BGer 1B_494/2017 | |||
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BGer 1B_494/2017 vom 01.05.2018 |
1B_494/2017 |
Arrêt du 1er mai 2018 |
Ire Cour de droit public | |
Composition
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MM. les Juges fédéraux Karlen, Juge présidant,
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Chaix et Kneubühler.
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Greffière : Mme Kropf.
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Participants à la procédure | |
A.________,
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représenté par Me Elie Elkaim, avocat,
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recourant,
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contre
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Ministère public central du canton de Vaud,
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1) Groupe X.________ SA,
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2) X.________ (VD) SA,
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Objet
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Procédure pénale; refus de séquestre,
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recours contre l'arrêt de la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud
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du 29 septembre 2017 (663 PE17.002740-BUF).
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Faits : | |
A. A la suite d'une dénonciation déposée le 15 juillet 2016 par le Département du territoire et de l'environnement du canton de Vaud (DTE), le Ministère public central - division affaires spéciales - vaudois a ouvert une instruction pénale portant sur des cas potentiels de pollution à large échelle commis par des entreprises du Groupe X.________ SA dans une ancienne décharge dépolluée à U.________, dans une décharge à V.________ et sur plusieurs chantiers dans les cantons de Vaud et de Genève (cause PE16 -... BUF). Cette procédure a été classée le 22 mai 2017. Dans ce même prononcé, le Ministère public a levé le séquestre portant sur des classeurs et boîtes d'archives saisis au cours de la perquisition effectuée le 27 septembre 2016 et a ordonné leur restitution au Groupe X.________ SA.
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Le Ministère public central instruit également une enquête contre A.________ - journaliste actif en l'état dans le domaine du conseil et de la communication - pour calomnie, subsidiairement diffamation, injure et tentative de menaces alarmant la population (PE17.002740-BUF). Il lui est reproché d'avoir adressé à divers élus et journalistes un courrier le 31 janvier 2017 qui annonçait que la nappe phréatique située au-dessous de la gravière gérée par le Groupe X.________ SA à U.________ serait gravement polluée, au point de mettre en danger la santé de milliers de Vaudois; il aurait également mis en cause la probité notamment de la Conseillère d'Etat B.________, accusée de fermer les yeux sur les "agissements" du Groupe X.________ SA.
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Le 30 mai 2017, A.________ a sollicité la jonction des procédures PE16 -... BUF et PE17.002740-BUF. Il a également déposé un recours contre l'ordonnance de classement de la première de ces procédures. Celui-ci a été déclaré irrecevable par la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal vaudois, faute de qualité pour recourir. A.________ a formé recours auprès du Tribunal fédéral contre ce prononcé (cause 6B_1003/2017).
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Par courrier du 7 septembre 2017, A.________ a requis le séquestre des classeurs et boîtes d'archives saisis lors de la perquisition du 27 septembre 2016 dans le cadre de la cause PE16 -... BUF. Le Ministère public a rejeté, par ordonnance du 13 septembre 2017, cette requête.
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B. Le 29 septembre 2017, la Chambre des recours pénale a rejeté le recours intenté par A.________ contre cette ordonnance.
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Cette autorité a considéré que le prévenu n'avait pas rendu vraisemblable que les documents en cause seraient en lien direct avec les faits qui lui étaient reprochés dans l'ordonnance d'ouverture d'instruction (envoi d'un courrier le 31 janvier 2017 annonçant la pollution de la nappe phréatique située au-dessous de la gravière gérée par le Groupe X.________ SA à U.________, mise en danger en conséquence de milliers de personnes et mise en cause de la probité d'une Conseillère d'Etat); de plus, les pièces saisies concernaient cinq chantiers de la région lausannoise où étaient intervenues les entreprises du Groupe X.________ SA et non pas la décharge de U.________.
