BGE 102 III 40 |
9. Arrêt du 28 janvier 1976 dans la cause Banque genevoise de commerce et de crédit en liquidation. |
Regeste |
Art. 21 Abs. 2 der Verordnung des Bundesgerichts vom 11. April 1935 betreffend das Nachlassverfahren von Banken und Sparkassen; Nachlassvertrag, der keine Klausel über die Bezahlung von Zinsen enthält. |
2. Tragweite des vom Schuldner erhobenen Rekurses im Nachlassverfahren bei Banken. Frage offen gelassen (Erw. 2). |
3. Art. 21 Abs. 2 der Verordnung vom 11. April 1935 gelangt nur dann zur Anwendung, wenn die Forderungen nicht vollumfänglich gedeckt sind; ergibt sich bei der Verwertung der Aktiven ein Überschuss, so hat dieser zur Deckung der Zinsen zu dienen, die die Gläubiger - ohne Nachlassvertrag - für die Zeit nach der Stundungsbewilligung hätten verlangen können (Erw. 3). |
Sachverhalt |
A.- La Cour de justice civile du canton de Genève, première section, en sa qualité d'autorité de surveillance des concordats pour les banques et les caisses d'épargne, a accordé à la Banque genevoise de commerce et de crédit, le 11 mai 1965, un sursis bancaire, puis, le 25 avril 1966, un sursis concordataire, qui, après avoir été prolongé deux fois, a abouti à un concordat par abandon d'actif, homologué le 6 juillet 1967 par l'autorité concordataire. La clause essentielle du concordat a la teneur suivante: |
"La Banque genevoise de commerce et de crédit fait abandon définitif en faveur de ses créanciers de tous ses biens, meubles et immeubles, créances et droits de toute nature qu'elle possède, pouvant constituer des actifs.
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Le concordat ne contient pas de clause sur le paiement des intérêts. La réalisation de l'actif a permis de désintéresser intégralement, en capital, tous les créanciers qui n'avaient pas fait abandon de créance, et il y a eu un excédent actif. Fondés sur une décision de la commission des créanciers et sur une lettre de la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral, du 18 janvier 1972, répondant aux questions posées par le Président de la Première Section de la Cour de justice, les liquidateurs ont fait paraître, le 19 juin 1975, dans la "Feuille officielle suisse du commerce", un avis dans lequel ils se référaient à un tableau de distribution qui serait déposé le lendemain au siège de la banque, et annoncé que, dès que ce tableau serait passé en force, des intérêts seraient payés aux créanciers (à l'exclusion des créances ayant fait l'objet d'un abandon); les taux d'intérêt appliqués seraient les suivants:
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a) pour la période courant du 1er janvier 1965 au 25 avril 1966 (date de l'octroi du sursis concordataire): les taux d'intérêt contractuels;
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b) pour la période courant du 26 avril 1966 au 6 juillet 1967 (date de l'homologation du concordat par abandon d'actif): un taux d'intérêt moratoire de 5%, à l'exception des bons de caisse non échus auxquels serait appliqué l'intérêt contractuel.
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Cette publication a fait notamment l'objet d'une plainte déposée le 3 juillet 1975, au nom de la Banque genevoise de commerce et de crédit, par Me Ariel R. Bernheim, avocat à Genève. Me Bernheim disait agir sans mandat de la Banque genevoise de commerce et de crédit et être mis en oeuvre par les liquidateurs de l'actionnaire majoritaire de cette banque, la Banque d'épargne et de crédit. Le 2 octobre 1975, les administrateurs de la Banque genevoise de commerce et de crédit encore inscrits au registre du commerce ont déclaré approuver et ratifier cette plainte.
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B.- La Cour de justice civile a rejeté la plainte le 12 décembre 1975.
