BGE 147 V 251
 
28. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit social dans la cause A.A. contre Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (recours en matière de droit public)
 
9C_236/2020 du 2 juin 2021
 
Regeste
Art. 42quater Abs. 3 IVG; Art. 39a lit. a IVV; Assistenzbeitrag für minderjährige Versicherte.
 
Sachverhalt


BGE 147 V 251 (252):

A. Né en 2009, A.A. est atteint d'hémiplégie droite et d'une infirmité motrice cérébrale de type spastique. L'Office de l'assurance-invalidité du canton de Genève (ci-après: l'office AI) a pris en charge des mesures médicales en raison d'une infirmité congénitale. Par la suite, il a alloué à l'assuré une allocation pour impotence de degré faible depuis le 1er janvier 2012, puis de degré moyen dès le 1er août 2012, ainsi qu'une contribution d'assistance d'un montant maximal de 8'672 fr. 95 par année à partir du 1er octobre 2012.
A la suite d'un échange de correspondance avec la mère de l'assuré quant au cadre dans lequel celui-ci poursuivait sa scolarité pour l'année 2014-2015, puis 2015-2016, 2016-2017 et 2017-2018, l'office AI a mis en oeuvre une enquête à domicile. Dans son rapport du 11 février 2019, la collaboratrice de l'office AI a mentionné que A.A. était inscrit depuis l'année scolaire 2016-2017 à l'école C. qui était une école spécialisée, privée et subventionnée. Informé par l'office AI de son intention de supprimer la contribution d'assistance, l'assuré a fait valoir qu'il fréquentait une classe ordinaire, en produisant une attestation du 28 février 2019 du directeur de l'école C. Par décision du 25 mars 2019, l'office AI a supprimé la contribution d'assistance à partir de la fin du mois suivant la notification de son prononcé, au motif que l'assuré ne suivait plus une classe ordinaire.
B. Statuant le 30 janvier 2020 sur le recours formé par A.A. contre cette décision, la Cour de justice de la République et canton de Genève l'a rejeté.
C. Agissant par la voie du recours en matière de droit public, A.A. demande au Tribunal fédéral d'annuler l'arrêt cantonal et de le mettre au bénéfice de la contribution d'assistance. Il sollicite par ailleurs l'assistance judiciaire.
L'office AI a renoncé à répondre, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales (OFAS) propose le rejet du recours. L'assuré s'est exprimé sur la détermination de l'autorité de surveillance.


BGE 147 V 251 (253):

Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 2
Le désaccord des parties concerne exclusivement l'application de l'art. 39a let. a RAI (les deux autres éventualités prévues par les let. b et c n'étant pas déterminantes en l'espèce). Il s'agit singulièrement d'examiner si la juridiction cantonale a à juste titre considéré que le recourant n'avait pas droit à la prestation en cause, au motif que la condition de la fréquentation d'une "classe ordinaire" n'était pas réalisée en l'occurrence.
(...)
L'art. 39a RAI (fondé sur l'art. 42quater al. 3 LAI) constitue une règle relevant d'une ordonnance dépendante, non pas d'exécution mais de substitution (sur cette notion, voir AUER/MALINVERNI/HOTTELIER,

BGE 147 V 251 (254):

Droit constitutionnel suisse, vol. I, 3e éd. 2013, p. 539 ss n. 1594 ss; HÄFELIN/MÜLLER/UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 8e éd. 2020, p. 22 ss n. 93 ss). En présence d'une telle ordonnance, le Tribunal fédéral examine si l'autorité exécutive est restée dans les limites des pouvoirs qui lui ont été conférés par la loi. Dans la mesure où la délégation législative ne l'autorise pas à déroger à la Constitution fédérale, le Tribunal fédéral est également habilité à revoir la constitutionnalité des règles contenues dans l'ordonnance en cause. Lorsque la délégation législative accorde à l'autorité exécutive un très large pouvoir d'appréciation pour fixer les dispositions d'exécution, cette clause lie le Tribunal fédéral en vertu de l'art. 190 Cst. Dans un tel cas, le Tribunal fédéral ne saurait substituer sa propre appréciation à celle du Conseil fédéral et doit se borner à examiner si l'ordonnance en question sort manifestement du cadre de la délégation législative octroyée à l'autorité exécutive ou si, pour d'autres raisons, elle apparaît contraire à la loi ou à la Constitution fédérale. Il ne revient pas au Tribunal fédéral d'examiner l'opportunité de l'ordonnance ou de prendre position au sujet de l'adéquation politique, économique ou autre d'une disposition d'une ordonnance ( ATF 146 II 56 consid. 6.2.2 et les références; ATF 145 V 278 consid. 4.1 et les références).
(...)
7.1 Introduite par la 6e révision de la LAI (premier volet) au 1er janvier 2012 à la suite du projet pilote "Budget d'assistance" (cf. RO 2005 3529), la contribution d'assistance constitue une prestation en complément de l'allocation pour impotent et de l'aide prodiguée par les proches, conçue comme une alternative à l'aide institutionnelle et permettant à des handicapés d'engager eux-mêmes des personnes leur fournissant l'aide dont ils ont besoin et de gérer leur besoin d'assistance de manière plus autonome et responsable. L'accent mis sur les besoins a pour objectif d'améliorer la qualité de vie de l'assuré, d'augmenter la probabilité qu'il puisse rester à domicile malgré son handicap et de faciliter son intégration sociale et professionnelle;

