BGer 4A_418/2021 | |||
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BGer 4A_418/2021 vom 18.01.2022 | |
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4A_418/2021 |
Arrêt du 18 janvier 2022 |
Ire Cour de droit civil | |
Composition
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Mmes et M. les Juges fédéraux
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Kiss, juge présidant, Rüedi et May Canellas.
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Greffier: M. O. Carruzzo.
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Participants à la procédure
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A.________ S.p.A.,
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représentée par Mes Teresa Giovannini, Matthias Scherer et Pierre-Olivier Allaz,
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recourante,
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contre
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B.________ S.p.A.,
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représentée par Mes Gabrielle Nater-Bass, Julian Schwaller et Aliénor de Dardel,
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intimée.
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Objet
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arbitrage international,
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recours contre la sentence (" Partial Award ") rendue le 22 juin 2021 par un Tribunal arbitral avec siège à Genève (n° 18666/FM/MHM/GFG).
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Faits : |
A. | |
A.a. Le 21 décembre 2001, C.________ S.A. et la société de droit italien D.________ S.p.A., reprise par la suite par A.________ S.p.A. (ci-après: A.________), en tant que venderesses, et B.________ S.p.A. (ci-après: B.________), société ayant son siège en Italie, en tant qu'acquéresse, ont conclu un contrat d'achat d'actions (
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Le SPA contenait diverses clauses de garantie, en vertu desquelles A.________ assurait notamment que les sites exploités par la société mère et sa filiale F.________ respectaient la réglementation topique en matière de protection de l'environnement. Il réglait en outre la question de l'indemnisation d'un éventuel dommage résultant du non-respect desdites clauses et prévoyait, à son art. 9.3, certaines exclusions et limitations de responsabilité. L'art. 9.3.10 du SPA prévoyait notamment ce qui suit:
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" [any] limitations or restrictions set forth under this section 9.3 will not apply in the event of any Loss resulting from fraud, wilful misconduct or gross negligence by the Sellers ".
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B.
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Le 25 avril 2012, B.________, se fondant sur la clause d'arbitrage insérée dans le SPA, a initié une procédure arbitrale dirigée contre A.________. Elle réclamait, en substance, le paiement de dommages-intérêts pour cause de violation du SPA. Elle faisait notamment valoir que les clauses d'exclusion de responsabilité étaient inapplicables, conformément à l'art. 9.3.10 du SPA, en raison du comportement adopté par la défenderesse.
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La défenderesse a conclu au déboutement de la demanderesse des fins de toutes ses conclusions et a formé une demande reconventionnelle.
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Un tribunal arbitral de trois membres a été constitué, sous l'égide de la Cour d'arbitrage de la Chambre de Commerce Internationale (CCI), et son siège fixé à Genève. L'anglais a été désigné comme langue de l'arbitrage.
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Par sentence incidente du 22 décembre 2014, le Tribunal arbitral a statué sur diverses objections de nature procédurale soulevées par la défenderesse et renvoyé l'examen de certaines questions à une phase ultérieure de la procédure.
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Le 28 janvier 2015, le Tribunal arbitral a décidé, à la demande des parties, de suspendre la procédure jusqu'à droit connu sur les procédures pénales conduites en Italie en raison de la contamination des eaux et du sol à proximité des sites de xxx et de yyy.
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Le 21 novembre 2016, les parties ont requis la reprise de la procédure.