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C. Par acte du 20 novembre 2017, A.________ forme un recours en matière pénale contre cet arrêt, concluant à sa réforme en ce sens que le séquestre des classeurs et boîtes d'archives saisis lors de la perquisition effectuée le 27 septembre 2016 dans les locaux du Groupe X.________ SA, à U.________, soit ordonné, de sorte que ces documents soient versés à la procédure PE17.002740-BUF. A titre subsidiaire, il requiert son annulation et le renvoi de la cause à l'autorité précédente pour nouvelle décision au sens des considérants.
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Invité à se déterminer, le Ministère public a conclu au rejet du recours, en se référant à l'arrêt attaqué. Quant à l'autorité précédente, elle a renoncé à déposer des déterminations. Le Groupe X.________ SA - anciennement X.________ SA - et X.________ (VD) SA - anciennement C.________ SA - (ci-après : les intimés) ont conclu au rejet du recours. Les 29 et 31 janvier 2018, le recourant, respectivement les intimés, ont persisté dans leurs conclusions.
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Considérant en droit : | |
1. Le Tribunal fédéral examine d'office sa compétence (art. 29 al. 1 LTF) et contrôle librement la recevabilité des recours qui lui sont soumis (ATF 143 IV 357 consid. 1 p. 358).
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1.1. Le recours en matière pénale (art. 78 al. 1 LTF) - déposé en temps utile (art. 45 al. 1 et 100 al. 1 LTF) - est ouvert contre une décision prise au cours d'une procédure pénale et confirmée en dernière instance cantonale (art. 80 LTF).
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1.2. L'arrêt entrepris ne met pas un terme à la procédure pénale. Le recours n'est donc recevable que si l'acte attaqué est susceptible de causer un préjudice irréparable (art. 93 al. 1 let. a LTF; ATF 140 IV 57 consid. 2.3 p. 60).
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1.2.1. En matière pénale, le préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF se rapporte à un dommage de nature juridique qui ne puisse pas être réparé ultérieurement par un jugement final ou une autre décision favorable au recourant (ATF 143 IV 175 consid. 2.3 p. 177). Au contraire d'un prononcé ordonnant un séquestre pénal, qui prive temporairement le détenteur de la libre disposition des valeurs ou objets saisis (ATF 128 I 129 consid. 1 p. 131; 126 I 97 consid. 1b p. 101), le refus d'un telle mesure ne cause un dommage irréparable que dans des circonstances particulières, notamment lorsqu'il s'agit de moyens de preuve susceptibles de s'altérer ou de disparaître (arrêts 1B_100/2017 du 25 avril 2017 consid. 1.2; 1B_370/2014 du 18 décembre 2014 consid. 1.2.1) et qui visent des faits décisifs non encore élucidés (arrêts 1B_432/2016 du 25 novembre 2016 consid. 1.2; 1B_189/2012 du 17 août 2012 consid. 1.2 publié in SJ 2013 I 89).
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1.2.2. En l'occurrence, un préjudice irréparable au sens de l'art. 93 al. 1 let. a LTF ne découle pas pour le recourant du seul risque de perdre d'éventuelles pièces pouvant mettre en cause les parties plaignantes, notamment dans le cadre de la procédure PE16 -... BUF; il ne le prétend d'ailleurs pas. En revanche, il soutient en substance que ces documents seraient susceptibles de démontrer, dans le cadre de l'examen de sa propre culpabilité, la réalité des faits qu'il a dénoncés. L'éventuelle pertinence des documents en cause ne suffit toutefois pas non plus pour considérer que le recourant serait empêché, de manière définitive, de requérir leur saisie ultérieurement. Cela vaut d'autant plus que le recourant, journaliste de formation, ne prétend pas que ces éléments seraient l'unique moyen de preuve à sa disposition pour démontrer la véracité de ses propos et que ceux-ci n'auraient pas reposé sur l'obtention d'informations ou de renseignements préalables (par exemple des courriers, des articles et/ou des témoignages).
