BGE 142 II 69 |
6. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public dans la cause Administration fédérale des contributions, Service d'échange d'informations en matière fiscale SEI contre A. Sàrl et B. (recours en matière de droit public) |
2C_594/2015 du 1er mars 2016 |
Regeste |
Art. 28 Abs. 3 lit. b DBA CH-FR; Art. 4 Abs. 3 StAhiG; Art. 126-129 DBG; internationale Amtshilfe in Steuersachen; Umfang der Mitwirkungspflicht einer zur Übermittlung von Informationen aufgeforderten Gesellschaft mit Sitz in der Schweiz. |
Der in Art. 28 Abs. 3 lit. b DBA CH-FR formulierte Vorbehalt schweizerischen Rechts bezieht sich hinsichtlich des Begriffes der Informationen, welche sich im Besitz einer in der Schweiz steuerpflichtigen Person befinden, auf die Art. 123-129 DBG (E. 4). Das Recht der direkten Bundessteuer basiert auf der Unterscheidung zwischen einer generellen, dem Steuerpflichtigen obliegenden Mitwirkungspflicht (Art. 126 DBG), und von spezifischen, gewissen Dritten obliegenden Mitwirkungspflichten (Art. 127-129 DBG). Nach ständiger bundesgerichtlicher Praxis ist der Steuerpflichtige in Anwendung von Art. 126 DBG gehalten, der Steuerverwaltung auch Informationen zur Veranlagung einer Drittperson zu übermitteln, sofern diese Informationen seine eigene Veranlagung beeinflussen können. Sind die ersuchten Informationen nicht geeignet, Auswirkungen auf die Veranlagung des betreffenden Steuerpflichtigen zu zeitigen, beschränkt sich dessen Mitwirkungspflicht auf diejenigen Informationen, welche von ihm in Anwendung der Art. 127-129 DBG erhältlich gemacht werden können. Art. 126 DBG ist im vorliegenden Einzelfall auf die betreffende Gesellschaft mit Sitz in der Schweiz anwendbar (E. 5). |
Sachverhalt |
A. Le 14 mars 2012, les autorités fiscales françaises ont adressé à l'Administration fédérale des contributions (ci-après: l'Administration fédérale) une demande d'assistance administrative en matière fiscale au sujet de B. en vue d'obtenir des informations sur la société genevoise A. Sàrl (ci-après: la Société), dont il serait l'unique actionnaire. A l'appui de cette demande, elles exposaient que B. percevait des redevances d'une société française en contrepartie du droit d'exploiter des marques qui lui appartenaient et qu'il ne déclarait plus aucun revenu à ce titre après avoir transféré, en 2009, le droit d'exploiter ces marques (recte: la propriété de ces marques; art. 105 al. 2 LTF) à la Société. Les autorités françaises souhaitaient dès lors obtenir des renseignements concernant l'assujettissement de la Société, le taux d'impôt qui lui avait été appliqué en 2010 et le montant d'impôt payé, l'activité qu'elle exerçait réellement, ses moyens matériels et humains en termes de locaux, de nombre d'employés et d'actifs, ainsi que le montant des rémunérations, dividendes et jetons de présence qui avaient été versés à B. Elles requéraient également la production du bilan et du compte de résultat 2010 de la Société. |
B.
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B.a L'Administration fédérale a obtenu certaines des informations requises de l'Administration fiscale du canton de Genève (ci-après: l'Administration cantonale) et d'autres de la Société. Le 18 septembre 2014, elle a décidé de les transmettre aux autorités françaises.
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La Société a recouru contre la décision du 18 septembre 2014 de l'Administration fédérale auprès du Tribunal administratif fédéral. Elle ne s'opposait pas à l'octroi de l'assistance administrative sur le principe, mais concluait à ce que seules les informations concernant son assujettissement en Suisse et le fait qu'elle n'avait procédé à aucun versement en faveur de B. en 2010 soient communiquées aux autorités françaises, accompagnées d'un extrait du registre du commerce.
