BGE 106 II 81 |
17. Arrêt de la IIe Cour civile du 8 mai 1980 dans la cause V. contre Conseil d'Etat du canton du Valais (recours de droit administratif) |
Regeste |
Art. 6 ZGB, 4 BV; 172 des Walliser Steuergesetzes vom 10. März 1976. |
Sachverhalt |
A.- Par acte authentique du 18 mai 1979, dame V., domiciliée à Chêne-Bougeries, canton de Genève, a vendu à dame M., domiciliée à Bernex, canton de Genève, sa quote-part de propriété, soit la moitié, sur la parcelle No 6288 du registre foncier de la commune de Vex, canton du Valais. Le 22 mai 1979, le Conservateur du registre foncier de Sion a refusé d'inscrire le transfert de propriété au registre foncier, faute d'accord de l'autorité fiscale au sens de l'art. 172 de la loi fiscale valaisanne du 10 mars 1976 (ci-après: LF). Cette disposition légale a la teneur suivante: |
"Lorsqu'une personne physique ou une personne morale assujettie à l'impôt en raison de circonstances de rattachement économiques aliène un immeuble sis dans le canton, l'acquéreur ne peut être inscrit au registre foncier en qualité de propriétaire qu'avec l'accord écrit de l'autorité de taxation compétente.
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L'autorité de taxation remet une attestation, confirmant son accord, à l'aliénateur, à l'intention du préposé au registre foncier, lorsque les impôts liés à la possession ou à l'aliénation de l'immeuble sont acquittés ou garantis par des sûretés, lorsqu'il est établi qu'aucun impôt n'est dû ou que l'aliénateur offre des garanties suffisantes quant à l'exécution de ses obligations fiscales.
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Un recours peut être interjeté contre le refus de l'autorité de taxation d'établir l'attestation mentionnée à l'al. 2."
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B.- Le 18 septembre 1979, le Conseil d'Etat du canton du Valais a rejeté un recours interjeté contre la décision du Conservateur du registre foncier de Sion. Dame V. a formé un recours de droit administratif, demandant au Tribunal fédéral d'annuler la décision du Conseil d'Etat ainsi que celle du Conservateur du registre foncier, et d'ordonner l'inscription du transfert au registre foncier. Le Tribunal fédéral a admis le recours.
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Considérant en droit: |
1. Selon l'art. 51 al. 1 de l'ordonnance du Conseil d'Etat du canton du Valais, du 17 avril 1920, concernant la tenue du registre foncier cantonal, les justifications à produire pour l'inscription des droits relatifs aux immeubles sont déterminées par les art. 18 à 23 ORF. Comme le relève la recourante, cette disposition se borne à répéter ce qui ressort, d'une part des art. 963 à 966 CC et, d'autre part, des prescriptions complémentaires d'exécution des art. 11 à 24 ORF. La question qui se pose en l'espèce n'est donc pas celle des rapports entre l'art. 172 LF et l'art. 51 de l'ordonnance cantonale concernant la tenue du registre foncier, mais celle des rapports entre le droit fiscal cantonal et le droit civil fédéral. |
Aux termes de l'art. 6 CC, les lois civiles de la Confédération laissent subsister les compétences des cantons en matière de droit public. Dans une jurisprudence abondante, le Tribunal fédéral a dit que, pour que les cantons puissent édicter des règles de droit public dans un domaine régi par le droit civil fédéral, il faut que soient réunies trois conditions, savoir: que le législateur fédéral n'ait pas entendu réglementer cette matière de façon exhaustive; que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent; que ces règles n'éludent pas le droit civil fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (cf., entre autres, ATF 104 Ia 108 consid. 4a, ATF 101 Ia 505 consid. 2b, ATF 99 Ia 622 consid. 6b-e, ATF 98 Ia 495, ATF 87 I 188, ATF 85 I 20, 85 II 375, ATF 76 I 326).
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Les arrêts précités montrent que la jurisprudence fédérale relative à l'art. 6 CC a des liens, d'une part avec le principe de la force dérogatoire du droit fédéral, que le Tribunal fédéral fait dériver de l'art. 2 des dispositions transitoires de la constitution fédérale, d'autre part, de la répartition des compétences fixée par l'art. 64 Cst., selon lequel la législation sur le droit civil dans son ensemble est du ressort de la Confédération, tandis que l'organisation judiciaire, la procédure civile et l'administration de la justice demeurent aux cantons (cf. HANS HUBER, n. 7 ss. et 15 ss. ad art. 6 CC; DESCHENAUX, Le Titre préliminaire du Code civil, Traité de droit civil suisse, II 1 p. 18 s. et 22 ss.). En outre, le Tribunal fédéral a parfois tranché des problèmes semblables également du point de vue de l'art. 4 Cst. Dans ATF 40 I 469 ss., il a considéré que commet un déni de justice en violation de l'art. 4 Cst. l'autorité cantonale qui fait dépendre du paiement préalable des frais de jugement la communication d'une décision susceptible d'être déférée au Tribunal fédéral.
