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Informationen zum Dokument  BGer 4A_402/2021  Materielle Begründung
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BGer 4A_402/2021 vom 14.03.2022
 
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4A_402/2021
 
 
Arrêt du 14 mars 2022
 
 
Ire Cour de droit civil
 
Composition
 
Mmes les Juges fédérales
 
Hohl, Présidente, Kiss et May Canellas.
 
Greffier : M. Douzals.
 
Participants à la procédure
 
A.________ SA,
 
représentée par Me Nicolas Cuénoud, avocat,
 
recourante,
 
contre
 
B.________,
 
représenté par Me Stéphanie Fuld, avocate,
 
intimé.
 
Objet
 
contrat de travail; prescription; responsabilité du travailleur; résiliation immédiate,
 
recours en matière civile contre l'arrêt rendu le 12 juillet 2021 par la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève
 
(C/27150/2015-1, CAPH/129/2021).
 
 
Faits :
 
 
A.
 
A.a. Par contrat de travail à durée déterminée du 18 décembre 2002, B.________ (ci-après: le travailleur, le demandeur ou l'intimé) a été engagé en qualité de directeur financier pour la période du 6 janvier 2003 au 30 juin 2003 par C.________ SA, société appartenant à C1.________ Sàrl (ci-après: la société-mère). Le 21 août 2003, C.________ SA et le travailleur ont signé un contrat de travail à durée indéterminée.
1
Par contrat du 5 avril 2011, ces rapports de travail ont été transférés à A.________ SA (ci-après: l'employeuse, la défenderesse ou la recourante), qui appartient également à la société-mère. Ce contrat prévoit notamment que la rémunération annuelle du travailleur s'élève à 455'000 fr., à laquelle s'ajoutent 30'000 fr. de frais forfaitaires et le remboursement de ses frais de déplacement et professionnels. L'art. 12 dudit contrat, intitulé " Prévoyance en faveur du personnel ", indique que le travailleur bénéficiera du régime conventionnel de l'employeuse et que " [c]e régime sera complété d'une assurance " bel étage " payée intégralement par [l'employeuse] et représentant 10 % du salaire brut " (complètement selon l'art. 105 al. 2 LTF).
2
A.b. Le travailleur n'ayant pas reçu son salaire pour le mois de juillet 2015, il s'est adressé à D.________, administrateur de l'employeuse et de la société-mère (ci-après: l'administrateur), le 31 juillet 2015 pour lui en demander la raison et le versement au plus vite.
3
Par courrier du 18 août 2015, le travailleur a mis en demeure l'employeuse de lui verser son salaire du mois de juillet 2015 d'ici au 19 août 2015.
4
Le lendemain, l'employeuse lui a répondu qu'elle avait découvert le 17 juillet 2015 qu'il avait transféré de l'argent sans instructions, ce qui constituait un manque de professionnalisme et une faute grave, rappelant que le contrat de sponsoring passé avec l'écurie automobile E.________ (ci-après: l'écurie) prévoyait que les paiements ne devaient intervenir qu'à partir de la troisième course et que lui-même s'était porté fort de rembourser la totalité de la somme de 150'000 EUR. Son salaire du mois de juillet 2015, soit 34'558 fr. 15, avait ainsi été retenu en compensation.
5
Le travailleur s'est immédiatement opposé à la suspension du versement de son salaire et a indiqué que, dans la mesure où son salaire ne lui était plus versé, il suspendait sa prestation de travail. Le 22 août 2015, il a mis l'employeuse en demeure de lui verser les salaires des mois de juillet et d'août 2015 d'ici au 28 août 2015 et a réitéré qu'il suspendait, dans l'intervalle, sa prestation de travail.
6
Par courrier du 24 août 2015, l'employeuse a résilié avec effet immédiat le contrat de travail la liant au travailleur, au motif que celui-ci avait failli dans ses activités professionnelles, qu'il avait refusé de corriger la situation et qu'il avait abandonné son poste.
7
Par courrier du 27 août 2015, le travailleur a contesté son licenciement avec effet immédiat.
8
 
B.
 
B.a. Après que la conciliation a échoué, le travailleur a déposé sa demande auprès du Tribunal des prud'hommes du canton de Genève le 27 mai 2016, faisant valoir plusieurs prétentions dont le total ascendait à 1'615'152 fr. 74, intérêts en sus.
9
L'employeuse a conclu au déboutement du travailleur et, à titre reconventionnel, à sa condamnation au versement des montants de 481'825.36 GBP et de 91'813.78 EUR, intérêts en sus, et à la restitution d'une montre.
10
B.b. Devant le Tribunal fédéral, seules demeurent encore litigieuses trois prétentions.
11
B.b.a. Une prétention du travailleur en dommages-intérêts pour inexécution du contrat de travail, l'employeuse n'ayant pas souscrit l'assurance surobligatoire " bel étage " en sa faveur.
12
Dans sa demande, le travailleur faisait valoir à ce titre un montant de 674'090 fr. Par jugement du 4 février 2020, le tribunal avait admis le montant de 606'584 fr. 10 et, par arrêt du 12 juillet 2021, la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève l'a augmenté à 614'707 fr. 50.
13
B.b.b. Une indemnité pour licenciement immédiat injustifié.
14
Dans sa demande, le travailleur faisait valoir un montant de 226'170 fr. Le tribunal lui a alloué 37'695 fr., que la cour cantonale a augmenté à 150'780 fr.
15
B.b.c. Par reconvention, l'employeuse a réclamé le montant de 81'044.10 EUR en remboursement de montants versés dans le contexte du contrat de sponsoring.
16
Le tribunal a rejeté cette prétention, ce que la cour cantonale a confirmé.
17
C.
18
Contre l'arrêt cantonal, qui lui a été notifié le 21 juillet 2021, l'employeuse a formé un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral le 20 août 2021. En substance, elle conclut, avec requête d'effet suspensif, à ce que l'arrêt entrepris soit annulé et, principalement, réformé sur ces trois prétentions, en ce sens qu'elle soit libérée du paiement (1) de dommages-intérêts en 614'707 fr. 50 pour inexécution contractuelle en lien avec l'assurance " bel étage " et (2) de l'indemnité pour licenciement immédiat injustifié en 150'780 fr. et (3) à ce que le travailleur intimé soit condamné à lui verser la somme de 81'044.10 EUR, intérêts en sus. Subsidiairement, elle conclut à ce que l'arrêt soit en partie annulé et la cause renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision dans le sens des considérants.
19
La recourante reproche essentiellement à la cour cantonale d'avoir considéré que l'intimé n'avait pas été indemnisé au titre de la prévoyance surobligatoire pour un montant de 625'000 fr., alors qu'il avait reçu des montants " en compensation " ( infra consid. 3), d'avoir omis d'appliquer la prescription quinquennale à cette prétention ( infra consid. 4), d'avoir considéré, sur reconvention, que l'intimé ne lui devait pas la somme de 150'000 EUR versée à l'écurie dans le contexte du contrat de sponsoring ( infra consid. 5), d'avoir considéré que la résiliation immédiate des rapports de travail n'était pas justifiée ( infra consid. 6) et d'avoir alloué à l'intimé une indemnité en vertu de l'art. 337c al. 3 CO ( infra consid. 7).
20
L'intimé conclut au rejet du recours.
21
Les parties ont chacune déposé des observations complémentaires.
22
La cour cantonale se réfère aux considérants de son arrêt.
23
Par ordonnance présidentielle du 18 octobre 2021, la requête d'effet suspensif a été rejetée.
24
 