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Le 22 juin 2021, le Tribunal arbitral a rendu une sentence, intitulée " Partial Award ", dans le dispositif de laquelle il a décidé ce qui suit:
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" a) The Arbitral Tribunal has jurisdiction to hear " Historical " Claims;
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b) The Arbitral Tribunal orders Respondent to pay Claimant EUR 91,493,936 (...) for the Losses and Damages incurred up until 31 December 2016 due to Respondent's breaches of representations and warranties under the SPA;
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c) Respondent's request to strike out Prayer for Relief (e) is dismissed and the jurisdiction over damages claims since 1 January 2017, once substantiated and presented under Prayer for Relief (e) is reserved for the next quantum phase;
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d) The decision concerning the interest applicable to Claimant's incurred Losses is joined to the next quantum phase;
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e) The decision concerning the Parties' costs is joined to the next quantum phase;
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f) All other claims and requests not specifically mentioned or reserved above are dismissed. "
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Dans la sentence attaquée, le Tribunal arbitral considère que la société F.________ a violé la réglementation topique en matière de protection de l'environnement en ne révélant notamment pas certaines informations importantes relatives à la grave contamination touchant les sites de xxx et de yyy (sentence, n. 492 s.). Il relève ensuite que, pour que la défenderesse soit tenue de supporter les coûts liés à l'assainissement des sites pollués, il faut que la partie demanderesse établisse que son adverse partie a agi frauduleusement, commis une faute intentionnelle ou une grave négligence (" Claimant must establish either fraud, wilful misconduct or gross negligence by A.________, as the Seller, as opposed to F.________ "; sentence, n. 495). Se référant à une décision rendue par la Cour suprême italienne, les arbitres considèrent qu'une personne morale doit être tenue elle-même pour responsable lorsqu'il est établi que plusieurs personnes, au sein d'une structure plus large, connaissaient certaines informations, imputables à la société elle-même, quand bien même lesdites personnes n'étaient pas les signataires du SPA (sentence, n. 542). Le Tribunal arbitral est d'avis que le rôle joué par deux individus lors de la conclusion du SPA peut refléter l'importance des employés de F.________ pour la défenderesse lors des négociations du SPA et donc de " l'état d'esprit " ( state of mind) de celle-ci au moment d'apprécier sa responsabilité (sentence, n. 547). Ces deux personnes sont G.________, cadre au sein du groupe A.________ entre 1964 et 2001 et Président-Directeur général de F.________ dès 1990, ainsi que H.________, lequel a été engagé par la défenderesse en 1969 puis a été transféré à la société F.________ en 1976 (sentence, n. 548). Ces deux individus ont clairement pris part aux négociations du SPA avec la demanderesse; ils ont eu l'occasion de présenter à l'acquéresse une image complète et non biaisée de la contamination affectant les sites concernés mais ne l'ont pas fait (sentence, n. 559). Le Tribunal arbitral estime par ailleurs que les dirigeants de la défenderesse connaissaient déjà, dès 1994, le nombre potentiellement élevé de sites contaminés et étaient clairement concernés par le risque de devoir engager des frais significatifs en vue d'assainir ceux-ci (sentence, n. 563). Les représentants de la défenderesse ont certainement été impliqués dans la rédaction de rapports en 1992 et 1994, dont un faisait notamment état d'un risque très faible de contamination s'agissant du site de xxx, et ont certainement dû avoir connaissance du contenu de ceux-ci (sentence, n. 567). Le Tribunal arbitral aboutit à la conclusion que la défenderesse doit être tenue pour responsable du non-respect de la réglementation pertinente en matière de protection de l'environnement, eu égard à la clause de garantie topique figurant à l'art. 6.2F (a) du SPA et conformément à l'art. 1391 du Code civil italien (sentence, n. 569).
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Après avoir écarté l'objection de la défenderesse selon laquelle le tribunal arbitral n'est pas compétent pour connaître des prétentions liées aux contaminations des deux sites survenues plusieurs décennies avant leur fermeture, les arbitres se penchent sur la question du dommage subi par la demanderesse jusqu'au 31 décembre 2016. Ils arrêtent celui-ci à 91'493'936 euros. Le Tribunal arbitral précise que les prétentions en dommages-intérêts visant la période courant à partir du 1er janvier 2017 et la question des intérêts relatifs aux pertes éprouvées seront examinées ultérieurement (sentence, n. 905).
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C.
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Le 30 août 2021, A.________ (ci-après: la recourante) a formé un recours en matière civile, assorti d'une requête d'effet suspensif, aux fins d'obtenir l'annulation de la sentence du 22 juin 2021.
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B.________ (ci-après: l'intimée) a conclu au rejet du recours.
