BGE 144 III 145 |
17. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. contre Z. (recours en matière civile) |
4A_197/2017 du 13 mars 2018 |
Regeste |
Art. 924 Abs. 1 und 927 ZGB; Klage aus Besitzesentziehung. |
Für die erste Voraussetzung genügt der mittelbare Besitz: Übertragung des mittelbaren Besitzes an einem Grundstück vom Verkäufer an den Käufer durch Besitzanweisung (E. 3.2.1). |
Extrait des considérants: |
D'après la jurisprudence, une décision est arbitraire lorsqu'elle est manifestement insoutenable, méconnaît gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté, ou heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité; il ne suffit pas qu'une autre solution paraisse concevable, voire préférable; pour que cette décision soit annulée, encore faut-il qu'elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 132 I 13 consid. 5.1; ATF 131 I 217 consid. 2.1, ATF 131 I 57 consid. 2; ATF 129 I 173 consid. 3.1).
|
Pour être jugée arbitraire, la violation du droit doit être manifeste et pouvoir être reconnue d'emblée (ATF 133 III 462 consid. 4.4.1). Le Tribunal fédéral n'a pas à examiner quelle est l'interprétation correcte que l'autorité cantonale aurait dû donner des dispositions applicables; il doit uniquement dire si l'interprétation qui a été faite est défendable (ATF 132 I 13 consid. 5.1). Le recourant doit démontrer en quoi l'application qui a été faite du droit est arbitraire (art. 106 al. 2 LTF; ATF 133 III 462 consid. 2.3).
|
3.1 L'action possessoire de l'art. 927 al. 1 CC, dite action réintégrande, a pour fonction d'empêcher que la possession ne soit usurpée et, par là, a pour but de protéger la paix publique. Elle a pour objet la défense de la possession comme telle et vise à rétablir rapidement l'état antérieur. Elle ne conduit pas à un jugement sur la conformité au droit de cet état de fait. Elle n'assure au demandeur qu'une protection provisoire. Le juge ne doit examiner la question du droit à la possession de la chose que lorsqu'il est saisi de l'action pétitoire en revendication (art. 641 al. 2 CC; ATF 113 II 243 consid. 1b p. 244; arrêts 5A_98/2010 du 7 mai 2010 consid. 4.1.2; 5P.509/2006 du 8 mai 2007 consid. 1.3; cf. PAUL-HENRI STEINAUER, Les droits réels, tome I, 5e éd. 2012, n. 313 ss; STARK/LINDENMANN, Berner Kommentar, 2016, nos 1 ss Vorb. ad art. 926-929 CC; SUTTER/SOMM, Eigentum und Besitz, TDPS, Sachenrecht vol. 1, 2014, n. 1309; BETTINA HÜRLIMANN-KAUP, Grundfragen des Zusammenwirkens von Miete und Sachenrecht, 2008, n. 129). Comme le précise l'art. 927 al. 1 in fine CC, le défendeur à l'action réintégrande ne peut pas exciper du droit préférable qu'il aurait sur la chose (ATF 113 II 243 consid. 1b; STEINAUER, op. cit., n. 344; STARK/LINDENMANN, op. cit., nos 91 ss Vorb. ad art. 926-929 CC). |
L'art. 927 al. 2 CC réserve une situation exceptionnelle, celle dans laquelle le défendeur établit aussitôt un droit - réel ou contractuel (ATF 40 II 559 consid. 3 p. 564 ss; STARK/LINDENMANN, op. cit., n° 20 ad art. 927 CC) - préférable qui l'autoriserait à reprendre la chose au demandeur (ATF 113 II 243 consid. 1b p. 245 in fine; arrêt 5A_98/2010 précité consid. 4.1.2; cf. STEINAUER, op. cit., n. 345 ss; STARK/ERNST, in Basler Kommentar, Zivilgesetzbuch, vol. II, 5e éd. 2015, n° 6 ad art. 927 CC).
|
Le jugement sur l'action réintégrande de l'art. 927 al. 1 CC statue définitivement sur la protection de la possession et, partant, le rétablissement de l'état antérieur (ATF 113 II 243 consid. 1b p. 244). Le juge n'a pas à fixer au demandeur un délai pour introduire une action au fond sur l'existence du droit. L'action pétitoire en revendication (art. 641 al. 2 CC), qui porte sur la protection du droit, peut mettre fin aux effets du jugement sur l'action possessoire (ATF 113 II 243 consid. 1b p. 244). Il s'agit d'une action réelle, qui ne doit pas être confondue avec l'action contractuelle en restitution de la chose louée, à l'échéance du bail (art. 23 al. 1 de la loi fédérale du 4 octobre 1985 sur le bail à ferme agricole [LBFA; RS 221.213.2]; pour le bail à loyer ordinaire, art. 267 al. 1 CO). Elle peut être assortie ou précédée d'une requête de mesures provisionnelles (art. 261 ss CPC) et de mesures superprovisionnelles (art. 265 CPC).