Considérant en droit :
 
1.
25
Interjeté dans le délai fixé par la loi (art. 100 al. 1 et art. 46 al. 1 let. b LTF) par la défenderesse, qui a succombé dans ses conclusions (art. 76 al. 1 LTF), et dirigé contre une décision finale (art. 90 LTF) rendue sur appel par le tribunal supérieur du canton de Genève (art. 75 LTF) dans une affaire civile de droit du travail (art. 72 al. 1 LTF) dont la valeur litigieuse dépasse 15'000 fr. (art. 74 al. 1 let. a LTF), le recours en matière civile est en principe recevable.
26
 
Erwägung 2
 
2.1. Le Tribunal fédéral statue sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF). Il ne peut s'en écarter que si ces faits ont été établis de façon manifestement inexacte - ce qui correspond à la notion d'arbitraire au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 140 III 115 consid. 2; 137 I 58 consid. 4.1.2; 137 II 353 consid. 5.1) - ou en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF (art. 105 al. 2 LTF), et si la correction du vice est susceptible d'influer sur le sort de la cause (art. 97 al. 1 LTF).
27
Concernant l'appréciation des preuves, le Tribunal fédéral n'intervient, du chef de l'art. 9 Cst., que si le juge du fait n'a manifestement pas compris le sens et la portée d'un moyen de preuve, a omis sans raisons objectives de tenir compte des preuves pertinentes ou a effectué, sur la base des éléments recueillis, des déductions insoutenables (ATF 137 III 226 consid. 4.2; 136 III 552 consid. 4.2; 134 V 53 consid. 4.3; 133 II 249 consid. 1.4.3; 129 I 8 consid. 2.1).
28
La critique de l'état de fait retenu est soumise au principe strict de l'allégation énoncé par l'art. 106 al. 2 LTF (ATF 140 III 264 consid. 2.3 et les références citées). La partie qui entend attaquer les faits constatés par l'autorité précédente doit expliquer clairement et de manière circonstanciée en quoi ces conditions seraient réalisées (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1 et les références citées). Si elle souhaite obtenir un complètement de l'état de fait, elle doit aussi démontrer, par des renvois précis aux pièces du dossier, qu'elle a présenté aux autorités précédentes, en conformité avec les règles de la procédure, les faits juridiquement pertinents à cet égard et les moyens de preuve adéquats (ATF 140 III 86 consid. 2). Si la critique ne satisfait pas à ces exigences, les allégations relatives à un état de fait qui s'écarterait de celui de la décision attaquée ne pourront pas être prises en considération (ATF 140 III 16 consid. 1.3.1). Les critiques de nature appellatoire sont irrecevables (ATF 130 I 258 consid. 1.3).
29
2.2. Le Tribunal fédéral applique en principe d'office le droit (art. 106 al. 1 LTF) à l'état de fait constaté dans l'arrêt cantonal (ou à l'état de fait qu'il aura rectifié). Cela ne signifie pas que le Tribunal fédéral examine, comme le ferait un juge de première instance, toutes les questions juridiques qui pourraient se poser. Compte tenu de l'obligation de motiver imposée par l'art. 42 al. 2 LTF, il ne traite que les questions qui sont soulevées devant lui par les parties, à moins que la violation du droit ne soit manifeste (ATF 140 III 115 consid. 2, 86 consid. 2). Il n'est en revanche pas lié par l'argumentation juridique développée par les parties ou par l'autorité précédente; il peut admettre le recours, comme il peut le rejeter en procédant à une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4).
30
3.
31
En ce qui concerne le montant de 614'707 fr. 50 qu'elle a été condamnée à payer au travailleur pour n'avoir pas conclu l'assurance prévoyance " bel étage " en faveur de celui-ci, l'employeuse recourante reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié les faits de manière manifestement inexacte en niant que les montants versés par F.________ Ltd au travailleur l'avaient été en compensation de la non-conclusion de cette assurance.
32
3.1. La modification du contrat n'est qu'une modalité particulière de la formation du contrat et, partant, obéit aux mêmes règles que celles qui régissent la formation du contrat, soit aux art. 1 ss et 18 CO (arrêts 4A_556/2019 du 29 septembre 2020 consid. 5.1; 4A_431/2019 du 27 février 2020 consid. 5.2; TERCIER/PICHONNAZ, Le droit des obligations, 6e éd. 2019, p. 146 n. 607).
33
3.2. En droit suisse des contrats, la question de savoir si les parties ont conclu un accord est soumise au principe de la priorité de la volonté subjective sur la volonté objective (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b).
34
Lorsque les parties se sont exprimées de manière concordante (échange de manifestations de volonté concordantes; übereinstimmende Willenserklärungen), qu'elles se sont effectivement comprises et, partant, ont voulu se lier, il y a accord de fait ( tatsächlicher Konsens); si au contraire, alors qu'elles se sont comprises, elles ne sont pas parvenues à s'entendre, ce dont elles étaient d'emblée conscientes, il y a un désaccord patent ( offener Dissens) et le contrat n'est pas conclu (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1).
35
Subsidiairement, si les parties se sont exprimées de manière concordante, mais que l'une ou les deux n'ont pas compris la volonté interne de l'autre, ce dont elles n'étaient pas conscientes dès le début, il y a désaccord latent ( versteckter Dissens) et le contrat est conclu dans le sens objectif que l'on peut donner à leurs déclarations de volonté selon le principe de la confiance; en pareil cas, l'accord est de droit (ou normatif) (ATF 144 III 93 consid. 5.2.1; 123 III 35 consid. 2b; arrêt 4A_643/2020 du 22 octobre 2021 consid. 4.1 et la référence citée).
36
