BGer 9C_624/2019
 
BGer 9C_624/2019 vom 13.01.2020
 
9C_624/2019
 
Arrêt du 13 janvier 2020
 
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges fédéraux Parrino, Président,
Meyer et Stadelmann.
Greffier : M. Cretton.
Participants à la procédure
A.________,
représenté par Me Gilles-Antoine Hofstetter, avocat,
recourant,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud,
avenue du Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité (évaluation de l'invalidité),
recours contre le jugement du Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, du 14 août 2019 (AI 271/18 - 251/2019).
 
Faits :
A. A.________, né en 1964, exploitait une entreprise individuelle de plâtrerie-peinture dont la faillite a été prononcée le 18 septembre 2014. Arguant souffrir des séquelles d'une dépression, totalement incapacitantes depuis le 3 septembre 2014, il a sollicité des prestations de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) le 18 mars 2015.
Entre autres mesures d'instruction, l'office AI a requis l'avis du docteur B.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie et médecin traitant. Celui-ci a essentiellement fait état d'un épisode dépressif sévère ayant occasionné une incapacité totale de travail depuis la fin du mois d'août 2014 mais laissant augurer la reprise à mi-temps au moins de l'activité habituelle ou de toute autre activité à partir du mois de novembre 2015 (rapport du 17 avril 2015). L'administration a aussi obtenu de "La Mobilière Suisse Société d'assurance SA", assureur perte de gain de l'assuré, la copie d'un rapport d'expertise psychiatrique réalisée par le docteur C.________. L'expert psychiatre a conclu à une incapacité totale de travail due à un état dépressif moyen, dont l'évolution devait permettre la reprise graduelle d'une activité, à 30 % dès le 5 octobre 2015, puis à 60 % à partir du 5 novembre 2015 et à 100 % dès le 26 novembre 2015 (rapport du 24 août 2015). La prévision d'exigibilité ne s'étant pas confirmée d'après les indications du psychiatre traitant (rapport 10 décembre 2015), l'office AI a diligenté une nouvelle expertise psychiatrique dont il a confié le mandat au docteur D.________. Celui-ci a indiqué que l'épisode dépressif majeur de gravité sub-clinique à légère observé n'avait plus d'influence sur la capacité de travail de l'intéressé depuis le 1er janvier 2016. Il a repris l'évolution du taux d'incapacité de travail décrite par le docteur C.________ auparavant (rapport du 16 novembre 2017).
L'administration a informé A.________ qu'étant donné les conclusions de la dernière expertise, il allait rejeter sa demande (projet de décision du 7 février 2018). Durant la procédure de contestation du projet de décision, l'assuré a produit deux avis des docteurs E.________, spécialiste en psychiatrie et psychothérapie, et B.________. Le premier a fait état d'un trouble dépressif récurrent prohibant toujours la reprise d'une quelconque activité (rapport d'expertise du 25 août 2016) alors que, sur la base d'un diagnostic identique (la gravité de l'épisode [moyen] étant toutefois précisée), le second a mentionné une éventuelle capacité résiduelle de travail de 20 % au plus (rapport du 22 mars 2018). Considérant que ces avis médicaux ne mettaient pas valablement en doute le bien-fondé de sa position (lettre du 9 août 2018), l'office AI a confirmé le projet de décision et nié le droit de l'intéressé à des prestations (décision du 9 août 2018).
B. Saisie du recours formé par A.________ contre cette décision, la Cour des assurances sociales du Tribunal cantonal du canton de Vaud l'a partiellement admis. Elle a réformé la décision litigieuse, en ce sens que l'assuré avait droit à une rente entière entre le 1er septembre 2015 et le 31 mars 2016 (jugement du 14 août 2019).
C. Par la voie d'un recours en matière de droit public, A.________ requiert à titre principal la réforme du jugement du 14 août 2019, en ce sens que son droit à la rente ne soit pas limité au 31 mars 2016. Il sollicite à titre subsidiaire l'annulation dudit jugement et conclut au renvoi de la cause à la juridiction cantonale pour qu'elle complète l'instruction et rende un nouveau jugement dans le sens des considérants.
 
