BGE 141 I 20 |
3. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause X. contre Département fédéral des affaires étrangères (recours en matière de droit public) |
2C_97/2014 du 13 décembre 2014 |
Regeste |
Art. 26, 36, 54 Abs. 2 und Art. 184 Abs. 3 BV; Art. 7e RVOG; Verordnung über Massnahmen gegen gewisse Personen aus der Arabischen Republik Ägypten (Ägypten-V); Weigerung, den Namen des Beschwerdeführers von der Liste der Ägypten-V zu streichen; Blockierung der (potentiellen) Vermögenswerte in der Schweiz. |
Sachverhalt |
A. Le 2 février 2011, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance instituant des mesures à l'encontre de certaines personnes originaires de la République arabe d'Egypte (RS 946.231.132.1; ci-après: Ordonnance-Egypte ou O-Egypte). Le nom de X. figure sur l'annexe à cette ordonnance avec l'indication: "ancien Secrétaire de l'Organisation au Partie national démocratique" (sic). |
Le 14 février 2011, la banque A. SA a informé la Direction du droit international public du Département fédéral des affaires étrangères (ci-après: le Département fédéral) que X. était l'ayant droit économique de plusieurs comptes auprès de son établissement dont l'un présentait un solde de 1'228'357 fr. (compte n° 1) et l'autre de 30'962'682 fr. (compte n° 2), étant précisé que la société B. Holdings Ltd était la titulaire du second compte. Le 17 février 2011, la banque C. SA a annoncé deux relations bancaires avec X. présentant un solde de USD 9'254.-.
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Le 9 janvier 2012, le Ministère public de la Confédération a admis une demande d'entraide judiciaire formée par les autorités égyptiennes et, le 10 février 2012, il a étendu à X. une instruction pénale ouverte contre plusieurs personnes proches du clan de l'ancien président égyptien Hosni Mubarak. Le même jour, il a ordonné à A. SA de bloquer le compte n° 1 appartenant à celui-ci et, le 5 avril 2012, il a fait séquestrer ledit compte.
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B. Le 13 août 2012, le Département fédéral a rejeté la requête de X., formée le 6 juillet 2011 et complétée le 13 février 2012, tendant à sa radiation de l'Ordonnance-Egypte et à la levée du blocage de ses avoirs. Il a considéré en substance que l'inscription sur l'annexe à cette ordonnance ne s'avérait ni arbitraire ni contraire au principe de la proportionnalité, X. ayant été condamné, en septembre 2011, à dix ans de prison et à 660 millions de livres égyptiennes d'amende pour avoir obtenu de manière irrégulière des licences pour deux de ses sociétés. En outre, l'intéressé faisait l'objet d'une instruction pénale en Suisse et était également désigné par l'Union européenne parmi les personnes faisant l'objet de mesures restrictives en lien avec la situation en Egypte.
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Par arrêt du 5 décembre 2013, le Tribunal administratif fédéral a rejeté le recours de X. à l'encontre de la décision du Département fédéral du 13 août 2012.
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C. A l'encontre de l'arrêt du 5 décembre 2013, X. dépose un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Il conclut (...) à l'annulation de l'arrêt entrepris et de la décision du 13 août 2012 du Département fédéral; il demande à être radié de la liste des personnes visées par l'annexe de l'Ordonnance-Egypte. A titre subsidiaire, il requiert qu'il soit ordonné au Département fédéral de rendre une nouvelle décision ayant pour objet de le radier de la liste des personnes visées par l'Ordonnance-Egypte. (...)
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Le Tribunal fédéral rejette le recours dans la mesure où il est recevable.
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(extrait)
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Extrait des considérants: |
"Lorsque la sauvegarde des intérêts du pays l'exige, le Conseil fédéral peut adopter les ordonnances et prendre les décisions nécessaires. Les ordonnances doivent être limitées dans le temps."
