exclue pas (art. 18 al. 1 LTVA). La prestation est le fait d'accorder à un tiers un avantage économique consommable dans l'attente d'une contre-prestation; constitue également une prestation celle qui est fournie en vertu de la loi ou sur réquisition d'une autorité (art. 3 let. c LTVA). La prestation peut aussi bien constituer en des livraisons de biens qu'en des prestations de services (art. 3 let. d et e LTVA).
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Pour qu'une prestation soit soumise à l'impôt, un échange de prestations est ainsi nécessaire. Il faut qu'un rapport existe entre la prestation et la contre-prestation, c'est-à-dire que la prestation engendre la contre-prestation (arrêts 2C_312/2017 du 8 mars 2018 consid. 4.3, in RDAF 2018 II 231; 2C_307/2016 du 8 décembre 2016 consid. 5.2, in Archives 85 500 [rés.]; cf. ATF 138 II 239 consid. 3.2 p. 241; 132 II 353 consid. 4.1 p. 356 s.). La pratique exige un "rapport économique étroit" (" innere wirtschaftliche Verknüpfung "; ATF 141 II 182 consid. 3.3 p. 187). Celui-ci se caractérise par l'existence de prestations de valeurs économiques égales (cf. ATF 141 II 182 consid. 3.3 p. 187; 140 I 153 consid. 2.5.1 p. 160), la loi et la jurisprudence n'exigeant cependant pas une équivalence absolue (cf. arrêt 2C_576/2013 du 20 décembre 2013 consid. 2.2.1, in RDAF 2014 II 375). Les rapports concrets entre les personnes concernées sont déterminants pour l'appréciation (arrêts 2C_312/2017 du 8 mars 2018 consid. 4.3; 2C_576/2013 du 20 décembre 2013 consid. 2.2.1 et les références citées).
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5.2. L'art. 18 al. 2 let. a LTVA exclut que "les subventions et autres contributions de droit public" puissent constituer une contre-prestation au sens exigé par la LTVA. L'assujetti qui reçoit de tels fonds doit réduire le montant de la déduction de l'impôt préalable en proportion (art. 33 al. 2 LTVA).
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5.3. Lorsque l'Etat verse une contribution en vue d'encourager et soutenir un certain comportement qui correspond à l'intérêt public, celle-ci constitue une subvention et il n'y a dès lors pas de place pour une imposition sous l'angle de la TVA (cf. ATF 141 II 182 consid. 3.5 p. 189; 140 I 153 consid. 2.5.5 p. 162; arrêts 2C_196/2012 du 10 décembre 2012 consid. 2.5; 2C_105/2008 du 25 juin 2008 consid. 3.2, in Archives 78 587; 2C_647/2007 du 7 mai 2008 consid. 3.1, in Archives 78 174; 2A.547/2002 du 26 mai 2004 consid. 2.3, in RDAF 2004 II 92). En revanche, lorsque l'Etat acquiert une prestation concrète et individualisée pour accomplir une tâche lui incombant, on est en présence d'un échange de prestations soumis à la TVA (cf. ATF 141 II 182 consid. 3.5 p. 189). Il est vrai que, même dans le cas d'une subvention, il est attendu du bénéficiaire de celle-ci une sorte de "contrepartie", à savoir qu'il se comporte d'une manière conforme au but d'intérêt public en vue duquel la subvention a été octroyée (cf. ATF 141 II 182 consid. 3.5 p. 189; 126 II 443 consid. 6c p. 453). Abstraction faite de cette "obligation de comportement" du bénéficiaire de la subvention, celle-ci a toutefois lieu sans contre-prestation au sens de la TVA. Le bénéficiaire n'a pas à fournir pour la subvention une prestation de valeur économique équivalente en faveur de la collectivité qui l'octroie (cf. ATF 126 II 443 consid. 6c p. 453; arrêts 2C_312/2017 du 8 mars 2018 consid. 4.4; 2C_647/2007 du 7 mai 2008 consid. 3.1; 2A.547/2002 du 26 mai 2004 consid. 2.3; 2A.233/1997 du 25 août 2000 consid. 6, in RDAF 2003 II 256). Comme il n'y a pas de lien économique étroit entre une subvention et une contre-prestation, il ne peut pas être question d'un échange de prestations (ATF 141 II 182 consid. 3.5 p. 189; cf. arrêt 2C_312/2017 du 8 mars 2018 consid. 4.4 et les références citées).
