BGE 105 Ib 175 |
28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 mars 1979 en la cause société X. contre Administration fédérale des contributions (recours de droit administratif) |
Regeste |
Bundesgesetz über die Stempelabgaben vom 27. Juni 1973 (StG). |
Begriff der "Zuschüsse" i.S. von Art. 6 Abs. 1 lit. d StG (E. 3). |
Sachverhalt |
En 1972, la société X. a créé notamment 54'300 bons de participation de catégorie A, nominatifs, d'une valeur nominale de 260 fr. chacun. Les art. 6 lettre a et 8 des statuts, adoptés à la même date par l'assemblée générale, prévoyaient, en substance, que la conversion de ces bons en actions pourrait être décidée par une assemblée générale qui devrait modifier les statuts en conséquence. Une action nominative de catégorie C, P ou T, de même valeur nominale que le bon, serait remise contre chaque bon de participation convertible. |
En 1975, une assemblée générale extraordinaire a décidé d'augmenter le capital-actions de 5'495'100 fr. à 17'441'100 fr., soit une augmentation de 11'946'000 fr., par la conversion des 54'300 bons de participation de catégorie A, à concurrence d'une fraction de la valeur nominale de chaque bon, par 220 fr., en 119'460 actions nominatives nouvelles C, P et T. Après cette opération, les bons de 260 fr. avaient une valeur nominale réduite de 40 fr.; ils furent réunis en 21'720 bons de participation de catégorie A d'une valeur nominale nouvelle de 100 fr. chacun.
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L'Administration fédérale des contributions (AFC) a considéré que les 119 460 actions nominatives, émises à la suite d'une conversion de bons de participation, constituaient des titres créant incontestablement de nouveaux rapports de participation; dès lors, les conditions d'assujettissement au droit d'émission étaient réalisées. Par décision du 15 février 1978, l'administration a fixé ce droit à 238'920 fr., soit le 2% de la valeur nominale des actions nouvelles.
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La société X. a formé une réclamation contre cette décision, en contestant devoir le droit de timbre réclamé. Cette réclamation a été rejetée par décision de l'AFC du 19 mai 1978.
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Agissant par la voie du recours de droit administratif, la société X. requiert le Tribunal fédéral d'annuler la décision prise par l'AFC le 19 mai 1978 et de dire qu'elle ne doit pas le droit de timbre d'émission réclamé.
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Considérant en droit: |
Le droit d'émission est un impôt frappant des transactions résultant d'opérations juridiques fixées par la loi indépendamment de la présence ou de l'absence de documents (Archives, vol. 17, p. 468; vol. 24, p. 59). Il est donc applicable chaque fois qu'une société a créé des droits de participation qui n'existaient pas ou qu'elle augmente la valeur nominale de droits de participation déjà existants. Seuls font exception les droits de participation énumérés limitativement à l'art. 6 al. 1 LT. |
Il s'agit dès lors, pour savoir si la recourante est débitrice ou non de l'impôt que lui réclame l'AFC, de déterminer si la conversion de bons de participation en actions a créé de nouveaux rapports de droit. A cet égard, il y a lieu d'examiner d'abord quelle est la nature de ces titres.
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b) Les bons de participation ont été institués, il y a quelques années, par des sociétés ayant besoin de fonds pour assurer leur développement financier, mais qui voulaient éviter d'augmenter le capital social pour ne pas accroître le nombre des actionnaires. Du point de vue juridique, la doctrine considère les bons de participation comme des bons de jouissance au sens de l'art. 657 CO (Patry, Précis de droit suisse des sociétés, vol. II, p. 126). Tel est également le cas en matière de droit d'émission, car si la loi fédérale sur le droit de timbre ne mentionne pas expressément les bons de participation, le message du Conseil fédéral relatif à cette loi précise, qu'étant des droits de participation, ils doivent sans autre être assimilés à des bons de jouissances (FF 1972 II 1287).
