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Informationen zum Dokument  BGE 112 II 422  Materielle Begründung
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Regeste
Sachverhalt
Extrait des considérants:
2. Le notaire M. se porte recourant "à toutes fins utiles" ...
3. a) Les recourants requièrent le Tribunal féd&eac ...
4. a) L'art. 970 CC régit exhaustivement, pour assurer l'a ...
5. Applicable aussi à des institutions cantonales tenant l ...
6. En l'espèce, la publicité porte sur les transact ...
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68. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 4 décembre 1986 dans la cause société en nom collectif Z. et consorts contre Autorité de surveillance du registre foncier du canton de Genève (recours de droit administratif)
 
 
Regeste
 
Öffentlichkeit des Grundbuches (Art. 970 ZGB).  
 
Sachverhalt
 
BGE 112 II, 422 (422)A.- Le 30 septembre 1985, X., Y. et la société en nom collectif Z. ont vendu un immeuble sis à Genève à la société anonyme E. pour la somme de 52'600'000 fr.
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A la requête du notaire M. qui avait instrumenté l'acte de vente, le Conservateur du registre foncier de Genève a été invité à ne pas publier la vente dans la Feuille d'avis officielle cantonale, "ceci à la demande des parties et pour des raisons de sécurité personnelle". Cette requête a été rejetée.
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B.- Par arrêt du 18 décembre 1985, l'Autorité de surveillance du registre foncier du canton de Genève a rejeté le recours des vendeurs contre la décision du Conservateur. L'autorité cantonale BGE 112 II, 422 (423)a estimé qu'il ne lui appartenait pas de remettre elle-même en question le bien-fondé de l'art. 69 du Règlement cantonal du 26 novembre 1916 sur le registre foncier qui prévoit la publication des mutations de la propriété immobilière, à l'exception des transactions concernant l'Etat de Genève, les communes et toutes les institutions de droit cantonal et communal, la publication portant notamment sur l'identité des parties et le prix de vente.
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C.- Les vendeurs et le notaire M. exercent un recours de droit administratif au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de la décision de l'autorité cantonale de surveillance en invoquant l'invalidité de l'art. 69 du Règlement cantonal sur le registre foncier au regard du droit fédéral.
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L'effet suspensif a été octroyé au recours.
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L'autorité intimée conclut au rejet du recours, alors que le Département fédéral de justice et police en propose l'admission.
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Extrait des considérants:
 
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Certes, les cantons peuvent établir des règles complémentaires (art. 52 al. 1 Tit.fin. CC, in fine). C'est ainsi qu'ils sont habilités notamment à régler la qualité des autorités cantonales pour consulter le registre foncier, question réservée par l'art. 6 CC. Il va de soi que l'institution du droit fédéral doit aussi pouvoir servir BGE 112 II, 422 (424)des intérêts publics, auxquels seuls pourvoit la collectivité publique, par exemple dans les lois de procédure et le droit administratif et fiscal. A ces fins, l'administration cantonale et communale peut se renseigner. Mais le législateur cantonal ne saurait édicter des dispositions contraires à l'art. 970 CC (cf. ATF 110 II 48 consid. c, ATF 104 Ia 108 consid. 4a).
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En effet, de par la force dérogatoire du droit fédéral, proclamée à l'art. 2 Disp. trans. Cst., le droit fédéral prime d'emblée et toujours le droit cantonal dans les domaines que la Constitution ou un arrêté fédéral urgent place dans la compétence de la Confédération et que celle-ci a effectivement réglementés. Les règles cantonales qui seraient contraires au droit fédéral, notamment par leurs buts ou par les moyens qu'elles mettent en oeuvre, doivent ainsi céder le pas devant le droit fédéral. Ce principe n'exclut toute réglementation cantonale que dans les matières que le législateur fédéral a entendu régler de façon exhaustive; les cantons restent compétents pour édicter, quand tel n'est pas le cas, des dispositions de droit public dont les buts et les moyens envisagés convergent avec ceux que le droit fédéral prévoit (cf. ATF 109 Ia 67 consid. 2a, ATF 101 Ia 506 consid. 2b). Si donc, dans les domaines régis en principe par le droit civil fédéral, les cantons conservent la compétence d'édicter des règles de droit public en vertu de l'art. 6 CC, c'est à condition que le législateur fédéral n'ait pas entendu régler une matière de façon exhaustive, que les règles cantonales soient motivées par un intérêt public pertinent et qu'elles n'éludent pas le droit civil fédéral, ni n'en contredisent le sens ou l'esprit (ATF 109 Ia 66 consid. 2a, ATF 102 Ia 540, ATF 101 Ia 505 /506 consid. 2b et les arrêts cités).