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5.4. La notion de subvention est en premier lieu un concept économique (ATF 126 II 443 consid. 6c p. 453), qui, sous l'angle de la TVA, doit être examiné
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Erwägung 6 |
6.1. Le droit de superficie est la servitude en vertu de laquelle une personne a la faculté d'avoir ou de faire des constructions, soit sur le fonds grevé, soit au-dessous (art. 779 al. 1 CC). Il donne ainsi le moyen de dissocier la propriété du fonds de la propriété des constructions qui s'y trouvent au moment de la constitution ou qui sont édifiées par la suite: en dérogation au principe de l'accession énoncé à l'art. 667 CC, ces constructions sont la propriété du titulaire du droit de superficie, conformément à l'art. 675 al. 1 CC (ATF 133 III 311 consid. 3.2.1 p. 315 s.). Même s'il peut être octroyé gratuitement, le droit de superficie est généralement accordé moyennant une contre-prestation, qui représente la rente du sol (cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, Tome III, 4e éd. 2012, n. 2545 et 2545a, p. 126-127; MARYSE PRADERVAND-KERNEN, La valeur du droit de superficie, in Bénédict Foëx [éd.], Droit de superficie et leasing immobilier, Genève 2011, p. 25 ss, p. 36; cf. arrêt 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 5.3, in StE 2012 B 73.11 1). D'un point de vue économique, la rente superficiaire constitue la rétribution pour l'usage de longue durée de l'immeuble (cf. ATF 101 Ib 329 consid. 1 p. 331; arrêt 5A_251/2010 du 19 novembre 2010 consid. 4.1). Pour sa part, le superficiaire perçoit, pendant la durée du droit, les éventuels revenus des bâtiments et des installations qu'il a construits (arrêt 2C_874/2010 du 12 octobre 2011 consid. 5.3).
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6.2. A l'extinction du droit de superficie (généralement au terme prévu par les parties, cf. ATF 133 III 311 consid. 4.2.1 p. 321), le principe de l'accession s'applique à nouveau et les constructions font retour au propriétaire du fonds (art. 779c CC). Pour cet avantage, le propriétaire du fonds doit en principe verser une indemnité équitable en vertu de l'art. 779d CC. Le but de cette indemnité est de tenir compte de l'avantage patrimonial que les constructions représentent pour le propriétaire du fonds (PAUL-HENRI STEINAUER,
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Erwägung 7 |
7.1. Dans son arrêt, le Tribunal administratif fédéral a retenu que tant que la rente de superficie n'était pas due, l'assujettie se trouvait dans la même situation que si la Ville de Genève lui versait le montant de la rente au titre de subvention. Il a toutefois souligné qu'il résultait de la convention de superficie que la société avait renoncé à percevoir une indemnité lorsqu'elle rendrait les constructions à l'échéance du droit de superficie, contrairement à ce que prévoit l'art. 779d al. 1 CC. Pour le Tribunal administratif fédéral, l'absence de rente de superficie tant que les investissements de l'intimée n'étaient pas amortis et rentés découlait de l'appauvrissement que celle-ci allait subir à l'échéance du droit de superficie, à savoir le retour gratuit des constructions à la Ville de Genève. L'absence de rente ne serait ainsi que la compensation de l'absence d'indemnité à l'échéance du droit de superficie. L'octroi du droit de superficie et le retour des constructions à l'échéance de la convention se trouveraient ainsi dans un rapport d'échange, de sorte que l'Administration fédérale aurait à tort retenu l'existence d'une subvention.
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7.2. La recourante s'oppose à la conclusion du Tribunal administratif fédéral en relevant que les prestations, à savoir d'une part l'octroi gratuit d'un droit de superficie et d'autre part le retour des constructions sans indemnité ne sont pas dans un rapport d'échange. La gratuité de chacune de ces prestations telle qu'elle est prévue dans la convention ne serait pas dans un rapport de connexité. Selon la recourante, la gratuité du droit de superficie s'expliquerait par la poursuite d'un but d'intérêt général et la gratuité du retour des constructions par l'amortissement complet desdites constructions. Il s'agirait ainsi de prestations indépendantes l'une de l'autre. Faute de se trouver en lien économique étroit avec le retour des constructions à l'expiration du droit de superficie, la renonciation par la Ville de Genève au prélèvement d'une rente superficiaire constituerait une subvention.