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Sous l'angle patrimonial, les droits des porteurs de bons de participation (droits à une part du bénéfice net et au produit de liquidation) peuvent correspondre à ceux dont sont titulaires les actionnaires et présenter de ce fait le même caractère (Archives 22, 166, consid. 2). Toutefois, sur le plan juridique, le capital-bons de participation doit être nettement distingué du capital-actions. Seule la participation à ce dernier confère la qualité d'actionnaire (Archives 16, 127; 17, 540; 22, 166). Cela signifie que le porteur de bons de participation, qui est exclu de par la loi] du droit de vote (art. 657 al. 4 CO), l'est également des droits sociaux typiques, tels que le droit d'attaquer les décisions de l'assemblée générale des actionnaires (art. 706 CO), d'être élu (art. 707 al. 1 et 2 CO) ou représenté au conseil d'administration (art. 708 al. 4/5 CO) et de requérir la dissolution de la société pour justes motifs (art. 736 al. 1 ch. 4 CO) (Henggeler, Le bon de participation, FJS 131 p. 11).
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Appelé à se prononcer sur la conversion de bons de participation en actions dans le cadre de l'ancienne ordonnance d'exécution de la loi fédérale concernant les droits de timbre du 7 juin 1928, le Tribunal fédéral avait jugé que la société devait s'acquitter du droit d'émission, car la conversion n'avait pas laissé subsister, en le modifiant, le rapport juridique initial, objet de l'impôt perçu lors de la création des bons de participation (Archives, vol. 46 p. 542). |
Ce principe est d'autant plus justifié sous l'empire de la nouvelle législation qui précise bien que le droit d'émission frappe la création de droits de participation et non le nouveau document comme tel. Or, en l'espèce, il est évident que la conversion opérée par la recourante en 1975 a créé de nouveaux rapports de droit, puisqu'en remettant des actions aux porteurs de bons de participation ceux-ci sont devenus actionnaires et ont dès lors acquis les droits spécifiques qui s'y rattachent.
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c) La recourante invoque que, selon l'art. 8 de ses statuts, l'assemblée générale pouvait imposer aux porteurs de bons de la catégorie A, même contre leur gré, la transformation de leurs bons en actions. Elle en conclut que la conversion n'a été que l'exercice d'un droit formateur reconnu statutairement et faisant partie de la nature même des bons de participation.
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Ainsi que l'a relevé à juste titre l'AFC dans la décision attaquée, rien ne permet de soutenir que l'art. 5 al. 1 LT ne s'applique pas à la conversion que l'émetteur peut imposer aux porteurs de bons. Par ailleurs, dans son arrêt du 1er juillet 1977 déjà cité (Archives, vol. 46, p. 542), le Tribunal fédéral a considéré que "le seul fait que l'éventualité d'une conversion du bon en action ait été prévue dès l'origine ne suffit pas à conférer à cette opération le caractère d'une simple modification de titre". Par conséquent, le fait que la conversion des bons de participation en actions dépendait de la volonté exprimée par l'assemblée générale - ce que la recourante a appelé la "conversion forcée" - n'est en rien décisif quant à la création de droits de participation nouveaux lors de cette conversion.
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C'est donc à bon droit que l'AFC a estimé qu'en cas de conversion de bons de participation en actions à la suite de l'augmentation du capital-actions par incorporation du compte capital-bons de participation, une deuxième perception du droit d'émission devait avoir lieu (Henggeler, op.cit., p. 19).
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3. La recourante soutient encore que la conversion du 12 décembre 1975 doit bénéficier de l'exonération prévue par l'art. 6 al. 1 lettre d LT, car les droits de participation, nés de la conversion des bons en actions, ont été créés au moyen de versements qui ont déjà été soumis à l'imposition lors de l'émission des bons de participation. Pour sa part, l'AFC considère que les versements dont parle l'art. 6 al. 1 lettre d LT ne peuvent être que "supplémentaires", de même que ceux mentionnés à l'art. 5 al. 2 lettre a LT, et qu'en conséquence la recourante ne peut bénéficier de l'exception qu'elle invoque. |
L'art. 6 al. 1 lettre d LT est ainsi libellé:
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"Ne sont pas soumis au droit d'émission, les droits de participation qui sont créés ou augmentés au moyen de précédents agios et versements des actionnaires ou associés, pour autant que la société prouve qu'elle a payé le droit d'émission sur ces agios et versements."