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De cette disposition constitutionnelle l'exécutif fédéral peut déduire, si nécessaire directement et exclusivement, une compétence normative dans le domaine des relations internationales (cf. art. 7c al. 1 de la loi fédérale du 21 mars 1997 sur l'organisation du gouvernement et de l'administration [LOGA; RS 172.010]; AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e éd. 2013, n. 1971 p. 669), visant à préserver les intérêts de la politique étrangère suisse (GIOVANNI BIAGGINI, in BV, 2007, n° 12 ad art. 184 Cst. p. 815). Ce pouvoir normatif prend la forme d'une ordonnance indépendante de substitution (ATF 132 I 229 consid. 10.1 p. 243; cf., sur ces textes, AUER/MALINVERNI/HOTTELIER, op. cit., n. 1631 p. 552).
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L'art. 184 al. 3 Cst. prévoit, en des termes généraux, à quelles conditions objectives le Conseil fédéral est autorisé à user de cette prérogative. Lorsque le pouvoir exécutif adopte une ordonnance qui s'en tient auxdites conditions constitutionnelles, l'art. 184 al. 3 Cst. vaut à lui seul base légale suffisante, permettant également de restreindre, en tant que de besoin, les libertés fondamentales des particuliers (ATF 132 I 229 consid. 10.1 p. 243). Partant, savoir si l'art. 184 al. 3 Cst. constitue une base légale suffisante implique de déterminer, à titre préjudiciel, si l'acte à l'origine de la décision attaquée (cf. ATF 139 II 384 consid. 2.3 p. 390), en l'occurrence l'O-Egypte, en respecte les conditions. |
Partant, contrairement à ce qu'indique le recourant et à ce qui résulte partiellement de l'arrêt attaqué, l'examen des conditions d'application de l'art. 184 al. 3 Cst. en lien avec l'existence d'une base légale suffisante (art. 36 al. 1 Cst.; cf. infra consid. 5.1) ne coïncide pas avec les conditions du respect de l'intérêt public et de la proportionnalité au sens des art. 36 al. 2 et 3 Cst., qu'il y a donc lieu d'aborder séparément (cf. ATF 132 I 229 consid. 10 et 11 p. 243 ss; consid. 5.2 et 5.3 infra).
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5.1.1 Le champ d'application de cette clause est large par définition, car il n'est pas possible d'anticiper toutes les situations dans lesquelles le gouvernement peut être appelé à intervenir en matière de relations internationales aux fins de préserver les intérêts de la Suisse (voir déjà: DIETRICH SCHINDLER, in Commentaire de la Constitution de la Confédération suisse du 29 mai 1874, vol. IV, 1987, n° 115 ad art. 102 ch. 8 Cst. p. 46; cf. aussi SCHOTT/KÜHNE, An den Grenzen des Rechtsstaats: exekutive Notverordnungs- und Notverfügungsrechte in der Kritik, ZBl 8/2010 p. 409 ss, 419). Ceux-ci sont en premier lieu énumérés à l'art. 54 al. 2 Cst. sur les affaires étrangères (cf., dans ce sens, SCHWENDIMANN/TSCHAN-TRUONG/THÜRER, Die Schweizerische Bundesverfassung, 3e éd. 2014, nos 24 s. ad art. 184 Cst. p. 2951), en vertu duquel: |
"La Confédération s'attache à préserver l'indépendance et la prospérité de la Suisse; elle contribue notamment à soulager les populations dans le besoin et à lutter contre la pauvreté ainsi qu'à promouvoir le respect des droits de l'Homme, la démocratie, la coexistence pacifique des peuples et la préservation des ressources naturelles."
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Par ailleurs, il ressort de la pratique que le Conseil fédéral a développée en application de l'art. 184 al. 3 Cst. que des ordonnances visant à sauvegarder les intérêts du pays ont été, parmi d'autres usages possibles, adoptées comme moyens de sanctions et de représailles à l'encontre d'autres Etats ou, au contraire, dans l'optique d'éviter de nuire aux relations que la Suisse entretient avec d'autres Etats et des organisations internationales, ou de porter atteinte à la réputation de la Suisse vis-à-vis de l'étranger (cf. SCHWENDIMANN/TSCHAN-TRUONG/THÜRER, op. cit., n° 24 ad art. 184 Cst. p. 2951 et les ouvrages cités; SCHINDLER, op. cit., nos 116 ss ad art. 102 ch. 8 Cst. p. 46 s.).
