BGE 142 III 720 |
92. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause A.A. et B.A. contre Banque C. SA (recours en matière civile) |
5A_203/2016 du 10 novembre 2016 |
Regeste |
Art. 82 und 153 Abs. 2 lit. b SchKG, Art. 169 Abs. 1 ZGB; Betreibung auf Grundpfandverwertung; Bestellung von Schuldbriefen, welche die im Eigentum der Ehefrau stehende Familienwohnung belasten; Sicherungsübereignung, welche vom Ehemann nicht unterzeichnet ist. |
Wenn sich der Ehegatte auf den von Art. 169 ZGB gewährten Schutz beruft, muss er glaubhaft machen, dass die hypothekarische Verpflichtung die gebräuchlichen Normen übersteigt oder die Familienwohnung auf irgendeine Art gefährdet (E. 6). |
Sachverhalt |
A.a Sur requête de C. SA, l'Office des poursuites du district de Lausanne a, le 14 avril 2015, notifié à A.A. un commandement de payer dans la poursuite en réalisation de gage immobilier n° x, requérant paiement de 7'373'276 fr. 27 plus intérêt à 5 % dès le 1er mars 2015 et indiquant comme titre de la créance ou cause de l'obligation: "Cédule hypothécaire au porteur n° a du 20 décembre 1991, cédule hypothécaire au porteur n° b du 27 mars 2007 et cédule hypothécaire au porteur n° c du 16 avril 2009". L'immeuble, propriété de A.A., est désigné comme il suit: "Parcelle RF n° y de la commune de U.".
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Le même jour, l'Office a notifié un exemplaire du commandement de payer susvisé à B.A., en sa qualité d'époux de la débitrice A.A. Les deux conjoints ont formé opposition totale.
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A.b Le 8 mai 2015, la poursuivante a requis du Juge de paix du district de Lausanne la mainlevée provisoire de l'opposition formée par les poursuivis au commandement de payer n° x. A l'audience du 14 juillet 2015, le conseil des époux a conclu au rejet de la requête de mainlevée, invoquant la violation de l'art. 169 al. 1 CC. |
Par prononcé rendu à la suite de l'audience du 14 juillet 2015, le Juge de paix a prononcé la mainlevée provisoire de l'opposition et constaté l'existence du droit de gage. Les motifs de cette décision ont été notifiés le 9 décembre 2015. En bref, le premier juge a estimé que le moyen tiré de la violation de l'art. 169 CC n'était pas fondé. (...)
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B. Par acte du 16 décembre 2015, les poursuivis ont recouru contre ce prononcé, concluant au maintien de l'opposition. Ils faisaient valoir que la poursuivante n'avait pas valablement acquis la propriété fiduciaire des cédules litigieuses, faute pour le mari d'avoir signé l'acte de cession, en sorte que ledit acte était nul.
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Par arrêt du 5 février 2016, notifié le 26 février 2016, la Cour des poursuites et faillites du Tribunal cantonal du canton Vaud a rejeté le recours et confirmé le prononcé attaqué.
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(...)
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Le 10 novembre 2016, le Tribunal fédéral a rejeté le recours de A.A. et B.A. en séance publique.