Considérant en droit :
1. Le recours en matière de droit public (au sens des art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit (circonscrit par les art. 95 et 96 LTF). Le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF). Il n'est limité ni par l'argumentation de la partie recourante ni par la motivation de l'autorité précédente. Il statue sur la base des faits établis par celle-ci (art. 105 al. 1 LTF) mais peut les rectifier et les compléter d'office si des lacunes et des erreurs manifestes apparaissent d'emblée (art. 105 al. 2 LTF). En principe, il n'examine que les griefs motivés (art. 42 al. 2 LTF), surtout s'ils portent sur la violation des droits fondamentaux (art. 106 al. 2 LTF). Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties (art. 107 al. 1 LTF). Le recourant peut critiquer la constatation des faits qui ont une incidence sur le sort du litige seulement s'ils ont été établis en violation du droit ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).
2. Le litige s'inscrit en l'occurrence dans le contexte du droit du recourant à une rente de l'assurance-invalidité. Etant donné les motifs du recours, il porte essentiellement sur l'appréciation du dossier médical par la juridiction cantonale.
3. En premier lieu, le tribunal cantonal a relevé que le rapport d'expertise du docteur D.________ remplissait les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante et que ses conclusions correspondaient en substance à celles du docteur C.________. Il a constaté en outre que, si les limitations fonctionnelles décrites par le docteur B.________ étaient essentiellement reprises par le docteur D.________, l'appréciation de leur incidence sur la capacité de travail de l'assuré divergeait selon ces deux médecins. Il a jugé l'avis du second plus convaincant dans la mesure où il avait mis en évidence des ressources non négligeables, ce qui avait du reste été également admis par le docteur C.________ et n'était pas contesté par le recourant. Il a encore écarté le rapport du docteur E.________ dès lors qu'il ne se fondait pas sur une analyse détaillée de la situation (mais avant tout sur des observations cliniques ténues) et que ce praticien avait retenu des éléments (notamment en lien avec les relations sociales du recourant) contraires à ceux retenus par les docteurs D.________ et C.________. Il a néanmoins reconnu l'existence d'une incapacité de travail limitée dans le temps et fixé au mois de septembre 2014 le début de celle-ci. Il a donc accordé à l'assuré à une rente entière du 1er septembre 2015 au 31 mars 2016.
4. Le recourant conteste l'appréciation des premiers juges, en tant qu'elle fait arbitrairement prévaloir les avis des docteurs D.________ et C.________ sur ceux des docteurs E.________ et B.________. Il soutient d'abord que les ressources mises en évidence par le docteur D.________ et la brève description de l'une de ses journées par le docteur C.________ ne sauraient remettre en question les diagnostics posés par son médecin traitant ni justifier la reconnaissance d'une pleine capacité de travail. Il s'étonne aussi que l'avis du docteur E.________ ait été écarté dans la mesure où, contrairement à ce qui avait été retenu, l'appréciation de ce médecin remplissait toutes les conditions pour se voir reconnaître une pleine valeur probante et attirait l'attention sur la prévention du docteur C.________ à son égard. Il conteste également l'appréciation de son isolement social et paraît mettre en doute l'impartialité du docteur D.________. Il critique enfin la méthode de désignation de l'expert psychiatre qui ne respecterait pas le système aléatoire. Il infère de ses arguments l'existence de doutes qui auraient justifié la mise en oeuvre d'une expertise judiciaire. Il prétend de surcroît que le docteur D.________ n'a pas respecté les exigence de son mandat en n'analysant pas le caractère invalidant de son atteinte à la santé au regard des indicateurs développés par la jurisprudence récente.
5. Ces arguments sont infondés. L'assuré conteste d'abord l'appréciation des preuves par la juridiction cantonale. Il lui reproche essentiellement de s'être focalisée sur des détails particuliers (tels que ses ressources personnelles ou le déroulement de ses journées, ses relations sociales ou familiales, l'existence de signes d'amplification des symptômes, son caractère soi-disant revendicateur ou la recherche de bénéfices secondaires) plutôt que d'avoir procédé à un examen global prenant en compte les nouveaux indicateurs développés par la jurisprudence (voir ATF 141 V 281; pour les troubles dépressifs, voir également ATF 143 V 409). Ce raisonnement réducteur ne correspond aucunement à la réalité. En effet, le tribunal cantonal ne s'est en l'espèce pas borné à analyser les seuls détails particuliers évoqués par le recourant pour trancher le cas mais s'est référé à toutes les observations et conclusions des docteurs D.________ et C.________. Or ces experts ont posé des diagnostics similaires à ceux posés par les docteurs E.________ et B.