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Le Tribunal fédéral fait preuve de retenue s'agissant d'apprécier si les objectifs que le Conseil fédéral annonce vouloir poursuivre en se fondant sur l'art. 184 al. 3 Cst. font partie des "intérêts de la Suisse" en matière de politique étrangère (cf., mutatis mutandis, ATF 130 III 430 consid. 3.3 p. 434).
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5.1.2 En l'espèce, à la suite des événements dits du "Printemps arabe", les pays affectés par un changement de régime, notamment l'Egypte, qui soupçonnait son ancien président Hosni Mubarak d'avoir détourné à grande échelle des fonds publics, se sont adressés aux Etats dotés d'une importante place financière en demandant leur soutien. Concernant l'Egypte, le Conseil fédéral a réagi rapidement en adoptant l'O-Egypte qui avait pour effet immédiat de geler les avoirs et les ressources appartenant à ou sous contrôle de Hosni Mubarak ainsi que de personnes physiques, entreprises et entités proches, énumérées dans l'annexe à ladite ordonnance (cf. art. 1 al. 1 O-Egypte). Lorsqu'il a ordonné ce blocage, le Conseil fédéral a souligné l'engagement de la Suisse en faveur de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption et l'impunité. Le blocage était par ailleurs primordial pour protéger la réputation et l'intégrité de la place financière helvétique, autre intérêt essentiel de la Suisse (cf. Rapport explicatif du Département fédéral du 8 mai 2013 relatif à l'avant-projet de loi fédérale sur le blocage et la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite liées à des personnes politiquement exposées, p. 4 et 6; ATF 131 II 169 consid. 6 p. 175). |
A l'aune des explications fournies par le gouvernement helvétique, dont aucun élément au dossier ne permet de douter de la pertinence, l'Ordonnance-Egypte a donc essentiellement pour objectifs, d'une part, de préserver l'image de la Suisse et de sa place financière vis-à-vis de l'étranger, laquelle ne doit pas être perçue comme un havre sûr pour les valeurs patrimoniales de provenance illicite que des potentats déchus ou leurs proches y auraient déposées. D'autre part, l'O-Egypte entend éviter de nuire aux relations que la Suisse entretient avec l'Egypte, à travers une coopération diligente avec son nouveau gouvernement tendant au blocage de fonds d'origine douteuse. En d'autres termes, le Conseil fédéral voulait éviter à travers l'O-Egypte que la Suisse se voie reprocher sur le plan international d'avoir négligé de faire ce qu'elle pouvait pour assurer que les avoirs de Hosni Mubarak et de son entourage se trouvant en Suisse, susceptibles de provenir de l'importante fortune qu'il leur a été reproché de s'être constituée au préjudice du peuple égyptien, puissent revenir autant que possible à ce dernier (cf., mutatis mutandis, ATF 132 I 229 consid. 10.2 p. 243). Or, de tels objectifs relèvent traditionnellement des "intérêts du pays" détaillés ci-avant (consid. 5.1.1) et sont dès lors admissibles au regard de l'art. 184 al. 3 Cst.