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Le Tribunal fédéral examine librement cette conformité au droit privé fédéral, comme aussi le respect de la Constitution, dont son art. 4 et les principes qui en ont été déduits par la jurisprudence.
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b) En vertu de l'art. 105 de la loi d'application du code civil du 3 mai 1911, le Conseil d'Etat du canton de Genève a édicté le 24 novembre 1916 un règlement général sur le registre foncier, qui se fonde aujourd'hui sur une nouvelle loi d'application, du 7 mai 1981 (art. 93). Outre les art. 50 à 52, qui complètent l'art. 970 CC, ce règlement contient un art. 69, qui reprendrait une pratique antérieure à l'entrée en vigueur du code civil:
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"Le conservateur publie chaque semaine, dans la Feuille d'avis officielle, la liste des mutations de la propriété immobilière inscrites au registre foncier, à l'exclusion des transactions concernant l'Etat de BGE 112 II, 422 (425)Genève, les communes et toutes les institutions relevant du droit public cantonal et communal.
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La publication indique la date de l'inscription, la désignation sommaire des parties et des immeubles, ainsi que le prix.
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Les frais de publication sont à la charge des parties requérantes."
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Le registre foncier donne l'état des droits sur les immeubles (art. 942 al. 1 CC); ses inscriptions créent la présomption du droit réel et sont en principe nécessaires pour la constituer; elles fondent enfin la protection de l'acquéreur de bonne foi (art. 973 CC). Pour remplir ces fonctions, le registre doit en principe être public, du moins pour les personnes intéressées au statut des immeubles, qui sera réputé connu (art. 970 al. 3 CC). Il n'y a pas de difficulté si le propriétaire consent à la consultation ou si la personne concernée par une inscription en demande un extrait (art. 967 al. 2 CC).
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a) Le texte légal de cette disposition, dans son al. 2, restreint la publicité subjectivement et objectivement, ainsi que sa procédure et ses modalités. Quiconque justifie d'un intérêt a le droit de se faire communiquer en présence d'un fonctionnaire du bureau les feuillets spéciaux qu'il désigne, avec les pièces justificatives, ou de s'en faire délivrer des extraits (art. 970 al. 2 CC). Il faut donc justifier d'un intérêt, concernant des feuillets spéciaux qui doivent être désignés (cf. ATF 97 I 701 consid. 6bb); l'on ne peut en principe que se renseigner en présence d'un fonctionnaire ou se faire délivrer des extraits. Au cours de l'élaboration du code, des experts de la commission songèrent même à biffer l'al. 1, pour marquer le caractère relatif de la publicité, alors traitée fort différemment dans les cantons, et la nécessité de restreindre la consultation des pièces justificatives, dans l'intérêt des personnes qu'elles concernent (REY, Zur Öffentlichkeit des Grundbuchs, RNRF 1984, p. 75/76).
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On peut d'emblée se demander si un canton peut, comme en l'espèce, par la voie d'une publication officielle destinée à tous les citoyens, renseigner d'office le public, c'est-à-dire les privés, sans qu'il y ait requête ni justification d'un intérêt particulier, fût-ce pour l'utilité de larges milieux de la population, voire de l'économie régionale. Dans sa plus grande généralité, la question peut demeurer indécise. Il n'est pas exclu qu'un libre accès puisse BGE 112 II, 422 (426)être ainsi réservé aux données relatives à la description de l'immeuble au sens étroit, qui ne participent pas aux effets du registre, mais sont néanmoins publiques (par exemple les numéros du feuillet ou de la parcelle, le nom de la commune, la désignation du lieu - lieu-dit, nom de la rue, etc. - le numéro du plan, la surface, le type de culture, les bâtiments, éventuellement le numéro de l'assurance et la somme assurée, l'estimation officielle et cadastrale, la charge maximale, ainsi que les mentions de restrictions de droit public à la propriété foncière; cf. JAAC 1980 p. 550 ch. 8). Mais, dans la présente espèce, il s'agit essentiellement d'autres données, qui sont contenues dans les pièces justificatives et ressortissent aux rapports d'obligations entre les parties à la mutation de la propriété immobilière.
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b) Si le registre foncier est en principe public (art. 970 al. 1 CC), encore faut-il donc, pour le consulter, justifier d'un intérêt (art. 970 al. 2 CC), qui doit être légitime. Pour le titulaire d'un droit réel ou le bénéficiaire d'un droit personnel annoté ou d'une mention, il est juridique, et cela suffit.
