BGer 2C_745/2010 | |||
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BGer 2C_745/2010 vom 31.05.2011 | |
Bundesgericht
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Tribunal fédéral
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Tribunale federale
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{T 0/2}
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2C_745/2010
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Arrêt du 31 mai 2011
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IIe Cour de droit public
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Composition
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MM. et Mme les Juges Zünd, Président,
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Karlen, Aubry Girardin, Donzallaz et Stadelmann.
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Greffier: M. Chatton.
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Participants à la procédure | |
X.________,
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représenté par Service d'Aide Juridique aux Exilé-e-s,
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recourant,
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contre
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Service de la population, Division Asile,
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Juge de paix du district de Lausanne.
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Objet
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Détention en vue de renvoi; décision de classement,
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recours contre la décision de radiation du rôle prononcée par la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud du 13 septembre 2010.
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Faits:
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A.
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X.________, ressortissant de Bosnie-et-Herzégovine né en 1984, son épouse Y.________ et leur enfant Z.________, né en 2008, ont déposé une demande d'asile en Suisse le 2 juillet 2009, sur laquelle l'Office fédéral des migrations a refusé d'entrer en matière. Cette décision, assortie d'un délai de départ, est entrée en force le 24 septembre 2009. Le 2 mars 2010, X.________ a refusé de signer une déclaration de retour volontaire, alors qu'il bénéficiait d'un laissez-passer pour la Bosnie-et-Herzégovine.
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B.
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X.________ a été arrêté par la police cantonale vaudoise le 5 août 2010. Par ordonnance du même jour, le Juge de paix des districts de Lausanne et de l'ouest lausannois (ci-après: le Juge de paix) a, après l'avoir entendu, placé X.________ en détention administrative pour une durée de trois mois, estimant que l'intéressé aurait "tenté de se soustraire à son refoulement".
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Il ressort du dossier qu'au moment de l'arrestation de X.________, son épouse aurait menacé les policiers avec un couteau, ce qui a entraîné sa mise en détention pénale. Ses deux parents ayant été incarcérés, l'enfant Z.________, alors âgé de 2 ans, a été placé dans une famille d'accueil le jour-même.
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C.
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X.________ a immédiatement déclaré recourir auprès de la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud (ci-après: le Tribunal cantonal) contre l'ordonnance du Juge de paix du 5 août 2010, en concluant en substance à l'annulation de celle-ci et à sa libération immédiate. Le 12 août 2010, X.________ a déposé un "nouveau recours" contre l'ordonnance du Juge de paix. Il a conclu à la constatation d'une violation de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH, ainsi qu'à l'allocation d'une indemnité de 7'000 fr. "en réparation du tort moral occasionné au recourant et à son enfant", "additionnée d'une indemnité de 1'000 fr. (...) par jour de détention supplémentaire à compter du 14 août inclus".
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Le 7 septembre 2010, le Service de la population du canton de Vaud (ci-après: le Service cantonal) a ordonné la libération immédiate de X.________.
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Le 13 septembre 2010, le Tribunal cantonal a, par acte adressé au Service cantonal, au Juge de paix et au représentant de X.________, et sans distinguer entre les mémoires des 6 et 12 août 2010, considéré que le recours de ce dernier n'avait plus d'objet; il a partant rayé la cause du rôle sans frais.
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D.
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Agissant par le biais d'un "recours" au Tribunal fédéral, X.________ conclut, sous suite de dépens, à l'annulation de la décision de radiation du Tribunal cantonal du 13 septembre 2010 et au renvoi de la cause pour nouvelle décision. Il requiert en outre sa mise au bénéfice de l'assistance judiciaire partielle. Les 25 octobre et 6 décembre 2010, X.________ a adressé deux courriers et des annexes au Tribunal fédéral.
