BGE 95 II 605 |
82. Arrêt de la IIe Cour civile du 4 décembre 1969 dans la cause dame Bachmann contre Lüthy. |
Regeste |
Grunddienstbarkeit. Errichtung. Löschung. |
2. Können die aus dem kantonalen Recht sich ergebenden Beschränkungen des Grundeigentums (Art. 702 ZGB) die Dienstbarkeiten beeinträchtigen, die vorher gemäss dem Bundesprivatrecht errichtet worden sind? (Erw. 2 b). |
3. Ist die durch Art. 968 ZGB vorgeschriebene Eintragung auf dem Blatt des berechtigten Grundstücks zur Errichtung einer Grunddienstbarkeit notwendig? Frage offen gelassen (Erw. 3). |
4. Notwendige Elemente des Vertrags auf Errichtung einer Dienstbarkeit, namentlich hinsichtlich des Willens der Parteien zur Begründung eines dinglichen Rechts und hinsichtlich der Bezeichnung des Berechtigten (Art. 730 und 732 ZGB). Auslegung einer Bestimmung eines Kaufvertrags, die das Recht zum Bauen auf dem verkauften Grundstück beschränkt (Erw. 4). |
5. Unter welchen Voraussetzungen ist die ordentliche Ersitzung auf Grunddienstbarkeiten anwendbar? (Art. 661 und 731 Abs. 3 ZGB)? (Erw. 5). |
Sachverhalt |
A.- Vincent Kolly, aujourd'hui décédé, était propriétaire, à Bulle, des parcelles nos 5 aa, 5 ab et 5 ac, devenues, après l'introduction du registre foncier fédéral en 1959, les parcelles nos 29, 27 et 30. Ces parcelles forment la moitié nord du pâté d'immeubles compris entre la rue de la Poterne, au sud, la Grand'Rue, à l'ouest, et la rue des Remparts, au nord. |
Le 21 janvier 1921, Vincent Kolly vendit la parcelle 5 aa à Alfred Maillard, puis la parcelle 5 ab à Jules Deillon. En 1949, celui-ci acquit la parcelle 5 ac d'un héritier de Vincent Kolly. L'acte de vente passé entre Vincent Kolly et Alfred Maillard contenait la clause suivante:
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"Conformément au contrat intervenu entre parties, M. Kolly concède à M. Maillard le droit d'établir desjours en faveur de l'article 5aa sur l'article 5 ac, ce à partir de 2 mètres 50 de hauteur. M. Maillard se réserve le droit de construire exactement à la limite des deux côtés. Les murs du bâtiment à construire par M. Maillard sur l'article 5 aa ne devront pas dépasser quatre mètres vingt centimètres de hauteur. Il va sans dire que la hauteur des toits n'est pas comprise dans ces 4 m. 20."
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L'acte de vente passé cinq minutes plus tard entre Vincent Kolly et Jules Deillon renferme seulement la clause usuelle:
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"Ces immeubles sont vendus tels qu'ils ont été jouis et possédés jusqu'à ce jour, tels qu'ils sont inscrits au R.F. avec leurs droits et charges, et comme francs et libres d'hypothèques."
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Sur le vu de ces contrats, les inscriptions suivantes furent portées au registre foncier cantonal (cf. art. 370 de la loi fribourgeoise d'application du CC, en abrégé LACC):
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A l'article 5 aa: "La mitoyenneté du mur de l'art. 6 se trouvant contre l'art. 94 a est comprise dans la vente du 21 janvier 1921. Droit d'établir des jours en faveur de l'art. 5 aa sur l'art. 5 ac, ce à partir de 2 m. 50 de hauteur. Droit en faveur de l'art. 5 aa de construire exactement à la limite des deux côtés. Les murs du bâtiment à construire sur l'art. 5 aa ne devront pas dépasser 4 m. 20 de hauteur, la hauteur des toits non comprise."
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A l'article 5 ac: "Chemin de servitude selon le plan S 379. Droit d'établir des jours en faveur de l'art. 5 aa à partir de 2 m. 50 de hauteur."