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Il a aussi vu une violation de l'art. 4 Cst. dans le fait que la prononciation d'un jugement est subordonnée par le juge civil au paiement préalable des droits d'enregistrement sur les pièces produites dans l'instance par les parties, lorsque ces droits ont le caractère d'un véritable impôt (ATF 61 I 81 ss.). Comme l'expose le professeur HUBER (n. 234 in fine et n. 236 ad art. 6 CC), on pouvait tout aussi bien voir dans ces cas une violation de l'interdiction d'éluder le droit civil fédéral, contenue à l'art. 6 CC. |
La question de savoir si et dans quelle mesure les cantons peuvent, par des prescriptions de droit public, soumettre une inscription au registre foncier fédéral à la satisfaction d'exigences supplémentaires que les lois civiles de la Confédération n'ont pas posées a fait l'objet de trois arrêts fédéraux publiés:
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a) Dans ATF 66 I 91 consid. 2, le Tribunal fédéral a considéré comme exhaustive la réglementation du Code civil sur les conditions auxquelles les contrats de vente immobilière peuvent être inscrits au registre foncier: quand ces conditions sont remplies, on peut, en vertu du droit fédéral, exiger que le registre foncier procède à l'inscription; les cantons ne sont pas autorisés à ajouter d'autres conditions. Dans l'espèce, il s'agissait d'une prescription du Conseil d'Etat du canton de Nidwald selon laquelle aucune inscription ne pouvait être faite au registre foncier sans que les réquisitions eussent été publiées 15 jours auparavant dans la Feuille officielle cantonale pour recueillir les oppositions éventuelles.
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b) Dans ATF 83 I 206 ss., le Tribunal fédéral s'est écarté de ce point de vue absolu, qui, d'après les expressions utilisées dans l'arrêt précédent, ne laissait plus de place à des prescriptions cantonales supplémentaires. Il s'agissait de la question de savoir si le canton de Bâle-Ville pouvait subordonner l'inscription d'un transfert de propriété à la présentation au Conservateur du registre foncier d'une quittance de la Caisse de l'Etat attestant que les droits de mutation avaient été payés et, en cas de succession, d'un avis de l'Office des successions certifiant qu'il y avait eu règlement de l'impôt successoral ou fourniture de sûretés. Le Tribunal fédéral a admis la possibilité d'édicter de telles prescriptions, par les motifs suivants:
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Selon l'art. 6 CC, les lois civiles de la Confédération laissent subsister, de manière générale ("ganz allgemein"), les compétences des cantons en matière de droit public. En particulier, les cantons peuvent, comme la Confédération elle-même, apporter dans l'intérêt public des restrictions à la propriété foncière (art. 702 CC) et, pour leurs créances dérivant du droit public, l'art. 836 CC admet des hypothèques légales de droit cantonal. La mesure qui est aujourd'hui en question est une mesure de sûreté analogue. Quand il était encore autorité de recours en matière de registre foncier, le Conseil fédéral a maintes fois déclaré que, sans violer le droit fédéral, le droit cantonal pouvait faire dépendre l'inscription d'un transfert de propriété au registre foncier du paiement des taxes dues pour le transfert en question ou des émoluments d'inscription (FF 1913 IV 63, 1914 I 397 litt. c; RNRF 7/1926 p. 51 en haut). Les commentateurs se sont ralliés à cette manière de voir (OSTERTAG, n. 1, HOMBERGER, n. 2 et 3 ad art. 954 CC) et, avant l'introduction de la juridiction administrative fédérale, le Tribunal fédéral s'était inspiré de la même idée en édictant l'art. 66 al. 4 ORI. Il est d'autant plus difficile d'opposer quoi que ce soit de pertinent que le droit fédéral prescrit lui-même quelque chose de semblable pour la protection des créances d'impôt pour la défense nationale: d'après l'art. 122 AIN, les personnes morales, ainsi que les succursales d'entreprises étrangères, ne peuvent être radiées au registre du commerce que si elles ont satisfait à leurs obligations fiscales par le paiement de l'impôt ou par la remise de sûretés. |
c) Dans ATF 96 I 717, l'arrêt susmentionné est cité pour étayer l'argumentation relative à un problème juridique dont les données sont un peu différentes.