|
3.2 Le demandeur à l'action réintégrande (art. 927 al. 1 CC) doit prouver la réalisation de deux conditions: premièrement, qu'il avait la possession de la chose et, deuxièmement, qu'il en a perdu la possession à la suite d'un acte d'usurpation illicite. Le degré de la preuve exigé par l'art 927 al. 1 CC est la certitude (voller Beweis); la simple vraisemblance (blosses Glaubhaftmachen) ne suffit pas (SUTTER-SOMM, op. cit., n. 1348). |
La possession suppose la maîtrise effective de la chose et la volonté correspondante de celui qui l'exerce de posséder (art. 919 al. 1 CC; STEINAUER, op. cit., n. 176 ss; SUTTER-SOMM, op. cit., n. 1207). La maîtrise multiple étant possible (STEINAUER, op. cit., n. 211 ss), il peut s'agir de la possession immédiate de la personne qui exerce directement, sans intermédiaire, la maîtrise de fait sur la chose, mais aussi de la possession médiate de celui qui l'exerce par le truchement d'un tiers à qui il a accordé un droit (réel ou personnel) sur la chose (STEINAUER, op. cit., n. 214 et 340a; SCHMID/HÜRLIMANN-KAUP, Sachenrecht, 5e éd. 2017, n. 214; SUTTER-SOMM, op. cit., n. 1216 ss; HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 130; STARK/LINDENMANN, op. cit., n° 6 Vorb. ad art. 926-929 CC).
|
Lorsque le propriétaire de l'immeuble loue celui-ci à un locataire (ou fermier), les deux sont possesseurs: le locataire a la possession immédiate (unmittelbarer Besitz) et le propriétaire la possession médiate (mittelbarer Besitz) (HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 114, 118 et 120). Si, en tant que moyen de réaction contre une voie de fait apparente, l'action possessoire protège avant tout le possesseur immédiat contre les tiers (STARK/LINDENMANN, op. cit., n° 48 Vorb. ad art. 926-929 CC; SUTTER-SOMM, op. cit., n. 1318), elle protège aussi le possesseur médiat, propriétaire de l'immeuble (cf. art. 937 al. 1 et 2 CC).
|
Le transfert de la possession s'effectue selon les règles des art. 922 ss CC (HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 122). Lorsque le propriétaire, qui a loué son immeuble à un locataire (ou à un fermier), l'aliène par contrat de vente en la forme authentique (art. 216 al. 1 CO) (titre d'acquisition), le nouveau propriétaire en acquiert la propriété après réquisition d'inscription (acte de disposition) et inscription au registre foncier (acte matériel) (art. 956 al. 1 et 972 CC). Le bail passe à l'acquéreur (art. 261 et 290 let. a CO et, pour le bail à ferme agricole, art. 14 LBFA) (HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 544 s.). L'aliénateur cède aussi au nouveau propriétaire la possession médiate qui est la sienne, par délégation de possession (Besitzanweisung), sans que la possession immédiate du locataire (ou du fermier) n'en soit affectée (art. 924 al. 1, 1re hypothèse, CC; cf. STEINAUER, op. cit., n. 271 ss; STARK/LINDENMANN, op. cit., nos 15 et 18 ad art. 924 CC; SUTTER-SOMM, op. cit., n. 1277). |
L'acte d'usurpation enlève au possesseur sa possession sur la chose. Il est illicite lorsqu'il n'est justifié ni par la loi, ni par le consentement du possesseur (STEINAUER, op. cit., n. 326 par renvoi du n. 343).
|
Lorsque, à la fin de son bail, le locataire (ou le fermier) transfère la possession immédiate de la chose à un tiers sans l'accord du propriétaire bailleur, celui-ci est-il atteint dans sa possession médiate par un acte d'usurpation illicite? La question est controversée en doctrine (cf. notamment HÜRLIMANN-KAUP, op. cit., n. 183 et note 106; STARK/LINDENMANN, op. cit., nos 50 ss Vorb. ad art. 926-929 CC; STEINAUER, op. cit., n. 343 renvoyant à n. 330b; en matière de sous-location, soit lorsque le bail principal n'a pas pris fin, cf. PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 3e éd. 1994, n° 53 ad art. 262 CO et les arrêts de la Cour de justice de Genève du 12 mars 1998, in SJ 1998 p. 471 et du 2 mai 1985, in SJ 1985 p. 474, 477).