En procédure, le juge doit donc rechercher, dans un premier temps, la réelle et commune intention des parties (interprétation subjective), le cas échéant empiriquement, sur la base d'indices. Constituent des indices en ce sens non seulement la teneur des déclarations de volonté - écrites ou orales -, mais encore le contexte général, soit toutes les circonstances permettant de découvrir la volonté réelle des parties, qu'il s'agisse de déclarations antérieures à la conclusion du contrat ou de faits postérieurs à celle-ci, en particulier le comportement ultérieur des parties établissant quelles étaient à l'époque les conceptions des contractants eux-mêmes (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
37
L'appréciation de ces indices concrets par le juge, selon son expérience générale de la vie, relève du fait. Si le juge parvient à la conclusion que les parties se sont comprises ou, au contraire, qu'elles ne se sont pas comprises, il s'agit de constatations de fait qui lient le Tribunal fédéral (art. 105 al. 1 LTF), à moins qu'elles ne soient manifestement inexactes (art. 97 al. 1 et 105 al. 2 LTF), c'est-à-dire arbitraires au sens de l'art. 9 Cst. (ATF 144 III 93 consid. 5.2.2 et les arrêts cités).
38
3.3. Il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué que l'employeuse n'a pas souscrit d'assurance " bel étage " en faveur du travailleur. Selon elle, des versements, effectués entre 2012 et 2015 par F.________ Ltd, société appartenant à la société-mère par le biais de C.________ SA, et totalisant 625'000 fr., avaient servi à indemniser le travailleur des montants qui auraient dû être versés à l'assurance " bel étage " entre 2004 et 2015.
39
Le travailleur invoque que ces versements étaient des bonus versés pour son activité au service du groupe détenu par la société-mère.
40
Chaque versement a fait l'objet d'un mémorandum signé par l'administrateur. Tous les versements intervenus en 2013, d'un montant total de 200'000 fr., ont été versés en raison de la contribution du travailleur à l'achat des actions de la société-mère que détenaient C1.________ et G.________ BV. S'agissant des versements de 2014 et de 2015, totalisant 300'000 fr., les mémorandums indiquent qu'il s'agissait de bonus versés en raison de la contribution du travailleur à F.________ Ltd en 2013 et 2014.
41
Le 10 septembre 2015, un versement de 100'000 fr. portant la référence " bonus / final 2014 " aurait dû être versé au travailleur. L'administrateur a toutefois ordonné son blocage.
42
3.4. La cour cantonale a considéré que la thèse de l'employeuse, selon laquelle, d'une part, les parties s'étaient mises d'accord, après la conclusion du contrat de travail, sur le paiement d'un montant compensatoire et, d'autre part, sur le fait que les versements opérés, totalisant 625'000 fr., correspondaient approximativement à 10 % du salaire du travailleur entre 2004 et 2014, était mise à mal par le nouveau versement de 100'000 fr. devant intervenir le 10 septembre 2015; ce dernier ordre aurait fait passer le total des versements nettement au-dessus du montant dont l'employeuse avait admis être débitrice. Compte tenu des mentions apposées sur les ordres de paiement, indiquant que ces versements avaient été effectués à titre de bonus ou en récompense de l'implication de l'intimé dans la résolution des conflits opposant le groupe à C1.________, et de la gestion centralisée exercée par l'administrateur, elle a retenu que les versements litigieux avaient été effectués pour les motifs indiqués dans les ordres de paiement et qu'il ne s'agissait donc pas de versements effectués en compensation de l'assurance " bel étage " que l'employeuse n'avait pas contractée.
43
Ce faisant, la cour cantonale a procédé à la détermination de la volonté subjective des parties, laquelle relève du fait et ne peut être corrigée que si elle se révèle arbitraire, ce qu'il appartient à la recourante de démontrer.
44
3.5. La recourante conteste l'appréciation des faits effectuée par la cour cantonale. En substance, elle invoque (1) que F.________ Ltd et l'intimé n'ont pas conclu de contrat de travail, (2) que les paiements litigieux ne sont intervenus qu'à partir du 16 mars 2012 et que, si une rémunération avait effectivement été convenue entre F.________ Ltd et l'intimé chaque année comme celui-ci le soutient, le versement de ces prétendus bonus aurait commencé en 2004, et (3) que l'intimé a affirmé, s'exprimant au sujet des bonus versés par la recourante, qu'il n'avait effectué aucune réalisation importante entre 2012 et 2015, tandis que les paiements de F.________ Ltd indiquent le contraire, de sorte qu'ils ne sont pas intervenus au titre de bonus, ce que confirmerait par ailleurs leur absence dans le calcul du droit au bonus effectué par l'intimé. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir ignoré de façon arbitraire que l'intimé n'avait, depuis 2011, jamais prétendu être créancier de la recourante au titre de la prévoyance surobligatoire convenue; selon elle, cela s'explique par le fait que l'intimé avait bénéficié des versements de F.________ Ltd en compensation de cette prestation et qu'il avait ainsi renoncé à l'assurance " bel étage " et tacitement accepté cette modification contractuelle.
45
Elle réitère enfin que le montant de 625'000 fr., " de l'ordre de 10 % du salaire brut, soit CHF 6'230'640.- ", a été versé entre 2012 et 2015 au travailleur en compensation de l'assurance surobligatoire convenue mais jamais contractée.
46
3.6. Par cette argumentation essentiellement appellatoire, la recourante ne fait que substituer sa propre appréciation à celle de la cour cantonale et faillit à démontrer le caractère arbitraire des constatations de l'autorité précédente.
47