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Avant d'examiner cette question, il convient de rechercher si sont remplies les deux autres conditions auxquelles, selon la jurisprudence fédérale, le droit public cantonal doit satisfaire pour être compatible avec l'art. 6 CC.
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a) On ne saurait s'en tenir à un point de vue aussi absolu que celui qui est exprimé dans ATF 66 I 91 et affirmer que le droit fédéral règle de manière exhaustive (abschliessend) les conditions d'une inscription au registre foncier. Certes, le Code civil et l'ordonnance sur le registre foncier fixent ces exigences de façon détaillée - voire exhaustive, dans l'optique du droit privé. Mais on ne peut pas dire que le droit du registre foncier soit un domaine juridique qui, de par la nature des choses, en raison de son importance fondamentale, est soustrait à l'emprise du droit public, comme, par exemple, la capacité d'agir, certains principes généraux du droit, la protection de la personnalité ou des prescriptions destinées à garantir la liberté individuelle (cf. HUBER, n. 170 ss. ad art. 6 CC; DESCHENAUX, op.cit., p. 27/28). |
b) On doit aussi concéder que des mesures de sûreté pour assurer le recouvrement de créances fiscales présentent en soi un intérêt public pertinent au sens de la jurisprudence relative à l'art. 6 CC, encore que, dans le cadre d'une pesée des intérêts, on ne puisse guère accorder le même poids à cet intérêt public que, par exemple, à des prescriptions de droit public ayant pour but d'assurer le calme et l'ordre, de répondre aux exigences de la police sanitaire ou d'atteindre des objectifs de politique sociale.
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c) Reste ainsi à juger si l'art. 172 LF viole l'art. 6 CC en ce sens qu'il éluderait le droit civil fédéral, ou serait contraire à son sens ou à son esprit.
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Les critiques que Liver et l'ancien inspecteur Huber formulent contre l'arrêt ATF 83 I 206 ne sont pas dénuées de pertinence à cet égard. Quand le Tribunal fédéral dit que les lois civiles de la Confédération laissent subsister "de manière générale" les compétences des cantons en matière de droit public, il s'exprime en des termes trop absolus pour qu'on puisse les reprendre. Selon la jurisprudence fédérale citée, les cantons ne sont libres que dans la mesure où les prescriptions qu'ils édictent ne rendent pas impossible l'application du droit civil fédéral ou ne la compliquent pas à l'excès.
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D'emblée il apparaît que rien n'empêche les cantons de soumettre l'inscription au paiement préalable des émoluments pour les inscriptions au registre foncier. Il s'agit là de la rémunération proprement dite de l'activité administrative à laquelle doit se livrer le conservateur: l'art. 954 al. 1 CC permet expressément aux cantons de percevoir de tels émoluments et, quand ils n'excédent pas les limites d'une taxe, ils représentent un montant modeste par rapport à l'intérêt économique des parties à obtenir l'inscription. |
Il en va déjà un peu autrement des droits de mutation, lesquels constituent un véritable impôt (ATF 72 I 394; BLUMENSTEIN, Schweizerisches Steuerrecht, I. Halbband, p. 7 s. et 199). Mais la jurisprudence fédérale (ATF 82 I 284 consid. 1, 302 consid. 3b) admet que les cantons perçoivent des contributions dites mixtes, comprenant l'émolument pour l'inscription au registre foncier et un impôt indirect sur les mutations (cf. également ancien inspecteur HUBER, RNRF 49/1968 p. 69 ss.; HOMBERGER, n. 4 ad art. 954 CC); par ailleurs, cet impôt est lui aussi, d'ordinaire, d'un montant plutôt modeste; surtout, sa fixation ne présente généralement pas de difficultés et il est directement lié au transfert de propriété, ce qui en fait un véritable impôt sur les mutations (BLUMENSTEIN, System des Steuerrechts, 3e éd. 1971, p. 164 ss.). Ces considérations, en partie pratiques, en partie théoriques, conduisent à se ranger à l'opinion adoptée quasi unanimement par la jurisprudence et la doctrine, et selon laquelle, à côté des émoluments proprement dits, il convient de compter les droits de mutation parmi les taxes au paiement desquelles les cantons peuvent subordonner l'inscription au registre foncier (cf., outre ATF 83 I 206 ss. et les décisions antérieures du Conseil fédéral qui y sont citées, HOMBERGER, n. 3 et OSTERTAG, n. 1 ad art. 954 CC; BLUMENSTEIN, System des Steuerrechts, p. 290; IMBODEN/RHINOW, Schweizerische Verwaltungsrechtsprechung, 5e éd., I p. 295).
