BGE 97 II 333 - Bachquellen Cleuson | |||
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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Jana Schmid, A. Tschentscher | |||
46. Arrêt de la IIe Cour civile du 21 octobre 1971 en la cause Consortage de Cleuson contre Commune de Nendaz. | |
Regeste |
Art. 704 Abs. 1 ZGB. | |
Sachverhalt | |
A.- La commune de Nendaz a accordé en 1945 à la société anonyme L'Energie de l'Quest-Suisse (en abrégé: EOS), à Lausanne, pour une durée de quatre-vingts ans, une concession d'exploitation des eaux de la Printze supérieure et de ses affluents. En contrepartie, l'EOS s'est engagée à payer à la commune un montant de 50 000 fr. ainsi qu'une redevance annuelle.
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Le Consortage de Cleuson est une corporation de droit cantonal au sens de l'art. 59 CC. Il est propriétaire de l'alpage du Cleuson. En 1951, il a vendu une partie de cet alpage à l'EOS pour permettre la construction du barrage de Cleuson, qui retient les eaux de la Printze. Au moyen d'une station de pompage, les eaux de ce barrage sont amenées, à travers une galerie souterraine, dans le lac des Dix formé par le barrage de la Dixence.
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Le versant droit de la Printze est composé de plusieurs combes. Dans chacune d'elles s'écoule un torrent. Celui qui parcourt la combe de la Zallaz rejoint à l'altitude de 2140 mètres le torrent de la petite combe de Tsava pour former un seul affluent de la Printze.
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La source de la Zallaz est située au niveau du bisse désaffecté de Chervé, à environ 2330 mètres. Elle compte une dizaine de points de sortie, de débits différents, disséminés autour de la venue principale sur une largeur de 40 mètres environ, avec des différences de niveau de l'ordre de 4 mètres. Elle forme immédiatement un torrent. Son débit, qui varie selon les saisons, est de 60 à 3420 litres/minute. Le torrent est intercepté à une vingtaine de mètres de la source par une prise d'eau qui alimente un réservoir servant à l'alimentation de la cabane des gardiens du barrage. En aval de cette prise, le torrent s'infiltre progressivement dans son cône de déjection. Il réapparaît plus bas sous la forme d'une source qui, pour une bonne part, n'est qu'une résurgence de la source du bisse. Une fraction des eaux infiltrées se perd dans le lac artificiel de Cleuson et échappe à la résurgence. Une deuxième prise d'eau située à 2191 mètres amène l'eau du torrent directement dans le lac.
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La galerie souterraine d'adduction des eaux du barrage de Cleuson au lac des Dix a une longueur de 4 km. Elle traverse une partie des territoires des communes de Nendaz et d'Hérémence. Des eaux souterraines s'infiltrent dans la galerie. Elles représentent, sur le territoire de la commune de Nendaz, un volume de 789 300 m3 par année. Seul le 33% de cette eau provient du sous-sol situé à l'aplomb des zones herbeuses de l'alpage de Cleuson.
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B.- Le 2 avril 1965, le Consortage de Cleuson a ouvert action contre la commune de Nendaz. Il a demandé en définitive que son droit de propriété soit reconnu sur les eaux captées par l'EOS dans la combe de la Zallaz et sur celles qui jaillissent dans la galerie d'adduction du barrage de Cleuson à celui de la Dixence. Il a conclu d'autre part au paiement des redevances reçues par la commune de Nendaz pour les eaux captées sur l'alpage de Cleuson et dans la galerie, soit 1536 fr. 11 par an dès 1964, avec intérêt à 5% sur chaque annuité.
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La commune de Nendaz a conclu au rejet de l'action.
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Par jugement du 19 janvier 1971, le Tribunal cantonal du Valais a rejeté l'action. Il a considéré en bref ce qui suit.
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Le demandeur ne connaissait pas l'existence des eaux qui ont jailli dans la galerie souterraine. Leur captage est purement accidentel. Il est dû aux travaux de dérivation des eaux de la Printze dans le barrage de la Dixence. L'acheminement des eaux en direction de la galerie où elles émergent n'est pas connu. Il est donc impossible de les capter par des forages à la surface du sol. Ces eaux n'ont dès lors aucun rapport avec l'exercice du droit de propriété sur l'alpage. Elles appartiennent à la commune de Nendaz en tant que propriétaire des choses sans maître selon le droit cantonal.