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C.- La Banque genevoise de commerce et de crédit recourt au Tribunal fédéral. Elle demande, comme elle l'a fait devant la Cour de justice civile, que le tableau de distribution soit modifié en ce sens que les créanciers ne peuvent prétendre à un intérêt pour la période postérieure au 25 avril 1966. |
Considérant en droit: |
L'art. 53 al. 2 du règlement susmentionné ne dit pas qui a qualité pour recourir. L'art. 28 al. 2 de l'ordonnance du Tribunal fédéral concernant la procédure de concordat pour les banques et les caisses d'épargne, du 11 avril 1935 (OTF), accorde aux créanciers le droit de porter plainte contre les décisions des liquidateurs relatives à la réalisation de l'actif; il est douteux qu'il en faille déduire que, dans le concordat des banques et des caisses d'épargne, le débiteur n'a pas qualité pour porter plainte, alors que ce droit lui est accordé, dans certaines limites, en matière de concordat par abandon d'actif ordinaire (art. 316e LP, ATF 85 III 179). Mais la question peut demeurer indécise en l'espèce. En effet, le recours n'est pas exercé contre une décision concernant la réalisation de l'actif; ce n'est pas l'art. 28 al. 2 OTF qui s'applique, mais l'art. 38, lequel règle le droit de plainte contre le tableau de distribution, sans le limiter aux créanciers.
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Dans ces conditions, la qualité pour porter plainte du débiteur doit être examinée selon les principes généraux; elle est liée à la question de savoir si le débiteur a un intérêt juridique digne de protection à porter plainte. Tel est sans aucun doute le cas lorsque le débiteur affirme que le produit de liquidation qui dépasse le montant en capital des créances ne doit pas être affecté au paiement d'intérêts sur les créances, mais lui revient. Quand le débiteur est une société anonyme, c'est au conseil d'administration qu'il appartient de décider s'il convient de porter plainte; comme dans la faillite, cet organe ne peut pas engager la société envers les tiers, mais a encore qualité pour défendre les intérêts de la société (et des actionnaires) en procédure (avant tout contre l'administration de la faillite, les liquidateurs, la commission des créanciers, etc.) (F. VON STEIGER, Das Recht der Aktiengesellschaft in der Schweiz, 4e éd., p. 332; dans le même sens ATF 88 III 35). Peu importe que le mandat des administrateurs n'ait pas été renouvelé depuis l'octroi du sursis concordataire; à l'instar de la Cour de justice civile, on doit admettre que, tant qu'il n'y a eu ni démission, ni révocation, ni désignation de nouveaux administrateurs, les anciens administrateurs demeurent autorisés à défendre les intérêts de la société dans la mesure nécessaire. On pourrait même se demander si, dans un cas comme celui qui est examiné en l'espèce, la qualité pour porter plainte ne devrait pas être reconnue également aux actionnaires pris isolément, contrairement aux principes dégagés par la jurisprudence actuellement en vigueur (ATF 53 III 112, ATF 88 III 35 /36 et 79); en effet, l'excédent actif qui revient à la société est réparti entre les actionnaires (cf. également ATF 56 I 292). Mais la question ne se pose pas en l'occurrence, aucun actionnaire n'ayant recouru. |
3. Selon l'art. 21 al. 2 OTF, à moins que le concordat n'en dispose autrement, la banque débitrice sera tenue quitte des intérêts des créances non garanties par gage qui courent durant le sursis concordataire. Cette disposition est en harmonie avec la règle posée en matière de faillite (art. 209 LP). La loi sur la poursuite pour dettes et la faillite ne contient pas de disposition correspondante en matière de procédure ordinaire de concordat; mais, dans son ensemble, la doctrine préconise l'application par analogie de l'art. 209 LP au concordat par abandon d'actif; les avis divergent seulement sur le point de savoir si, quand le concordat ne contient pas de clause à ce sujet, les intérêts cessent de courir dès l'octroi du sursis concordataire (PORTMANN, BlSchK 1961, pp. 37-39; SCHODER, RJB 1952, p. 422) ou seulement une fois le concordat homologué (PAPA, Die analoge Anwendung der Konkursnormen auf den Nachlassvertrag mit Vermögensabtretung, thèse Berne 1941, p. 103; LUDWIG, Der Nachlassvertrag mit Vermögensabtretung, thèse Berne 1970, p. 92). Mais cette controverse est dénuée d'intérêt en matière de concordat bancaire, l'art. 21 al. 2 OTF réglant clairement la question. |