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Le Tribunal arbitral ne s'est pas prononcé sur le recours.
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La recourante a répliqué spontanément, suscitant le dépôt d'une duplique de la part de l'intimée.
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La requête d'effet suspensif a été rejetée par ordonnance du 29 novembre 2021.
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Considérant en droit : | |
1.
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D'après l'art. 54 al. 1 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le Tribunal fédéral rédige son arrêt dans une langue officielle, en règle générale dans la langue de la décision attaquée. Lorsque cette décision a été rendue dans une autre langue (ici l'anglais), le Tribunal fédéral utilise la langue officielle choisie par les parties. Dans son mémoire adressé au Tribunal fédéral, la recourante a employé le français. Conformément à sa pratique (cf. ATF 142 III 521 consid. 1), le Tribunal fédéral rendra son arrêt dans la langue du recours, c'est-à-dire le français.
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2.
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Dans le domaine de l'arbitrage international, le recours en matière civile est recevable contre les décisions de tribunaux arbitraux aux conditions prévues par les art. 190 à 192 de la loi fédérale sur le droit international privé du 18 décembre 1987 (LDIP; RS 291), conformément à l'art. 77 al. 1 let. a LTF.
| 29 |
En l'espèce, le siège du tribunal arbitral se trouve à Genève. Aucune des parties n'avait son siège en Suisse au moment déterminant. Les dispositions du chapitre 12 de la LDIP sont dès lors applicables (art. 176 al. 1 LDIP).
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Erwägung 3 | |
3.1. Le recours en matière civile visé par l'art. 77 al. 1 let. a LTF en liaison avec les art. 190 à 192 LDIP n'est recevable qu'à l'encontre d'une sentence. L'acte attaquable peut être une sentence finale, qui met un terme à l'instance arbitrale pour un motif de fond ou de procédure, une sentence partielle, qui porte sur une partie quantitativement limitée d'une prétention litigieuse ou sur l'une des diverses prétentions en cause ou encore qui met fin à la procédure à l'égard d'une partie des consorts (ATF 143 III 462 consid. 2.1), voire une sentence préjudicielle ou incidente, qui règle une ou plusieurs questions préalables de fond ou de procédure (sur ces notions, cf. l'ATF 130 III 755 consid. 1.2.1).
| 31 |
Les sentences partielles et les sentences finales ne sont soumises à aucune restriction quant aux motifs susceptibles d'être invoqués dans un recours dirigé contre elles (ATF 142 III 284 consid. 1.1.1).
| 32 |
En vertu de l'art. 190 al. 3 LDIP, la décision incidente ne peut être attaquée directement devant le Tribunal fédéral que pour les motifs tirés de la composition irrégulière (art. 190 al. 2 let. a LDIP) ou de l'incompétence (art. 190 al. 2 let. b LDIP) du tribunal arbitral. Les griefs visés à l'art. 190 al. 2 let. c à e LDIP peuvent aussi être soulevés contre les décisions incidentes au sens de l'art. 190 al. 3 LDIP, mais uniquement dans la mesure où ils se limitent strictement aux points concernant directement la composition ou la compétence du tribunal arbitral (ATF 143 III 462 consid. 2.2; 140 III 477 consid. 3.1; 140 III 520 consid. 2.2.3). La possibilité de recourir contre une sentence incidente ou préjudicielle ne dépend pas des conditions posées à l'art. 93 al. 1 LTF puisque l'art. 77 al. 2 LTF exclut, dans le recours en matière d'arbitrage international, l'application des art. 90 à 98 LTF (ATF 143 III 462 consid. 3.2.2).
| 33 |
3.2. En l'espèce, la sentence entreprise ne présente pas un caractère final puisqu'elle a été rendue dans le cadre d'une procédure arbitrale qui va se poursuivre, indépendamment du sort réservé au présent recours.
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3.3. Dans son mémoire, la recourante soutient, sans être contredite par les intimés, que le tribunal arbitral a rendu une sentence partielle.
