BGE 91 I 127 |
21. Arrêt du 12 mai 1965 dans la cause Gilette contre Ministère public fédéral. |
Regeste |
Auslieferung. Von Deutschland an die Schweiz ausgelieferter Verbrecher; Begehren Frankreichs an die Schweiz um Weiterlieferung. |
2. Ein von Deutschland an die Schweiz ausgelieferter Verbrecher kann nur mit Zustimmung Deutschlands an Frankreich weitergeliefert werden; liegt diese Zustimmung vor, so stellt die Weiterlieferung an Frankreich eine gewöhnliche Auslieferung dar, für welche die Zustimmung des Verbrechers nicht erforderlich ist (Erw. 1 und 2). |
3. Auslegung des Begriffs "geflüchtet" in Art. 1 des schweiz./franz. Auslieferungsvertrags. Dieser Begriff ist nicht wörtlich zu verstehen; nach Frankreich ausgeliefert werden kann auch ein Verbrecher, der sich deshalb in der Schweiz befindet, weil er von einem dritten Staat an sie ausgeliefert worden ist (Erw.3 a). |
4. Der Weiterlieferung an Frankreich kann sich der Verbrecher nicht mit der Begründung widersetzen |
- er habe seine Auslieferung an die Schweiz an die Bedingung geknüpft, dass er nach Beendigung der Strafverfolgung in der Schweiz wieder den deutschen Behörden übergeben werde (Erw. 3 b). |
- die gemeinrechtlichen Vergehen, wegen welcher Frankreich die Weiterlieferung verlange, seien nur ein Vorwand, um ihn wegen politischer Vergehen zu verfolgen (Erw. 3 c). |
Sachverhalt |
A.- Le 12 mars 1962, Jean-Pierre Gilette, ressortissant français, fut condamné par le Tribunal de Grande Instance de la Seine à quinze mois d'emprisonnement pour escroquerie, abus de confiance et abus de blanc-seing. En décembre 1962, il fut arrêté à Innsbruck. S'étant évadé, il passa en Suisse. Il séjourna à Altstätten (canton de St-Gall) du 23 juin au 24 août 1964, et y commit diverses escroqueries. Il se rendit ensuite en Allemagne. Le 14 janvier 1964, il fut extradé par les autorités allemandes aux autorités suisses pour répondre des escroqueries commises à Altstätten. Le 14 avril 1964, il fut condamné de ce chef par le Tribunal du district d'Oberrheintal à quatorze mois d'emprisonnement. Actuellement, il a achevé de purger cette peine. |
Le 11 mars 1964, l'Ambassade de France à Berne sollicita l'extradition de Gilette en se fondant sur le jugement du 12 mars 1962. Le 30 octobre 1964, les autorités allemandes compétentes accordèrent à la Suisse l'autorisation de réextrader Gilette à la France.
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B.- Gilette s'oppose à son extradition. Ses moyens seront repris ci-après dans la mesure utile.
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Le Ministère public fédéral propose de rejeter l'opposition de Gilette et d'autoriser l'extradition.
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Considérant en droit: |
1. La réextradition dépend de conditions qui relèvent de deux catégories de rapports juridiques: les rapports entre le premier Etat extradant et l'Etat requis de réextrader d'une part, les rapports entre ce dernier et l'Etat qui demende la réextradition à son profit d'autre part. Dans la mesure où, comparée à une extradition ordinaire, la réextradition peut être assortie du conditions supplémentaires, celles-ci n'ont leur fondement que dans les relations de la première catégorie. Supposé que ces conditions particulières soient remplies, la réextradition en faveur de l'Etat tiers se présente comme une extradition ordinaire. Il s'ensuit qu'en l'espèce, il faut examiner successivement les rapports entre l'Allemagne et la Suisse, puis les relations entre la Suisse et la France. |
Hormis le cas du délit politique (cf. art. 4 al. 2), le traité germano-suisse ne règle pas expressément la réextradition d'un malfaiteur par l'une des parties à un Etat tiers. En revanche, dans son chiffre 1, l'échange de notes résout cette difficulté en disposant notamment: "Sans l'autorisation de l'Etat requis, un individu extradé ne peut être... réextradé à un Etat tiers en raison d'un délit commis avant l'extradition et auquel celle-ci ne s'applique pas...". En l'espèce, l'Allemagne a extradé Gilette à la Suisse le 14 janvier 1964 pour qu'il réponde des escroqueries qu'il avait commises à Altstätten. Aujourd'hui, la France demande à la Suisse l'extradition de Gilette pour lui faire subir la peine prononcée le 12 mars 1962. Cette réextradition concerne donc des délits commis avant la première extradition (Allemagne-Suisse) et auxquels celle-ci ne s'appliquait pas. Dès lors l'autorisation de la République fédérale d'Allemagne à la réextradition de Gilette en France est nécessaire. Cette autorisation a été donnée la 30 octobre 1964. Le traité germano-suisse ne soumet pas la réextradition à d'autres conditions particulières. Du point de vue des rapports juridiques entre la République fédérale d'Allemagne et la Confédération suisse, rien ne s'oppose donc à ce que Gilette soit livré à la France.