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Erwägung 8 |
8.1. La jurisprudence a déjà été amenée à se prononcer sur la portée, du point de vue de la TVA, de l'octroi, par une collectivité publique, d'un droit de superficie sans versement en contrepartie d'une rente superficiaire (arrêt 2C_174/2010 du 15 juillet 2010, in RF 66 2011 78). Dans cette affaire, la Ville de Saint-Gall avait octroyé à la société assujettie OLMA Messen SA, dont le but consiste en particulier dans l'organisation de "l'OLMA", salon suisse de l'agriculture et de l'alimentation, un droit de superficie sur le site de l'exposition. Ce droit avait été accordé à titre gratuit, avec l'objectif de renforcer la place économique de Saint-Gall. Le Tribunal fédéral a souligné que l'octroi d'un droit de superficie sans rente superficiaire constituait, pour le bénéficiaire, un avantage appréciable en argent. Comme cet avantage avait, en l'espèce, été accordé d'une part sans contreprestation économique équivalente et d'autre part dans le but de soutenir une activité d'intérêt public, la prestation devait être qualifiée de subvention (consid. 2.4). Le Tribunal fédéral a aussi relevé à cette occasion qu'en règle générale l'octroi d'un droit de superficie est rémunéré périodiquement et non par le biais d'une indemnisation unique, de sorte que, en principe, la prestation appréciable en argent à qualifier de subvention consiste dans la renonciation à une rente superficiaire annuelle (consid. 2.5).
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8.2. Dans ses directives, l'Administration fédérale retient également que l'octroi par une collectivité publique de droits de superficie sans rente ou avec rente réduite constitue une subvention (Administration fédérale des contributions, Info TVA 05, Subventions et dons, version janvier 2010, point 1.2).
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8.3. En l'espèce, il n'est pas contesté que la Ville de Genève n'a pas perçu de rente superficiaire depuis la conclusion de la convention et durant les périodes sous examen, car, selon les calculs prévus dans la convention, cette rente n'est pas encore exigible. La Ville de Genève a donc fourni un avantage appréciable en argent à l'intimée, consistant en la renonciation à une rente tant et aussi longtemps que les investis-
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sements de la superficiaire et de ses prêteurs ne sont pas rentés et amortis. Selon l'art. 6 de la convention, la Ville de Genève a par ailleurs renoncé à cette rente pour des motifs d'intérêt public.
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8.4. Sur le vu de la jurisprudence et des éléments de fait susmentionnés, il convient de se demander si le raisonnement du Tribunal administratif fédéral, qui exclut en l'occurrence une subvention en mettant en corrélation l'absence de rente superficiaire avec la renonciation de l'intimée à une indemnité lors du retour des constructions à l'échéance de la convention, est admissible sous l'angle de la LTVA.
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Le raisonnement du Tribunal administratif fédéral place dans un rapport d'échange la renonciation à la rente de superficie et la renonciation à l'indemnité au moment du retour des constructions, alors qu'en principe la rente de superficie rétribue l'usage du sol et l'indemnité "équitable" la valeur des constructions (cf. supra consid. 6). La rente de superficie et l'indemnité au retour des constructions sont donc des éléments juridiquement indépendants l'un de l'autre. Ce point n'est cependant à lui seul pas décisif, dès lors qu'il faut tenir compte sur le plan de la TVA, ainsi que l'a relevé le Tribunal administratif fédéral, de la réalité économique (cf. supra consid. 5.4).