La doctrine précise la portée des art. 209 LP et 21 al. 2 OTF en ce sens qu'ils s'appliquent uniquement au cas où les créances ne sont pas intégralement couvertes; lorsque, dans la faillite ou le concordat par abandon d'actif d'une banque, la réalisation fait apparaître un excédent d'actif, cet excédent doit servir à la couverture des intérêts que les créanciers auraient pu réclamer, en l'absence de faillite pour la période postérieure à l'ouverture, en l'absence de concordat pour la période qui a suivi l'octroi du sursis (intérêts contractuels, intérêts moratoires dès l'échéance ordinaire des créances) (cf. PAPA, p. 103, et surtout PORTMANN, loc.cit., aux conclusions duquel se rallient LUDWIG, pp. 118/119, et FRITZSCHE, Schuldbetreibung und Konkurs, 2e éd., II, p. 360). La Cour de justice civile a, à juste titre, adopté cette interprétation, en faveur de laquelle la Chambre des poursuites et des faillites du Tribunal fédéral avait d'ailleurs pris position dans sa lettre du 18 janvier 1972. L'argumentation en sens contraire de la recourante n'est pas convaincante:
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a) Certes, dans l'esprit de la loi, le débiteur tire profit du concordat, dont il obtient le "bénéfice" ("Rechtswohltat", art. 293 LP; cf. ATF 34 I 149 consid. 1). Mais, dans le concordat par abandon d'actif, où le débiteur cède aux créanciers l'ensemble de son patrimoine, l'avantage matériel essentiel est que, en cas de découvert, les créanciers ne reçoivent pas d'acte de défaut de biens, le débiteur étant ainsi entièrement libéré de ses dettes. On ne conçoit pas qu'il soit en outre en droit de reprendre une partie des biens réalisés sans que les créanciers aient auparavant été pleinement satisfaits. Il est au contraire dans la logique de l'institution que les créanciers voient leurs prétentions couvertes dans une mesure qui corresponde le plus possible à ce qu'ils auraient pu exiger en l'absence de concordat (cf. PORTMANN, pp. 38/39).
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c) Contrairement à ce que prétend la recourante, il ne résulte pas de l'art. 21 al. 2 OTF que, si le concordat n'en dispose autrement, il y a présomption irréfragable que les créanciers ont renoncé à réclamer les intérêts des créances non garanties par gage. Au contraire, il y a une présomption iuris tantum, qui doit être considérée comme renversée en cas d'excédent d'actif. C'est ce qui ressort des termes mêmes employés dans les versions française et allemande du texte légal. "Tenir quitte", "nachlassen" désignent l'acte des créanciers qui, lors de la procédure concordataire (Nachlassverfahren), renoncent à une partie de leurs créances, soit à ce qui n'est pas couvert par le produit de la liquidation (moins clair, le texte italien, "... la debitrice è svincolata dal rimborso degli interessi", prête à équivoque). Tout comme l'art. 209 LP, l'art. 21 al. 2 OTF a pour objet de simplifier la procédure en cas de découvert (cf. PORTMANN, pp. 34-37; FRITZSCHE II, p. 63). Mais, quand il y a excédent actif, il perd sa raison d'être et ne saurait donc faire obstacle à ce que les créanciers soient intégralement satisfaits.
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d) La Cour de justice civile ne s'est pas exprimée d'une façon qui prête à erreur quand elle mentionne ATF 88 III 85 s. consid. 5 en disant que la suspension de la procédure de réalisation a été subordonnée, dans une faillite, à la couverture de toutes les créances, y compris les intérêts. C'est à tort que la recourante fait valoir que, dans cet arrêt, le Tribunal fédéral n'a pas dit quelle aurait été la solution à défaut de paiement des intérêts: en faillite également, la suspension de la procédure de réalisation ne se justifie que lorsque (malgré la disposition de l'art. 209 LP) le débiteur paie aux créanciers les intérêts en plus du montant en capital de la créance.