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Le Service cantonal conclut au rejet du recours. Sans prendre de conclusions formelles, le Tribunal cantonal a rappelé la chronologie de la procédure de recours en rapport avec la violation alléguée du principe de la célérité, et s'est référé à un courrier daté du 16 septembre 2010, adressé au recourant, par lequel il confirmait la radiation de la cause du rôle et renvoyait le recourant à agir devant le juge civil ordinaire s'agissant de ses prétentions en tort moral. Le Juge de paix et l'Office fédéral des migrations renoncent à formuler des observations.
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Le 31 mai 2011, la Cour de céans a délibéré sur le présent recours en séance publique.
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Considérant en droit:
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1.
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1.1 Dès lors qu'elle conduit à la clôture définitive de l'affaire pour un motif tiré des règles de la procédure (cf. ATF 136 V 131 consid. 1.1 p. 133; 129 III 107 consid. 1.2.1 p. 110), la décision de radiation constitue une décision finale au sens de l'art. 90 LTF. La dénomination lacunaire de "recours" employée par le recourant ne saurait lui nuire si son acte répond aux exigences de la voie de droit à disposition (ATF 136 II 489 consid. 2.1 p. 491), en l'occurrence le recours en matière de droit public. Rendue en dernière instance cantonale par un tribunal supérieur (art. 86 al. 1 let. d et al. 2 LTF) dans une cause de droit public (art. 82 let. a LTF), la décision entreprise ne tombe pas, s'agissant de mesures de contrainte, sous le coup des exceptions de l'art. 83 LTF (cf. arrêt 2C_963/2010 du 11 janvier 2011 consid. 1). Le mémoire de recours a par ailleurs été déposé en temps utile (art. 100 al. 1 LTF) et dans les formes requises (art. 42 al. 1 et 2 LTF).
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1.2 La décision attaquée ne se prononce pas sur le fond, mais raye la cause du rôle, au motif que le recours n'a plus d'objet en raison de la libération du recourant intervenue le 7 septembre 2010. En présence d'un arrêt cantonal équivalant à un refus d'entrer en matière, la jurisprudence considère que le recourant, qui était partie à la procédure devant l'autorité précédente, a un intérêt digne de protection au sens de l'art. 89 LTF à se plaindre que la décision de non-entrée en matière viole le droit fédéral (arrêt 1C_177/2010 du 25 mai 2010 consid. 2, in: Pra 2010 no 122 p. 813). Il convient donc d'entrer en matière.
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1.3 Compte tenu de la nature de l'acte attaqué, c'est à juste titre que le recourant n'a conclu qu'à son annulation et au renvoi de la cause à l'autorité précédente pour qu'elle entre en matière, les conclusions sur le fond n'étant en principe pas admissibles contre une décision de radiation (cf. arrêt 2C_610/2010 du 21 janvier 2011 consid. 1.5).
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1.4 Il ne sera pas tenu compte des courriers et des annexes que le recourant a transmis au Tribunal fédéral en date des 25 octobre et 6 décembre 2010, car ils constituent des moyens nouveaux prohibés par l'art. 99 al. 1 LTF.
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2.
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2.1 Saisi d'un recours en matière de droit public, le Tribunal fédéral contrôle librement le respect du droit fédéral, qui comprend les droits de nature constitutionnelle (cf. art. 95 let. a et 106 al. 1 LTF), sous réserve des exigences de motivation figurant à l'art. 106 al. 2 LTF. Aux termes de cet alinéa, le Tribunal fédéral n'examine les droits fondamentaux ainsi que le droit cantonal que si le grief a été invoqué et motivé par le recourant. En ces matières, l'acte de recours doit, sous peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits ou principes constitutionnels enfreints et préciser en quoi consiste la violation (ATF 136 II 304 consid. 2.5 p. 314; 133 II 249 consid. 1.4.2 p. 254).