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5.2 L'art. 184 al. 3 Cst. implique, en deuxième lieu, que la mesure apparaisse comme nécessaire (cf. en particulier les termes "l'exige" et "décisions nécessaires"). Savoir si une mesure est nécessaire à la sauvegarde des intérêts de la Suisse dans les relations avec l'étranger est une question de droit, que le Tribunal fédéral examine donc librement. Au vu de ses implications politiques, elle comporte toutefois une importante marge d'appréciation, justifiant de procéder à cet examen avec une grande réserve (cf. ATF 132 I 229 consid. 10.3 p. 243). Par ailleurs, le Tribunal fédéral ne saurait procéder à un contrôle de l'opportunité de la mesure (art. 95-97 a contrario LTF; THIERRY TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2011, n. 521 p. 173). |
Comme indiqué ci-avant (consid. 5.1), le pouvoir exécutif a adopté l'Ordonnance-Egypte en particulier dans le but de garantir que les avoirs que l'ancien chef d'Etat égyptien et son entourage ont déposés en Suisse, si leur caractère douteux était par la suite confirmé, puissent être restitués aux ayants droit légitimes. Afin d'éviter que ces fonds ne soient retirés de la place financière helvétique et donc soustraits au contrôle suisse avant même qu'une procédure d'entraide internationale ou pénale nationale n'ait pu aboutir, il était indispensable que le Conseil fédéral procède au gel immédiat de l'ensemble de ces avoirs suspects, qu'ils aient ou non été identifiés à ce stade précoce des événements. En outre, compte tenu de l'instabilité et des incertitudes politiques qui, de façon notoire, perdurent en Egypte, l'O-Egypte servait et sert toujours les intérêts de politique étrangère de la Suisse. Quant à la question de savoir si le refus de lever le gel des avoirs du recourant, pris individuellement, est (encore) nécessaire, elle relève de l'examen de l'intérêt public et de la proportionnalité de la restriction à la garantie de propriété (consid. 6 infra).
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Il s'ensuit que l'O-Egypte est et était nécessaire pour atteindre les buts poursuivis par le Conseil fédéral en application de l'art. 184 al. 3 Cst.
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5.3.2 En parallèle à la prorogation de l'ordonnance, à savoir avant l'écoulement des six mois mentionné à l'art. 7c al. 3 LOGA, le Conseil fédéral a soumis au Parlement fédéral un projet de loi sur le blocage et la restitution de valeurs patrimoniales d'origine illicite liées à des personnes politiquement exposées (P-LBRV; objet 14.039). L'idée est de créer une base légale formelle générale, plus large que la loi fédérale du 1er octobre 2010 sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées (LRAI; RS 196.1) dont l'abrogation est envisagée, en regroupant, dans une seule loi, le droit actuel et la pratique en matière de recouvrement des avoirs d'origine illicite, couvrant le blocage, la confiscation et la restitution (Message du 21 mai 2014 relatif à la loi sur les valeurs patrimoniales d'origine illicite, FF 2014 5121 ss, 5123; cf., à ce sujet, LOÏC PAREIN, L'avant-projet de loi fédérale sur le blocage et la restitution de valeurs patrimoniales d'origine illicite liées à des personnes politiquement exposées [LBRV], Jusletter 18 novembre 2013). A terme, cette loi devrait ainsi encadrer la compétence du Conseil fédéral d'édicter des ordonnances fondées directement sur l'art. 184 al. 3 Cst. |
5.4.1 Le recourant ne conteste plus, comme il semble l'avoir fait devant l'instance inférieure, que l'O-Egypte est compatible avec la loi fédérale sur la restitution des valeurs patrimoniales d'origine illicite de personnes politiquement exposées précitée (LRAI). En effet, ce texte, entré en vigueur le 1er février 2011 (RO 2011 275), soit un jour avant l'O-Egypte, qui permet au Conseil fédéral de décider le blocage de valeurs patrimoniales en Suisse en vue de l'ouverture d'une confiscation (cf. art. 2 LRAI), s'applique uniquement lorsqu'une demande d'entraide judiciaire en matière pénale ne peut aboutir en raison de la situation de défaillance au sein de l'Etat requérant (cf. art. 1 LRAI). Il n'en découle pas, e contrario, que l'adoption de la LRAI par le législateur fédéral ait eu, à la manière d'un silence qualifié, pour but ou conséquence d'empêcher le Conseil fédéral d'adopter une ordonnance en se fondant directement sur l'art. 184 al. 3 Cst. dans les situations qui n'entrent pas dans le cadre de cette loi; il a au contraire été précisé que "la compétence prévue par l'art. 184 al. 3 Cst. reste intacte pour les cas qui, comme ici, n'entreraient pas dans le cadre de la nouvelle loi" (cf. Message du 28 avril 2010 relatif à la loi fédérale sur la restitution de valeurs patrimoniales [...], FF 2010 2995 ss, 3008 ch. 1.7.2; voir également art. 14 LRAI e contrario;BIANCHI/HEIMGARTNER, op. cit., p. 357). |
Il s'ensuit que les mesures prises par l'exécutif fédéral ne vont pas à l'encontre du droit positif.