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Aucune inscription n'a été portée à l'article 5 ab.
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B.- Alfred Maillard fit construire sur la parcelle no 5 aa une maison conforme aux clauses du contrat de vente de 1921. Il fut déclaré en faillite le 7 juillet 1925. Son immeuble, vendu aux enchères publiques, fut adjugé à la Banque populaire de la Gruyère, laquelle le revendit le 15 octobre 1926 à Alfred Lüthy.
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En 1955, Alfred Lüthy fit mettre à l'enquête publique des plans visant la transformation du bâtiment érigé sur la parcelle 5 aa. Louis Deillon et dame Bachmann firent opposition. Mais le Conseil communal de Bulle écarta le 29 juin 1955 leur opposition et les renvoya à agir devant le juge civil. Ils s'en abstinrent cependant, Alfred Lüthy ayant renoncé momentanément à son projet.
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Le 16 septembre 1955, Alfred Lüthy requit le conservateur du registre foncier de la Gruyère de procéder à la radiation du passage suivant:
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"Les murs du bâtiment à construire sur l'article 5 aa ne devront pas dépasser 4 m. 20 de hauteur, la hauteur des toits non comprise."
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Le requérant estimait que la restriction ainsi apportée au droit de bâtir n'avait pas le caractère d'une servitude, mais d'un engagement personnel contracté par Alfred Maillard envers Vincent Kolly. Cette obligation n'avait pas été transmise aux ayants cause du débiteur. Et même si les parties avaient constitué un droit réel, il ne s'agirait pas d'une servitude foncière, mais d'une servitude personnelle en faveur du vendeur Kolly, laquelle se serait éteinte à la mort du bénéficiaire.
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Le 3 octobre 1955, le conservateur du registre foncier porta la réquisition de radiation à la connaissance de Louis Deillon et dame Bachmann, en les informant qu'il l'avait transmise à l'autorité de surveillance pour décision. Les deux voisins n'entreprirent aucune démarche, même pas lorsque le conservateur leur fit savoir le 25 janvier 1956, qu'il avait admis la requête et radié la restriction du droit de bâtir au chapitre du requérant.
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Lors de l'introduction du registre foncier fédéral, en 1959, les inscriptions figurant aux anciens articles furent reportées sur les feuillets des nouvelles parcelles. Les différents propriétaires reconnurent les feuillets de leurs immeubles respectifs.
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C.- Le 25 mai 1965, Yves Lüthy, qui avait hérité de son père l'ancienne parcelle no 5 aa, devenue la nouvelle parcelle no 29, demanda l'autorisation de transformer le bâtiment, qui abrite un garage. Il se proposait notamment d'en surélever les murs. Louis Deillon et dame Bachmann formèrent opposition. Le 25 novembre 1965, le Préfet du district de la Gruyère écarta leur opposition, délivra le permis de construire sous réserve des droits des tiers et renvoya les opposants à agir par la voie judiciaire. |
D.- Par demande du 14 juin 1966, Louis Deillon et dame Bachmann intentèrent à Yves Lüthy une action en rectification du registre foncier. Ils conclurent à la réinscription de la servitude qui interdisait de construire des murs dépassant la hauteur de 4 m 20, hauteur des toits non comprise, servitude dont ils se prétendent titulaires et qui, à leur avis, avait été radiée à tort en 1955 ou 1956. Les demandeurs conclurent en outre à ce que le défendeur fût déclaré tenu de respecter cette servitude dans son projet de construction et de ne pas élever les façades latérales de son bâtiment à plus de 4 m 20 de hauteur, mesurée sous l'avant-toit.
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Le défendeur conclut au rejet de la demande.
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Le 14 novembre 1967, le Tribunal civil de l'arrondissement de la Gruyère débouta les demandeurs. Il a considéré que l'interdiction stipulée par Vincent Kolly dans le contrat de vente passé avec Alfred Maillard était une servitude personnelle en faveur du vendeur, qui s'était éteinte à la mort du bénéficiaire, et non une servitude foncière.