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En revanche, on ne peut plus se rallier à l'arrêt ATF 83 I 206 quand il s'agit de l'impôt de succession. Certes, BLUMENSTEIN (System des Steuerrechts, p. 168/69) le qualifie d'impôt sur les mutations, mais cet impôt n'est plus lié exclusivement au transfert de la propriété de l'immeuble: il a pour objet le transfert de tout un ensemble de biens en vertu de la dévolution successorale. En outre, il représente souvent des montants élevés proportionnellement aux biens dévolus et surtout son imposition peut entraîner d'importantes complications. En tout cas, le Conservateur du registre foncier n'est pas d'ores et déjà en mesure d'en calculer le montant définitif comme il peut le faire d'ordinaire pour les droits de mutation: les héritiers assujettis à l'impôt doivent d'abord établir une déclaration d'impôt, puis a lieu une procédure de taxation, qui peut impliquer une opposition et un recours. Dans ces conditions, on ne saurait subordonner l'inscription au registre foncier au paiement préalable de l'impôt de succession. Il n'est que de prendre en considération le temps qui risque de s'écouler jusqu'à détermination définitive du montant de l'impôt dû pour comprendre qu'une telle mesure est indéfendable. L'effet réel lié à l'inscription au registre foncier (s'agissant de la dévolution successorale, l'effet de publicité) risquerait d'être ainsi différé pour une durée insupportable pour les intéressés et, entre-temps, pourraient prendre naissance des droits ultérieurs sur l'immeuble, lesquels, selon les circonstances, auraient le pas sur le transfert de propriété. On ne saurait objecter que le contribuable peut écarter ce risque en fournissant des sûretés. On ne voit pas pour quel montant pourrait être garantie une créance d'impôt n'ayant pas encore fait l'objet d'une taxation entrée en force. L'autorité fiscale elle-même ne serait pas en mesure, immédiatement après le décès, d'arrêter un chiffre tant soit peu sûr, abstraction faite de ce que le contribuable serait exposé à garantir un montant qui, dans la procédure d'imposition subséquente, pourrait se révéler très excessif. |
Ainsi les cantons outrepassent les compétences que leur accorde l'art. 6 CC quand ils subordonnent l'inscription au registre foncier au paiement préalable de l'impôt de succession ou à la fourniture de sûretés.
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Il en va de même, à plus forte raison, pour l'impôt sur les gains immobiliers. Cet impôt n'est pas un impôt sur les mutations, mais un impôt sur le revenu (BLUMENSTEIN, System des Steuerrechts, p. 168). Pour le surplus, les considérations relatives aux problèmes que posent le montant de l'impôt, l'assujettissement et la procédure de taxation valent dans ce cas comme pour l'impôt de succession.
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Il y a plus en l'espèce. L'art. 172 LF n'a pas seulement trait aux impôts sur les gains immobiliers, mais aussi aux impôts ordinaires sur la fortune et le revenu qu'un propriétaire domicilié hors du canton du Valais doit payer sur ses immeubles sis dans ce canton. C'est aller beaucoup trop loin que de soumettre l'inscription au registre foncier au paiement préalable de ces impôts ou à la fourniture de sûretés.
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On doit avoir d'autant moins d hésitation à déclarer l'art. 172 LF incompatible avec l'art. 6 CC que le législateur fédéral a donné aux cantons un autre moyen efficace de s'assurer une garantie pour leurs créances d'impôts, à savoir l'hypothèque légale de l'art. 836 CC. Selon la doctrine et la jurisprudence constantes, les cantons peuvent créer cette hypothèque également pour les impôts sur les gains immobiliers (ATF 84 II 99, ATF 85 I 36; LEEMANN, n. 5 ad art. 836 CC). Peu importe, pour la question à trancher en l'espèce, que le canton du Valais ait ou non fait usage de cette faculté. Ce qui est déterminant, c'est que le législateur fédéral accorde une telle possibilité aux cantons. Ce n'est pas parce qu'ils n'y ont pas recours qu'ils sont autorisés à restreindre par une autre voie le champ d'application du droit civil fédéral. Contrairement à ce qui est dit dans ATF 83 I 209, la prescription de l'art. 836 CC ne peut pas être invoquée pour justifier que les cantons prennent des dispositions telles que celle qui faisait l'objet de l'arrêt cité ou celle qui est prise en considération en l'occurrence: son existence est bien plutôt un argument en sens inverse; dès lors que le droit fédéral met à la disposition des cantons un moyen de garantie efficace, ceux-ci ne sauraient empiéter sur le droit fédéral avec d'autres mesures. |
Enfin, l'argument tiré de l'art. 122 AIN (ATF 83 I 211 /12) n'est pas convaincant lui non plus. A la forme, on peut objecter d'emblée que les restrictions des art. 6 CC et 2 disp. trans. Cst. ne concernent pas le législateur fédéral et qu'en outre, en vertu de l'art. 113 al. 3 Cst., les prescriptions de l'art. 122 AIN sont de toute façon soustraites au pouvoir d'examen du Tribunal fédéral, ce qui ne serait pas le cas s'il s'agissait de règles cantonales. Surtout, on ne voit pas en quoi l'art. 122 AIN restreindrait le champ d'application du droit civil. Au contraire, il répond au principe du droit civil (art. 589 et 746 CO) selon lequel la radiation au registre du commerce ne peut avoir lieu qu'après la fin de la liquidation, ce qui implique notamment que tous les créanciers aient été désintéressés.