En tout état de cause, elle passe sous silence le fait que les versements litigieux ont été libellés en tant que bonus et non en tant qu'indemnisation pour l'assurance surobligatoire convenue. Elle n'offre pas plus d'explications sur les raisons pour lesquelles, d'une part, c'est F.________ Ltd et non elle qui a effectué les versements litigieux et, d'autre part, ceux-ci ne correspondent pas exactement à 10 % du salaire brut de l'intimé. Elle passe également sous silence le versement de 100'000 fr., qui aurait dû intervenir le 10 septembre 2015 et qui aurait fait dépasser ce pourcentage de manière importante. Il ne peut par ailleurs rien être déduit de l'absence de contrat de travail entre F.________ Ltd et l'intimé et des affirmations de celui-ci au sujet des bonus octroyés par la recourante. Il en va de même du fait que l'intimé n'aurait pas demandé la souscription de l'assurance convenue ou le versement des montants dus à ce titre, ce qu'il conteste, tout en percevant les versements litigieux.
48
La cour cantonale a donc constaté, sans faire preuve d'arbitraire, que l'employeuse n'avait pas conclu l'assurance " bel étage " prévue contractuellement avec le travailleur, que les parties n'étaient pas convenues sur ce point d'une modification du contrat de travail, que les versements opérés par F.________ Ltd n'avaient pas été effectués en compensation de cette prestation et que le travailleur n'avait pas renoncé à ses prétentions.
49
Le grief doit donc être rejeté.
50
3.7. L'autorité précédente a par ailleurs jugé que c'était à juste titre que le travailleur avait reproché au tribunal de ne pas avoir pris en considération les montants correspondant aux salaires de janvier et de février 2016 pour déterminer le montant de son indemnité. Elle a donc condamné l'employeuse à lui verser le montant de 614'707 fr. 50, au lieu des 606'584 fr. 10 retenus par le tribunal.
51
4.
52
En ce qui concerne ce montant de 614'707 fr. 50, la cour cantonale a encore examiné l'exception de prescription soulevée par l'employeuse, selon laquelle les prétentions antérieures à 2010 étaient prescrites.
53
4.1. La cour cantonale a considéré que les prétentions du travailleur constituent des dommages-intérêts pour inexécution de l'obligation de conclure une assurance surobligatoire, fondée sur l'art. 97 al. 1 CO. Elle a jugé que l'arrêt 4C.175/2004 du 31 août 2004 n'est pas déterminant pour la question ici posée en tant que, dans cet arrêt, la prétention avait un caractère de salaire. Partant, la prescription décennale de l'art. 127 CO est selon elle applicable.
54
La recourante soutient que la prétention du travailleur relative à l'assurance " bel étage " est une composante du salaire, qu'elle se prescrit par cinq ans (art. 128 ch. 3 CO) et non par dix ans (art. 127 CO) et que les prétentions antérieures à 2010 sont donc prescrites. Elle tire argument du fait que l'intimé a indiqué, dans sa demande du 27 mai 2016, que " les assurances LPP sur-obligatoires " spéciales cadres " constituent [...] un véritable élément de rémunération qui est offert au travailleur ".
55
De son côté, le travailleur intimé fait valoir que l'art. 128 ch. 3 CO est une disposition exceptionnelle qui doit être appliquée de manière restrictive et qui ne vise que les créances qui présentent la caractéristique d'être un salaire. Selon lui, tel ne serait pas le cas de sa créance en dommages-intérêts pour non-conclusion de l'assurance de prévoyance surobligatoire, son dommage consistant en la non-augmentation de son avoir de prévoyance en sa faveur; la prévoyance professionnelle ne serait pas une créance de salaire puisqu'elle ne vise pas à rémunérer le travail effectué par le travailleur, mais à lui garantir une prévoyance adéquate pour sa retraite. On ne saurait la comparer à une assurance perte de gain pour cause de maladie qui, elle, remplace le salaire dû en vertu de l'art. 324a CO.
56
4.2. Conformément à l'art. 127 CO, toutes les actions se prescrivent par dix ans, lorsque le droit civil fédéral n'en dispose pas autrement. Tel est notamment le cas de l'art. 128 ch. 3 CO, qui prévoit un délai de prescription de cinq ans pour " les actions des travailleurs pour leurs services " (ATF 147 III 78 consid. 6.3).
57
4.2.1. Selon la jurisprudence, le texte de l'art. 128 ch. 3 CO relatif aux travailleurs a une formulation large (ATF 147 III 78 consid. 6.5; 136 III 94 consid. 4.1). Cette disposition ne distingue pas les différents types de prétentions que pourrait faire valoir le travailleur sur la base de son contrat de travail et vise, comme dans sa version d'origine, à favoriser la liquidation rapide des créances en rémunération des affaires courantes (ATF 147 III 78 consid. 6.5-6.6 et les références citées).
58
En tant que l'art. 128 CO constitue une exception à l'art. 127 CO, il doit être appliqué restrictivement (ATF 147 III 78 consid. 6.7 et la référence citée; 123 III 120 consid. 2a et les références citées).
59
Le Tribunal fédéral n'a pas encore eu l'occasion de se prononcer sur le délai de prescription applicable à la prétention en dommages-intérêts pour violation de l'obligation contractuelle du contrat de travail de conclure une assurance de prévoyance surobligatoire. Certes, dans une affaire dans laquelle l'employeuse n'avait pas payé les primes d'une assurance perte de gain pour cause de maladie, la Cour de céans a jugé que la créance en dommages-intérêts du travailleur, bien qu'elle découlait de la violation de l'obligation contractuelle d'assurer le travailleur (art. 97 CO), était soumise au délai de prescription quinquennal de l'art. 128 ch. 3 CO (arrêt 4C.175/2004 précité consid. 3). Il ne peut toutefois être tiré de conclusion définitive de cette jurisprudence pour le cas présent dès lors que, comme le relève l'intimé, les indemnités journalières remplacent le salaire dû conformément à l'art. 324b al. 1 CO.