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La société ne prétend pas à juste titre qu'il pourrait s'agir ici d'un agio. En effet, en matière de création de droits de participation nouveaux, l'agio ne peut que représenter la différence entre la valeur nominale et le prix supérieur payé à la société en contrepartie de ces droits. Or, en l'espèce, le capital-bons de participation de 11'946'000 fr. représentait la valeur nominale, réduite de 40 fr., de 54'300 bons de participation de 260 fr., émis en 1972. Il ne s'agit donc pas d'un agio.
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Quant aux "versements", on ne saurait soutenir, comme le fait la recourante, que le législateur a voulu donner un sens général à ce terme et que, dans le cas particulier, les montants versés à la société lors de l'émission des bons en 1972 sont des versements au sens de la disposition précitée.
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Dans son message à l'Assemblée fédérale concernant la nouvelle loi sur le droit de timbre, le Conseil fédéral a ajouté de manière significative le qualificatif de "supplémentaires" à propos des versements prévus à l'art. 6 al. 1 lettre d LT. Il a notamment déclaré qu'il s'agissait d'une disposition nouvelle, statuant que "les agios et versements supplémentaires des actionnaires ou associés qui n'ont pas été incorporés dans le capital social ne sont pas imposés une seconde fois, lorsqu'ils sont utilisés plus tard pour libérer des actions gratuites, etc., s'il est prouvé que les droits dus ont été payés sur ces versements" (FF 1972 II 1281). Il y a donc lieu de considérer que l'interprétation faite par l'AFC de l'art. 6 al. 1 lettre d LT est exacte. Cette interprétation est d'ailleurs confirmée par le texte allemand de l'art. 6 al. 1 lettre d LT qui utilise la même expression ("Zuschüsse") qu'à l'art. 5 al. 2 lettre a LT pour qualifier ces versements supplémentaires. Cependant, il faut se garder de confondre les versements dont parle l'art. 6 al. 1 lettre d LT et ceux dont il est question à l'art. 5 al. 2 lettre a LT. Dans cette dernière disposition, il s'agit de versements supplémentaires que les actionnaires ou les associés font à la société sans contreprestation correspondante et sans augmentation du capital social, c'est-à-dire qu'il n'y a pas création de droits de participation, comme à l'art. 6 al. 1 lettre d LT. |
Il apparaît dès lors qu'en concédant l'exonération prévue par l'art. 6 al. 1 lettre d LT, le législateur a voulu éviter une double imposition lorsque l'agio qui a normalement été frappé du droit lors de l'émission des titres de participation au-dessus du pair, ou un versement supplémentaire lors de son exécution, viennent à être incorporés au capital social (Oberson, La nouvelle loi fédérale sur les droits de timbre, in Treizième journée juridique, Mémoires publiés par la Faculté de Droit de Genève, p. 12). Par versements supplémentaires au sens de l'art. 6 al. 1 lettre d LT, il faut entendre, par exemple, ceux que les associés de la société à responsabilité limitée ou les membres de la société coopérative seront appelés à effectuer, selon les statuts dans la mesure nécessaire pour éteindre des pertes constatées par le bilan (art. 803; 871 CO) (Patry, op.cit., p. 302, 322, 353).
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Or tel n est pas le cas en l'espèce, puisque les versements n'ont pas été effectués par les actionnaires, mais qu'il y a eu versement sui generis à la recourante. La conversion de 1975 n'a donc consisté qu'en la transformation des rapports juridiques entre les titulaires des bons de participation et la société, conduisant à la création de droits de participation nouveaux. Le capital-bons de participation ne saurait dès lors constituer un "versement" au sens de l'art. 6 al. 1 lettre d LT.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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