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2.2 Le recourant se prévaut d'une violation tant de l'art. 5 que des art. 13 et 8 CEDH. Il soutient que l'impossibilité de faire examiner ses griefs devant le Tribunal cantonal à la suite de sa mise en liberté le priverait de son droit, garanti à l'art. 5 par. 4 CEDH, à l'examen de la légalité de sa détention par un tribunal, ainsi que de son droit à un recours effectif en relation avec l'atteinte au droit à la protection de sa vie familiale liée à la détention. D'après lui, il incombait au juge cantonal de la détention de lui allouer une réparation pour détention irrégulière en vertu de l'art. 5 par. 5 CEDH, une procédure en responsabilité de l'Etat n'offrant pas une protection efficace. Enfin, le Tribunal cantonal aurait tardé à statuer sur son recours en violation du principe de la célérité.
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3.
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S'agissant d'un grief de nature formelle, il convient d'examiner le respect du principe de la célérité en premier lieu.
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3.1 En relation avec ce principe, garanti par l'art. 5 par. 4 CEDH, le recourant reproche au Tribunal cantonal de n'avoir statué qu'après 32 jours de détention, alors que la cause ne présentait pas de difficultés juridiques particulières.
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3.2 Selon l'art. 5 par. 4 CEDH, toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale.
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3.3 En l'espèce, la détention du recourant a été vérifiée par une autorité judiciaire dans un bref délai, dès lors que le jour même de l'arrestation, le Juge de paix, après avoir entendu le recourant, a confirmé sa détention ordonnée par les autorités administratives. Le délai de 96 heures prévu à l'art. 80 al. 2 LEtr a donc été respecté. Il convient encore de se demander dans quelle mesure le principe de la célérité découlant de l'art. 5 par. 4 CEDH s'applique à la procédure de recours, lorsqu'une première autorité judiciaire a, comme dans le présent cas, déjà vérifié la mise en détention.
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Dans un ATF 117 Ia 193 rendu en matière de détention pénale avant jugement, le Tribunal fédéral avait considéré que les règles découlant de l'art. 5 par. 4 CEDH ne s'appliquaient qu'aux cas dans lesquels un tribunal statuait en tant qu'autorité judiciaire de première instance chargée du contrôle de la détention, à l'exclusion des procédures judiciaires de deuxième instance (consid. 1b p. 196 s.). Dans une affaire de privation de liberté à des fins d'assistance, le Tribunal fédéral est cependant revenu sur cette interprétation (ATF 122 I 18 consid. 2d p. 32 ss; cf. aussi l'arrêt 5A_708/2010 du 5 novembre 2010 consid. 4.1), après que la Cour européenne des droits de l'Homme [ci-après: la Cour EDH ou la Cour européenne] eut jugé qu'un Etat contractant qui se dote d'un système de recours contre les décisions judiciaires portant sur la légalité d'une privation de liberté, "doit en principe accorder aux intéressés les mêmes garanties en première instance et en appel", dont fait aussi partie le devoir de statuer à bref délai (arrêt de la Cour EDH Navarra c. France, du 23 novembre 1993, série A273-B, par. 28; cf. aussi les arrêts Marturana c. Italie, du 4 mars 2008, req. n° 63154/00, par. 110; Herz c. Allemagne, du 12 juin 2003, req. n° 44672/98, par. 57 & 71 ss). Ces principes ont été repris par la suite dans un arrêt relatif à une détention pénale (arrêt 6A.63/2001 du 6 août 2001 consid. 1b). Il n'y a pas de raison de ne pas appliquer ces règles au domaine de la détention administrative.
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3.4 Etant donné que l'exigence de célérité s'étend à la procédure de recours devant le Tribunal cantonal, il sied d'en contrôler le respect devant cette instance.