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De ce point de vue, pour qu'un rapport d'échange de prestations soit admis, il faudrait que la rente de superficie et l'indemnité équitable pour les constructions (ou le prix de la "location du sol" et le prix des constructions) soient dans un rapport économique étroit, ce qui suppose que les prestations aient une valeur économique équivalente (cf. supra consid. 5.1). Or, sur ce point, l'arrêt du Tribunal administratif fédéral est muet; il ne contient aucune information, ni sur la valeur des constructions, ni sur le montant de la rente de superficie auquel la Ville de Genève a renoncé. Certes, il paraît complexe d'évaluer ces montants dès lors que l'indemnité pour les constructions se détermine en principe en fonction de la valeur des constructions à l'échéance du droit de superficie (cf. supra consid. 6.2) et que la manière de calculer le montant de la rente annuelle liée à l'usage du sol à laquelle a renoncé la Ville de Genève était précisément l'objet du litige devant l'Administration fédérale. Ces éléments sont toutefois déterminants et il ne saurait être conclu à un échange de prestations en leur absence.
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Sur la base des faits constatés (art. 105 al. 1 LTF), un rapport d'échange peut en revanche être nié. En effet, la convention de superficie a initialement été conclue jusqu'en 2013. Or, les 1 er février et 17 mars 1999, le droit de superficie a été prolongé jusqu'en 2043, sans que les conditions liées à l'absence de rente de superficie jusqu'à l'amortissement des constructions et à l'absence d'indemnité au retour des constructions n'aient été modifiées. Une fois les constructions amorties et rentées, l'intimée devra verser une rente superficiaire et l'absence d'indemnité pour le retour des constructions n'est pas affectée par cette règle de la convention. Il faut par ailleurs souligner que la convention prévoit l'amortissement complet des constructions. Comme le relève la recourante, celles-ci n'auront donc plus de valeur résiduelle à l'échéance du droit de superficie. Cette valeur résiduelle nulle explique la gratuité du retour. Ces éléments démontrent l'absence de valeur économique équivalente des deux prestations. Le mécanisme prévu par la convention se comprend à la lumière du but d'intérêt public poursuivi: la Ville de Genève est prête à renoncer à une rente, car elle a un intérêt dans la construction d'un parking souterrain par l'intimée. Une fois ce but atteint, il n'y a plus de raison de soutenir l'intimée. Pour sa part, celle-ci aura l'occasion d'amortir les constructions et d'en percevoir les revenus pendant la durée du droit de superficie. Elle ne subit donc pas de perte en lien avec l'absence d'indemnisation au terme du droit de superficie.
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8.5. En définitive, on ne voit pas que l'absence de rente superficiaire puisse compenser économiquement l'absence d'indemnisation pour le retour des constructions à l'échéance de la convention. Le Tribunal administratif fédéral ne pouvait partant pas retenir qu'il y avait un échange de prestations. En l'absence de contreprestation directe de la part de l'assujettie, il n'y a en l'occurrence pas de raison de s'écarter de la qualification de subvention applicable lorsqu'une collectivité publique renonce à une rente de superficie pour des motifs d'intérêt public.
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9. Par conséquent, comme l'a retenu la recourante dans sa décision du 2 mai 2017, l'assujettie doit réduire, pour les années sous examen, le montant de la déduction de l'impôt préalable en proportion de la subvention perçue (cf. art. 33 al. 2 LTVA). La manière de calculer le montant annuel correspondant à cette subvention est disputée entre les parties et l'arrêt entrepris ne contient pas les faits pertinents. Il n'appartient pas au Tribunal fédéral d'établir les faits (cf. supra consid. 2.2), ni de statuer en tant qu'autorité de première instance sur cette question. La cause doit partant être renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il se prononce sur ce point.
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10. Les considérants qui précèdent conduisent à l'admission du recours. L'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 janvier 2019 est annulé. La cause sera renvoyée à cette autorité pour nouvel examen dans le sens des considérants.
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Compte tenu de l'issue du litige, les frais seront mis à la charge de l'intimée, qui succombe (art. 66 al. 1 LTF). Il ne sera pas alloué de dépens (art. 68 al. 1 et 3 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : |
1. Le recours est admis et l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 30 janvier 2019 est annulé.
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2. La cause est renvoyée au Tribunal administratif fédéral pour qu'il statue dans le sens des considérants.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 3'000 fr., sont mis à la charge de l'intimée.
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4. Le présent arrêt est communiqué à l'Administration fédérale des contributions, au mandataire de l'intimée et au Tribunal administratif fédéral, Cour I.
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Lausanne, le 29 août 2019
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président : Seiler
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La Greffière : Kleber
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