BGE 105 IV 25 |
7. Extraits de l'arrêt de la Cour de cassation pénale du 22 février 1979, dans la cause J. et C. C. contre Ministère public du canton de Vaud (pourvoi en nullité) |
Regeste |
Art. 123 Ziff. 1 Abs. 2; Art. 134 Ziff. 1 Abs. 1 StGB. |
Sachverhalt |
A.- Dans le courant de l'année 1976 et jusqu'en avril 1977, les époux C. ont maltraité, négligé et traité avec cruauté leur fille T., née le 18 février 1969, dont ils avaient la charge et la garde. Ils l'ont notamment souvent frappée violemment et aveuglément, soit avec les mains, soit avec une ceinture. A diverses reprises, l'époux a arraché les cheveux de sa fille et il lui est arrivé de lui brûler les doigts soit avec des allumettes, soit en les appliquant sur une plaque de la cuisinière électrique, lui causant des brûlures au deuxième degré et des cloques. |
Les deux époux, qui sont violents et colériques, ont fait valoir qu'ils avaient été poussés à agir par le fait que leur fille avait été conçue hors mariage. L'enfant a été hospitalisée et plusieurs rapports médicaux ont été établis.
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Après une première intervention de l'autorité qui avait espéré, en octobre 1976, une modification de l'attitude des époux, une hospitalisation de l'enfant a dû être ordonnée le 18 avril 1977 sur ordre d'un médecin qui a constaté que l'enfant avait à nouveau été battue. Le même jour, une ordonnance de retrait provisoire du droit de garde aux parents a été rendue par le juge de paix compétent.
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Le 18 avril au soir, les parents ont rendu visite à leur fille et ils l'ont emmenée le lendemain de force, malgré l'opposition des médecins, pour la conduire aussitôt en Espagne d'où ils sont originaires.
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B.- Reconnus coupables de mauvais traitements et de négligence envers les enfants (art. 134 ch. 1 al. 1 CP), les époux ont été condamnés, le mari à deux ans d'emprisonnement et l'épouse à deux ans et demi d'emprisonnement, tous deux étant expulsés du territoire suisse pour une durée de 15 ans.
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Ces peines ont été réduites par la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud respectivement à 18 mois pour l'épouse et à un an pour le mari. Le jugement précédent a été maintenu pour le surplus.
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Extraits des considérants: |
1. a) Se référant tout d'abord aux constatations médicales faites dans la présente espèce et aux arrêts rendus par le Tribunal fédéral dans les affaires Piquerez (ATF 80 IV 102) et Annen (ATF 85 IV 125), les recourants font valoir que les traces constatées sur l'enfant sont assimilables à des lésions corporelles, qu'elles ne peuvent être considérées comme graves, que ces lésions sont en tout point semblables à celles décrites dans l'arrêt Annen en ce sens qu'elles sont éminemment superficielles et susceptibles de guérir dans un laps de temps de quelques jours. Comme l'enfant a cependant été visiblement incapable de résister, ils admettent devoir être punis sur la base de l'art. 123 ch. 1 al. 2 CP. |
b) Il n'est ni contesté ni contestable qu'il y a en l'espèce mauvais traitements et actes de cruauté. Il n'est pas contesté non plus que les atteintes portées à l'enfant constituent des lésions corporelles au sens de l'art. 123 ch. 1 CP et de la jurisprudence distinguant ces lésions des simples voies de fait (cf. ATF 103 IV 70 et arrêts cités).
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La jurisprudence instaurée par l'arrêt Piquerez (ATF 80 IV 105 /106) a cependant considéré qu'en matière de mauvais traitement des enfants, au sens de l'art. 134 CP, la notion d'atteinte à la santé visée par cette disposition a une portée moins étendue que la notion de lésion corporelle, qui vise, outre l'atteinte à la santé, l'atteinte à l'intégrité corporelle. Ainsi, s'il n'y a pas eu atteinte à la santé, l'existence d'une atteinte à l'intégrité corporelle de l'enfant, même constitutive de lésions corporelles - et pour autant que l'une des autres conditions d'application de l'art. 134 ne soit pas réalisée -, ne tombe pas sous le coup de l'art. 134, mais seulement de l'art. 123 CP. Quant à l'atteinte à la santé, elle implique l'existence d'un trouble d'une certaine importance. Cette jurisprudence est fondée d'une part sur l'interprétation comparative des textes des art. 123 et 134 CP et d'autre part sur le caractère plus restrictif qui doit être reconnu à l'art. 134 ch. 1 al. 1 CP en raison de la peine plus lourde - emprisonnement pour un mois au moins - qu'il prévoit. Les autres arrêts rendus par le Tribunal fédéral en la matière n'ont pas remis - ou pas eu à remettre - cette jurisprudence en question (cf. arrêt Keller, du 20 mars 1956, ZR 55 (1956), p. 269-271; ATF 85 IV 126, ATF 98 IV 185).