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Le recourant se prévaut encore, brièvement, d'un risque d'altération et de destruction des documents dont il demande le séquestre, dès lors que, dans l'ordonnance de classement de la cause PE16 -... BUF, leur restitution aux intimés est ordonnée. Les pièces en cause se trouvent cependant toujours en mains des autorités pénales puisque le recourant a obtenu l'effet suspensif lors de son recours au Tribunal fédéral contre l'arrêt cantonal confirmant l'ordonnance de classement (cf. l'ordonnance du Président de la Cour de droit pénal du 31 octobre 2017 rendue dans la cause 6B_1003/2017). Le risque évoqué ne constitue donc en l'état qu'une simple hypothèse, ce qui ne saurait suffire pour retenir l'existence d'un préjudice irréparable. Cela vaut d'autant plus qu'une éventuelle altération ou destruction des pièces litigieuses après leur restitution aux intimés - qu'on rappellera mis en cause dans la procédure PE16 -... BUF - tendrait plutôt à appuyer les thèses du recourant, notamment quant à la nécessité a priori de cacher certains documents relatifs à la gestion de la décharge de U.________. En tout état de cause, il appartient au Ministère public de démontrer la fausseté des allégations du recourant (cf. art. 174 CP; arrêt 6B_119/2017 du 12 décembre 2017 consid. 3.1); pour cela, le magistrat peut faire produire, d'office ou sur réquisition, les pièces du dossier PE16 -... BUF, étant relevé que l'ordonnance de classement ordonne le maintien dans celui-ci de la clé USB remise par le DTE, ainsi que le CD des données enregistrées au cours de la perquisition effectuée le 27 septembre 2016 (cf. les effets accessoires du classement p. 5).
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Partant, faute de préjudice irréparable, le recours est irrecevable.
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2. En tout état de cause, l'utilité potentielle des pièces dont le séquestre est demandé n'est pas d'emblée apparente, notamment s'agissant du lien de connexité avec les faits reprochés, même sous l'angle de la vraisemblance (sur ces notions et le séquestre conservatoire au sens de l'art. 263 al. 1 let. a CPP, voir l'arrêt 1B_100/2017 du 25 avril 2017 consid. 2.1 et les arrêts cités). Leur saisie violerait ainsi en l'état le principe de proportionnalité.
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En effet, selon la jurisprudence, seuls entrent en considération, dans le cadre de l'examen de la preuve libératoire au sens de l'art. 173 ch. 2 CP, les éléments dont disposait l'auteur au moment de ses déclarations, à l'exclusion des moyens de preuve découverts ou des fais survenus postérieurement (ATF 124 IV 149 consid. 3b p. 151 s.; arrêt 6B_512/2017 du 12 février 2018 consid. 3.4.1).
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Sans autre explication, le recourant ne paraît ainsi pas pouvoir justifier ses allégations par des documents dont il ignorait la teneur au moment de l'envoi notamment de son courrier du 31 janvier 2017. Sa requête semble plutôt relever de la recherche indéterminée de preuves ("fishing operation"), ce qui est inadmissible. Cela vaut d'autant plus que cette démarche ne paraît de loin pas tendre à le disculper dans la cause PE17.002740-BUF, mais à obtenir des éléments à charge des personnes qu'il a mises en cause dans ses déclarations, notamment afin de contester le classement de la procédure PE16 -... BUF, et/ou à pouvoir accéder, de manière détournée, aux éléments saisis dans le cadre de cette procédure.
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3. Il s'ensuit que le recours est irrecevable.
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Le recourant, qui succombe, supporte les frais judiciaires (art. 66 al. 1 LTF). Les intimés, qui procèdent par le biais d'un avocat commun, ont droit à une indemnité de dépens à la charge du recourant (art. 68 al. 1 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1. Le recours est irrecevable.
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2. Une indemnité de dépens, fixée à 2'500 fr., est allouée aux intimés, à la charge du recourant.
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3. Les frais judiciaires, arrêtés à 2'000 fr., sont mis à la charge du recourant.
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4. Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties, au Ministère public central du canton de Vaud et à la Chambre des recours pénale du Tribunal cantonal du canton de Vaud.
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Lausanne, le 1 er mai 2018
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Au nom de la Ire Cour de droit public
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du Tribunal fédéral suisse
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Le Juge présidant : Karlen
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La Greffière : Kropf
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