BGE 106 III 130
 
27. Arrêt de la Chambre des poursuites et des faillites du 9 octobre 1980 dans la cause Eurosystem hospitalier S.A. (recours LP).
 
Regeste
Rechtsnatur und Wirkung der Sicherheit gemäss Art. 277 SchKG.
 
Sachverhalt


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A.- Le 9 janvier 1980, sur requête de la société Servicios profesionales construcción S.A. (SPC), à Mexico, le Président du Tribunal de première instance de Genève ordonna un séquestre au préjudice de la Société générale de banque S.A. (SGB), à Bruxelles, pour une créance de 30'509'974 fr. 26, avec intérêt (séquestre no 1280 SQ 7). La mesure portait sur les biens et avoirs de la débitrice auprès de divers établissements bancaires de Genève et fut exécutée le jour même. La créancière

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SPC valida le séquestre par une poursuite et obtint la mainlevée définitive de l'opposition.
Pour recouvrer la libre disposition des biens séquestrés, la société SGB offrit le 21 janvier 1980 un cautionnement solidaire souscrit par l'Union de banques suisses, Genève, à concurrence de 48'220'000 fr. L'Union de banques suisses s'était engagée "à verser la somme ci-dessus à l'Office des poursuites au cas où la société SGB ne représenterait pas les biens séquestrés en nature ou en valeur lors de l'éventuelle conversion du séquestre en saisie définitive". Par décision du 23 janvier, l'Office des poursuites de Genève accepta le cautionnement, leva le séquestre exécuté sur les biens et avoirs de la société SGB et le fit porter sur la garantie bancaire fournie par l'Union de banques suisses.
Le 24 juillet 1980, la société belge Eurosystem hospitalier S.A., en faillite, obtint une ordonnance de séquestre au préjudice de la société SPC (séquestre no 380 SQ 342). La mesure portait sur la créance de la société SPC contre l'Union de banques suisses, issue du cautionnement souscrit par cette dernière dans la procédure de séquestre dirigée contre la société SGB. Le séquestre fut exécuté le jour même. Sitôt après, l'Office des poursuites décida toutefois de lever la mesure, jugeant qu'elle avait frappé un bien n'appartenant manifestement pas à la débitrice SPC.
B.- Eurosystem hospitalier S.A. a porté plainte et demandé l'annulation de la décision prise par l'Office des poursuites de révoquer l'exécution du séquestre no 380 SQ 342.
L'Autorité de surveillance des offices de poursuite pour dettes et de faillite du canton de Genève a rejeté la plainte le 27 août 1980.
C.- Eurosystem hospitalier S.A. a interjeté un recours au Tribunal fédéral. Elle reprend ses conclusions.
 
Considérant en droit:


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Le séquestre ne peut frapper que des biens soumis à la réalisation par la voie de la poursuite, qui appartiennent donc au débiteur (art. 271 al. 1 LP). Lorsque la propriété d'un objet mis sous main de justice est litigieuse, l'office des poursuites n'a toutefois pas à apprécier si les droits éventuels d'un tiers font obstacle à l'exécution forcée, mais il doit introduire une procédure de revendication. Il en va autrement si, de toute évidence, les biens visés n'appartiennent pas au débiteur poursuivi. L'office doit en ce cas refuser de donner suite à l'ordonnance de séquestre (ATF 105 III 112 ss, 104 III 58 s. consid. 3). La mesure serait en effet nulle, parce qu'inconciliable avec le but du séquestre qui est de garantir l'exécution sur les biens du débiteur. Cette nullité doit être relevée d'office. Il s'ensuit que l'office des poursuites est compétent pour rapporter un séquestre qu'il a exécuté sur des biens n'appartenant manifestement pas au débiteur. La recourante ne le conteste d'ailleurs pas, mais estime que la situation de droit n'était pas suffisamment claire en l'espèce pour autoriser l'Office à statuer lui-même, sans passer par la procédure de revendication. Ses critiques ne portent dès lors pas sur la compétence mais sur le fond.
Rien dans le texte de l'engagement pris par l'Union de banques suisses n'étaie la thèse de la recourante. La banque s'est uniquement obligée à verser la somme de 48'220'000 fr. à l'Office des poursuites si la société SGB ne représentait pas les biens séquestrés. Elle ne s'est en aucune manière déclarée débitrice de la société SPC.
La recourante commet une erreur manifeste en affirmant que l'existence d'une créance de la société SPC contre l'Union de banques suisses découle de la nature des sûretés prévues à l'art. 277 LP. Le débiteur peut recouvrer la libre disposition des biens séquestrés à son préjudice s'il s'engage à les représenter en nature ou en valeur et s'il fournit des sûretés. Ces sûretés garantissent uniquement que les biens séquestrés ou des valeurs équivalentes pourront être saisis dans la poursuite consécutive au séquestre ou tomberont dans la masse de l'actif en cas de