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A première vue, d'après les principes dégagés ci-dessus, on devrait se demander s'il convient d'inviter d'ores et déjà le Conservateur à procéder à l'inscription du transfert de propriété au registre foncier ou s'il ne faut pas plutôt renvoyer l'affaire à l'autorité cantonale pour qu'elle s'assure que les émoluments d'inscription et les droits de mutation ont été payés ou qu'il y a eu fourniture de sûretés. Mais la question ne se pose pas en l'espèce. En effet, l'art. 172 LF heurte l'art. 4 Cst., qui doit également être respecté par le législateur (ATF 100 Ia 76 aa, ATF 99 Ia 355 c, aa, ATF 96 I 566 /67 consid. 3a et les références): il institue, sans motif objectif et raisonnable, une inégalité de traitement entre les contribuables domiciliés dans le canton et ceux qui ne sont assujettis à l'impôt qu'en vertu de leur rattachement économique. Il faut qu'il existe une relation naturelle entre la situation particulière et le traitement différentiel (ATF 66 I 11 consid. 6a). Or le Service cantonal des contributions, aux observations duquel se réfère le Conseil d'Etat, se borne à faire valoir que le recouvrement des créances d'impôts est plus difficile quand il s'agit de personnes domiciliées dans un autre canton. Mais cet argument ne peut plus être sérieusement invoqué depuis le 8 juillet 1925: à cette date, le canton de Genève a adhéré, après tous les autres cantons, au concordat concernant la garantie réciproque pour l'exécution légale des prestations dérivant du droit public, du 23 août 1912 (RS 1848-1947, 3, p. 74 ss., notamment p. 77); ce concordat a été remplacé le 20 décembre 1971 par le concordat sur l'entraide judiciaire pour l'exécution des prétentions de droit public, auquel tous les cantons ont également adhéré (RS 281.22). |
Le Conseil d'Etat et le Service cantonal des contributions se réfèrent en vain au projet de loi sur les impôts directs cantonaux et communaux (appelé "loi-modèle"). Certes, la loi-modèle contient, à son art. 192, une disposition qui correspond à celle de l'art. 172 LF, mais elle se heurte aux mêmes objections que celles qui ont été formulées ci-dessus. Il est d'ailleurs significatif que cette disposition n'ait pas été reprise dans le projet de loi fédérale sur l'harmonisation des impôts directs cantonaux et communaux. Ce dernier projet ne prévoit plus, à son art. 43 al. 1, qu'une obligation de fournir des sûretés pour l'impôt sur les gains sur participations, et seulement pour les personnes qui n'ont pas de domicile fiscal ordinaire en Suisse (art. 11 al. 3 litt. b et c, auquel renvoie l'art. 43 al. 1). En ce qui concerne l'impôt sur les gains immobiliers, l'art. 43 al. 2 du projet prévoit simplement la possibilité pour les cantons de créer une hypothèque légale. Quant à l'avis de droit du professeur Cagianut, produit pas le Conseil d'Etat, il s'exprime très prudemment: selon le professeur Cagianut, il n'est possible de refuser l'inscription au registre foncier que lorsque l'exécution de la dette d'impôt paraît compromise, ce qui entre essentiellement en ligne de compte quand il n'y a pas de domicile en Suisse. De toute façon, cet avis ne permet pas de tenir pour démontré que la réglementation du canton du Valais ne heurte pas l'art. 4 Cst. |