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B.b Dans un arrêt du 17 juin 2015 (A-6008/2014), le Tribunal administratif fédéral a d'abord retenu que la demande d'assistance respectait les conditions formelles requises et que tous les renseignements sollicités remplissaient l'exigence de la pertinence vraisemblable, à l'exception du taux et de la quotité d'impôt payé par la Société en Suisse. Ces deux derniers éléments ne devaient donc pas être transmis aux autorités françaises pour ce motif. Le Tribunal administratif fédéral a ensuite examiné si la transmission des renseignements vraisemblablement pertinents à la France respectait les règles et limites du droit interne suisse. Il a conclu que tel était le cas des informations obtenues de l'Administration cantonale; s'agissant en revanche des renseignements détenus par la Société elle-même, il a jugé que celle-ci n'était tenue de ne communiquer que les informations relatives aux prestations qu'elle avait effectuées en faveur de B. - ce à quoi l'intéressée ne s'opposait du reste pas -, mais que celles qui concernaient sa propre situation (à savoir son activité, le nombre de ses employés et ses locaux) ne pouvaient pas être exigées d'elle en vertu du droit interne et qu'elles ne devaient de ce fait pas être transmises.
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Le Tribunal administratif fédéral a en conséquence partiellement admis le recours (cf. chiffre 1 du dispositif), réformé le chiffre 2 de la décision du 18 septembre 2014 de l'Administration fédérale en supprimant ses tirets 4 (activité de la Société), 5 (nombre d'employés), 6 (locaux) et 10 (taux et quotité d'impôt), et l'a confirmée pour le surplus (cf. chiffre 2 du dispositif). |
C. L'Administration fédérale interjette un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral à l'encontre de l'arrêt du Tribunal administratif fédéral du 17 juin 2015. Elle conclut principalement, sous suite de frais, à l'admission du recours, à l'annulation du chiffre 2 du dispositif de l'arrêt attaqué et à la confirmation des tirets 4, 5 et 6 de la décision du 18 septembre 2014. (...)
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Le Tribunal fédéral a admis le recours.
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(extrait)
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Extrait des considérants: |
L'art. 28 par. 3 CDI CH-FR prévoit que les dispositions du par. 1 "ne peuvent en aucun cas être interprétées comme imposant à un Etat contractant l'obligation: (...) (b) de fournir des renseignements qui ne pourraient être obtenus sur la base de sa législation ou dans le cadre de sa pratique administrative normale ou de celles de l'autre Etat contractant; (...)".
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Selon le Commentaire officiel du MC OCDE, sont considérés comme renseignements pouvant être obtenus selon le droit et la pratique internes ceux dont disposent les autorités fiscales ou que celles-ci peuvent obtenir par application de la procédure normale d'établissement de l'impôt (Commentaire OCDE, version au 17 juillet 2012, n° 16 ad art. 26 MC OCDE; www.oecd.org/fr/ctp/echange-de-renseignements- fiscaux/ sous: Mise à jour de l'article 26 [...]). L'idée qui sous-tend cette réserve en faveur du droit interne en la matière est que l'on ne saurait exiger de l'Etat requis qu'il soit tenu de transmettre des informations qu'il ne pourrait pas obtenir en vertu de sa législation ou de sa pratique internes (XAVIER OBERSON, in Modèle de Convention fiscale OCDE concernant le revenu et la fortune, Commentaire, 2014, n° 115 ad art. 26 MC OCDE). |
L'Administration fédérale soutient que la position du Tribunal administratif fédéral viole l'art. 6 aOACDI (actuellement 9 de la loi fédérale du 28 septembre 2012 sur l'assistance administrative internationale en matière fiscale [LAAF; RS 651.1]) et l'art. 28 par. 3 CDI CH-FR. Elle est d'avis que, dans le contexte de l'assistance administrative, l'art. 127 LIFD n'entre en ligne de compte que lorsque les renseignements sont détenus par un "pur tiers", mais pas lorsque ce tiers entretient des liens étroits avec la personne à l'étranger concernée par la demande d'assistance, car il doit alors être qualifié de "personne concernée" au sens de l'art. 6 aOACDI. Dans une telle situation, les obligations de collaboration seraient définies aux art. 124-126 LIFD. Etant donné la palette des mesures prévues par ces dispositions, l'examen des renseignements à transmettre devrait uniquement être effectué à la lumière du critère conventionnel de la pertinence vraisemblable des renseignements sollicités (cf. art. 28 par. 1 CDI CH-FR). |
La Société soutient que le point de savoir si elle représente une personne concernée ou un simple détenteur d'informations relève des faits, de sorte que le recours de l'Administration fédérale devrait être déclaré irrecevable, faute de poser une question juridique de principe, l'Administration fédérale n'ayant pas non plus exposé en quoi la cause constituerait un cas particulièrement important au sens de l'art. 84 al. 1 LTF. Au fond, elle conteste la conception de "personne concernée" retenue par l'Administration fédérale et soutient que cette notion ne peut toucher que le contribuable visé par la demande d'assistance. Comme en l'espèce la demande d'assistance administrative formée par la France vise B., ce serait partant à juste titre que le Tribunal administratif fédéral a qualifié la Société de simple détenteur de renseignements.