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Mais un intérêt de fait justifie aussi la consultation lorsqu'il correspond à la fonction du registre, lequel sert à donner connaissance des droits réels sur les immeubles (ATF 111 II 50 consid. 2, ATF 109 II 209 consid. 3 et les références). Cet intérêt confère un droit personnel (ATF 97 I 699 consid. 6a), dans la mesure où il est nécessaire de se renseigner. Il peut être économique, scientifique, esthétique, personnel ou familial, mais non, par exemple, celui d'un simple curieux.
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La notion d'intérêt légitime ressortit à l'appréciation selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC). Cet intérêt ne doit pas relever de l'information générale, car précisément le registre foncier n'est pas une source accessible à tous, puisque sa consultation est subordonnée à la justification d'un intérêt légitime. Il doit mériter d'être juridiquement protégé en raison de la fonction du registre et des buts visés par le requérant (ATF 109 II 209). Dans la balance des intérêts en présence, il doit l'emporter sur ceux des titulaires de droits réels, exigence décisive lorsqu'il s'agit des pièces justificatives (REY, op.cit., p. 82). S'il est public, il appartient à l'autorité de le faire valoir (ATF 111 II 50 consid. 3).
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Si la loi se réfère à un immeuble donné, qu'il faut désigner (al. 2), il s'ensuit que le requérant doit en principe pouvoir alléguer un intérêt spécial, concret et actuel par rapport à un ou plusieurs immeubles déterminés ("eine qualifizierte Bezugsnähe"; REY, BGE 112 II, 422 (427)op.cit., p. 80/81). C'est ainsi que le but général d'une entreprise - et a fortiori de plusieurs ou de toutes celles d'un marché donné - ne permet pas de s'adresser au Conservateur pour connaître, par exemple, la situation financière des personnes inscrites; de même, ce fonctionnaire ne saurait informer régulièrement une banque de toutes les transactions immobilières dans son arrondissement (DESCHENAUX, le registre foncier, Traité de droit privé suisse, vol. V, t. II 2, p. 139 et les références).
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Quiconque peut, en vertu d'un titre d'acquisition, obtenir d'être inscrit comme propriétaire ou acquéreur d'un droit réel, ou d'un autre rapport juridique "révélable" par le registre, est habilité à consulter le feuillet de l'immeuble et les documents complémentaires. Mais doctrine et jurisprudence vont plus loin. Ainsi, la sauvegarde de droits personnels, même futurs, peut être légitime, si le requérant établit en fait ou rend vraisemblable qu'ils sont actuellement menacés et/ou que la solvabilité du tiers dépend de ses biens immobiliers (ATF 109 II 210 consid. 3).
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c) Objectivement, la publicité s'étend à ce qui fait partie du registre foncier, à savoir le grand livre, le journal et les documents complémentaires: plan, rôle et état descriptif, ainsi que les pièces justificatives en relation avec une opération dans les livres (art. 942 al. 2 CC; ATF 56 II 89 et 177). Les registres accessoires, qui n'ont qu'une fonction auxiliaire, ne sont en principe pas sujets à consultation, à moins qu'ils ne contiennent des informations qui n'ont pas trouvé place au grand livre (art. 66 al. 2, 74 al. 3 et 108 ORF).
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La consultation n'est toutefois permise que s'il existe un intérêt légitime corrélatif de la fonction du registre, laquelle en définit dès lors aussi l'étendue. Le requérant ne peut prétendre connaître un document foncier que dans la mesure où l'exige la sauvegarde de son intérêt reconnu (ATF 97 I 702; RNRF 1982 p. 281), sauf peut-être l'identité du propriétaire, qui est même parfois publiée (JAAC 1980, p. 552 ch. 10). Ainsi, une pièce justificative peut être consultée pour connaître l'étendue d'une servitude, mais non le prix d'acquisition d'un immeuble (ATF 83 II 125, ATF 87 I 315; cf. l'opinion de l'autorité schwyzoise rapportée dans l' ATF 109 II 317).