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e) La recourante invoque en vain, à plusieurs reprises, la nature contractuelle du concordat par abandon d'actif. Cet aspect de l'institution incite au contraire, en vertu des règles de la bonne foi, à interpréter un concordat bancaire sans clause spéciale sur les intérêts en ce sens que les créanciers - et aussi, évidemment, l'autorité concordataire (ce qui est particulièrement important en matière de concordat bancaire, où n'ont pas lieu des assemblées de créanciers et où l'approbation de la majorité des créanciers n'est pas nécessaire) - partent tacitement de l'idée que les intérêts sont dus en cas d'excédent actif. Tel paraît d'ailleurs bien être le cas en l'espèce: l'arrêt du 6 juillet 1967 homologuant le concordat est muet, vraisemblablement à dessein, sur les intérêts, alors que, dans un avis du 13 mars 1967, les commissaires avaient dit à l'autorité concordataire qu'"il serait indiqué de prévoir dans les conditions du concordat la renonciation des créanciers à prélever des intérêts sur leurs créances à partir du 1er janvier 1965". |
f) On doit se rallier à la Cour de justice civile quand elle considère que les quittances pour solde signées par certains créanciers auxquels le capital a été remboursé ne concernent pas les intérêts. Raisonner différemment serait battre en brèche les règles de la bonne foi et le principe d'une égale satisfaction des créanciers du même rang, qui domine la procédure de liquidation concordataire aussi bien que la procédure de faillite. La recourante invoque à tort les art. 89 al. 2 et 114 al. 2 CO, qui ne trouvent aucune application en l'espèce; les présomptions contenues dans ces deux dispositions légales peuvent d'ailleurs être renversées. L'autorité cantonale relève à juste titre qu'on ne peut renoncer, par une quittance pour solde, qu'aux droits dont on se sait titulaire ou dont on envisage l'acquisition au moins comme une possibilité (cf. ATF 68 II 189, ATF 100 II 45). Or elle constate qu'un résultat aussi favorable que celui qui a été obtenu ne pouvait pas être prévu; il n'a été possible qu'ensuite de l'abandon de certaines créances contre la banque et grâce à la sage gestion des liquidateurs. Cette constatation de fait ne pourrait être attaquée, dans le cadre du recours de l'art. 19 al. 1 LP, que pour violation de dispositions fédérales en matière de preuve ou inadvertance manifeste (art. 43 al. 3, 63 al. 2, 81 OJ). Elle ne donne pas prise à de telles critiques. Certes, la recourante prétend que les créanciers pouvaient envisager le droit aux intérêts au moins comme une possibilité. Mais elle fait seulement valoir que, dans la proposition concordataire, il est dit que l'insuffisance d'actif de 2'500'000 fr. prévue en cas de faillite "est totalement couverte et même au-delà par un abandon de créance de 2'833'000 fr.", en cas d'homologation du concordat. Cet argument est en contradiction avec tout le reste du recours, selon lequel il n'était question, dans la décision d'homologation, que de pouvoir réduire le déficit à un minimum, non pas donc de le couvrir intégralement. |
g) Enfin, la recourante prétend en vain que, s'agissant d'une société anonyme, il n'y a rien de choquant à ce que, victimes eux aussi d'une gestion défaillante, les actionnaires retrouvent, plutôt que les créanciers qui y ont renoncé par le concordat, une partie des investissements opérés. Le fait que le débiteur est une société anonyme et que, lors de la liquidation, les actionnaires sont les premiers touchés par les pertes ne justifie pas, de toute évidence, que les créanciers soient traités différemment que lorsque le débiteur est une personne physique. Dans toute liquidation de société, les créanciers passent avant les sociétaires.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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