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3.4.1 La question de savoir si le principe de la célérité a été observé lors du contrôle de la détention ne se vérifie pas dans l'abstrait, mais dans le cadre d'une appréciation globale des circonstances. Les critères qui permettent en particulier d'en juger sont la nature de la détention et les motifs qui la sous-tendent, la complexité du dossier, le comportement du détenu et de son conseil s'agissant d'éventuels retards qui leur seraient imputables, ainsi que le déroulement général de la procédure (cf. ATF 137 I 23 consid. 2.4.3 p. 27; 127 III 385 consid. 3a p. 389; 122 I 18 consid. 2d p. 33; arrêt de la Cour EDH Marturana c. Italie, précité, par. 111 ss; MICHEL HOTTELIER, ad art. 5 CPP, in: Code de procédure pénale suisse [André Kuhn/Yvan Jeanneret (éds)], Bâle 2011, p. 32 N 12; GÉRARD PIQUEREZ, Traité de procédure pénale suisse, 2ème éd., Genève/Zurich/Bâle 2006, p. 212 s. N 328). Le juge ne saurait tarder à statuer au point que la cause devienne sans objet (ATF 137 I 23 précité, consid. 2.4.3 p. 27).
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Le délai à prendre en considération au sens de l'art. 5 par. 4 CEDH court dès la saisine de la première instance chargée de contrôler la détention (cf. arrêt 6A.63/2001 du 6 août 2001 consid. 1b). Lorsque la détention perdure et en l'absence de prononcé public, il s'achève au jour de la communication de la décision finale à l'intéressé ou à son conseil (cf. arrêt de la Cour EDH Smatana c. République tchèque, du 27 septembre 2007, req. n° 18642/04, par. 117 s.; JÖRG PAUL MÜLLER/MARKUS SCHEFER, Grundrechte in der Schweiz, 4ème éd., Berne 2008, p. 109 s.).
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3.4.2 Il ressort de la chronologie des événements que le recourant a été mis en détention le 5 août 2010. La légalité de celle-ci a été examinée le jour même par le Juge de paix. A l'encontre de l'ordonnance de cette autorité, le recourant a interjeté un premier recours au Tribunal cantonal le 6 août 2010, avant même d'en avoir reçu le texte écrit, en demandant sa libération. Le 12 août 2010, le Tribunal cantonal a requis les observations du Service cantonal dans un délai de 7 jours dès réception de son avis. Le même jour, le recourant a déposé un "nouveau recours", en concluant cette fois-ci à l'octroi d'une indemnité pour tort moral. Par avis du 16 août 2010, le Tribunal cantonal a indiqué au Service cantonal qu'il annulait le premier délai fixé par courrier du 12 août 2010 et l'a invité à se déterminer dans un nouveau délai non prolongeable de sept jours. Le Service cantonal s'est prononcé par rapport aux deux écritures le 24 août 2010, soit dans le délai imparti. Le 7 septembre 2010, le recourant a été libéré.
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En l'occurrence, le déroulement général de la procédure explique l'absence de décision avant le 7 septembre 2010. D'abord, le recourant a déposé deux actes de recours arborant des conclusions distinctes. A réception de la seconde écriture, on ne peut reprocher au Tribunal cantonal d'avoir imparti un nouveau délai au Service cantonal pour formuler des observations. En outre, rien ne permet de retenir que les juges cantonaux, formant une instance collégiale, auraient délibérément tardé à statuer dans l'attente de la libération du recourant, étant donné que l'ordonnance du Juge de paix du 6 août 2010 confirmait la détention pour une durée de trois mois. Dans de telles circonstances, le fait pour le Tribunal cantonal de s'être prononcé dans un délai de 32 jours depuis le moment où il a été saisi du premier recours jusqu'à la libération du recourant, ne constitue pas encore une violation du principe de la célérité, bien qu'il faille admettre qu'il s'agit ici d'un cas-limite.
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4.
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Il reste à examiner si le Tribunal cantonal aurait dû, tel que l'affirme le recourant, entrer en matière sur le bien-fondé des conclusions prises à l'encontre de l'ordonnance de mise en détention du 5 août 2010.
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4.1 Sous réserve de la violation de droits fondamentaux et du droit cantonal (cf. art. 106 al. 2 LTF), le Tribunal fédéral applique le droit d'office (art. 106 al. 1 LTF).