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6. L'appartenance du recourant aux personnes exposées énumérées dans la liste annexée à l'O-Egypte, initialement contestée, a été tranchée par décision du 27 avril 2011 qui est entrée en force. Au demeurant, le recourant ne remet plus en cause ses attaches avec l'ancien régime politique égyptien. S'ajoute à cela que la Suisse n'est pas la seule à avoir pris des mesures à l'encontre du recourant. Son nom figure également parmi les personnes visées par le règlement (UE) n° 270/2011 du Conseil du 21 mars 2011, et sa modification du 26 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l'encontre de certaines personnes, entités et organismes au regard de la situation en Egypte, en tant que personne faisant l'objet de poursuites judiciaires par les autorités égyptiennes pour détournement de fonds publics (JO L 76 du 22 mars 2011 p. 4 ss et L 327 du 27 novembre 2012 p. 14 s.). C'est donc à juste titre que le recourant entre dans le champ d'application ratione personae de l'O-Egypte. |
Encore faut-il toutefois que la décision attaquée, qui a pour effet de maintenir le gel des avoirs du recourant et qui constitue, par conséquent, une ingérence dans la garantie de la propriété de ce dernier (art. 26 al. 1 Cst.), réponde à un intérêt public (consid. 6.1 infra) et soit proportionnée (consid. 6.2 infra), au sens de l'art. 36 al. 2 et 3 Cst.
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6.1.2 Est en effet visée par l'O-Egypte et partant gelée l'intégralité des avoirs et des ressources économiques appartenant à ou sous contrôle de personnes politiquement exposées, alors que seuls des biens limitativement énumérés peuvent être séquestrés par les autorités pénales. Par nature, ces deux mesures sont donc différentes. En outre, leurs finalités se distinguent: tandis que les mesures de séquestre pénal obéissent aux règles (plus) strictes et objectifs spécifiques de l'entraide pénale internationale et du droit ainsi que de la procédure pénale (cf., notamment, ATF 140 IV 57 consid. 4.1.1 p. 61 s. et les conditions du séquestre pénal exposées par LEMBO/JULEN BERTHOD, in Commentaire romand, Code de procédure pénale suisse, 2011, nos 16 ss ad art. 263 CPP p. 1185 ss), les mesures de gel administratif prises en vertu de l'O-Egypte interviennent dans le but préventif de faciliter une éventuelle future exécution du droit pénal et de l'entraide. Par ailleurs, même si les avoirs et ressources visés par l'ordonnance peuvent, à un moment donné, se recouper entièrement avec les biens séquestrés sur le plan pénal, le gel fondé sur un acte qui, comme l'O-Egypte, repose sur l'art. 184 al. 3 Cst., est plus large. Il concerne aussi des fonds qui seraient cachés ou inconnus et dont l'existence ne serait révélée qu'ultérieurement. |
Par conséquent, tant que l'ordonnance est en vigueur, des avoirs cachés ou inconnus qui apparaîtraient ultérieurement seraient de facto bloqués. En cela, l'O-Egypte garantit que des biens ayant échappé au séquestre pénal ne puissent pas disparaître sans que les autorités pénales n'aient eu la possibilité d'approfondir leurs enquêtes en vue d'identifier d'éventuels autres avoirs et relations bancaires d'origine suspecte en Suisse. Or, l'image internationale de la Suisse ainsi que sa volonté de coopérer en vue de lutter contre la corruption et le blanchiment d'argent - que vise précisément à préserver cette ordonnance - seraient sérieusement compromises si des avoirs cachés de personnes exposées politiquement pouvaient quitter la Suisse, alors que les faits reprochés à ces mêmes personnes seraient suffisamment sérieux pour justifier (ultérieurement) une demande d'entraide et/ou l'ouverture d'une procédure pénale interne.