BGE 147 V 251 (255):

parallèlement, la contribution d'assistance permet de décharger les proches qui prodiguent des soins ( ATF 145 V 278 consid. 2.2; Message du 24 février 2010 relatif à la modification de la loi fédérale sur l'assurance-invalidité, 6e révision, premier volet, FF 2010 1692 ch. 1.3.4).
7.2 Initialement, le Conseil fédéral a proposé de soumettre le droit à la contribution d'assistance à la condition que l'assuré ait l'exercice des droits civils au sens de l'art. 13 CC (al. 1 let. c de l'art. 42quater P-LAI; FF 2010 1771); là où cette condition fait défaut - ainsi pour les mineurs et les personnes dont la capacité de discernement est restreinte -, le droit à la prestation doit être lié à l'exigence que, par ce moyen, l'intéressé puisse mener une vie autonome et responsable, la décision dépendant de l'importance des limites à l'exercice des droits civils et des domaines concernés par ces limites. Selon le Conseil fédéral, la délégation de compétence en sa faveur lui permet d'édicter des "critères sur mesure et applicables en pratique, en vertu desquels les mineurs et les personnes dont l'exercice des droits civils est partiellement limité pourront bénéficier de la nouvelle prestation" (message cité, FF 2010 1727 ch. 2, ad art. 42quater al. 2 P-LAI).
Au terme des délibérations parlementaires, suivant l'avis de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats qui entendait supprimer la discrimination des personnes dont la capacité d'exercer les droit civils est restreinte, les Chambres fédérales ont adopté les modifications proposées de l'art. 42quater al. 1 let. c et des al. 2 et 3 (BO 2010 CE 658 s.; BO 2010 CN 2102 ss). La compétence de régler les conditions auxquelles les personnes dont la capacité d'exercer les droits civils est restreinte n'ont droit à aucune contribution d'assistance a été déléguée au Conseil fédéral (art. 42quater al. 2), de même que celle de fixer les conditions auxquelles les personnes mineures ont droit à une contribution d'assistance (art. 42quater al. 3).
7.3 En ce qui concerne en particulier les mineurs, un exemple concret du besoin d'assistance a été évoqué pendant les débats au Conseil des Etats. Le Conseiller aux Etats David a mentionné le cas d'un jeune homme, entre 15 et 18 ans, qui suivrait un apprentissage ou l'école et nécessiterait de l'aide (par exemple pour se rendre aux toilettes): le point central est qu'une personne l'assiste pour une aide relativement modeste également au lieu d'apprentissage ou à l'école, que les parents ne pourraient pas forcément fournir. Selon le

BGE 147 V 251 (256):