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(extrait)
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Extrait des considérants: |
Erwägung 4 |
4.1 En vertu de l'art. 82 LP, le créancier dont la poursuite se fonde sur une reconnaissance de dette constatée par acte authentique ou sous seing privé peut requérir la mainlevée provisoire (al. 1); le juge la prononce si le débiteur ne rend pas immédiatement vraisemblable sa libération (al. 2). La procédure de mainlevée provisoire, ou définitive, est une procédure sur pièces (Urkundenprozess), dont le but n'est pas de constater la réalité de la créance en poursuite, mais l'existence d'un titre exécutoire. Le juge de la mainlevée examine uniquement la force probante du titre produit par le poursuivant, sa nature formelle, et lui attribue force exécutoire si le poursuivi ne rend pas immédiatement vraisemblables ses moyens libératoires (ATF 132 III 140 consid. 4.1.1 p. 141 et 142 et les arrêts cités). Il doit notamment vérifier d'office l'existence d'une reconnaissance de dette, l'identité entre le poursuivant et le créancier désigné dans ce titre, l'identité entre le poursuivi et le débiteur désigné et l'identité entre la prétention déduite en poursuite et la dette reconnue (ATF 139 III 444 consid. 4.1.1 p. 446 et 447 et les références). |
Le poursuivi peut se prévaloir de tous les moyens de droit civil - exceptions ou objections - qui infirment la reconnaissance de dette (ATF 131 III 268 consid. 3.2 p. 273). Il n'a pas à apporter la preuve absolue (ou stricte) de ses moyens libératoires, mais seulement à les rendre vraisemblables, en principe par titre (art. 254 al. 1 CPC; arrêts 5A_467/2015 du 25 août 2016 consid. 4; 5A_884/2014 du 30 janvier 2015 consid. 5.2; 5A_577/2013 du 7 octobre 2013 consid. 4.3.1; 5A_878/2011 du 5 mars 2012 consid. 2.2). Le juge n'a pas à être persuadé de l'existence des faits allégués; il doit, en se fondant sur des éléments objectifs, avoir l'impression qu'ils se sont produits, sans exclure pour autant la possibilité qu'ils se soient déroulés autrement (ATF 132 III 140 consid. 4.1.2 p. 143/144).
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Erwägung 4.2 |
Bien que le jugement de première instance (art. 105 al. 2 LTF) ne soit pas clair sur ce point, savoir si, en l'espèce, le moyen a été valablement soulevé par le conjoint de la poursuivie peut rester indécis, dès lors que ce dernier était valablement représenté par un avocat à l'audience de mainlevée et vu les considérations qui vont suivre.
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4.2.2 Selon l'art. 169 al. 1 CC, un époux ne peut, sans le consentement exprès de son conjoint, ni résilier le bail, ni aliéner la maison ou l'appartement familial, ni restreindre par d'autres actes juridiques les droits dont dépend le logement de la famille. Cette disposition a pour objectif d'empêcher, en particulier en cas de tensions, que le conjoint titulaire des droits réels ou personnels dont dépend le logement familial puisse disposer unilatéralement de ce logement, qui a une importance vitale pour l'autre époux (ATF 114 II 396 consid. 5a p. 398 et 399). Le législateur a tenu à protéger le logement familial par une réglementation légale de nature impérative (ATF 115 II 361 consid. 4a p. 364; ATF 114 II 396 consid. 5a p. 398/399), édictée également dans l'intérêt public (arrêt 5A_169/2010 du 23 août 2010 consid. 2.3 et la référence). L'absence de consentement entraîne la nullité absolue de l'acte juridique en cause, sans qu'il faille tenir compte de l'éventuelle bonne foi du cocontractant (ATF 118 II 489 consid. 2 p. 490/491; arrêt 5A_695/2008 du 27 novembre 2008 consid. 4.1). |
Seuls certains actes de disposition sont mentionnés par l'art. 169 CC, dont l'énumération se réfère, notamment, à ceux qui sont susceptibles de restreindre les droits dont dépend le logement de la famille. La mise en gage de l'immeuble peut, suivant les circonstances, nécessiter le consentement du conjoint, à des conditions débattues par la doctrine. Dans plusieurs arrêts, le Tribunal fédéral a jugé que la créance garantie par hypothèque, incorporée dans l'obligation hypothécaire, n'a qu'une existence formelle tant que le propriétaire de l'immeuble n'en a pas disposé, par exemple en la remettant en nantissement (ATF 93 II 82 consid. 3 p. 86), de sorte que la seule constitution des obligations hypothécaires n'a pas encore pour effet de restreindre la jouissance du logement ou de créer un risque pour la famille, mais bien, le cas échéant, l'acte de disposition, en particulier le transfert de propriété à fin de garantie. Là où il est exigé, l'accord du conjoint doit être exprès, sans qu'il soit, toutefois, soumis à une exigence de forme particulière par la loi. Enfin, tout en considérant que la plupart des auteurs préconisent de tenir compte de l'ampleur de la mise en gage, un engagement correspondant à des charges hypothécaires "usuelles" n'étant pas sujet à l'exigence du consentement du conjoint, le Tribunal fédéral a jusqu'ici laissé la question ouverte (arrêt 5A_169/2010 du 23 août 2010 consid. 2.3 et les références).