60
4.2.2. La doctrine ne s'est pas non plus prononcée sur cette question.
61
De manière générale, la doctrine majoritaire distingue, en ce qui concerne les prétentions du travailleur, entre les créances de salaire au sens large ou pécuniaires, soumises au délai de prescription quinquennal de l'art. 128 ch. 3 CO, et les autres prétentions que pourrait faire valoir le travailleur sur la base de son contrat de travail, qui sont en général sujettes au délai de prescription de dix ans prévu à l'art. 127 CO (cf. toutefois l'art. 128a CO) (cf. ATF 147 III 78 consid. 6.5 et les références citées).
62
Selon cette distinction, sont entre autres visés par l'art. 128 ch. 3 CO le salaire de base, le 13e salaire, la participation au résultat de l'exploitation, la provision, la gratification, le bonus, les congés et vacances, la rétribution des heures supplémentaires et les allocations familiales (BOHNET/DIETSCHY, in Commentaire du contrat de travail, 2013, no 32 ad art. 341 CO; ADRIAN STAEHELIN, Zürcher Kommentar, 2014, no 19 ad art. 341 CO; STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, Arbeitsvertrag, 7e éd. 2012, no 8 ad art. 341 CO; GIUSEPPE DONATIELLO, in Commentaire romand, 3e éd. 2021, no 25 ad art. 341 CO; WYLER/HEINZER, Droit du travail, 4e éd. 2019, p. 895; REHBINDER/STÖCKLI, Berner Kommentar, 2014, no 30 ad art. 341 CO p. 508; JÜRG BRÜHWILER, Einzelarbeitsvertrag, 3e éd. 2014, no 10 ad art. 341 CO; KILLIAS/WIGET, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 3e éd. 2016, no 12 ad art. 128 CO; FRANK EMMEL, in Handkommentar zum Schweizer Privatrecht, 3e éd. 2016, no 4 ad art. 341 CO; ROBERT K. DÄPPEN, in Kurzkommentar Obligationenrecht, 2014, no 14 ad art. 128 CO; ROBERT K. DÄPPEN, in Basler Kommentar, 7e éd. 2019, no 13 ad art. 128 CO; PASCAL PICHONNAZ, in Commentaire romand, 3e éd. 2021, no 30 ad art. 128 CO).
63
La doctrine considère en revanche que sont, en principe, soumises à la règle générale de l'art. 127 CO les autres créances découlant du contrat de travail, soit, d'une part, les prétentions de l'employeur et, d'autre part, celles du travailleur qui ne sont pas couvertes par l'art. 128 ch. 3 CO, soit notamment les prétentions en dommages-intérêts fondées sur les art. 49 (tort moral), 328 (protection de la personnalité du travailleur), 336a (indemnité en cas de résiliation abusive), 337b (résiliation immédiate justifiée) ou 337c CO (résiliation immédiate injustifiée) (BOHNET/DIETSCHY, op. cit., no 33 ad art. 341 CO; STAEHELIN, loc. cit.; STREIFF/VON KAENEL/RUDOLPH, loc. cit.; PORTMANN/RUDOLPH, in Basler Kommentar, 7e éd. 2019, no 8 ad art. 341 CO; REHBINDER/STÖCKLI, op. cit., no 31 ad art. 341 CO; BRÜHWILER, loc. cit.; EMMEL, loc. cit.; DONATIELLO, op. cit., no 26 ad art. 341 CO).
64
4.2.3. Pour déterminer le délai de prescription applicable à la prétention en dommages-intérêts du travailleur suite à la violation, par l'employeur, de son obligation contractuelle de conclure en sa faveur une assurance de prévoyance surobligatoire, il faut se baser sur la nature de cette prétention.
65
Le salaire peut être défini comme la " contre-prestation principale de l'employeur à la prestation de services du travailleur " (WYLER/HEINZER, op. cit., p. 183). Dans le contexte de l'art. 128 ch. 3 CO, il s'agit de tenir compte de la notion de salaire dans un sens large (cf. supra consid. 4.2.2 et les exemples donnés par la doctrine). En règle générale, est donc visée par cette disposition toute contre-prestation de l'employeur à la prestation de services du travailleur.
66
En tant qu'elle vise à améliorer la situation patrimoniale du travailleur en échange de ses services, la convention selon laquelle un employeur s'engage à mettre le travailleur au bénéfice d'une prévoyance surobligatoire doit ainsi être comprise comme une composante du salaire au sens large; elle est dès lors soumise au délai de prescription de cinq ans prévu à l'art. 128 ch. 3 CO. C'est donc à tort que l'autorité précédente a appliqué le délai de prescription décennal de l'art. 127 CO au seul motif que la prétention du travailleur constitue une prétention en dommages-intérêts.
67
4.3. Au vu du délai de prescription applicable de cinq ans et du fait que ni la recourante ni l'intimé ne contestent (1) que la prescription a été interrompue par le dépôt de la requête en conciliation notifiée à l'employeuse le 28 décembre 2015, (2) que le salaire déterminant était de 610'225 fr. en 2010, de 557'280 fr. en 2011, de 583'125 fr. en 2012, de 508'125 fr. en 2013, de 508'125 fr. en 2014, de 445'374 fr. 90 en 2015 et de 81'234 fr. 15 en 2016 et (3) que la cour cantonale a valablement calculé le montant dû en prenant en compte le salaire annuel du travailleur, l'arrêt attaqué doit être réformé en ce sens que l'indemnité due au travailleur pour l'assurance " bel étage " s'élève à 10 % desdits montants, totalisant 3'293'489 fr. 05, soit un montant de 329'348 fr. 90.
68
5.
69
La recourante reproche ensuite à la cour cantonale de ne pas avoir retenu, sur sa demande reconventionnelle, que le travailleur lui devait les montants de 100'000 EUR et de 50'000 EUR, versés respectivement par la société-mère et par H.________ SA à l'écurie dans le contexte du contrat de sponsoring. Dès lors que cette prétention reconventionelle est à l'origine de la résiliation du contrat de travail, il y a lieu de l'examiner d'abord.
70