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La source de la Zallaz jaillit au sommet du pâturage, sur la propriété du demandeur. Elle forme immédiatement un torrent. Les prises d'eau de l'EOS sont installées sur le torrent, soit à un endroit où, quel que soit le régime juridique de la source, les eaux sont devenues communales.
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C.- Contre ce jugement, le Consortage de Cleuson recourt en réforme au Tribunal fédéral. Il persiste dans les conclusions de sa demande.
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La commune de Nendaz propose le rejet du recours.
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Considérant en droit: | |
1. Selon l'art. 704 al. 1 CC, les sources sont une partie intégrante du fonds et la propriété n'en peut être acquise qu'avec celle du sol où elles jaillissent. Le code civil ne précise pas si les sources de ruisseaux, c'est-à-dire celles dont le flux forme immédiatement un cours d'eau relativement important, rentrent aussi dans le domaine privé du propriétaire du fonds. WIELAND (n. 3 ad art. 704 CC) et LEEMANN, dans la première édition de son commentaire (n. 13 ad art. 667 CC et n. 7 ad art. 704 CC), assimilent de telles sources aux eaux publiques. Cette opinion était déjà défendue par E. HUBER (Die Gestaltung des Wasserrechts im künftigen schweizerischen Recht, in RDS n. F, vol. 19 p. 528; Zu der Frage der Rechtsverhältnisse an Quellen und Wasserlauf und des Expropriationsrechts zu Gunsten ausländischer Unternehmungen, in RDS n. F, vol. 12 p. 57).
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Dans un arrêt Haab & Cie c. Frei et consorts, du 15 mars 1917 (RO 43 II 158), le Tribunal fédéral relève cependant que le code civil ne contient aucune réserve au sujet des sources de ruisseaux ou de rivières. Il estime qu'une telle réserve ne pourrait se justifier qu'en considérant que le sol lui-même d'où jaillissent de telles sources forme le lit d'un cours d'eau public et qu'il est simplement entouré de propriété privée. Dans le cas particulier, la source jaillissait dans la cave d'une maison avec un débit de 600 litres/minute. Le Tribunal fédéral a dès lors admis qu'elle était régie par l'art. 704 al. 1 CC.
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Dans la deuxième édition de son commentaire (n. 19 ad art. 667 CC et n. 10 ad art. 704 CC), LEEMANN s'est rallié à ce point de vue. Il estime toutefois qu'une notion de la source qui ne s'étendrait pas aux sources de ruisseaux correspondrait mieux aux intérêts économiques.
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D'autres auteurs ont exprimé un avis différent.
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Selon ROSSEL (Des sources immédiatement génératrices d'eaux courantes, in RJB 1918 vol. 54 p. 252 et 331), l'arrêt Haab isole par trop la source du cours d'eau qu'elle forme ou qu'elle alimente. Le Tribunal fédéral aurait dû exclure du domaine d'application de l'art. 704 CC toutes sources immédiatement génératrices de cours d'eau, rivières, ruisseaux ou torrents. Cette solution lui paraît d'autant plus indiquée qu'on avait songé à faire dans le code civil une réserve expresse sur ce point et qu'on y renonça parce qu'il eût été difficile de la formuler en termes suffisamment précis. HAAB (n. 9 à 11 ad art. 704 CC) expose que l'arrêt Haab est en contradiction avec la tendance du législateur suisse et les législations étrangères les plus récentes. L'affirmation qu'une source dont le débit s'élève à 600 litres/minute n'est pas une eau publique constitue à ses yeux une petitio principii contraire aux conceptions actuelles. Il suggère d'admettre l'existence d'une lacune, d'autant plus que seule la difficulté de trouver une formule précise a empêché l'introduction dans le code civil d'une réserve expresse concernant les sources immédiatement génératrices de cours d'eau. GUISAN (L'eau en droit privé, in JdT 1942 I 502) critique également l'arrêt Haab. Il s'étonne que le Tribunal fédéral ait pensé pouvoir tabler sur la propriété publique ou privée du sol, étant donné que la question ne se pose que si le sol est privé. A son avis, un