BGE 91 I 360 |
59. Arrêt de la Ire Cour civile du 5 octobre 1965 dans la cause Tusa SA contre l'Office fédéral du registre du Commerce |
Regeste |
1. Verwaltungsgerichtsbeschwerde gegen einen Entscheid des eidgen. Amtes, das im Anschluss an ein Wiedererwägungsgesuch einem Handelsregisterführer Weisungen erteilt. Art. 117 HRegV. (Erw. 1). |
3. Prüfungspflicht des Handelsregisterführers. Art. 940 Abs. 1 OR, Art. 21 Abs. 1 HRegV. (Erw. 2). |
Sachverhalt |
A.- Le 26 juin 1964, le directeur Pierre Dürheim a été élu membre du conseil d'administration de Tusa SA, à Vevey. En requérant l'inscription du nouvel élu au registre du commerce, la société précisa qu'elle était engagée par la signature individuelle du président et du vice-président du conseil et par la signature collective à deux des autres administrateurs, le directeur Dürheim pouvant la représenter seul en cette qualité. |
Le préposé procéda à l'inscription, mais l'Office fédéral du registre du commerce refusa son autorisation et la publication, les 10 mai et 8 juin 1965.
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B.- Tusa SA a recouru au Tribunal cantonal vaudois contre l'avis par lequel le préposé communiqua la seconde décision de l'Office fédéral. L'autorité cantonale a transmis le dossier au Tribunal fédéral, à qui la société avait adressé ultérieurement un recours de droit administratif contre la décision même. L'Office fédéral propose le rejet de ce second recours.
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Considérant en droit: |
Après avoir pris une première fois position, l'Office fédéral a procédé à un second examen provoqué par de nouveaux arguments de la recourante; puis il a confirmé son refus. Formé en temps utile contre cette seconde décision, le recours de droit administratif est recevable, car l'administration a reconsidéré le cas au fond (RO 60 I 52, 70 I 120, 72 I 55, 75 I 392, 83 I 32 consid. 1, 86 I 245 consid. 2).
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2. Avant de procéder à une inscription, le préposé au registre du commerce doit vérifier si les conditions prévues par la loi ou l'ordonnance sont remplies (art. 940 al. 1 CO et 21 al. 1 ORC). S'il apprécie librement la portée des normes qui régissent immédiatement la tenue du registre, son pouvoir d'examen est en revanche restreint lorsqu'il interprète des règles, de droit civil ou de droit public, qui fondent la conformité de la réalité constatée avec la loi et dont le respect constitue donc la condition indirecte de l'inscription. |
En premier lieu, fidèle au texte de la loi et à la pratique du Conseil fédéral, le Tribunal fédéral a toujours prononcé qu'il incombe au juge seul de rechercher si une décision respecte les statuts d'une personne morale; quand bien même elle aurait été prise manifestement, par exemple, en violation de règles statutaires qui imposent une majorité qualifiée, le préposé ne saurait rejeter la requête pour cette seule raison: il examine uniquement la légalité de l'inscription requise (RO 59 I 239, 62 I 25).
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En second lieu, selon un principe appliqué par les art. 940 al. 2 CO et 21 al. 2 ORC au cas particulier de l'examen des statuts lors de l'inscription d'une personne morale, mais qu'il convient de généraliser, comme l'a fait l'arrêt Wildenthaler et Neu-Email AG rendu le 22 novembre 1939 (et cité au RO 67 I 114), le préposé ne doit refuser d'inscrire une décision de l'assemblée générale d'une société anonyme que si, par son contenu ou le mode selon lequel elle a été prise, elle viole des règles légales impératives, édictées pour la sauvegarde de l'intérêt public ou la protection des tiers. Lorsqu'en revanche les règles légales qu'on n'a point respectées sont de droit dispositif ou ne visent du moins qu'à protéger des intérêts privés, notamment les actionnaires minoritaires, les personnes lésées peuvent (et doivent) faire valoir leurs droits par la voie de l'action (art. 706 CO; RO 80 II 271 sv.). Jusqu'à l'annulation, la décision est valable; elle est ratifiée si la voie judiciaire n'est pas utilisée. Dans un tel cas, le préposé est dans le doute; il n'a pas à intervenir avant la décision du juge.