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Ce qui est en cause en l'espèce, c'est la publication officielle de données - dont le prix - qui se trouvent dans les pièces justificatives et ne sont pas destinées à préciser le contenu d'un droit inscrit au grand livre (art. 738 al. 2 et 971 al. 2 CC; ATF 56 BGE 112 II, 422 (428)II 89 et 177), à savoir les éléments essentiels de toutes les mutations de la propriété immobilière (à l'exclusion toutefois des transactions concernant l'Etat de Genève, les communes et les institutions relevant du droit public cantonal). Or les conditions auxquelles des opérations sont effectuées sur le registre, en particulier les contre-prestations des droits ainsi créés, ne sont pas de nature à informer sur le statut juridique des immeubles, mais constituent des clauses conventionnelles qui ne déploient que des effets personnels et ne concernent donc que les parties contractantes ou leurs ayants cause (DESCHENAUX, op.cit., p. 143 in fine, et les références; JAAC 1980 p. 552 ch. 9 et 10; RNRF 1960 p. 121 ss; cf. aussi LIVER, RJB 1985 p. 134 et l'opinion du Département fédéral rapportée dans l' ATF 109 II 317).
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d) Celui qui invoque un intérêt légitime doit en "justifier" (art. 970 al. 2 CC). Il ressort des textes allemands (glaubhaft machen) et italien (rendere verosimile) que le législateur se contente de la vraisemblance. Il n'en demeure pas moins que le requérant doit apporter les éléments concrets qui rendent plausible l'intérêt qu'il allègue (ATF 59 I 253).
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a) En premier lieu, la publication officielle prévue par l'art. 69 du règlement contredit la nécessité, de par le droit fédéral, d'un intérêt légitime personnel, spécial, concret et actuel. Une telle publication n'est pas prévue par le code civil (cf. HOMBERGER, n. 8 ad art. 970 CC), au contraire de ce que fait le code des obligations pour le registre du commerce (art. 931 CO). Certes, outre les besoins des services publics, la satisfaction de certains intérêts généraux, à savoir du public, est concevable, encore que la décision attaquée ne les précise pas et qu'ils ne soient pas tous de même niveau. Mais le rôle que la publication jouerait, dit-on, dans la vie économique genevoise ne touche que certains milieux, des cercles ou des personnes privés. Leurs intérêts tombent précisément dans le champ d'application de l'art. 970 al. 2 CC, qui serait détourné, par cette information générale, dans la mesure où il exige non seulement un motif caractérisé, mais encore une requête et la consultation de feuillets spéciaux et désignés, en présence d'un BGE 112 II, 422 (429)fonctionnaire (ATF 97 I 701 consid. 6bb) ou la délivrance d'un extrait (DESCHENAUX, op.cit., p. 145 ss, ch. VI).
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b) En second lieu, la satisfaction d'intérêts privés - le cercle des intéressés fût-il large, voire parce qu'il est large - ne justifie en tout cas pas l'indication du prix à tout un chacun, par voie de publication (cf. RNRF 1924 p. 102 No 45 et p. 104 No 49). Cette donnée n'est pas nécessaire à la révélation d'un droit réel (cf. consid. 5e). Tout au plus pourrait-on réserver des listes de prix établies par le Conservateur à des fins scientifiques ou statistiques, autant qu'elles ne contiendraient pas de données personnalisées (JAAC 1984 p. 151 No 23).
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L'art. 69 al. 2 du règlement genevois ne prévoit pas la publication de la cause du transfert (vente, donation, etc.). Elle est néanmoins faite à Genève comme, semble-t-il, dans d'autres cantons. Outre qu'elle peut être inexacte (inconsciemment ou volontairement), cette donnée aussi ne concerne pas le droit réel lui-même et ne peut, le cas échéant, présenter l'intérêt exigé par l'art. 970 al. 2 CC que pour un cercle restreint de personnes. Il n'en va pas autrement de la désignation des parties contractantes, dont le titulaire actuel de la propriété immobilière.
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Il suit de là que l'objet de la publication ne répond pas à la fonction du registre foncier. La pratique genevoise remonte à une époque où le registre foncier n'existait pas encore et où la publication qui accompagnait l'acte authentique constituait sa seule publicité de transfert immobilier. Il faut en outre accorder aux recourants et au Département fédéral que l'art. 69 critiqué traite inégalement particuliers et collectivités publiques, sans motif raisonnable (art. 4 Cst.). Les opérations auxquelles ces dernières participent sont en effet soustraites à toute publication. Or, en tant qu'elles interviennent dans un rapport de droit privé, elles sont équiparées aux personnes privées (ATF 112 II 37 consid. 2; ATF 107 II 47 /8 et les réf., ATF 97 II 377 consid. 3c). La décision attaquée est dès lors contraire au droit fédéral et doit être annulée, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si elle viole en outre la Constitution.
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