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Selon l'art. 111 al. 3 LTF, l'autorité qui précède immédiatement le Tribunal fédéral doit pouvoir examiner au moins les griefs visés aux art. 95 à 98 LTF, au nombre desquels figure la violation du droit fédéral (art. 95 let. a LTF). Le principe de l'épuisement des instances est observé, au sens de l'art. 111 al. 3 LTF, lorsque le recourant est à même d'invoquer, devant la dernière autorité cantonale, tous les griefs qu'il pourra par la suite soulever devant le Tribunal fédéral, sans qu'il ne soit pour autant nécessaire que l'autorité analyse ces questions d'office (BERNARD CORBOZ, ad art. 111 LTF, in: Commentaire de la LTF, Berne 2009, p. 1115 N 30). Pour déterminer si le Tribunal cantonal était en droit de ne pas entrer en matière sur le recours de l'intéressé, il convient donc de vérifier de quelle manière, confronté à une situation similaire dans laquelle la libération du recourant serait intervenue en cours de procédure devant le Tribunal fédéral, ce dernier l'aurait résolue. Si le Tribunal fédéral était entré en matière, le Tribunal cantonal aurait dû, conformément à l'art. 111 al. 3 LTF, se prononcer sur le fond et ne pas rayer la cause du rôle (arrêts 1C_133/2008 du 6 juin 2008 consid. 2.1; 1C_82/2007 du 19 novembre 2007 consid. 3.1).
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4.2 En principe, la qualité pour recourir auprès du Tribunal fédéral suppose un intérêt actuel et pratique à obtenir l'annulation de la décision attaquée. Cet intérêt doit exister tant au moment du dépôt du recours qu'à celui où l'arrêt est rendu (cf. ATF 137 II 40 consid. 2 p. 41; 136 II 101 consid. 1.1 p. 103). A priori, il n'existe plus lorsqu'une personne recourant contre sa détention est comme en l'espèce libérée durant la période de recours. Ceci vaut tant pour la privation de liberté dans le domaine pénal (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276) qu'en matière administrative (ATF 137 I 23 consid. 1.3 p. 24; arrêt 2A.748/2006 du 18 janvier 2007 consid. 2.2), ou encore pour la privation de liberté [civile] à des fins d'assistance (ATF 136 III 497 consid. 1.1 p. 499).
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4.3 La jurisprudence admet toutefois que, dans des circonstances particulières, il se justifie d'examiner le recours au fond malgré la libération du recourant intervenue durant la procédure devant le Tribunal fédéral (cf. ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276; 125 I 394 consid. 5f p. 404 in fine).
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4.3.1 La Ire Cour de droit public a admis de telles circonstances en présence d'une violation manifeste de la CEDH. Dans un tel cas, conformément aux exigences tirées d'un procès équitable (art. 29 al. 1 Cst.) et de l'économie de la procédure, il incombait au Tribunal fédéral de traiter les griefs du détenu libéré au cours de la procédure et de constater, comme il le demandait expressément, une violation de la CEDH (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 276 s.).
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En entrant en matière, le Tribunal fédéral satisfaisait de plus à l'art. 13 CEDH, selon lequel "toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la présente Convention ont été violés, a droit à l'octroi d'un recours effectif devant une instance nationale" (cf. ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 277). Cette disposition exige en effet un recours interne permettant d'examiner le contenu d'un "grief défendable" fondé sur la Convention et d'offrir une réparation appropriée, sans qu'elle ne puisse s'interpréter comme imposant "un recours interne pour toute doléance, si injustifiée soit-elle, qu'un individu peut présenter sur le terrain de la Convention" (arrêts de la Cour EDH M.S.S. c. Belgique et Grèce [GC], du 21 janvier 2011, req. 30696/09, par. 288 ss; Boyle et Rice c. Royaume-Uni [plénum], du 27 avril 1988, série A131, par. 52). En cas de détention, une entrée en matière est en outre imposée par l'art. 5 par. 4 CEDH qui, constituant une lex specialis par rapport aux exigences plus générales de l'art. 13 CEDH (arrêt de la Cour EDH Chahal c. Royaume-Uni [GC], du 15 novembre 1996, Rec. 1996-V, par. 126 s.), prévoit que "toute personne privée de sa liberté par arrestation ou détention a le droit d'introduire un recours devant un tribunal, afin qu'il statue à bref délai sur la légalité de sa détention et ordonne sa libération si la détention est illégale" (s'agissant de son applicabilité en instance d'appel, cf. consid. 3.3 supra).