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A vrai dire, la limite entre la nullité et l'annulabilité et leurs natures respectives sont parfois difficiles à saisir. Aussi bien, un refus n'est justifié qu'autant que le droit s'oppose manifestement et certainement à l'inscription (offensichtlich und unzweideutig). Dans la négative, le juge seul tranchera (RO 56 I 137 sv., 60 I 57, 62 I 262, 67 I 113 sv. et 345, 75 I 324, 78 I 450, 85 I 64, 86 I 107). A plus forte raison, des considérations d'ordre pratique, l'intérêt ou l'utilité, ne sont pas décisives (RO 60 I 394, 67 I 349). |
Cette conclusion surprend. Dürheim, en effet, engage toujours la recourante valablement, dans les rapports externes, qu'il signe seul ou avec un second administrateur. Dans le premier cas, il agit en qualité de directeur. Non seulement cela est reconnaissable (à l'absence d'une seconde signature), mais aucun désagrément n'en peut résulter dans les relations d'affaires, car ses pouvoirs n'ont pas été diminués et sont illimités (BÜRGI, no 9 ad art. 718 CO; SCHUCANY, no 3 ad art. 718 CO; RO 44 II 136 et 52 II 360). Or la restriction du droit de représenter seul la société, c'est cela qui expliquerait, selon l'office, que la signature individuelle du fondé de pouvoir puisse faire l'objet d'une inscription, outre celle de la signature collective en tant qu'administrateur, en raison seulement de la mention de la procuration (RO 86 I 113/4). - Quant aux règles sociales internes, que le signataire les respecte ou les viole n'a pas d'incidence sur les intérêts des tiers, ce qui est décisif en matière d'inscription au registre du commerce.
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Il s'ensuit que le préposé, dont l'examen est limité (consid. 2), ne pouvait objecter que l'inscription requise, pour le motif invoqué par l'Office fédéral, était contraire à la vérité ou contenait quoi que ce soit qui pût induire en erreur ou heurtât un intérêt public (art. 38 al. 1 ORC).
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4. Au demeurant, la société anonyme jouit, sous réserve de l'art. 718 al. 1 et 2 CO, d'une grande liberté pour adapter son mode de représentation aux nécessités des affaires ou de son organisation interne, qui n'est pas opposable aux tiers de bonne foi. La loi et le contenu de l'inscription suffisent à éclairer le public. Il est ainsi concevable qu'un directeur fasse partie du conseil d'administration et signe en ces deux qualités (BÜRGI, no 27 in fine ad art. 717 CO). Aux termes d'une opinion citée par l'office, on pourrait éventuellement violer l'art. 718 al. 2 CO, peut-être de manière évidente, en habilitant une seule et même personne à traiter avec les tiers dans certains cas seule, dans d'autres en revanche avec le concours de collaborateurs ("die Anordnung, dass jemand in einem Falle einzeln, in einem anderen Falle dagegen nur kollektiv mit einem Dritten zu handeln befugt sein solle"; F. VON STEIGER, Das Recht der Aktiengesellschaft in der Schweiz, 2e éd., p. 251; cf. BÜRGI, no 17 ad art. 718 CO; SIEGMUND, Handbuch für die schweizerischen Handelsregisterführer, p. 437). Mais en l'espèce, Dürheim engagera dans tous les cas la société à l'égard des tiers (consid. 3), qu'il signe seul ou avec un autre administrateur. |
Ainsi donc, l'étendue illimitée des pouvoirs externes du directeur justifie l'inscription, tant sous l'angle de l'art. 718 CO qu'à la lumière de l'art. 38 al. 1 ORC.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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1. Admet le recours et annule la décision de l'Office fédéral du registre du commerce du 8 juin 1965;
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