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6.1.3 Certes, il n'est ni souhaitable ni idéal que des avoirs fassent l'objet d'un cumul de mesures de blocage, ni que les autorités chargées d'intervenir se multiplient (cf. URSULA CASSANI, Les avoirs mal acquis, avant et après la chute du "potentat", RSDIE 2010 p. 465 ss, 482). Toutefois, le fait que l'art. 183 al. 4 Cst. exige que la mesure prise soit de durée limitée réduit ces inconvénients à une période transitoire, laissant aux autorités pénales, lorsqu'elles ont été saisies d'une demande d'entraide ou qu'une procédure nationale est menée, le temps pour enquêter sur les structures financières mises en place. Il ne faut en effet pas perdre de vue que, généralement, les régimes corrompus utilisent des montages financiers complexes, et qu'il n'est d'emblée pas évident de faire le tri entre les avoirs de provenance licite et illicite (cf. MARNIE DANNACHER, Diktatorengelder in der Schweiz, 2012, p. 172). |
6.2.3 La mention sur la liste des personnes exposées annexée à l'ordonnance a permis que des fonds appartenant au recourant ou dont celui-ci était le titulaire économique en Suisse, soient gelés, ce qui confirme, de manière générale, le caractère nécessaire de la mesure. Pour des motifs déjà exposés, ce refus de lever le gel des avoirs est en outre indispensable en vue d'éviter que la position de la Suisse sur le plan international soit discréditée, ce qui est précisément l'un des objectifs d'intérêt public poursuivis par l'O-Egypte. |
L'on remarquera également que l'art. 1 al. 2 O-Egypte permet, en tant que de besoin, au recourant de demander au Département fédéral d'autoriser exceptionnellement des versements prélevés sur des comptes bloqués, des transferts de biens en capital gelés et le déblocage de ressources économiques gelées afin de protéger des intérêts suisses ou de prévenir des cas de rigueur.
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Par ailleurs, le fait que certains fonds, voire l'ensemble des avoirs d'une personne visée par ces mesures, puissent être bloqués à deux titres distincts mais complémentaires n'est que transitoire.
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D'un point de vue technique et comme déjà indiqué (cf. consid. 5.3 supra), les ordonnances fondées sur l'art. 184 al. 3 Cst. doivent être en effet limitées dans le temps, au maximum quatre ans, et ne peuvent être reconduites qu'une seule fois (cf. art. 7c al. 2 et 3 LOGA). En l'occurrence, l'O-Egypte a été prorogée jusqu'au 10 février 2017 (art. 7 al. 2 O-Egypte; RO 2013 5497); sa durée se situe dans les limites fixées par la Constitution et par la LOGA. Au-delà d'une telle période, leurs effets ne pourront être maintenus qu'à condition d'avoir été transposés dans une loi au sens formel (art. 7c al. 3 in fine et al. 4 LOGA), sous le contrôle des Chambres fédérales.