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5. Il convient ainsi de déterminer ce qu'il faut entendre par la notion d'"autres actes juridiques" susceptibles de restreindre les droits dont dépend le logement de la famille au sens de l'art. 169 CC et si, en l'occurrence, le transfert de propriété à fin de garantie des cédules hypothécaires entrait dans le champ d'application de cette disposition. |
Erwägung 5.1 |
Parmi les auteurs majoritaires - dont certains sont cités par la cour cantonale sans que le bien-fondé de leur opinion ne soit remis en cause par les recourants -, la plupart admettent que le logement familial n'est pas menacé et, partant, que le consentement du conjoint n'est pas nécessaire si la charge hypothécaire reste dans les limites usuelles des hypothèques dites en premier rang, soit environ 2/3 de la valeur vénale d'un immeuble non agricole ou en-deçà du plafond fixé par l'art. 73 de la loi fédérale du 4 octobre 1991 sur le droit foncier rural (LDFR; RS 211.412.11) pour un immeuble agricole (dans ce sens: DESCHENAUX/STEINAUER, Personnes physiques et tutelle, 4e éd. 2001, p. 52 s., note 23; DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, Les effets du mariage, 2e éd. 2009, n. 216 p. 141 s.; SCHWANDER, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. I, 5e éd. 2014, n° 16 ad art. 169 CC: jusqu'à environ 60-66 % de la valeur vénale; HAUSHEER/REUSSER/GEISER, in Berner Kommentar, 1999, n° 46a ad art. 169 CC: jusqu'à 60 %; SIDNEY KAMERZIN, Le contrat constitutif de cédule hypothécaire, 2003, n. 416 p. 176 et 177 et les références; GILLIÉRON, op. cit., n° 31 ad art. 153 LP; FRANZISCA MARTHA BETSCHART, Der Grundpfandvertrag und die Allgemeinen Geschäftsbedingungen der Banken, 2011, n. 394 p. 119 et les références; MARLIES NÄF-HOFMANN, Schweizerisches Ehe- und Erbrecht, 1998, n. 94; cf. ég. Revue valaisanne de jurisprudence [RVJ] 2008 p. 267 consid. 3a). D'autres estiment que l'art. 169 CC s'applique lorsque la chargehypothécaire dépasse le 80 % de la valeur vénale de l'immeuble (BRÄM/HASENBÖHLER, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1998, n° 56 ad art. 169 CC; FRANZ HASENBÖHLER, Zur neurechtlichen Regelung der gemeinschaftlichen Wohnung [...], Eherecht in der praktischen Auswirkung, 1991, p. 7 ss, 15; BERNHARD TRAUFFER, Verfügung über die Familienwohnung nach neuem Eherecht, Zeitschrift für Gesetzgebung und Rechtsprechung in Graubünden [ZGRG] 1987 p. 71 ss, 77).Le consentement est aussi nécessaire s'il est manifeste que les capacités financières du débiteur ne permettraient pas d'assurer le service de la dette hypothécaire ou que le logement familial se trouverait en danger de quelque manière en raison de la cédule hypothécaire (HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op. cit.; KAMERZIN, op. cit., n. 417 p. 177; BETSCHART, op. cit., loc. cit.; RVJ 2008 p. 267 consid. 3a). |
Erwägung 5.2 |
5.2.2 S'agissant de la mise en gage d'un immeuble abritant le logement de la famille, il s'agit ainsi de déterminer si cet acte juridique est, dans les circonstances concrètes du cas d'espèce, de nature à mettre en péril, à terme, le droit de bénéficier du logement de la famille. Il faut donc procéder à un examen du cas concret et définir si l'engagement excède le seuil susceptible de conduire à une telle restriction. Comme le relèvent HAUSHEER/REUSSER/GEISER (op. cit., n°s 41, 43 et 44 ad art. 169 CC), il convient de soumettre aussi au consentement de l'autre conjoint les actes juridiques qui, même s'ils ne limitent pas au départ les possibilités d'habiter, exposent à un danger important de perte future du logement de famille. La question de l'applicabilité de l'art. 169 CC doit donc être examinée au cas par cas. En ce qui concerne plus particulièrement la mise en gage du bien considéré, ces auteurs estiment que la création de droits de gage peut, dans certains cas, tomber dans le domaine d'application de l'art. 169 CC, le critère décisif étant la mise en péril sérieuse du logement de la famille: le consentement ne devrait dès lors être exigé qu'en