BGE 144 IV 294
 
35. Extrait de l'arrêt de la Cour de droit pénal dans la cause X. contre Ministère public du canton du Valais et H.B. et consorts (recours en matière pénale)
 
6B_689/2016 du 14 août 2018
 
Regeste
Art. 158 Ziff. 1 StGB. Ungetreue Geschäftsbesorgung.
 
Sachverhalt


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Dès le 1er octobre 2001, X. est devenu l'actionnaire unique de la société Y. SA qui se consacrait à la gestion de fortune; en qualité de directeur de cette société, il a dès ce moment géré les avoirs d'environ soixante clients. Dès 2005, A. et divers membres de sa famille sont eux aussi devenus clients de la société. En 2007 et en raison de son grand âge, A. n'était plus en mesure de gérer ses affaires; le 17 août de cette année, la Chambre pupillaire de la commune de Lens l'a interdite et elle lui a attribué X. en qualité de tuteur.
La banque dépositaire prélevait des commissions sur les avoirs des clients et elle les rétrocédait partiellement à Y. SA; ces rétrocessions ont atteint le total de 270'542 fr. 38 du deuxième trimestre de l'année 2007 à la fin de l'année 2010. La banque a aussi rétribué la société pour l'apport de clients durant les années 2007 et 2008; elle a versé

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à ce titre 134'705 fr. 66. X. n'a pas informé les clients de ces rétrocessions et rétributions, et il ne leur a pas non plus reversé ces sommes.
Par suite de ces faits, X. a été jugé coupable de gestion déloyale.
Agissant par la voie du recours en matière pénale, X. a requis le Tribunal fédéral de l'acquitter de cette prévention. Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
(résumé)
 
Extrait des considérants:
A elle seule, la violation d'un devoir de restituer une somme d'argent que le gérant reçoit d'un tiers n'est pas un acte de gestion déloyale; il faut de plus que la somme reçue ait déterminé le gérant à un comportement contraire aux intérêts pécuniaires du maître et, par suite, dommageable à celui-ci (ATF 129 IV 124 consid. 4.1 p. 127/128). En l'espèce, une pareille influence des rétrocessions et rétributions n'est pas constatée à l'encontre du recourant.
Selon plusieurs auteurs, le gérant de fortune qui tait à son client, en violation de l'art. 400 al. 1 CO, les prestations qu'il reçoit de la banque dépositaire commet un acte de gestion déloyale parce que le client, faute de l'information nécessaire, n'est pas en mesure de

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réclamer au gérant la restitution à laquelle il peut prétendre, et il subit de ce fait un dommage par non-augmentation de son actif (MARTIN SCHUBARTH, Retrozession und Ungetreue Geschäftsbesorgung, in Anlagerecht, 2007, p. 169 n. 4 p. 170; Die Bedeutung der neuen Retrozessionsentscheidung des Bundesgerichtes für das Konzernstrafrecht, Jusletter 17 décembre 2012, n. 8 à 12; ELIANE HIESTAND, Strafrechtliche Risiken von Vergütungszahlungen im Vermögensverwaltungsgeschäft, 2014, p. 176 ss, 182; RENATE SCHWOB, Retrozessionen: Betrachtungen zur strafrechtlichen Relevanz für eine Bank, RPS 2012 p. 121, 134; MARC ENGLER, Retrozessionen aus strafrechtlicher Perspektive: ungetreue Geschäftsbesorgung, Privatbestechung, Veruntreuung, Der Schweizer Treuhänder 2010 p. 137, 138; DONATSCH/ZUBERBÜHLER, Strafrechtliche Fallgruben für Treuhänder, in Vermögensverwaltung II, Isler/Cerutti [éd.], 2009, p. 89, 96;WEBER/ISELI, Vertriebsträger im Finanzmarktrecht, 2008, n. 393 p. 136; voir aussi GALLIANO/MOLO, Les rétrocessions dans le domaine de la gestion patrimoniale, PJA 2012 p. 1766, 1777, et MARCEL NIGGLI, in Commentaire bâlois, Strafrecht, vol. II, 3e éd. 2013, n° 120 ad art. 158 CP).
Selon un autre auteur, le silence du gérant n'est au contraire pas punissable parce que les obligations de rendre compte, d'une part, et de restituer, d'autre part, doivent être appréhendées de manière semblable au regard de l'art. 158 ch. 1 CP (SUSAN EMMENEGGER, Anlagekosten: Retrozessionen im Lichte der bundesgerichtlichen Rechtsprechung, in Anlagerecht, 2007, p. 97 ss, 103 n.d.p. n. 133). L'approche répressive est aussi tenue pour contraire au principe de la subsidiarité du droit pénal par rapport au droit civil (DANIEL TUNIK, Criminalité économique: suite du feuilleton des rétrocessions dans le domaine bancaire et financier, in Regards de marathoniens sur le droit suisse, mélanges publiés à l'occasion du 20e "Marathon du droit", 2015, p. 427, 431; EMMENEGGER, op. cit., p. 99), ou autrement inopportune (LOMBARDINI/MACALUSO, Rétrocessions et rétributions dans le domaine bancaire, PJA 2008 p. 180, p. 192).
En jurisprudence, la Ire Chambre pénale de la Cour suprême du canton de Berne a jugé que le silence du gérant est objectivement punissable au regard de l'art. 158 ch. 1 CP (arrêt SK 2012 218 du 4 juillet 2013). Ce jugement est commenté dans plusieurs des contributions ci-mentionnées.
3.3 Le Tribunal fédéral a déjà jugé que l'organe d'une société de gestion de fortune assume une position de garant envers les clients de