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Pour justifier l'entrée en matière, le Tribunal fédéral a souligné que, s'il ne traitait pas les griefs formulés dans le cas particulier, la Cour EDH pourrait reconnaître une violation de ces dispositions conventionnelles (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 277). Elle l'a fait dans un arrêt du 16 décembre 1997 dans la cause Camenzind c. Suisse (Rec. 1997-VIII, par. 57). Dans cette affaire, le Tribunal fédéral n'était pas entré en matière car la perquisition objet du recours était terminée. Comme a tranché la Cour EDH, ce faisant le recourant ne disposait d'aucun recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH. La Cour a considéré comme non décisive (par. 51 ss) l'objection formulée par la Suisse qui consistait à dire que le recourant aurait eu la possibilité de faire valoir ses griefs de violation de la CEDH, en particulier dans le cadre d'une procédure d'indemnité au sens de l'art. 99 DPA [RS 313.0] (ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 277. De même, sur le terrain de l'art. 5 par. 4 CEDH, la Cour EDH a retenu que le seul fait qu'une mesure d'internement ou de détention provisoire "a expiré ne saurait priver l'intéressé du droit à faire contrôler la légalité de cette mesure même après son expiration". A ce défaut, l'on viderait de leur sens les garanties offertes par cette disposition, "si le contrôle judiciaire d'une détention provisoire, qui est par nature limitée dans le temps, n'était possible qu'aussi longtemps que les effets de la mesure privative perdurent" (arrêt de la CourEDH Herz c. Allemagne, précité, par. 68; cf. aussi l'arrêt N.C. c. Italie [GC], du 18 décembre 2002, Rec. 2002-X, par. 49 s.).
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4.3.2 Dans l'ATF 136 I 274, le Tribunal fédéral a aussi pris en considération le fait que l'autorité de première instance ne s'était pas prononcée sur les griefs de violation de la CEDH, quand bien même le recourant les avait formulés devant elle. Or, si le Tribunal fédéral devait lui aussi ne pas traiter matériellement ces griefs, aucune autorité nationale ne se serait prononcée à leur sujet. Si le recourant portait cette affaire devant la Cour EDH, il était à prévoir que cette dernière considérerait le recours comme recevable et se prononcerait sur les griefs, dès lors que pour cette juridiction, l'actualité d'un intérêt digne de protection ne constitue pas un critère pertinent (arrêt précité, consid. 1.3 p. 277). C'est ainsi que, dans la cause Kaiser c. Suisse (arrêt du 15 mars 2007, req. 17073/04, par. 13 et 41), la Cour EDH a examiné (et retenu) une violation de l'art. 5 par. 3 CEDH, quand bien même le recourant avait déjà été remis en liberté avant que le Tribunal fédéral n'eût rendu son arrêt (cf. ATF 136 I 274 consid. 1.3 p. 277). Partant, dans son arrêt précité, le Tribunal fédéral a jugé que le principe de l'unité de la procédure lui imposait d'examiner les griefs pouvant être formulés devant la Cour européenne et a accepté de traiter le recours sur le fond comme le demandait expressément le recourant (consid. 1.3 p. 277).