Conseiller aux Etats, la voie doit être ouverte le plus possible pour de tels jeunes, qui pourraient effectivement entrer dans le processus du travail, afin de leur permettre d'avoir accès à une vie indépendante (BO 2010 CE 659). Le Chef du Département concerné (le Conseiller fédéral Burkhalter) a attiré l'attention des députés sur les conditions financières, qui nécessitent une "ouverture" de la disposition par étapes ("commencer avec l'alinéa 1 [de l'art. 42quater LAI] et [é]largir la disposition, dans la mesure du possible, à mesure que les conséquences deviennent clairement visibles"), l'intention étant de "mettre en place un monitoring et avancer par étapes" (BO 2010 CE 659; cf. aussi ATF 145 V 278 consid. 4.3.2).
En amont, lors des discussions au sein des deux Commissions de la sécurité sociale et de la santé publique, la possibilité pour le Conseil fédéral de définir les conditions du droit à la contribution d'assistance pour les mineurs a été évoquée en relation avec la nécessité de rester restrictif - pour maintenir les objectifs fixés en termes financiers -, avec l'idée d'étendre progressivement ces conditions en fonction de l'évolution de l'assurance-invalidité et du projet même de la contribution d'assistance (procès-verbaux de la séance de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil des Etats des 19 et 20 mai 2010, p. 43, 45 et 56 s. et de la séance de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national des 4 et 5 novembre 2010, p. 56 s.).
7.4 Comme l'a déjà rappelé la juridiction cantonale, en relation avec la situation des personnes disposant d'une capacité d'exercer les droits civils restreinte et des mineurs, la discussion au cours des débats parlementaires a aussi porté sur la possibilité d'introduire la contribution d'assistance sans exigence supplémentaire par rapport aux assurés majeurs. Une minorité de la Commission de la sécurité sociale et de la santé publique du Conseil national (Prelicz-Huber et autres) a proposé d'ouvrir le droit à la contribution d'assistance à toute personne avec un handicap, indépendamment du point de savoir si elle a l'exercice des droits civils ou si l'exercice d'une activité lucrative respectivement l'intégration dans le marché du travail est envisageable, une intégration sociale et avant tout plus d'autodétermination étant toujours possibles (BO 2010 CN 2102 s. et 2108; cf. en particulier aussi la déclaration de la Conseillère nationale Weber-Gobet, BO 2010 CN 2104 s.). Une telle extension de la prestation, qui aurait lié le droit à celle-ci uniquement à la perception d'une allocation pour impotent et au fait de vivre chez soi, a été

BGE 147 V 251 (257):

refusée par la majorité de la Commission - suivie ensuite par la majorité du Conseil national - pour des raisons financières; elle aurait entraîné une augmentation du cercle des bénéficiaires de 20'000 à 38'000 et une augmentation des coûts de près du double, ce qui n'aurait pas été compatible avec le but de l'ensemble de la révision ("rééquilibrer les finances de l'AI"; déclaration du Conseiller national Cassis, BO 2010 CN 2108; cf. aussi la déclaration du Conseiller national Bortoluzzi, BO 2010 CN 2105 s.).
 
Erwägung 8
Or en posant la condition que l'assuré mineur doive suivre de façon régulière l'enseignement obligatoire dans une classe ordinaire, l'auteur de l'ordonnance a prévu un critère qui s'inscrit dans le cadre du but de la contribution d'assistance, à savoir améliorer la qualité de vie de l'assuré, augmenter la probabilité qu'il puisse rester à domicile malgré son handicap et faciliter son intégration sociale et professionnelle. Il s'agit par ailleurs d'un critère de délimitation clair et objectif qui permet d'admettre un degré d'autonomie et de capacité de se responsabiliser de l'assuré mineur concerné. Quoi qu'en dise le recourant, il ne s'agit en effet pas de reconnaître le droit à la prestation en fonction du "type" ou du "statut" de l'établissement scolaire, mais de s'assurer que l'intéressé dispose d'une autonomie et de capacités nécessaires en vue d'une vie la plus indépendante et responsable possible, d'un point de vue objectif (cf. aussi Commentaire de l'OFAS de la modification du RAI du 16 novembre 2011, ad

BGE 147 V 251 (258):

art. 39a [nouveau] RAI, p. 12 s., www.bsv.admin.ch sous Assurances sociales/Assurance-invalidité/Informations de base & législation/Lois et ordonnances [consulté le 20 avril 2021]). Ce critère ne saurait être remplacé par "un examen concret des conditions de scolarisation" de l'intéressé, qui supposerait au préalable de définir le seuil d'autonomie en cause autrement qu'au regard de "l'aptitude à suivre l'école normale", laquelle correspond précisément à une délimitation objective et praticable. Lorsqu'un enfant est intégré dans une classe ordinaire, on peut en effet partir de l'idée qu'il dispose d'un degré d'autonomie certain, des besoins éducatifs particuliers nécessitant un soutien pédagogique spécialisé n'étant alors pas avérés. L'argument du recourant selon lequel sa soeur jumelle est inscrite dans le même établissement n'y change rien. Si l'école C. n'accueille pas exclusivement des enfants nécessitant des besoins particuliers, il n'en demeure pas moins que le recourant n'est pas intégré dans une classe ordinaire au sens de la disposition en cause.
On ajoutera que la question d'une éventuelle extension du droit à la contribution d'assistance a été déposée au Conseil national, l'auteur de l'interpellation admettant cependant que "le critère en matière d'assistance est, à juste titre, la fréquentation de l'école ordinaire" (19.3682 Interpellation Quadranti du 19 juin 2019, Contribution d'assistance - Éliminer les incohérences dans la réglementation scolaire; état "non encore traité au conseil"). Une telle ouverture du droit à la contribution d'entretien relève d'un choix politique sur lequel le Tribunal fédéral n'a pas à se prononcer.