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3.4. En l'occurrence, le Tribunal arbitral a arrêté, dans la sentence entreprise, le montant des pertes subies par l'intimée jusqu'au 31 décembre 2016, tout en réservant l'examen d'éventuels dommages postérieurs à cette date à une phase ultérieure de la procédure. Ce faisant, il a tranché une partie quantitativement limitée des prétentions litigieuses. On peut ainsi admettre qu'il a rendu une sentence partielle, quand bien même il a décidé de statuer ultérieurement sur le taux des intérêts afférents au montant arrêté au titre des pertes subies jusqu'au 31 décembre 2016 et qu'il n'a ainsi, formellement, pas réglé de manière exhaustive la question relative aux dommages-intérêts couvrant la période allant jusqu'au 31 décembre 2016, étant précisé que la notion contractuelle de pertes (" Losses ") inclut, selon le SPA, également les intérêts sur les pertes subies (cf., à cet égard, la lettre e du dispositif et les n. 838-840 de la sentence entreprise). Il y a lieu, dès lors, d'entrer en matière sur le recours.
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4.
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Dans un unique moyen, la recourante, invoquant l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, dénonce une atteinte à l'ordre public matériel. Elle reproche aux arbitres d'avoir statué selon les règles de l'équité au lieu d'appliquer le droit matériel italien.
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4.1. Une sentence est incompatible avec l'ordre public si elle méconnaît les valeurs essentielles et largement reconnues qui, selon les conceptions prévalant en Suisse, devraient constituer le fondement de tout ordre juridique (ATF 144 III 120 consid. 5.1; 132 III 389 consid. 2.2.3). Tel est le cas lorsqu'elle viole des principes fondamentaux du droit de fond au point de ne plus être conciliable avec l'ordre juridique et le système de valeurs déterminants (ATF 144 III 120 consid. 5.1). Qu'un motif retenu par un tribunal arbitral heurte l'ordre public n'est pas suffisant; c'est le résultat auquel la sentence aboutit qui doit être incompatible avec l'ordre public (ATF 144 III 120 consid. 5.1). L'incompatibilité de la sentence avec l'ordre public, visée à l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, est une notion plus restrictive que celle d'arbitraire (ATF 144 III 120 consid. 5.1; arrêts 4A_318/2018 du 4 mars 2019 consid. 4.3.1; 4A_600/2016 du 29 juin 2017 consid. 1.1.4). Pour qu'il y ait incompatibilité avec l'ordre public, il ne suffit pas que les preuves aient été mal appréciées, qu'une constatation de fait soit manifestement fausse ou encore qu'une règle de droit ait été clairement violée (arrêts 4A_116/2016 du 13 décembre 2016 consid. 4.1; 4A_304/2013 du 3 mars 2014 consid. 5.1.1; 4A_458/2009 du 10 juin 2010 consid. 4.1). L'annulation d'une sentence arbitrale internationale pour ce motif de recours est chose rarissime (ATF 132 III 389 consid. 2.1).
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Pour juger si la sentence est compatible avec l'ordre public, le Tribunal fédéral ne revoit pas à sa guise l'appréciation juridique à laquelle le tribunal arbitral s'est livré sur la base des faits constatés dans sa sentence. Seul importe, en effet, pour la décision à rendre sous l'angle de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP, le point de savoir si le résultat de cette appréciation juridique faite souverainement par l'arbitre est compatible ou non avec la définition jurisprudentielle de l'ordre public matériel (arrêt 4A_157/2017 du 14 décembre 2017 consid. 3.3.3).
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4.1.1. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'usurpation du pouvoir de statuer en équité constitue une irrégularité qui relève tout au plus de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP encore que ce dernier point soit controversé (arrêts 4A_14/2012 du 2 mai 2012 consid. 3.2.2 non publié in ATF 138 III 270; 4A_525/2017 du 9 août 2018 consid. 3.3.1). Point n'est toutefois besoin d'examiner plus avant cette question, dès lors que le moyen soulevé se révèle de toute manière infondé.