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Plus récemment, dans l'affaire Jusic c. Suisse (arrêt de la Cour EDH du 2 décembre 2010, req. 4691/06), qui concernait le recours d'un étranger contre sa détention administrative en vue de l'exécution du renvoi, la Cour EDH a examiné (et constaté) une violation de l'art. 5 par. 1 CEDH en dépit du fait que l'intéressé avait été libéré en cours de procédure devant le Tribunal fédéral, lequel avait estimé que le recours était devenu sans objet et avait ainsi rayé la cause du rôle (cf. arrêt 2A.503/2005 du 1er septembre 2005). A cette occasion, la Cour EDH avait écarté l'exception préliminaire de la Suisse portant sur le non-épuisement des voies de recours nationales, au motif que "la voie de droit suivie par le requérant [pour faire constater l'illicéité de sa détention] était de loin la plus naturelle dans les circonstances de l'affaire, où l'intéressé contestait une détention qu'il considérait comme illégale" (arrêt Jusic c. Suisse, précité, par. 57).
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4.3.3 Se fondant sur l'ATF 136 I 274, le Tribunal fédéral a plusieurs fois jugé que l'autorité de recours doit entrer en matière pour examiner la licéité de la détention d'une personne libérée en cours de la procédure, dans la mesure où le recourant invoque une violation de l'art. 5 CEDH (arrêts 1B_125/2011 du 8 avril 2011 consid. 1.2; 1B_25/2011 du 14 mars 2011 consid. 1.2, non publié in: ATF 137 IV 13; 1B_10/2011 du 14 février 2011 consid. 2; 1B_94/2010 du 22 juillet 2010 consid. 1.3; 1B_161/2010 du 12 juillet 2010 consid. 1).
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4.3.4 Comme il a été vu (consid. 4.3.2), la jurisprudence développée par la Ire Cour de droit public procède entre autres du principe de l'unité de la procédure, qui tend notamment à ce que les griefs invocables devant la Cour européenne soient examinés en amont par le Tribunal fédéral et que les griefs qui peuvent être vérifiés par ce dernier le soient par les instances inférieures. Elle offre à la personne qui s'estime lésée dans ses droits reconnus par la CEDH la possibilité, avant le dépôt de toute requête auprès de la Cour européenne, de faire constater cette violation alléguée dans le cadre d'un recours national interjeté contre l'acte litigieux, quand bien même l'intérêt actuel à former un tel recours en droit suisse aurait entretemps disparu en raison de la cessation (des effets) de la mesure en question. Cette jurisprudence concilie donc les critères de la recevabilité avec les exigences liées au droit à un recours effectif au sens de l'art. 13 CEDH. Par ailleurs, cette solution n'a pas pour effet d'assouplir à outrance les conditions de la recevabilité, dès lors qu'elle insiste non seulement sur le devoir du recourant de se prévaloir expressément, devant les autorités judiciaires, d'une violation de la CEDH et qu'elle l'oblige aussi à rendre "défendable" son grief, ce qui présuppose une obligation de motivation accrue comparable à celle qui est déjà prévue à l'art. 106 al. 2 LTF.
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En conséquence, rien ne s'oppose à ce que la nouvelle pratique amorcée par la Ire Cour de droit public soit reprise par la Cour de céans s'agissant des détentions administratives.
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5.
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Il convient encore d'examiner si les conditions qui auraient permis au Tribunal fédéral et qui, par voie de conséquence, obligeraient le Tribunal cantonal d'entrer en matière en dépit de la perte de l'intérêt actuel à recourir (cf. consid. 4.1), sont réunies dans le cas d'espèce.