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La Société développe par ailleurs longuement le grief selon lequel l'Administration fédérale aurait adopté envers elle un comportement constitutif d'une violation du principe de la bonne foi (art. 9 Cst.) au cours de la procédure qu'elle a menée, en tant qu'elle lui aurait fait croire qu'elle n'était impliquée dans la demande d'assistance française qu'en tant que détenteur d'informations et non pas en tant que personne concernée. Son argumentation repose toutefois sur des faits non constatés par le Tribunal administratif fédéral, en l'occurrence des extraits de correspondance échangée entre la Société et l'Administration fédérale. Il n'y a donc pas lieu d'entrer en matière sur ce point (cf. art. 105 LTF).
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3.1 Dans une affaire soumise, sous l'angle procédural, à la LAAF, la Cour de céans a retenu que la notion de "personne concernée" dans son sens matériel découlait de l'expression "personnes qui ne sont pas concernées par la demande" figurant à l'art. 4 al. 3 LAAF, que l'interprétation de cette norme devait être effectuée à la lumière du critère conventionnel de pertinence vraisemblable (ATF 141 II 436 consid. 3.3 et 4.5 p. 440 s. et 446), et que si des informations concernant une société pouvaient être relevantes pour l'imposition du contribuable visé par la demande d'assistance, elles constituaient alors à tout le moins des renseignements vraisemblablement pertinents (cf. consid. 4.6). Tel peut en particulier être le cas si le contribuable visé par la demande domine économiquement la société détentrice des informations. Le Tribunal fédéral a également recouru au critère conventionnel de pertinence vraisemblable pour circonscrire la notion de personne concernée lorsque la demande d'assistance est régie par l'aOACDI (cf. arrêt 2C_216/2015 du 8 novembre 2015 consid. 3.2 et 4.2). Il convient d'ajouter que le point de savoir si une société doit être qualifiée de personne concernée ou de simple détenteur d'informations constitue bien une question de droit et non pas, comme le soutient la Société dans sa réponse au recours, un élément qui relève de l'établissement des faits. |
Reste donc à déterminer si la transmission de ces informations est compatible avec la réserve du droit interne prévue à l'art. 28 par. 3 CDI CH-FR, ce qu'a refusé d'admettre le Tribunal administratif fédéral en application de l'art. 127 LIFD et ce que conteste la recourante, qui se prévaut de l'art. 126 LIFD.
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4. Il est admis de manière générale en doctrine que la réserve conventionnelle en faveur du droit interne qui est libellée à l'art. 28 par. 3 CDI CH-FR (art. 26 par. 3 MC OCDE) renvoie, pour ce qui concerne l'obtention des renseignements auprès d'une personne en Suisse, à la LIFD (OBERSON, op. cit., n° 115 ad art. 26 MC OCDE; DANIEL HOLENSTEIN, in Kommentar zum Schweizerischen Steuerrecht, in Internationales Steuerrecht, nos 285, 287 et 290 ad art. 26 OECD; DONATSCH/HEIMGARTNER/MEYER/SIMONEK, Internationale Rechtshilfe, unter Einbezug der Amtshilfe im Steuerrecht, 2e éd. 2015, p. 251 s.). Sont ici concernées les dispositions réglant les obligations de procédure qui incombent au contribuable et aux tiers, soit les art. 123-129 LIFD. |
5.1.2 Selon la jurisprudence rendue sous l'empire de l'art. 89 al. 2, 2e phrase, de l'arrêté du Conseil fédéral du 9 décembre 1940 concernant la perception d'un impôt fédéral direct en vigueur jusqu'au 31 décembre 1994 (AIFD), qui réglait alors la matière, l'obligation de collaborer du contribuable s'étendait également à la fourniture de renseignements relevants pour la taxation de ses partenaires en affaires, à condition que cela puisse présenter de l'importance pour sa propre taxation, et ce même si le but principal de la demande de l'autorité fiscale concernait la situation fiscale de ses partenaires en affaires. Ne pouvaient être exclus que les renseignements dont la communication occasionnait des frais déraisonnables pour le contribuable (cf. ATF 120 Ib 417 consid. 1a-1c p. 420 ss, traduit in RDAF 1996 p. 408; ATF 107 Ib 213 consid. 2 p. 214 ss, en particulier p. 216, traduit in RDAF 1983 p. 27). |