________. Ils ont encore décrit des limitations fonctionnelles foncièrement identiques. Ils en ont déduit toutefois des effets différents sur la capacité de travail de l'assuré. Les détails particuliers mentionnés par le recourant sont concrètement des éléments d'appréciation qui ont permis aux premiers juges de légitimer leur décision de se baser sur les conclusions des docteurs D.________ et C.________ plutôt que sur celles prises par les docteurs E.________ et B.________ ou, en d'autres termes, d'accorder une valeur probante prépondérante aux premières par rapport aux secondes. On précisera de surcroît que les divers détails particuliers dont fait état l'assuré sont des indicateurs instaurés par la jurisprudence: les ressources personnelles jouent un rôle important dans le sens où leur existence peut compenser le poids de la douleur et favoriser ainsi la capacité d'exécuter une tâche ou une action (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.1.1 p. 296 s.); des circonstances indiquant une exagération (telles qu'une amplification des symptômes ou un caractère revendicateur) constituent des éléments décisifs pour évaluer la pertinence du diagnostic (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.1.1 p. 298 s.); des ressources personnelles mobilisables sont déductibles du contexte social (cf. ATF 141 V 281 consid. 4.3.3 p. 303). Il est donc justifié que des experts examinent ces éléments afin de permettre d'en tirer des conclusions quant au caractère invalidant du trouble analysé (cf. arrêt 9C_808/2018 du 2 décembre 2019 consid. 4.3, destiné à la publication). Peu importe que l'expertise ne reprenne pas le schéma de l'ATF 141 V 281 du moment qu'elle permet une appréciation concluante du cas à l'aune des indicateurs (ATF 141 V 281 consid. 8 p. 309). Ainsi, il apparaît qu'au contraire de ce que soutient le recourant, la juridiction cantonale a procédé à une analyse globale du caractère invalidant de son atteinte à la santé au regard des indicateurs évoqués.
On ajoutera que dans la mesure où le tribunal cantonal a relevé que le contenu des rapports des experts, du psychiatre traitant et du docteur E.________ était foncièrement identique à l'exception des conclusions sur la capacité de travail, se limiter à prétendre que les premiers juges ont trop prestement écarté l'avis du médecin traitant ainsi que la prise de position (probante) du docteur E.________ en particulier parce que l'isolement social constaté par ce dernier était en partie corroboré par l'expert D.________ ne suffit pas à démontrer que la juridiction cantonale a fait montre d'arbitraire ou violé le droit fédéral par son appréciation. Ce type d'argumentation est de plus appellatoire et le Tribunal fédéral ne doit en principe pas la prendre en considération (cf. ATF 140 III 264 consid. 2.3 p. 266).
S'agissant ensuite de la prévention dont auraient fait preuve les experts à l'égard de l'assuré, on rappellera que de tels praticiens passent pour prévenus lorsqu'il existe des circonstances propres à faire naître un doute sur leur impartialité. Dans ce domaine, il s'agit toutefois d'un état intérieur dont la preuve est difficile à rapporter. C'est pourquoi il n'est pas nécessaire de prouver que la prévention est effective pour récuser un expert. Il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale de celui-ci. L'appréciation des circonstances ne peut pas reposer sur les seules impressions de l'expertisé, la méfiance à l'égard de l'expert devant au contraire apparaître comme fondée sur des éléments objectifs (ATF 132 V 93 consid. 7.1 p. 109 et l'arrêt cité; arrêt 9C_519/2011 du 5 avril 2012 consid. 3.1). Relever la présence d'une forme d'amplification des symptômes, la recherche de bénéfices secondaires ou un caractère revendicateur ne constituent pas des éléments objectifs démontrant la partialité de l'expert dès lors que, comme déjà indiqué supra, il s'agit d'éléments diagnostiques ou d'indicateurs pertinents devant permettre de se prononcer sur le caractère invalidant d'un trouble psychique. On ajoutera que le seul fait que l'appréciation de la capacité de travail par le docteur E.________ diffère de celle du docteur C.________ ne suffit pas pour établir que ce dernier est prévenu, d'autant moins que le premier a explicitement reconnu le bon travail réalisé par son confrère.
Concernant enfin l'attribution du mandat d'expertise, on rappellera que le système aléatoire ne s'applique que pour des expertises médicales pluridisciplinaires comprenant trois disciplines médicales ou plus (cf. art. 72bis RAI), de sorte que l'administration n'avait pas à y recourir.
6. Vu l'issue du litige, les frais judiciaires sont mis à la charge de l'assuré (art. 66 al. 1 LTF).
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
1. Le recours est rejeté.
2. Les frais judiciaires arrêtés à 800 fr. sont mis à la charge du recourant.
3. Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal cantonal du canton de Vaud, Cour des assurances sociales, et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 13 janvier 2020
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président : Parrino
Le Greffier : Cretton