5.1. Aux termes de l'art. 321e al. 1 CO, le travailleur répond du dommage qu'il cause à l'employeur intentionnellement ou par négligence. Conformément aux règles générales en matière de responsabilité contractuelle, la responsabilité du travailleur au sens de cette disposition présuppose une faute, un dommage, une violation du contrat et un lien de causalité adéquate entre celle-ci et le dommage survenu. L'employeur doit prouver la violation contractuelle, le dommage et le lien de causalité, tandis que le travailleur peut prouver qu'il n'a pas agi fautivement (ATF 144 III 327 consid. 4.2.1 et les références citées).
71
5.2. Il ressort des constatations de fait de l'arrêt attaqué qu'en avril 2015, l'employeuse et l'écurie ont conclu un contrat de sponsoring en vue de mettre en avant la marque horlogère " xxx ", propriété de F.________ Ltd, lors des sept courses du championnat du monde d'endurance FIA 2015. Aux termes de ce contrat, l'employeuse s'engageait notamment à verser 20'000 EUR par course à l'écurie dès la troisième course qui devait se dérouler le 30 août 2015. Le travailleur a ordonné le versement de 100'000 EUR par la société-mère au profit de l'écurie en avril 2015 et la société H.________ SA, avec laquelle le travailleur était en contact, a quant à elle versé 50'000 EUR à l'écurie.
72
La cour cantonale a retenu que, bien que le travailleur ait fait verser la somme de 100'000 EUR avant que les conditions contractuellement prévues avec l'écurie - soit notamment le fait pour celle-ci d'avoir effectué les deux premières courses - ne fussent réalisées et qu'il ait admis qu'il avait peut-être géré le financement du contrat de sponsoring " de manière pas idéale ", ces éléments ne permettaient pas de retenir que le travailleur n'avait pas respecté ses obligations contractuelles de diligence ou de fidélité à l'égard de l'employeuse. Selon elle, il en allait de même s'agissant du versement de 50'000 EUR effectué par H.________ SA, dans la mesure où ce financement avait été décidé par le directeur de cette société. La question pouvait toutefois demeurer indécise, dès lors que l'employeuse n'avait pas démontré avoir subi de préjudice suite aux versements effectués en faveur de l'écurie, en tant que celle-ci avait participé à l'intégralité des courses et exécuté les prestations prévues contractuellement; la cour cantonale ne voyait pas quel préjudice l'employeuse aurait pu subir du fait du versement anticipé des montants puisqu'elle avait obtenu les prestations qui lui étaient dues.
73
5.3. S'agissant du montant de 100'000 EUR, la recourante soutient en substance que l'appréciation des faits effectuée par la cour cantonale est arbitraire, dans la mesure où elle n'a pas tenu compte de la teneur du contrat de sponsoring, qui prévoyait que les deux premières courses étaient à la charge exclusive de l'écurie et que, si celle-ci était incapable de prendre le départ d'une course, elle-même était déliée de ses engagements et pouvait librement se départir du contrat. Se référant à des pièces, elle fait valoir que le travailleur, qui a donné l'ordre de versement avant même le départ de la première course, savait pertinemment qu'elle se serait départie du contrat puisque l'écurie était incapable de prendre le départ de la première course et que la cour cantonale a ignoré que l'écurie était alors en difficultés financières et qu'elle était dans l'incapacité de prendre le départ de la première course. La recourante estime que le travailleur lui a donc causé un dommage de 100'000 EUR, montant que la société-mère lui a réclamé le 17 octobre 2016.
74
L'intimé fait valoir, comme la cour cantonale l'a retenu, que le but du contrat de sponsoring a été atteint, qu'il a été entièrement exécuté et donc que l'employeuse était bien la débitrice du montant de 100'000 EUR avancé par la société-mère.
75
Dès lors que la recourante se réfère à des faits non constatés dans l'arrêt cantonal, ceux-ci ne peuvent être pris en considération. En effet, elle n'indique pas où elle les a allégués et offert de les prouver, que ce soit notamment en relation avec les clauses du contrat de sponsoring, avec la situation financière de l'écurie ou encore avec sa volonté de se départir du contrat prétendument connue du travailleur; elle n'invoque pas non plus avoir déjà soulevé un défaut d'établissement des faits dans son appel (cf. supra consid. 2.1).
76
Sur la base des faits constatés, on ne décèle ni d'appréciation arbitraire de ceux-ci, ni de violation du droit fédéral.
77
5.4. En ce qui concerne le montant de 50'000 EUR versé par H.________ SA, la recourante soutient qu'il a été versé par cette société sur instruction de l'intimé et à sa seule initiative. De plus, l'intimé s'est engagé, par reconnaissance de dette, à le rembourser si l'écurie ne le remboursait pas. Elle reproche à la cour cantonale d'avoir apprécié arbitrairement le témoignage du directeur de cette société.
78
L'intimé rétorque que le versement a été effectué sur instruction du directeur général de la société, au titre du contrat de sponsoring local conclu entre la filiale japonaise et l'écurie.
79
Les interprétations des déclarations et témoignages fournies, de part et d'autre, par les parties dans leurs écritures adressées au Tribunal fédéral ne permettent pas de démontrer que la cour aurait commis l'arbitraire en retenant que le financement de 50'000 EUR avait été décidé par le directeur de la société japonaise et qu'en tout état, cette question pouvait demeurer indécise dès lors que la recourante n'avait pas démontré avoir subi un préjudice. Le fait que les déclarations du travailleur et du directeur de la société japonaise, tous deux intéressés au sort de la cause, divergent ne permet pas de taxer d'arbitraire l'appréciation de la cour cantonale. Le seul fait que la société japonaise demande le remboursement de ce montant à l'employeuse n'est pas suffisant à cet égard. Il n'est par ailleurs pas démontré que le montant versé de 50'000 EUR n'aurait pas été justifié par les courses ayant eu lieu au Japon.