Entrent également dans cette catégorie les situations de Durchgriff, où l'autorité fiscale peut, exceptionnellement, refuser de reconnaître à une personne morale la qualité de sujet fiscal indépendant, si son existence procède d'une construction abusive (cf. ATF 136 I 49 consid. 5.4 p. 60; arrêts 2C_396/2011 du 26 avril 2012 consid. 4.2.1, in StE 2012 A 24.1 Nr. 7, traduit in RDAF 2012 II p. 503; 2A.145/2005 du 30 janvier 2006, in RF 61/2006 p. 523). En pareilles circonstances, analysées sous l'angle de l'évasion fiscale, le revenu affecté à la personne morale de manière abusive est fiscalement attribué à son propriétaire économique (voire à une société soeur, cf. arrêt 2A.145/2005 précité), par une approche en transparence fiscale. Ce genre de situation est en particulier susceptible de se présenter, dans des contextes de répartition internationale, lorsqu'une construction est adoptée pour aboutir à une taxation du revenu dans un Etat plus avantageux fiscalement, ou lorsque les deux sujets de droit impliqués relèvent de la même souveraineté fiscale, mais que la répartition (abusive) des revenus entre eux aboutit à une économie d'impôt (pour une présentation détaillée des cas de Durchgriff retenus en matière d'impôts directs, cf. LAURENCE CORNU, Théorie de l'évasion fiscale et interprétation économique, Les limites imposées par les principes généraux du droit, 2014, p. 499 ss). |
La remise en cause de l'affectation d'un revenu à une personne morale peut aussi intervenir indépendamment d'une situation constitutive de distribution dissimulée de bénéfice ou d'évasion fiscale: le Tribunal fédéral a ainsi retenu que l'autorité fiscale était fondée à remettre en cause l'attribution d'un revenu afférent à une prestation de conseil à une société dont l'unique actionnaire était la personne qui avait fourni cette prestation, dès lors que ladite personne avait échoué à prouver par titre que le mandat avait bien été exécuté, comme elle le soutenait, par le truchement de la société (arrêt 2C_95/2013 du 21 août 2013 consid. 2.2 et 3.3, in RF 68/2013 p. 810, StE 2013 B 22.2 Nr. 28, traduit in RDAF 2014 II p. 336).
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Dans les cas de figure présentés ci-dessus, la taxation de toutes les personnes et entités concernées est affectée par la "réattribution fiscale" du revenu opérée par l'autorité fiscale. Il en découle que cette dernière peut se prévaloir de l'art. 126 LIFD pour requérir de la société contribuable des renseignements, quand bien même le motif principal de la demande vise une autre personne, si ces renseignements sont susceptibles d'affecter sa propre situation fiscale.
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5.4 En l'espèce, selon les constatations des juges précédents, les autorités fiscales françaises soupçonnent B., contribuable et résident français, de n'avoir constitué la Société que pour des raisons fiscales (à savoir transférer des revenus de redevances en Suisse, de sorte qu'ils échappent à la souveraineté fiscale française), la Société n'ayant pas d'existence réelle (cf. arrêt attaqué, consid. 6.1). Le Tribunal administratif fédéral a relevé que la France souhaitait obtenir les renseignements demandés pour vérifier la réalité de la structure mise en place et, le cas échéant, en faire abstraction si celle-ci devait s'avérer artificielle. Comme exposé ci-dessus, il en a déduit, à juste titre, que les renseignements demandés remplissaient l'exigence de pertinence vraisemblable, la Société apparaissant comme une personne concernée par la demande. En revanche, c'est à tort que les juges précédents ont conclu que, sous l'angle du droit interne suisse, l'obligation de collaboration de la Société était régie par les art. 127-129 LIFD. Au contraire, sous l'angle du droit interne suisse, les renseignements demandés à la Société, qui concernent son activité, le nombre de ses employés et ses locaux, constituent des indices propres à déterminer si sa création procède ou non de la mise en place d'une structure artificielle, dénuée de substance et constituée à des seules fins fiscales, soit d'un cas de Durchgriff. Or, comme rappelé ci-dessus, si cette construction devait être retenue, la propre taxation de la Société en serait également affectée, en tant que les revenus qui lui ont été attribués artificiellement le seraient désormais directement à son actionnaire. En vertu du droit interne, celle-ci serait donc tenue de communiquer ces informations en vertu de l'art. 126 LIFD. |