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la société, et que celer aux clients une information en violation du devoir de fidélité du mandataire (art. 398 al. 2 CO) peut s'inscrire dans une escroquerie commise par omission (arrêt 6S.23/2002 du 8 avril 2002 consid. 2c). Par analogie, il s'impose d'admettre que le devoir du mandataire de rendre compte est une obligation accrue ou qualifiée d'agir (cf. ATF 140 IV 11 consid. 2.4.2 p. 15), dont la violation peut être un acte de gestion déloyale réprimé par l'art. 158 ch. 1 CP. Le devoir du mandataire de rendre compte au mandant doit permettre à celui-ci de contrôler que l'activité de son cocontractant réponde à une bonne et fidèle exécution du mandat; l'information doit le mettre en mesure de réclamer ce que le mandataire doit lui restituer, et, s'il y a lieu, de lui réclamer aussi des dommages-intérêts (ATF 141 III 564 consid. 4.2.1 p. 567). L'obligation de rendre compte exerce ainsi un rôle préventif dans la protection des intérêts du mandant (ATF 143 III 348 consid. 5.1.1 p. 353 et consid. 5.3.1 p. 357; ATF 139 III 49 consid. 4.1.2 i.f. p. 54). Les obligations de rendre compte et de restituer ne se situent donc pas au même niveau dans le régime légal du mandat; l'effet de cette seconde obligation dépend au contraire de la bonne exécution de la première. L'approche adoptée par la Cour suprême du canton de Berne et aussi préconisée par SCHUBARTH, avec d'autres auteurs, se révèle ainsi pertinente et le Tribunal fédéral peut y adhérer.
3.4 Le recourant fait valoir que deux des clients de Y. SA, H.B. et F.B., ont respectivement souscrit le 14 août et le 23 décembre 2008 des contrats de mandat pourvus d'une clause ainsi libellée: "Toute rétrocession ou tout rabais accordé par des banques, intermédiaires financiers ou fonds de placement à la société, sur la base d'un accord, reste acquis à la société. Le client confirme qu'il renonce à ce qu'on lui rende compte de ces rétrocessions et abandonne toute prétention à cet égard." Le recourant admet que ces clauses n'étaient pas valables et qu'elles ne l'ont pas exonéré de son devoir de rendre compte, cela parce que les clients n'avaient reçu aucune information préalable concernant l'ampleur de ce à quoi ils renonçaient (cf. ATF 137 III 393 consid. 2 p. 395; ATF 132 III 460 consid. 4). Néanmoins, le recourant prétend avoir cru de bonne foi à la validité de la clause de renonciation parce que, à ses dires, avant un arrêt du Tribunal fédéral du 29 août 2011 (ATF 137 III 393), les exigences concernant l'information préalable des clients n'étaient pas encore mises en évidence par la jurisprudence topique. Le recourant reproche au Tribunal cantonal d'avoir constaté arbitrairement qu'il ait agi avec conscience et

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volonté sur tous les éléments de l'infraction réprimée par l'art. 158 ch. 1 CP.
Ce grief n'est pas fondé car déjà dans un arrêt du 22 mars 2006 (ATF 132 III 460), le Tribunal fédéral a établi que s'il n'a pas préalablement reçu une information complète et véridique concernant les prestations que le gérant recevra de la banque dépositaire, ou, le cas échéant, d'autres tiers, le client ne peut pas valablement libérer son cocontractant de ses devoirs de rendre compte des rétrocessions et de les restituer. L'erreur dont le recourant fait état ne pouvait entrer en considération qu'avant cet arrêt du 22 mars 2006 (SCHUBARTH, op. cit., n. 6 p. 170).