|
Or, contrairement à ce que croit l'intimé, le demandeur n'a pas sollicité des mesures provisionnelles pour la durée du procès principal sur l'action réintégrande, mais, après des mesures superprovisionnelles (art. 265 CPC), il a agi directement par l'action réintégrande de l'art. 927 al. 1 CC. La question de savoir si l'action possessoire peut être accompagnée ou précédée d'une requête de mesures superprovisionnelles de l'art. 265 CPC - ce qui est généralement admis -, voire si des mesures provisionnelles peuvent être prises dans le cadre (ou avant l'introduction) d'une action possessoire - en procédure ordinaire ou simplifiée en fonction de la valeur litigieuse - (question que le Tribunal fédéral avait pu laisser ouverte dans l'arrêt 5A_98/2010 déjà cité consid. 4.2.1 in initio), n'a donc pas à être tranchée en l'espèce. |
Quant au chef de conclusions du demandeur tendant à ce qu'un délai lui soit accordé pour ouvrir action au fond, il se comprend en relation avec ses conclusions subsidiaires.
|
Il s'ensuit que le recours n'est pas irrecevable.
|
Or, contrairement à ce que croit le recourant, la cour cantonale a rejeté l'action réintégrande au motif que, bien qu'il soit propriétaire du domaine et inscrit au registre foncier, il n'en a jamais eu la possession. Elle n'a pas soumis cette action aux conditions de l'art. 261 CPC. Ces conditions n'ont été examinées qu'en relation avec sa requête subsidiaire de mesures provisionnelles antérieures à l'action au fond en revendication. Le recourant cite à mauvais escient FRANÇOIS BOHNET (Actions civiles, 2014, n. 17 ad § 39 et n. 15 ad § 54) qui admet que l'action possessoire de l'art. 927 al. 1 CC peut être accordée à l'occasion du procès au fond comme une mesure provisionnelle sui generis.
|
De même, contrairement à ce que croit le recourant, la cour cantonale n'a pas non plus examiné l'exception d'un droit préférable au sens de l'art. 927 al. 2 CC, cette disposition n'étant de toute façon pas applicable en l'espèce.
|
La cour cantonale a considéré que le contrat de bail a été conclu entre l'ancienne propriétaire du domaine et les fermiers, le 25 novembre 2000. Le demandeur n'en est devenu propriétaire qu'ultérieurement le 15 octobre 2003. Les fermiers ont transmis leur exploitation à leur neveu, le défendeur. La cour cantonale en a déduit que le propriétaire n'a donc jamais eu la possession des immeubles, celle-ci ayant passé de la propriétaire précédente aux fermiers et de ceux-ci au défendeur. |
Cette conception est en contradiction manifeste avec les règles sur le transfert de la possession des art. 922 ss CC. Lorsque le propriétaire qui a affermé son immeuble aliène celui-ci, par contrat de vente en la forme authentique (art. 216 al. 1 CO), il cède aussi à l'acquéreur la possession médiate qui est la sienne, par délégation de possession (Besitzanweisung), sans que la possession immédiate des fermiers n'en soit affectée (art. 924 al. 1, 1re hypothèse, CC), puisque le bail à ferme agricole passe à l'acquéreur (art. 14 LBFA). Il est arbitraire d'appliquer à l'acquisition ensuite de cession volontaire de la possession par l'aliénateur à l'acquéreur une solution que la doctrine, citée par l'arrêt attaqué, n'a appliquée qu'à l'acquisition d'un immeuble par acte officiel, dans le cadre d'une vente aux enchères publiques après faillite (art. 656 al. 2 CC; arrêt 4A_632/2009 du 5 janvier 2010 consid. 2.1; STARK/ERNST, op. cit., n° 3 in fine ad art. 927 CC, repris par PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, Code civil, vol. II, 2016, n° 3 ad art. 927 CC); l'art. 261 al. 1 CO et l'art. 14 LBFA mettent certes sur un même pied l'aliénation de la chose louée et son enlèvement dans le cadre d'une poursuite pour dettes ou d'une faillite, mais c'est uniquement en ce qui concerne le rapport contractuel de bail qui passe à l'acquéreur; il n'est pas nécessaire de trancher ici comment se transfère la possession dans le cadre de l'exécution forcée.
|