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E.- Les demandeurs appelèrent de ce jugement. Le 4 mars 1969, la Cour d'appel du Tribunal cantonal fribourgeois rejeta derechef leur action. Ses motifs sont en bref les suivants:
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Les inscriptions portées au feuillet de l'article 5 aa du registre foncier sont de nature à induire en erreur sur la situation véritable. En effet, la législation cantonale conférait à Alfred Maillard le droit de bâtir à la limite (art. 214 ss. LACC) et de percer dans les murs mitoyens des jours, soit des ouvertures destinées uniquement à l'aération ou à l'éclairage d'un local, pourvu que ces jours soient pratiqués à plus de 2 m du plancher (art. 230 al. 1 LACC). La clause de l'acte de vente qui autorisait à percer des jours à 2 m 50 du plancher n'était donc pas un droit, mais une charge pour le propriétaire de la parcelle no 5 aa.
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La disposition qui interdisait d'élever des murs à plus de 4 m 20 de hauteur jusqu'à la naissance du toit ne peut être interprétée que comme un contrat constitutif de servitude. Mais alors la servitude n'a pas été inscrite valablement au registre foncier. En effet, l'inscription portée au feuillet du fonds servant n'indique pas le fonds dominant, ni - à supposer que la servitude fût personnelle - le bénéficiaire. Du reste, s'il s'agissait d'une servitude foncière, l'inscription au feuillet du fonds dominant, prescrite par l'art. 968 CC, ferait défaut. Il n'est cependant pas nécessaire de décider si l'existence de la servitude devrait être niée pour ce motif déjà. |
F.- Alors que Louis Deillon s'est accommodé de cet arrêt, dame Bachmann a interjeté un recours en réforme au Tribunal fédéral. Elle persiste dans les conclusions de sa demande.
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L'intimé Yves Lüthy conclut au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
a) L'intimé soutient notamment que la recourante abuse manifestement de son droit (art. 2 al. 2 CC) en demandant, par un procès ouvert en 1966, la réinscription d'une servitude à la radiation de laquelle elle ne s'est pas opposée en 1955 et 1956 et qu'elle n'a pas revendiquée lors de l'introduction du registre foncier fédéral en 1959.
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La partie qui conclut à la réinscription d'une servitude prétendument radiée à tort exerce une action en rectification du registre foncier. Elle invoque à l'appui de sa demande un droit réel qui n'est pas limité dans le temps. En effet, le Code civil suisse ne connaît pas l'extinction des servitudes par le non-usage ou la prescription extinctive (Versitzung). Le propriétaire grevé ne saurait dès lors obtenir sa libération par la simple expiration du temps; il ne peut pas se prévaloir de la prescription libératoire du fonds servant (usucapio libertatis); l'art. 661 CC n'est pas applicable par analogie (RO 62 II 135; dans le même sens, mais avec d'autres motifs, LIVER, n. 196 ss. ad art. 734 et n. 213 ad art. 737 CC; cf. aussi Exposé des motifs, tome III, Droits réels, p. 112). Il en résulte que l'action en rectification du registre foncier qui tend à la réinscription d'une servitude radiée à tort n'est soumise à aucun délai et peut être intentée aussi longtemps que le droit du demandeur existe (HOMBERGER, n. 21 ad art. 975 CC). Assurément, le titulaire d'un droit imprescriptible en soi peut en être déchu par le fait qu'il s'est abstenu de l'exercer auparavant (RO 88 II 180, consid. 3; 79 II 313). Encore faut-il que son inaction fût dépourvue de motifs suffisants et que l'autre partie en ait pu conclure que le bénéficiaire l'approuvait dans son attitude qui ne respectait pas le droit en question. S'il en est ainsi, l'autre partie a créé de bonne foi, par son attitude non contestée, une valeur patrimoniale, dont l'abandon ne peut plus lui être imposé, selon les règles de la loyauté en affaires (RO 85 II 129, consid. 9; 73 II 189, consid. 5; 69 II 60, consid. 5; 59 II 392, consid. 3). |
Ces conditions ne sont pas réalisées en l'espèce. Le fait que la recourante a reconnu l'exactitude du feuillet ouvert à son immeuble lors de l'introduction du registre foncier fédéral est sans importance. En effet, la servitude n'avait jamais été inscrite à son chapitre dans le registre cantonal et n'avait donc pas à être reportée dans le nouveau registre (cf. art. 43 al. 3 Tit. fin. CC). Et l'arrêt attaqué ne constate pas que le législateur fribourgeois ait usé de la faculté, prévue à l'art. 44 al. 2 Tit. fin. CC, de prévoir l'abolition complète, après sommation publique et à partir d'une date déterminée, de tous les droits réels non inscrits au registre foncier.