présence d'un tel danger, condition qui doit être considérée comme remplie si la charge hypothécaire atteint un niveau tel que la réalisation forcée de l'immeuble peut être envisagée de façon perceptible ou si une charge même inférieure serait néanmoins de nature à entraîner la perte du logement familial. Selon leur approche, une charge hypothécaire usuelle n'apparaît pas soumise à l'exigence du consentement de l'art. 169 CC. Pour ces commentateurs, dès lors qu'il semble peu praticable de procéder à un examen de la situation financière de la famille, il est préférable de se référer à des valeurs indicatives générales et, à cet égard, il est possible de fixer un seuil correspondant à celui retenu par les banques pour accorder une hypothèque (de premier rang) au taux le plus bas. Il convient toutefois de réserver les cas dans lesquels il est patent que le propriétaire immobilier n'est guère en mesure de couvrir la charge hypothécaire, ainsi que ceux où, par l'acte juridique considéré, il vise en réalité à contourner l'obligation de consentement ou à abuser de son droit (cf. HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op. cit., no s 46 et 46a ad art. 169 CC). |
Cette conception est aussi partagée par SCHWANDER, qui s'y réfère expressément, après avoir lui aussi relativisé la portée de l'art. 169 CC (op. cit., n° 16 ad art. 169 CC: "zustimmungsbedürftig sind alle Rechtsgeschäfte, welche die Rechte an der Familienwohnung aufheben oder deren Ausübung in unzumutbarer Weise einschränken").
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5.2.3 Il convient ainsi de considérer que le fait de grever le logement familial d'un droit de gage immobilier peut, dans certaines circonstances - et non systématiquement -, mettre en péril les droits dont le logement dépend, en particulier lorsque l'immeuble est déjà lourdement hypothéqué. Pour déterminer si une telle hypothèse est réalisée, il y a lieu de fixer certains critères et d'admettre, en particulier, que le consentement du conjoint est en règle générale nécessaire si la charge hypothécaire excède environ les 2/3 de la valeur vénale pour les immeubles non agricoles - ou le plafond fixé par l'art. 73 LDFR pour les immeubles agricoles -, conformément à l'avis de la doctrine majoritaire (cf. supra consid. 5.1.1). En effet, au-delà de cette limite, il paraît difficile de compter sur la valeur vénale encore disponible pour se procurer les fonds destinés à empêcher une poursuite en réalisation de gage. Dans un arrêt relatif à l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger, le Tribunal fédéral a du reste eu l'occasion de préciser que la limite habituelle des charges est des 2/3 de la valeur vénale de l'immeuble (cf. ATF 107 Ib 12 consid. 4 p. 19). Au regard de l'évolution du marché immobilier depuis les années 90 et sa situation actuelle, la limite de 80 % préconisée par certains auteurs précités n'apparaît en revanche pas adéquate (cf. HAUSHEER/REUSSER/GEISER, op. cit., n° 46a ad art. 169 CC; SCHWANDER, op. cit.). |
De toute manière, ces questions de proportion ne sont pas strictement déterminantes. En effet, le danger d'une réalisation, respectivement d'une poursuite en réalisation de gage, que la loi veut prévenir, résulte de la capacité ou non de supporter les charges du logement familial, parmi lesquelles les intérêts hypothécaires. Si l'on peut tenter de déterminer le seuil d'exposition tolérable aux risques d'un immeuble pris isolément, il ne faut pas perdre de vue que le point de savoir si une charge hypothécaire pourra ou non être assumée doit être tranché au regard de la situation financière des époux prise dans son ensemble, même si ce critère est considéré comme difficile à mettre en oeuvre, en pratique, par certains commentateurs (cf. supra consid. 5.2.2). En effet, une mise en danger pourrait être niée nonobstant le fait qu'un immeuble serait très fortement hypothéqué (même au-delà des normes bancaires) si les charges qui en sont induites peuvent être supportées sans difficultés, compte tenu des revenus confortables des époux.