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Cette jurisprudence n'est pas satisfaisante, aussi n'a-t-elle pas manqué de soulever, à plus d'un titre, les critiques d'une partie de la doctrine (cf. FEHR, in RPS 79 (1963), p. 173 ss; BRÜHSCHWEILER, Misshandlung und Vernachlässigung von Kindern und Jugendlichen, thèse Zurich 1963, pp. 97-99; STRATENWERTH, Bes. Teil I, 2e éd., p. 85). Il faut bien admettre que la justification de son caractère restrictif par la référence au minimum plus élevé de la peine prévue à l'art. 134 ch. 1 CP, n'emporte guère la conviction; la relative sévérité de cette disposition légale trouve en effet avant tout sa justification dans la protection accrue qui doit être accordée aux enfants, à l'égard de ceux qui en ont la charge et auxquels ils sont soumis, en raison des répercussions plus profondes que peuvent avoir des lésions provoquées par des adultes dominants, et non évidemment dans la volonté d'appliquer cette disposition de manière restrictive (cf., à cet égard, un arrêt zurichois, in ZR 54 (1955), no 137, p. 273). De plus, la distinction qui devrait être faite entre les lésions corporelles selon qu'elles portent ou non une atteinte d'une certaine importance à la santé se révèle imprécise, peu sûre et artificielle. Il suffit pour s'en convaincre de se reporter à la jurisprudence relative à la distinction entre lésions corporelles et voies de fait (ATF 103 IV 70 et arrêts cités) dans laquelle on cherche précisément à différencier ces deux sortes d'atteintes par les effets plus ou moins importants qu'elles exercent sur la santé. Ce qui précède, joint aux circonstances de l'espèce, démontre que cette jurisprudence ne peut être maintenue et qu'il convient dorénavant de considérer que tout mauvais traitement constitutif de lésions corporelles représente par définition une atteinte à la santé et tombe sous le coup de l'art. 134 ch. 1 CP, lorsqu'il est infligé à un enfant de moins de seize ans dont l'auteur a la garde. |
De toute manière, même si l'on s'en tenait à la jurisprudence restrictive exposée dans l'arrêt Piquerez, on devrait admettre que les lésions subies par l'enfant C. ont porté à sa santé le trouble d'une certaine importance entraînant l'application de l'art. 134 CP. Cela est non seulement vrai à propos des brûlures infligées à la fillette (des brûlures même au deuxième degré, de par leurs effets et leurs traces s'étendant sur quelques jours, constituent des atteintes non négligeables à la santé); mais cela l'est aussi pour les coups et sévices répétés dont l'enfant a été victime. Les nombreuses traces laissées par ces coups, ainsi que la fréquence et la répétition de ceux-ci, excluent que l'on puisse qualifier de relativement peu importante l'atteinte qu'ils ont portée à la santé de la fillette.
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Si l'on applique en outre l'art. 134 CP sous l'angle, non plus de l'atteinte effective à la santé, mais sous celui de la grave mise en danger de la santé ou du développement intellectuel de l'enfant, on constate que cette autre forme de l'infraction est également réalisée. Il ressort en effet de l'expérience et des données médicales que les effets de mauvais traitements sur le développement intellectuel et moral des enfants peuvent être très graves (cf. FEHR, op.cit., p. 181; BRÜHSCHWEILER, op.cit., p. 9/10; HEGNAUER, Berner Kommentar, n. 16 et 23 ad art. 278 CC). Ces effets et les risques qu'ils font courir sont multipliés en cas de répétition des mauvais traitements, au point de constituer alors incontestablement une grave mise en danger au sens de la loi. |
Ainsi tant sous l'angle de l'atteinte à la santé que sous celui de la grave mise en danger du développement intellectuel de la victime, les éléments constitutifs de l'art. 134 ch. 1 CP sont pleinement réalisés à la charge de chacun des deux recourants tant au regard de l'ancienne que de la nouvelle jurisprudence. C'est donc à juste titre qu'ils ont été condamnés en application de cette disposition.
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