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Lors de la radiation de la servitude au chapitre du propriétaire du fonds servant, en 1956, dame Bachmann n'avait aucune raison d'agir immédiatement. D'une part, Alfred Lüthy n'a pas réalisé son projet de transformer le bâtiment. D'autre part, son avocat avait écrit à la recourante, le 3 août 1955, que selon les plans déposés les murs ne dépasseraient pas 4 m 20 de hauteur. La seule modification qui devait être apportée au bâtiment était l'attique projeté dans le toit. La cour cantonale perd cette lettre de vue lorsqu'elle déclare que "le projet prévoyait une surélévation considérable des murs et un agrandissement important du bâtiment" et qu'en 1965, Yves Lüthy a repris les projets de transformation que son père avait abandonnés en 1955. Cette constatation repose sur une inadvertance manifeste, que la recourante relève à juste titre et qui doit être rectifiée dans le sens indiqué plus haut (art. 63 al. 2 OJ).
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De surcroît, la procédure de radiation n'a pas été conduite d'une manière qui échappe à toute critique. Il ne s'agissait pas d'une rectification administrative au sens des art. 977 CC et 98 ORF visant à redresser une inscription qui ne correspond pas aux pièces justificatives par suite d'une inadvertance. La radiation requise par Alfred Lüthy ne pouvait se fonder que sur l'art. 976 CC. Le requérant pouvait invoquer comme motif le fait que le bénéficiaire de la servitude était décédé ou que l'inscription avait perdu toute valeur juridique (cf. LIVER, Die Löschung infolge Unterganges des dinglichen Rechtes, RNRF 1958 p. 324 s. ou tirage à part, p. 6 s.). C'est bien ainsi que son mandataire a motivé la demande de radiation qu'il a adressée au conservateur du registre foncier le 16 septembre 1955. Lorsque le conservateur a fait savoir à dame Bachmann, le 25 janvier 1956, qu'il avait procédé à la radiation, il a omis de lui signaler qu'en vertu de l'art. 976 al. 2 CC, elle pouvait attaquer la radiation devant le juge. Comme la loi n'exige pas le rappel de cette voie de droit, on peut se dispenser d'examiner la portée de cette omission quant au délai d'ouverture d'action. De toute manière, le fait qu'après avoir été avisé de la radiation, l'intéressé s'abstient de la contester devant le juge ne peut pas réduire à néant un droit réel qui subsiste en dépit de cette opération (arrêt non publié du 6 février 1964 dans la cause Hermann c. Lauber, p. 10 ss., consid. 3; LIVER, loc.cit., p. 324 et 335 ss. ou tirage à part, p. 6 et 17 ss.). La radiation selon l'art. 976 CC suppose que le droit réel se soit éteint (ou - ce qui revient au même - qu'il n'ait jamais existé). Lorsque cette condition n'est pas réalisée, la radiation est injustifiée; le bénéficiaire du droit peut intenter l'action prévue à l'art. 975 CC, qui n'est soumise à aucun délai. Le demandeur ne serait déchu de son droit que si le propriétaire grevé avait tout simplement ignoré la servitude et - en l'espèce - construit des murs plus élevés sans que les personnes qui se prétendent au bénéfice de cette servitude s'y soient opposées (cf. arrêt non publié du 23 février 1967 dans la cause Erni & Co. c. Galletti). Mais dame Bachmann a formé opposition - sans succès il est vrai - lors de la mise à l'enquête du projet de 1955. Du moment que la transformation prévue n'a pas été exécutée, elle n'avait aucune raison d'entreprendre d'autres démarches. Quant à la mise à l'enquête du projet de 1965, sitôt son opposition écartée, la recourante a ouvert action contre l'intimé devant le juge civil compétent. |