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Comme exposé précédemment, l'art. 169 CC a pour but de protéger le logement familial et de prévenir une éventuelle perte de jouissance de celui-ci qui découlerait de la réalisation forcée de l'immeuble, mais ce risque ne se matérialise que si cette réalisation est nécessaire au remboursement de la dette garantie, dans la pratique, de surcroît, au motif que les charges hypothécaires n'auraient par exemple pas été payées. Il n'en reste pas moins que la situation de fortune des époux concernés doit être appréciée dans son ensemble, afin de formuler un pronostic sur les perspectives de pouvoir ou non conserver l'immeuble abritant le logement familial en cas de difficultés (comme l'évoquent aussi DESCHENAUX/STEINAUER/BADDELEY, op. cit., note 144 ad n. 216). La règle des 2/3 environ ne peut donc être comprise de façon absolue, mais doit être remise dans le contexte de la situation financière globale des époux. Elle peut certes servir, dans la plupart des cas, d'indice initial, à savoir de point de départ à la base du raisonnement, dès lors que les prêteurs eux-mêmes analysent leur exposition aux risques avant d'accorder un crédit; il faut néanmoins laisser la possibilité aux parties de la relativiser par la prise en considération d'autres éléments, qu'il leur appartient d'alléguer. |
6. Reste à savoir si, lorsqu'il oppose la protection conférée par l'art. 169 CC à titre de moyen libératoire, le conjoint doit, outre le caractère familial de l'immeuble grevé, rendre vraisemblable que l'engagement hypothécaire dépasse les normes usuelles. Il y a lieu de répondre par l'affirmative à cette question. La protection de l'art. 169 CC ne peut en effet être invoquée que pour autant que les droits sur le logement familial sont menacés par la remise de la cédule hypothécaire et que cet acte de disposition constitue un danger concret pour le logement en raison de la charge hypothécaire. Celui qui invoque l'application de l'art. 169 CC - et qui soutient ce faisant que le consentement du conjoint à l'acte de disposition litigieux était nécessaire - doit donc rendre vraisemblable que le logement familial est mis en péril en raison du fait que la charge hypothécaire excède environ les 2/3 de la valeur vénale de l'immeuble grevé. Sur ce point, la décision entreprise ne prête pas le flanc à la critique. |
6.2 Autant qu'elles sont suffisamment motivées, ces allégations ne sont pas fondées. Aux termes de l'art. 2 al. 1 LEFI, l'estimation fiscale est faite par bien-fonds "en prenant la moyenne entre sa valeur de rendement et sa valeur vénale". La valeur fiscale ne peut être supérieure à la valeur vénale (art. 2 al. 2 LEFI). Enfin, la valeur de rendement d'un immeuble correspond au rendement brut ou net capitalisé à un taux tenant compte du loyer de l'argent et des charges annuelles ou périodiques (art. 2 al. 3 LEFI). Contrairement à ce qu'affirment les recourants, cette seule disposition ne suffit pas à retenir comme vraisemblable qu'au moment de l'octroi du crédit hypothécaire, la valeur vénale de l'immeuble gagé équivalait à sa valeur imposable, l'arrêt attaqué ne contenant en particulier aucune indication concernant la valeur de rendement dudit immeuble. Quant à la garantie complémentaire sollicitée par l'intimée, il n'est pas non plus possible d'en déduire que la valeur vénale de l'immeuble n'aurait à ce moment-là été que de 7'207'000 fr. Il résulte en effet des constatations de l'autorité cantonale, d'une part, que le crédit devait être remboursé à court terme (6-12 mois) via "le produit de la vente de la villa", d'ores et déjà mise en vente par le preneur de crédit, et, d'autre part, qu'après avoir accordé à la poursuivie un ultime délai au 15 septembre 2014 pour régler les échéances de remboursement du prêt, la banque a exercé son droit de compensation sur le montant de 1'800'000 fr. précité. Dans ces circonstances, l'existence de cette seconde garantie ne permet pas de conclure que la valeur vénale de l'immeuble aurait été inférieure au montant de sa mise en gage. Il convient bien plutôt de considérer que l'intimée entendait ainsi se prémunir contre le non-respect des engagements pris par l'épouse tant que l'immeuble ne serait pas vendu. Là également, les recourants ne sauraient donc être suivis. (...) |