BGE 94 II 137
 
23. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 8 novembre 1968 dans la cause M. contre Z.
 
Regeste
Vaterschaftsklage.
 
Sachverhalt


BGE 94 II 137 (137):

Résumé des faits:
Demoiselle M. a accouché le 25 avril 1966 d'une fille à laquelle elle a donné le prénom de V. En août 1965, c'est-à-dire pendant la période légale de conception (qui s'étendait du 29 juin au 27 octobre 1965), elle avait entretenu des relations intimes avec Z. Alléguant qu'il lui avait promis le mariage, elle lui a intenté, conjointement avec sa fille, une action en recherche de paternité. Les demanderesses ont conclu notamment à ce que le défendeur fût déclaré père de l'enfant avec effets d'état civil. Réformant sur ce point le jugement de l'autorité cantonale, le Tribunal fédéral leur a donné raison.
 
Extrait des considérants:
3. En vertu de l'art. 323 CC, le juge déclare la paternité avec effets d'état civil lorsque le défendeur avait promis le mariage à la mère. La jurisprudence, rappelée dans le jugement déféré, n'exige pas que des fiançailles se soient formées; la promesse unilatérale du défendeur suffit. Point n'est besoin que le défendeur ait promis formellement à la mère de l'épouser; la promesse de mariage selon l'art. 323 CC existe déjà lorsque, raisonnablement et de bonne foi, la mère a pu conclure des déclarations du défendeur et de son comportement qu'il avait l'intention de l'épouser. Mais la promesse doit avoir été faite avant la cohabitation qui a provoqué la grossesse. Car c'est dans ce cas seulement qu'elle a pu déterminer ou du moins

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faciliter la cohabitation et que se justifie la protection accrue que la loi accorde à la mère et à l'enfant en permettant de déclarer la paternité avec ses effets d'état civil. Encore faut-il que la promesse n'ait pas été révoquée expressément, ni par actes concluants, avant la cohabitation suivie de la grossesse. Mais une fois la promesse donnée (pourvu qu'elle ait été prise au sérieux par la mère), elle reste valable jusqu'à ce que le défendeur ait fait savoir ou montré clairement à la mère qu'il ne se considérait plus comme lié. Il ne suffit pas qu'avant la grossesse, des faits se soient produits qui auraient pu amener le défendeur à se rétracter. Et cela même s'il y avait des motifs graves de nature à justifier la rupture de fiançailles (art. 92 CC) et que la mère dût s'en rendre compte (RO 84 II 68 s. et les références citées).
La loi exige seulement une promesse qui, d'après l'expérience générale, puisse être en relation de cause à effet avec la cohabitation qui a provoqué la grossesse. Il n'est pas nécessaire que, dans le cas particulier, la promesse du défendeur ait effectivement influé sur le consentement de la mère aux relations intimes (RO 73 II 141, 84 II 69).
En l'espèce, la juridiction cantonale constate de manière à lier le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ) que Demoiselle M. a fait la connaissance de Z. au printemps 1965. Il lui a proposé des fréquentations qui ont été scellées par un baiser. Ils se rencontraient presque chaque jour. La jeune fille a dû être hospitalisée le 22 mai 1965. Le jeune homme lui a rendu visite très souvent à l'hôpital. Il lui avait fait cadeau d'une chaîne avec une médaille au dos de laquelle il avait fait graver l'inscription: "Pour tes vingt ans". Les parents de la jeune fille et deux autres témoins ont déclaré qu'ils connaissaient la fréquentation et que des projets de mariage avaient été formés entre les jeunes gens, qui se rencontraient chez eux et sortaient souvent ensemble. Sur le vu de ces constatations, le Tribunal cantonal a considéré avec raison qu'il y avait eu une promesse de mariage au sens de l'art. 323 CC et que cette promesse avait été faite avant la cohabitation qui a provoqué la grossesse. Le recourant objecte en vain que Demoiselle M. ne pouvait pas compter qu'il l'épouserait (cf. RO 59 II 220), vu sa conduite en mai 1965. En effet, les relations sexuelles qu'elle a entretenues alors avec X. n'étaient pas de nature à rendre invalide la promesse de mariage que Z. lui avait faite (cf. RO 84 II 70). La juridiction

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cantonale a néanmoins refusé de déclarer la paternité de celui-ci avec effets d'état civil, en considérant que Demoiselle M. se serait donnée à lui, durant la période critique, même en l'absence d'une promesse de mariage. Elle a considéré ainsi que l'existence d'un rapport de cause à effet, dans le cas particulier, entre la promesse et la cohabitation était une condition nécessaire de la déclaration de paternité avec effets d'état civil. Elle a estimé que ce lien de causalité n'était pas établi en l'espèce. En statuant de la sorte, les juges cantonaux ont subordonné l'application de l'art. 323 CC à une condition qui n'est pas exigée par la loi, ni par la jurisprudence qui l'interprète. Ils ont dès lors violé le droit fédéral et le jugement attaqué doit être réformé sur ce point.