Il est certes possible qu'une servitude s'éteigne par la renonciation du bénéficiaire. La volonté de celui-ci peut se manifester même par des actes concluants (LIVER, n. 100 ad art. 734 CC). Ainsi, lorsque le bénéficiaire n'exerce pas pendant un temps assez long le droit que lui confère la servitude et ne réagit pas aux actes du propriétaire grevé qui rendent cet exercice impossible. Mais rien de tel ne s'est produit en l'espèce. |
b) L'intimé invoque aussi l'art. 28 du règlement du plan d'aménagement de l'ancienne ville de Bulle, versé au dossier dans sa teneur du 2 août 1966. A son avis, ces dispositions prescrivent pour la parcelle litigieuse la construction en ordre contigu et autorisent l'érection d'un bâtiment de trois étages sur rez-de-chaussée. Or l'art. 31 du règlement d'exécution de la loi fribourgeoise sur les constructions du 15 février 1965 dispose que le vide d'étage (hauteur entre plancher et plafond) ne peut être inférieur à 2 m 70 pour le rez-de-chaussée et 2 m 40 pour les autres niveaux. L'intimé en déduit que la hauteur minimale pour une construction de trois étages sur rez-de-chaussée serait de 9 m 90. Il estime que ces prescriptions reposent sur l'art. 686 CC et qu'elles l'emportent sur une restriction apportée au droit de bâtir par une convention de droit privé. Il affirme que son projet respecte les normes du droit cantonal et communal. Dès lors, la recourante ne saurait s'y opposer.
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Cette argumentation est erronée. Les règlements invoqués par l'intimé ont été édictés en vertu de la loi fribourgeoise sur les constructions du 15 mai 1962, qui règle notamment l'aménagement du territoire, la protection des sites, ainsi que la sécurité, la salubrité et l'esthétique des constructions (art. 1er). En particulier, les normes concernant le vide d'étage figurent parmi les dispositions réglementaires de salubrité. Edictées dans l'intérêt public, ces dispositions relèvent de la police des constructions (cf. 1a réserve au sens impropre de l'art. 702 CC) et non pas des rapports de voisinage visés par la réserve que fait l'art. 686 CC en faveur du droit privé cantonal. Or les dispositions du droit public cantonal ne peuvent pas rendre sans effet les servitudes constituées antérieurement selon les règles du droit privé fédéral et inscrites au registre foncier en vertu d'un titre valable. Les servitudes incompatibles avec les prescriptions du droit public cantonal - ou d'un règlement communal fondé sur ces dispositions - bénéficient néanmoins de la garantie constitutionnelle de la propriété; la collectivité publique ne peut que les exproprier moyennant indemnité (art. 5 et 23 al. 1 LEx.; art. 43 de la loi fribourgeoise sur les constructions du 15 mai 1962; cf. aussi, au sujet du pouvoir reconnu au législateur cantonal, HAAB, n. 6 ad art. 685 et 686 CC et n. 13 ad art. 702 CC; MEIER-HAYOZ, Berner Kommentar, Das Eigentum, Systematischer Teil, n. 17 c et n. 210 d; HUBER, n. 80 ss. ad art. 6 CC; RO 71 I 438, consid. 4). |
A cela s'ajoute que, selon l'ancienne doctrine, une servitude foncière ne prend pas naissance s'il manque l'inscription au feuillet du fonds dominant (LEEMANN, n. 20 ad art. 731 CC; HOMBERGER, n. 1 ad art. 968 CC; WIELAND, ad art. 968 CC; TUOR/DESCHENAUX, Le Code civil suisse, 2e éd., p. 547; du même avis - contrairement à ce qu'écrivent HOMBERGER, loc.cit., et LIVER, n. 48 ad art. 731 CC - OSTERTAG, n. 1 et 2 ad art. 968 CC, avec renvoi à la n. 7 ad art. 942 CC, lequel ne par le d'une mention au feuillet du fonds dominant que pour le droit à une charge foncière selon l'art. 782 al. 2 CC, conformément à ce que prescrit l'art. 39 ORF). Il est vrai que LIVER, n. 55 ad art. 731 CC, suivi par TUOR/SCHNYDER, Das schweizerische Zivilgesetzbuch, 8e éd., p. 564, s'écarte de cette opinion et dénie toute portée constitutive à l'inscription au feuillet du fonds dominant.