80
S'agissant par ailleurs de la reconnaissance de dette effectuée par l'intimé, il sied de relever que la recourante ne reproche pas à la cour cantonale d'avoir violé son droit d'être entendue en n'ayant pas suffisamment motivé son arrêt sur ce point. Il ne peut dès lors pas en être tenu compte (cf. supra consid. 2.2).
81
C'est ainsi sans arbitraire que la cour cantonale a rejeté la prétention formée à ce titre par l'employeuse.
82
6.
83
La recourante reproche à la cour cantonale d'avoir considéré que la résiliation immédiate du contrat de travail n'était pas justifiée.
84
6.1. L'employeur peut résilier immédiatement le contrat en tout temps pour de justes motifs (art. 337 al. 1 CO). Sont notamment considérées comme de justes motifs toutes les circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, ne permettent pas d'exiger de celui qui a donné le congé la continuation des rapports de travail (art. 337 al. 2 CO).
85
Selon la jurisprudence, la résiliation immédiate pour " justes motifs " est une mesure exceptionnelle qui doit être admise de manière restrictive (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1). Seul un manquement particulièrement grave peut justifier une telle mesure (ATF 142 III 579 consid. 4.2). Par manquement du travailleur, on entend généralement la violation d'une obligation découlant du contrat de travail, portant sur le devoir de travailler ou le devoir de fidélité, mais d'autres incidents peuvent aussi justifier une telle mesure (ATF 137 III 303 consid. 2.1.1; 130 III 28 consid. 4.1; 129 III 380 consid. 2.2; 117 II 72 consid. 3; arrêt 4A_393/2020 du 27 janvier 2021 consid. 4.1.1 et l'arrêt cité).
86
Ce manquement doit être objectivement propre à détruire le rapport de confiance essentiel au contrat de travail ou, du moins, à l'atteindre si profondément que la continuation des rapports de travail ne peut raisonnablement pas être exigée; de surcroît, il doit avoir effectivement abouti à un tel résultat. Lorsqu'il est moins grave, le manquement ne peut entraîner une résiliation immédiate que s'il a été répété malgré un avertissement (ATF 142 III 579 consid. 4.2; 130 III 213 consid. 3.1).
87
La résiliation doit intervenir " immédiatement ", soit après un délai de réflexion raisonnable (arrêt 4A_393/2020 précité consid. 4.1.1). De manière générale, la jurisprudence considère qu'un délai de réflexion de deux à trois jours ouvrables est suffisant pour réfléchir et prendre des renseignements juridiques, étant précisé que les week-ends et jours fériés ne sont pas pris en considération (ATF 138 I 113 consid. 6.3.2; 93 II 18; arrêt 4A_372/2016 du 2 février 2017 consid. 5.1.2).
88
6.2. La cour cantonale a confirmé sur ce point la motivation du tribunal, qui avait estimé (1) qu'en licenciant le travailleur avec effet immédiat le 24 août 2015 alors qu'elle savait depuis fin juin 2015 que celui-ci avait transféré 100'000 EUR à l'écurie en avril 2015, l'employeuse avait tardé à agir et avait ainsi renoncé à mettre immédiatement fin aux rapports de travail, (2) que le travailleur n'avait pas abandonné son poste de travail dès lors qu'il avait informé l'employeuse qu'il refusait d'exécuter sa prestation de travail tant que son salaire ne lui serait pas versé et (3) que l'employeuse ne pouvait se prévaloir de l'utilisation des cartes de crédit par le travailleur pour justifier le congé immédiat, dans la mesure où elle n'avait pas démontré n'en avoir eu connaissance qu'en août 2015.
89
Elle a jugé que l'employeuse ne pouvait pas se prévaloir de l'utilisation, par le travailleur, des cartes de crédit professionnelles à des fins privées, invoquée après la résiliation avec effet immédiat du contrat de travail, dans la mesure également où le travailleur était autorisé à effectuer des dépenses privées à concurrence de 50'000 fr. par année.
90
Le motif tiré de l'allégué abandon de poste du travailleur était, selon elle, également sans fondement, puisque le travailleur avait signifié à l'employeuse qu'il suspendait sa prestation de travail tant que son salaire ne lui serait pas versé et que l'employeuse ne pouvait refuser de verser tout salaire au travailleur en se prévalant de la compensation, de sorte que celui-ci était en droit de ne pas fournir sa prestation de travail en raison de la demeure de celle-là.
91
6.3. La recourante considère qu'elle a réagi immédiatement, dans la mesure (1) où elle a découvert les agissements de l'intimé le vendredi 17 juillet 2015, soit à la veille des vacances horlogères, (2) où l'intimé ne s'est pas présenté au travail à la rentrée des vacances, soit le 17 août 2015, a quitté son poste le lendemain à 15h après avoir refusé de travailler, ne s'est pas présenté à son travail le 19 août 2015 sans donner d'explications et n'est ensuite plus allé travailler, et (3) où la résiliation du contrat de travail a été communiquée à l'intimé le 24 août 2015, soit dans un délai de trois jours ouvrables suivant la rupture définitive du rapport de confiance.
92
Selon la recourante, l'utilisation, par l'intimé, de ses cartes de crédit professionnelles à des fins privées doit également être prise en compte, quand bien même cet élément a été découvert après la résiliation du contrat de travail, et aurait justifié une résiliation immédiate des rapports de travail, au vu du dépassement de la limite convenue de 50'000 fr. plusieurs années durant.
93
6.4. L'argumentation de la recourante ne saurait prospérer.
94