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Se fondant sur les art. 7 et 8 LE, Gilette soutient, il est vrai, qu'il ne saurait être réextradé à la France sans son propre consentement. Toutefois, cet argument tombe à faux, car, ainsi qu'on l'a vu, la loi fédérale sur l'extradition n'est pas applicable en l'espèce. Les conditions spéciales auxquelles la réextradition à la France pourrait être soumise doivent être recherchées dans le traité germano-suisse et l'échange de notes de 1936. Or ni l'un ni l'autre ne soumettent la réextradition au consentement de l'extradé. Ils ne présentent d'ailleurs pas à cet égard une lacune qu'il faudrait combler en appliquant la loi. Ils exigent le consentement de l'Etat qui a accordé la première extradition: dès lors, si celui de l'extradé était nécessaire, ils l'auraient précisé expressément. |
a) L'art. 1er de ce traité institue pour la Suisse l'obligation d'accorder l'extradition des "individus réfugiés de France... en Suisse". Gilette rappelle qu'il se trouve en Suisse parce qu'il y a été extradé par les autorités allemandes. Il en infère qu'il n'est pas un "réfugié" au sens de l'art. 1er du traité franco-suisse. L'interprétation qu'il donne de cette disposition est cependant trop littérale. Il y a longtemps déjà que le Tribunal fédéral a refusé de la faire sienne. Il considère au contraire "que la cause, le caractère volontaire ou involontaire de la présence du délinquant importe peu et que si, par ailleurs, les conditions auxquelles l'extradition est subordonnée sont réalisées, l'Etat requis ne saurait la refuser par le seul fait que ce n'est pas de son plein gré que l'individu en question a pénétré dans le pays" (RO 43 I 73; voir aussi RO 16, p. 108; SCHULTZ, Das schw. Auslieferungsrecht, p. 108/109). Cette jurisprudence doit être confirmée. Elle correspond au vrai sens du traité. Elle est conforme à la pratique internationale moderne, telle qu'elle résulte des traités d'extradition moins anciens que la traité franco-suisse et qui ont remplacé le terme "réfugié" par ceux d'"accusé", de "poursuivi" ou de "condamné" (cf. traités de la Suisse avec l'Etat d'Israël du 31 décembre 1958, art. 1er; avec le Paraguay, du 30 juin 1906, art. 1er; avec les Pays-Bas, du 31 mars 1898, art. 1er; avec la Pologne, du 19 novembre 1937, art. 1er; avec la Turquie, du 1er juin 1933, art. 1er; avec l'Uruguay, du 27 février 1923, art. 1er). En conséquence, le fait que Gilette se trouve en Suisse parce qu'il y a été extradé par les autorités allemandes ne s'oppose pas à sa réextradition à la France. |
b) Gilette objecte également qu'il n'a consenti à son extradition d'Allemagne en Suisse qu'à la condition d'être remis sous la protection des autorités allemandes après que seraient liquidées les affaires pénales pour lesquelles il devait être poursuivi en Suisse. Il est inutile de rechercher s'il a effectivement soumis son extradition à une telle condition. Sa réextradition à la France ne dépend in casu que du consentement de la République fédérale d'Allemagne; ce consentement a été donné; les exigences qu'il aurait pu formuler à titre personnel ne sauraient dès lors jouer de rôle.
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c) Gilette exprime enfin la crainte que, pour les autorités françaises, le jugement du 12 mars 1962 soit un simple prétexte et qu'elles entendent en réalité le poursuivre du chef de son activité d'officier dans l'Organisation de l'armée secrète (OAS), c'est-à-dire pour un délit politique qui ne peut donner lieu à extradition. Comme le Tribunal fédéral l'a jugé en d'autres occasions, pareille crainte "ne peut, bien entendu, être prise en considération, car, en présence du texte formel de l'art. 8 al. 2 du traité, elle est sans aucun fondement" (RO 43 I 74, consid. 1 in fine).
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d) Il reste dès lors à savoir si les infractions qui ont fait l'objet du jugement du 12 mars 1962 peuvent donner lieu à extradition. Gilette ne conteste pas que tel soit le cas. Il a raison. Punissables en France comme escroqueries, abus de confiance et abus de blanc-seing, les faits qui lui sont reprochés seraient réprimés en Suisse où ils constitueraient les infractions d'escroquerie (art. 148 CP), d'abus de confiance (art. 140 CP) et de faux dans les titres (art. 251 CP). Ces actes remplissent d'ailleurs les conditions des infractions énumérées aux chiffres 20, 21, 23 et 24 de l'art. 1er du traité. Ils peuvent dès lors donner lieu à extradition.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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