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faillite; les versions italienne et allemande de l'art. 277 LP ne permettent aucun doute sur ce point. La garantie consiste en ce que les sûretés sont destinées à prendre la place des biens séquestrés s'ils ne sont pas représentés en nature ou en valeur lors de la saisie ou à l'ouverture de la faillite. Il s'ensuit que le créancier séquestrant ne peut acquérir plus de droit sur les biens servant de sûretés que sur ceux frappés par le séquestre; la solution contraire lui permettrait de tirer avantage d'une mesure qui a pour seul but d'alléger autant que possible la situation du débiteur. Or ni la saisie et la faillite, ni, à plus forte raison, le séquestre ne confèrent au créancier un droit de nature privée sur les biens appréhendés. Le créancier n'en tire qu'une prétention de droit public à être désintéressé sur le produit de la réalisation de ces biens, dans la mesure et selon les formes prévues par la loi (BLUMENSTEIN, Handbuch des Schweizerischen Schuldbetreibungsrechtes, p. 327 ss, p. 827 s.; FAVRE, Droit des poursuites, 3e éd., p. 170; FRITZSCHE, Schuldbetreibung und Konkurs, 2e éd., t. I p. 224; ATF 87 II 172, ATF 33 II 653 s.). Par identité de motifs, le créancier n'acquiert aucun droit de nature privée sur les sûretés, mais uniquement une prétention à être désintéressé sur le produit de leur réalisation si les objets séquestrés ne sont pas représentés en nature ou en valeur.
Le but des sûretés et leurs effets pour le créancier séquestrant ne peuvent être différents selon qu'elles sont fournies par dépôt ou par cautionnement. Le créancier n'est dès lors pas plus titulaire des droits issus du cautionnement qu'il n'est propriétaire des biens déposés à titre de garantie; il n'acquiert un droit de gage ni sur ceux-ci ni sur ceux-là. Un cautionnement contracté envers le créancier serait incompatible avec le but des sûretés prévues à l'art. 277 LP. Il lui conférerait un privilège que la loi lui refuse sur les biens séquestrés et que rien ne justifie, contrairement à l'opinion émise dans l'arrêt du 15 mars 1904 en la cause Stirnemann (ATF 30 I 199). En cas de faillite, la créance contre la caution ne tomberait pas dans la masse de l'actif et ne suivrait donc pas le sort des biens dont elle assure la représentation. Le cautionnement prévu à l'art. 277 LP doit dès lors être souscrit en faveur de l'office des poursuites ou, plus exactement, en faveur de la corporation publique dont l'office relève (ATF 78 III 145; JAEGER/DAENIKER, Schuldbetreibungs-und Konkurs-Praxis, n. 3 ad art. 277; FRITZSCHE, Schuldbetreibung und Konkurs,

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2e éd., t. 2 p. 227; H. BONNARD, Le séquestre, p. 165 ss). Lorsqu'au jour de la saisie ou à l'ouverture de la faillite, les biens séquestrés ne sont pas représentés, l'obligation conditionnelle de la caution devient pure et simple; l'office des poursuites ou l'administration de la masse fait alors valoir ou réalise la créance correspondante de la corporation publique de la même manière que si elle appartenait au débiteur.
La recourante objecte en vain que, selon l'art. 492 CO et l'ancien art. 489 CFO, la caution qui intervient pour un débiteur contracte un engagement envers le créancier de ce dernier. Selon le texte clair de l'art. 277 LP, la caution garantit non l'exécution des obligations du débiteur, mais la représentation, en nature ou en valeur, des biens frappés par le séquestre. Le contrat qu'elle conclut avec l'office n'est pas un cautionnement au sens strict du terme, mais un acte juridique "sui generis" qui se rapproche d'un contrat de garantie.
L'Office des poursuites a jugé que la caution s'était obligée envers le débiteur partie à la procédure de séquestre. Il a en conséquence levé le séquestre sur les biens visés par l'ordonnance et l'a fait porter sur la créance née du cautionnement. La légalité de cette pratique n'est pas à l'abri de toute discussion. Seuls en effet les objets mentionnés dans l'ordonnance de séquestre peuvent être mis sous main de justice (ATF 105 III 141, ATF 92 III 24 consid. 1, ATF 90 III 50 s.). De plus, les sûretés garantissent la représentation des biens séquestrés, mais ne s'y substituent pas comme objet de la mesure (ATF 38 I 216 consid. 2; H. BONNARD, Le séquestre, p. 162). La question peut toutefois rester ouverte en l'espèce. Qu'il soit souscrit en faveur du débiteur ou de l'office, le cautionnement ne fait naître aucun droit de nature privée pour le créancier séquestrant. Ni le but de l'art. 277 LP ni le texte de l'engagement pris en l'espèce par l'Union de banques suisses n'autorisent de doute sur ce point.
3. La société SPC n'est pas créancière de l'Union de banques suisses; elle n'a que le droit, si les biens séquestrés au préjudice de SGB ne sont pas représentés, d'être désintéressée dans la mesure et les formes légales sur le produit de la créance de l'Office contre la caution. Cette prétention de droit public ne constitue pas un élément saisissable ni séquestrable de son patrimoine. On ne saurait admettre la saisie, au préjudice d'un

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débiteur, des droits qu'il tire d'une saisie exécutée à son profit contre un autre débiteur. Il n'y aurait d'ailleurs aucune limite à la superposition des saisies et le procédé conduirait à une paralysie de l'exécution forcée. La créance de la société SPC contre la société SGB représentait en l'espèce le seul objet de son patrimoine qui fût susceptible de saisie et de séquestre. Les autorités suisses n'ont toutefois pas compétence pour séquestrer les créances qui ne sont pas incorporées dans des papiers-valeurs et dont l'ayant droit et l'obligé sont tous deux domiciliés à l'étranger (ATF 80 III 126, ATF 63 III 44).
Par ces motifs, la Chambre des poursuites et des faillites:
Rejette le recours et confirme la décision attaquée.