vrai cours d'eau qui sort de terre avec un débit considérable et à peu près constant n'est pas une source. DESCHENAUX et JÄGGI (Le régime juridique de sources provenant d'eaux souterraines publiques, in JdT 1959 I 104) estiment que l'argumentation de l'arrêt Haab est un peu courte. Partant du principe que le droit fédéral s'en remet au droit cantonal pour décider si un cours d'eau appartient au domaine public, ils en déduisent que le même régime doit être appliqué aux sources de ruisseaux. Enfin LIVER (Der Prozess des Müllers Arnold und das private Wasserrecht, in RJB 1946 vol. 82 p. 154) relève que la notion de source en droit suisse est trop individualiste. Elle ne correspond pas à son avis à la tendance sociale du code civil ni à l'évolution générale de notre ordre juridique. Elle revêt un caractère exceptionnel si on la compare au droit des eaux des pays qui nous entourent. Cet auteur estime (Die Entwicklung des Wasserrechts in der Schweiz seit hundert Jahren, in RDS n. F, 1952 vol. 71 p. 344/345) que, lorsque l'écoulement d'une source forme dès le début un ruisseau ou une rivière, la source fait partie du cours d'eau en ce sens qu'elle constitue le caput fluminis. Ce cours d'eau est en règle générale de l'eau publique. Son unité naturelle et économique serait rompue s'il ne devenait public qu'après avoir franchi la limite du fonds où la source jaillit et si le propriétaire de ce fonds pouvait le détourner à sa guise. Il considère dès lors (Öffentliches Grundwasserrecht und privates Quellenrecht, in RJB 1953 vol. 89 p. 22) que les sources de ruisseaux ne peuvent être assimilées aux sources visées par l'art. 704 al. 1 CC.
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Les critiques formulées par les auteurs contre l'arrêt Haab sont pertinentes. Conformément à l'opinion de la doctrine dominante concernant les sources de ruisseaux, la jurisprudence instaurée par cet arrêt ne saurait être maintenue. Il faut admettre au contraire que les sources qui jaillissent sur une propriété privée et qui forment dès le début un cours d'eau ne sont pas des sources au sens de l'art. 704 al. 1 CC. Elles sont censées faire partie du cours d'eau auquel elles donnent naissance et sont dès lors soumises au régime juridique de celui-ci.
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En l'espèce, la source de la Zallaz forme immédiatement un torrent. Selon l'art. 3 de la loi valaisanne du 17 janvier 1933 concernant l'attribution de la propriété des biens du domaine public et des choses sans maître, les rivières et les torrents rentrent dans le domaine public des communes. Il s'ensuit que la source de la Zallaz ne peut être considérée comme étant l'objet d'un droit de propriété privé. Dès lors, les conclusions du recourant qui tendent à ce qu'il soit reconnu propriétaire des eaux captées par l'EOS dans le torrent de la Zallaz ne sont pas fondées.
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Ces eaux souterraines ne sont certes pas comparables à une grande nappe d'eau ou à un grand cours d'eau souterrain, lesquels font d'emblée partie du domaine public (RO 93 II 180). Mais selon l'art. 667 al. 1 CC, la propriété du sol n'emporte celle du dessous que dans la profondeur utile à son exercice. Cela suppose que le propriétaire ait un intérêt digne de protection quant à l'exercice, même éventuel, de son droit dans le sous-sol. Or un tel intérêt n'existe pas si le propriétaire ne peut dominer ce qui se trouve au-dessous du sol (RO 93 II 175 consid. 5).
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En l'espèce, le recourant ignorait l'existence des eaux qui coulent dans la galerie. On ne voit pas non plus comment il aurait pu, sans difficultés particulières et sans frais excessifs, capter cette eau souterraine, puisqu'on ignore le chemin qu'elle parcourt à l'intérieur de la montagne. Le recourant n'a pas établi qu'il aurait été en mesure par des moyens ordinaires de prendre possession de cette eau. Son droit de propriété ne saurait dès lors s'étendre aux eaux qui arrivent dans la galerie.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
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