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4.2. L'intéressée fait, en substance, grief aux arbitres de lui avoir imputé les actions et omissions d'employés de la société F.________, nonobstant l'absence de relations juridiques liant ceux-ci à la recourante, en se fondant sur la pratique en matière de fusions et acquisitions, sur le principe "
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4.3. Il saute aux yeux, à la lecture de l'argumentation purement appellatoire ainsi résumée, que la recourante, sous le couvert d'une prétendue usurpation du pouvoir de statuer en équité, cherche en réalité, par ce biais, à entraîner la Cour de céans sur le terrain de l'application du droit matériel et à l'inciter indirectement à se prononcer sur la motivation juridique retenue par les arbitres. Or, telle n'est pas la tâche du Tribunal fédéral lorsqu'il est saisi d'un recours en matière civile visant une sentence rendue dans le cadre d'un arbitrage international. Une telle tentative est ainsi vouée à l'échec.
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Au demeurant, la lecture des passages topiques de la sentence critiqués par la recourante, ainsi que des observations formulées par l'intimée permet aisément de constater que le Tribunal arbitral s'est fondé sur des considérations juridiques pour aboutir à la solution retenue et qu'il n'a ainsi pas quitté le domaine du droit pour entrer dans celui de l'équité. Comme le concède elle-même la recourante, le Tribunal arbitral a fait référence, sur le problème litigieux, à l'art. 1391 du Code civil italien et a procédé à une " analyse circonstanciée de la jurisprudence " rendue par la Cour suprême italienne à cet égard. Si les arbitres ont fait allusion à la pratique développée en matière de fusions et acquisitions, au principe " respondeat superio r " et à l'expérience des membres du tribunal arbitral, c'est uniquement pour étayer leur raisonnement au moment d'interpréter la disposition légale pertinente du droit matériel italien. Contrairement à ce que semble soutenir la recourante, on ne saurait y voir là une quelconque démonstration de ce que le Tribunal arbitral aurait statué en équité, sans y avoir été autorisé par les parties. L'intéressée fait en outre fausse route lorsqu'elle reproche au Tribunal arbitral d'avoir " fait dire aux dispositions légales et à la jurisprudence constante de référence retenue et expressément citée dans sa sentence comme pertinente et applicable, totalement autre chose, voire le contraire de ce qu'elles énoncent ". En argumentant de la sorte, elle critique en réalité la façon dont les arbitres ont interprété le droit matériel italien et les conséquences qu'ils en ont tirées. Or, c'est le lieu de rappeler ici que le moyen pris de l'incompatibilité avec l'ordre public matériel, au sens de l'art. 190 al. 2 let. e LDIP et de la jurisprudence y afférente, n'est pas recevable dans la mesure où il tend uniquement à établir la contrariété entre la sentence attaquée et les différentes normes du droit matériel applicable, et ce quel que puisse être le degré de cette contrariété, à la supposer établie.
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En tout état de cause, on relèvera enfin que la recourante s'en prend exclusivement à la motivation des arbitres mais ne démontre nullement en quoi le résultat auquel la sentence aboutit est incompatible avec l'ordre public matériel.
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Le moyen examiné s'avère ainsi infondé.
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5.
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Sur le vu de ce qui précède, le recours doit être rejeté dans la mesure où il est recevable. La recourante, qui succombe, supportera les frais de la procédure fédérale (art. 66 al. 1 LTF) et versera des dépens à l'intimée (art. 68 al. 1 et 2 LTF).
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce : | |
1.
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Le recours est rejeté dans la mesure où il est recevable.
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2.
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Les frais judiciaires, arrêtés à 200'000 fr., sont mis à la charge de la recourante.
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3.
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La recourante versera à l'intimée une indemnité de 250'000 fr. à titre de dépens.
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4.
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Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et au Tribunal arbitral avec siège à Genève.
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Lausanne, le 18 janvier 2022
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Au nom de la Ire Cour de droit civil
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du Tribunal fédéral suisse
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La Juge présidant: Kiss
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Le Greffier : O. Carruzzo
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