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Les questions évoquées peuvent cependant demeurer indécises. En effet, le sort du recours sera tranché par d'autres motifs.
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4. Selon l'art. 965 CC, une inscription ne peut être opérée au registre foncier que si le requérant justifie de son droit de disposition et du titre juridique sur lequel il se fonde. Les inscriptions obtenues sans titre juridique valable sont faites indûment au sens de l'art. 974 al. 2 CC. Celui qui est lésé dans ses droits réels par une telle inscription peut en exiger la radiation, à moins que les droits acquis par un tiers de bonne foi ne s'y opposent (art. 975 CC). La première question à résoudre est donc celle du titre en vertu duquel la restriction au droit de bâtir a été inscrite comme charge au feuillet du fonds servant no 5 aa. En d'autres termes, il faut examiner si les parties au contrat de vente du 21 janvier 1921 ont conclu un contrat de servitude conforme aux prescriptions des art. 730 et 732 CC. Cela suppose que le fonds servant et le fonds dominant - ou le bénéficiaire en cas de servitude personnelle - soient déterminés ou du moins déterminables. L'acte doit exprimer aussi la volonté des parties de constituer un droit réel (cf. LIVER, n. 16 ss. ad art. 732 CC). En particulier, aucun doute ne doit subsister quant à la volonté des parties de grever le fonds servant d'une charge réelle (LIVER, loc.cit., n. 32 et 33). |
En l'espèce, le Tribunal cantonal a essayé d'établir la volonté des parties contractantes sur ces points essentiels. Mais sa tentative a échoué, parce qu'il ne disposait pas d'autres éléments probants que le texte du contrat. Malgré cela, les juges fribourgeois ont estimé que l'engagement pris par l'acquéreur Maillard dans le contrat de vente du 21 janvier 1921 ne pouvait être considéré que comme un contrat constitutif de servitude. Mais ils n'ont pas constaté en fait quelle était la volonté commune des parties au contrat. L'interprétation de la clause litigieuse de l'acte de vente est donc une question de droit, que le Tribunal fédéral peut revoir librement (RO 92 II 347, consid. 1c, 91 II 99, consid. 3, 89 II 130 et - en ce qui concerne plus particulièrement les contrats de servitude - RO 88 II 504).