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5.1 Au fond, le recourant se prévaut d'une violation tant de l'art. 5 que de l'art. 8 CEDH (cf. consid. 2.2). Sa mise en détention administrative aurait été illégale et disproportionnée. Ayant conduit au placement temporaire de son enfant Z.________ dans une famille d'accueil, elle aurait en outre violé son droit à la protection de la sphère familiale. Ces griefs, qui entrent dans le champ de protection des dispositions conventionnelles dont se prévaut le recourant, ont été déjà invoqués devant le Tribunal cantonal. En outre, ils sont prima facie défendables compte tenu des circonstances d'espèce. Il est en effet permis de s'interroger au sujet de la justification de détenir une personne en vue de son renvoi (cf. art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 LEtr), alors qu'elle vit en Suisse depuis plusieurs années avec sa famille, qu'elle n'est pas partie dans la clandestinité et que, à la suite du comportement de la mère, la détention administrative du père aboutit au placement en foyer d'un enfant alors âgé de 2 ans (cf. art. 80 al. 4 LEtr; art. 8 CEDH). Dans l'arrêt Jusic c. Suisse précité, la Cour européenne a, nonobstant une décision de renvoi exécutoire et le refus exprimé par l'intéressé de quitter la Suisse, retenu une violation de l'art. 5 par. 1 CEDH s'agissant de la mise en détention d'un père de quatre enfants mineurs à sa charge dont l'épouse souffrait d'une maladie psychique, et qui avait toujours déféré aux convocations des autorités (arrêt de la Cour EDH Jusic c. Suisse, précité, par. 80 ss).
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5.2 Il découle de ce qui précède que, si le recourant avait été libéré après avoir porté son recours devant le Tribunal fédéral, les conditions permettant à ce dernier de déroger à l'exigence de l'intérêt actuel et d'examiner le fond du litige auraient été réunies. Par conséquent, en n'entrant pas en matière sur les griefs d'une violation des art. 8 et 5 CEDH invoqués par le recourant, le Tribunal cantonal a privé celui-ci de la possibilité de les faire valoir devant le Tribunal fédéral et a donc violé l'art. 111 al. 3 LTF. En empêchant le recourant de faire examiner l'illicéité alléguée de la détention administrative, la décision querellée a en outre violé l'art. 5 par. 4 CEDH. La présente cause devra partant être renvoyée à l'instance précédente pour qu'elle entre en matière avec un plein pouvoir d'examen.
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6.
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Si le Tribunal cantonal aboutit à la conclusion que la détention subie était illégale, il lui appartiendra soit de se prononcer lui-même sur l'indemnisation requise par le recourant soit de transmettre la cause à l'autorité cantonale compétente en matière de responsabilité de l'Etat. En opérant ce choix, les juges cantonaux pourront prendre en considération que, dans l'arrêt Jusic c. Suisse précité (par. 103 ss), la Cour EDH a jugé que le droit du requérant à réparation du fait de la violation de la CEDH constatée se trouvait "assuré à un degré suffisant de certitude" par l'action en responsabilité de l'Etat instaurée par le droit vaudois, qui était donc conforme à l'art. 5 par. 5 CEDH. Il leur sera toutefois également permis de tenir compte de la possibilité d'octroyer directement au recourant, pour des motifs liés à l'économie de la procédure, une satisfaction équitable (cf. ATF 136 I 274 consid. 2.3 p. 278).
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7.
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Par conséquent, il convient d'admettre le recours, d'annuler la décision attaquée et de renvoyer la cause à l'autorité cantonale précédente pour qu'elle entre en matière au sens des considérants. Il ne sera pas perçu de frais judiciaires (art. 66 al. 1 et 4 LTF), ce qui rend sans objet la requête d'assistance judiciaire partielle déposée par le recourant (cf. art. 64 al. 1 LTF). En revanche, le canton de Vaud versera des dépens au recourant qui obtient gain de cause (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
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1.
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Le recours est admis, la décision attaquée est annulée et la cause est renvoyée à l'autorité précédente pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
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2.
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Il n'est pas perçu de frais judiciaires.
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3.
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La requête d'assistance judiciaire partielle est sans objet.
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4.
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Le canton de Vaud versera au représentant du recourant une indemnité de 2'000 fr. à titre de dépens.
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5.
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Le présent arrêt est communiqué au représentant du recourant, au Service de la population, au Juge de paix du district de Lausanne, à la Chambre des recours du Tribunal cantonal du canton de Vaud et à l'Office fédéral des migrations.
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Lausanne, le 31 mai 2011
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Au nom de la IIe Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Président: Zünd
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Le Greffier: Chatton
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