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D'un point de vue matériel et dans la perspective de protéger les droits fondamentaux des personnes affectées, l'autorité compétente doit veiller à ce que la mesure cesse de produire ses effets à l'égard du recourant une fois que le but de celle-ci aura été atteint; l'art. 6 O-Egypte prévoit d'ailleurs la possibilité pour le Département fédéral d'adapter l'annexe contenant le nom des personnes visées par les mesures de blocage administratif et consacre ainsi un devoir de mutabilité afin de tenir compte de l'évolution de la situation concrète. |
Il a été vu que la mesure litigieuse était destinée à bloquer préventivement l'ensemble des avoirs d'origine douteuse, identifiés ou non (encore), que le recourant est susceptible d'avoir déposés en Suisse, de manière à ce que l'Etat égyptien puisse à un stade ultérieur le cas échéant en réclamer la restitution par le biais d'une procédure d'entraide. Il a également été précisé précédemment que les avoirs de l'entourage de potentats déchus peuvent avoir être déposés en Suisse par le biais de montages financiers complexes, de sorte qu'il n'était pas systématiquement possible de déceler aussitôt l'ensemble des valeurs patrimoniales d'origine douteuse appartenant au recourant. En conséquence, leur découverte par les autorités helvétiques, le cas échéant en collaboration étroite avec celles de l'Etat requérant dont le système politique demeure cependant encore fragile, peut requérir des enquêtes approfondies préalables, lesquelles prennent par définition du temps. Il se justifie ainsi que le blocage administratif de tous les avoirs, identifiés et potentiels, du recourant en Suisse, soit maintenu parallèlement au séquestre pénal des valeurs déjà identifiées et ne puisse être levé qu'une fois que ces enquêtes auront pu être menées à chef et que l'existence d'autres avoirs suspects en Suisse ait pu être écartée.
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Cela dit, la simple possibilité abstraite que des valeurs patrimoniales non encore découvertes puissent être dissimulées en Suisse ne saurait justifier un blocage administratif illimité ou pour une durée indéterminée des avoirs du recourant. Une fois la mesure de blocage prise en application de l'O-Egypte, il convient en principe de s'assurer que l'Etat ou l'entité dont les biens sont soupçonnés d'avoir été détournés formule dès qu'il est en mesure de le faire une demande d'entraide ou s'adresse à la Confédération dans le cadre d'une procédure analogue. En outre, les autorités helvétiques chargées de l'enquête pénale ou de la procédure d'entraide doivent avancer avec soin et diligence dans leurs enquêtes respectives; à ce défaut, soit en cas de retards injustifiés imputables aux autorités suisses, la levée de la mesure administrative de blocage devra être envisagée. De surcroît, plus la durée de la mesure précitée s'avère ou s'annonce longue, plus les exigences pour pouvoir justifier son maintien seront importantes; en cas de contestation à cet égard, les autorités concernées doivent être en mesure d'établir les efforts concrets entrepris - sans désemparer - en vue de découvrir les éventuelles valeurs patrimoniales dissimulées en Suisse ou d'énoncer les éventuels obstacles à une conclusion plus rapide des enquêtes. Passé un tel délai raisonnable, seuls des indices concrets laissant penser que la place financière suisse abriterait encore d'autres avoirs inconnus, appartenant vraisemblablement au recourant, pourront en principe justifier une prolongation du gel administratif des avoirs décrété en vertu de l'Ordonnance-Egypte. |
En l'occurrence, les parties ne remettent pas en cause que des valeurs patrimoniales appartenant au recourant et d'origine suspecte ont pu être identifiées et bloquées en Suisse. Les autorités égyptiennes ont adressé une demande d'entraide à la Confédération, qui a entamé une telle procédure, en parallèle à l'ouverture d'une procédure pénale nationale. Se contentant de critiquer la coexistence des blocages pénaux et administratifs et d'affirmer que l'ensemble de ses avoirs en Suisse auraient d'ores et déjà été gelés, le recourant ne se plaint pas de manière spécifique de longueurs ou inconsistances dans les procédures pénales et d'entraide engagées à son sujet, de sorte que rien n'indique que celles-ci ne suivraient pas leur cours ordinaire et ne pourront apporter les clarifications nécessaires dans un délai raisonnable, mais en principe avant la nouvelle échéance de l'O-Egypte le 10 février 2017. En l'état et en l'absence d'éléments permettant de retenir un avancement insuffisant des enquêtes visant à exclure ou identifier d'autres valeurs patrimoniales du recourant en Suisse, la présente mesure prise selon l'art. 184 al. 3 Cst., affectant le recourant, s'avère dès lors encore proportionnée aux objectifs en matière de politique internationale poursuivis par la Confédération.
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