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Cet examen ne permet cependant pas de dire si les contractants ont voulu constituer une servitude foncière ou une servitude personnelle irrégulière, ou encore souscrire uniquement des engagements personnels qui auraient le même contenu qu'une servitude. A l'encontre de la volonté de constituer une servitude foncière, on doit relever d'emblée que les parties n'ont pas désigné un fonds dominant, tandis qu'elles l'ont fait pour le droit d'établir des jours en désignant expressément comme fonds servant la parcelle no 5 ac et comme fonds dominant la parcelle no 5 aa, bien que le rapport fût inverse, pour les raisons indiquées par la cour cantonale. En outre, la clause de l'acte de vente relative à la hauteur maximale des murs ne renferme aucune proposition dont on pourrait conclure que les parties contractantes voulaient constituer un droit réel qui grève la parcelle no 5 aa. Enfin, la clause relative aux murs à construire et aux ouvertures qui pourraient y être pratiquées sous la forme de jours est rédigée de telle façon que des doutes subsistent sur la volonté réelle des parties. Alfred Maillard tenait de la loi le droit de construire à la limite de son fonds et de percer des jours dans ses murs. L'engagement de ménager ces jours à 2 m 50 du plancher, alors que la hauteur exigée par la loi n'était que de 2 m, constituait - s'il s'agissait d'une servitude - une charge et non un droit pour la parcelle no 5 aa. De plus, il est frappant que le contrat passé cinq minutes plus tard entre Vincent Kolly et Jules Deillon ne souffle mot des engagements pris par Alfred Maillard envers son voisin. |
En dépit de ces incohérences, il est permis de penser que les parties contractantes n'ont pu raisonnablement vouloir autre chose que constituer un droit réel. Sans doute est-ce pour ce motif que la juridiction cantonale a considéré la clause litigieuse comme un contrat constitutif de servitude. Mais l'argument n'est pas irréfutable. Il est tout aussi possible que Vincent Kolly n'ait voulu s'assurer qu'une servitude personnelle ou qu'Alfred Maillard n'ait pas voulu s'obliger à constituer un droit réel. L'inscription au registre foncier - dont on ignore par qui elle a été requise - ne par le pas nécessairement contre l'hypothèse d'un contrat générateur d'obligations personnelles. Et cette hypothèse est étayée d'un indice tiré du fait que la charge relative au droit d'établir des jours n'a pas été constituée également en faveur de la parcelle no 5 ab, que Vincent Kolly a vendue le même jour à Jules Deillon, ni selon l'acte de vente, ni selon l'inscription opérée au registre foncier. En présence d'un pareil doute, la servitude invoquée par la recourante n'est pas prouvée et le juge doit s'en tenir à la présomption selon laquelle la propriété de l'intimé est libre de charges (cf. LIVER, n. 38 ad art. 732 CC).
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A défaut d'un titre juridique valable, le conservateur du registre foncier n'aurait pas dû inscrire une servitude, en 1921, avant que les parties aient exprimé sans équivoque leur volonté de constituer un droit réel. L'inscription de la restriction au droit de bâtir a donc été faite indûment, au sens de l'art. 974 al. 2 CC. Et comme l'inscription au registre foncier ne permet pas de déterminer la personne du bénéficiaire ni le fonds dominant, le propriétaire de la parcelle no 5 aa n'était pas en mesure d'intenter une action en rectification du registre foncier fondée sur l'art. 975 CC. La voie à suivre était bien celle de la radiation selon l'art. 976 CC. Aussi l'arrêt attaqué doit-il être approuvé dans sa conclusion, mais non dans ses motifs.
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5. La recourante ne saurait se prévaloir de la prescription acquisitive ordinaire. En dépit des termes peu clairs de l'art. 731 al. 3 CC, ce mode d'acquisition est applicable aux servitudes foncières (RO 52 II 120, consid. 2; LIVER, n. 136 ad art. 731 CC). Lorsque l'objet de la servitude consiste uniquement dans l'obligation pour le propriétaire du fonds servant de s'abstenir de certaines facultés, inhérentes à son droit de propriété, la possession consiste dans l'exercice effectif du droit (art. 919 al. 2 CC; cf. RO 94 II 351, consid. 1). Point n'est besoin de juger si la possession ainsi définie résulte simplement de l'abstention du propriétaire du fonds servant, ou s'il faut encore que le propriétaire du fonds dominant lui ait fait défense d'user sur sa propriété des facultés que la servitude a pour but d'empêcher (dans ce sens RO 52 II 122 s., consid. 4; opinion contraire chez LIVER, n. 137 ad art. 731 CC). De même, il est superflu d'examiner si l'inscription au registre foncier tiendrait lieu d'une défense formelle et pourrait suffire à faire courir le délai de prescription (question non résolue dans l'arrêt précité). En effet, bien que la servitude ait été inscrite au registre foncier pendant plus de dix ans sans être contestée et que la recourante ait été de bonne foi, la prescription acquisitive est exclue parce que l'inscription ne désignait pas la parcelle no 5 ac comme fonds dominant. |
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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