Premièrement, c'est à juste titre que la cour cantonale a confirmé le jugement de première instance, qui avait retenu que l'employeuse avait tardé à agir et avait ainsi renoncé à mettre immédiatement fin aux rapports de travail. En ne résiliant pas le contrat de travail lorsqu'elle a appris l'existence du versement litigieux au profit de l'écurie, soit en juin 2015, et en " donnant une chance " à l'intimé, la recourante a en effet renoncé à se prévaloir du fait que la continuation des rapports de travail ne pouvait raisonnablement pas être exigée d'elle en raison dudit versement.
95
Deuxièmement, c'est à tort que la recourante soutient que l'intimé aurait abandonné son poste de travail, dans la mesure où son salaire ne lui avait pas été versé, où il avait informé la recourante qu'il refusait d'exécuter sa prestation tant que son salaire ne lui serait pas versé et où la compensation invoquée par la recourante n'était pas justifiée à hauteur des montants déduits du salaire de l'intimé, ce que celle-ci ne conteste du reste pas dans un grief recevable.
96
Troisièmement, la recourante ne conteste pas qu'elle n'a pas démontré n'avoir eu connaissance de l'utilisation des cartes de crédit par le travailleur qu'en août 2015. Elle n'a donc pas valablement critiqué sur ce point la confirmation du raisonnement du tribunal par la cour cantonale.
97
Le grief de la recourante doit donc être rejeté.
98
Il n'y a donc pas lieu d'examiner la question de l'existence d'un juste motif ni les griefs soulevés par la recourante sur ce point.
99
7.
100
Dans un dernier grief, la recourante reproche à la cour cantonale d'avoir alloué à l'intimé, en raison de la résiliation immédiate injustifiée, une indemnité correspondant à quatre mois de salaire.
101
7.1. L'art. 337c al. 3 CO prévoit qu'en cas de résiliation immédiate injustifiée, le juge peut allouer au travailleur une indemnité dont il fixera librement le montant, en tenant compte de toutes les circonstances, mais sans dépasser l'équivalent de six mois de salaire. Cette indemnité, qui s'ajoute aux droits découlant de l'art. 337c al. 1 CO, poursuit une double finalité, à la fois réparatrice et punitive, quand bien même elle ne consiste pas en des dommages-intérêts au sens classique, car elle est due même si la victime ne subit pas ou ne prouve aucun dommage; revêtant un caractère
102
L'indemnité est fixée d'après la gravité de la faute de l'employeur, la mesure de l'atteinte portée aux droits de la personnalité du travailleur et la manière dont la résiliation a été annoncée; d'autres critères tels que la durée des rapports de travail, l'âge du lésé, sa situation sociale ou une éventuelle faute concomitante entrent aussi en considération (arrêts 4A_255/2020 du 25 août 2020 consid. 3.3.1; 4A_604/2019 du 30 avril 2020 consid. 8; 4A_173/2018 du 29 janvier 2019 consid. 5.1). Le juge tiendra compte également des effets économiques du licenciement, ce qui présuppose de prendre en considération aussi bien la situation économique de l'employeur que celle du travailleur (ATF 123 III 391 consid. 3b/aa et 3c; arrêts 4A_255/2020 précité consid. 3.3.1; 4A_173/2018 précité consid. 5.1; 4A_401/2016 du 13 décembre 2016 consid. 6.2.1).
103
Statuant selon les règles du droit et de l'équité (art. 4 CC), le juge dispose d'un large pouvoir d'appréciation. Le Tribunal fédéral ne revoit qu'avec réserve la décision d'appréciation prise en dernière instance cantonale. Il n'intervient que lorsque l'autorité précédente s'est écartée sans raison des règles établies par la doctrine et la jurisprudence en matière de libre appréciation, lorsqu'elle s'est appuyée sur des faits qui ne devaient jouer aucun rôle ou, à l'inverse, a méconnu des éléments qui auraient absolument dû être pris en considération; il sanctionnera en outre les décisions rendues en vertu d'un pouvoir d'appréciation lorsqu'elles aboutissent à un résultat manifestement injuste ou à une iniquité choquante (arrêts 4A_255/2020 précité consid. 3.3.1; 4A_173/2018 précité consid. 5.1; 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.2.2).
104
7.2. La cour cantonale a relevé (1) que l'employeuse avait dénoncé les rapports de travail avec effet immédiat et sans justes motifs après douze années de service du travailleur pour le groupe, (2) qu'elle a refusé de verser au travailleur les salaires de juillet et d'août 2015 en raison des versements effectués en faveur de l'écurie, invoquant en compensation une créance en remboursement desdits versements quand bien même celle-ci n'était pas fondée, (3) qu'elle lui a ensuite reproché d'avoir abandonné son poste alors qu'elle était en demeure de lui verser son salaire, puis lui a fait grief d'avoir utilisé ses cartes de crédit professionnelles à des fins privées alors qu'un accord l'autorisait à effectuer de telles dépenses à concurrence d'un montant fixé, et (4) que ces accusations graves étaient donc pour l'essentiel infondées, la seule erreur imputable au travailleur, qui avait reconnu qu'il n'avait peut-être pas géré le financement du contrat de sponsoring de manière idéale, n'apparaissant que de peu de gravité, dans la mesure où le travailleur avait expliqué avoir agi dans l'intérêt de l'employeuse et où son appréciation des circonstances semble s'être avérée adéquate, au vu de l'absence de préjudice pour l'employeuse.
105
Compte tenu de l'ensemble de ces circonstances, de l'atteinte portée par les accusations infondées de l'employeuse à la personnalité du travailleur qu'elle était légalement tenue de protéger, de la fonction du travailleur au sein de l'appelante, de la durée des rapports de travail, de la faute commise par le travailleur et des circonstances de son licenciement, la cour cantonale a considéré qu'une indemnité correspondant à quatre mois de salaire apparaissait équitable.
106
7.3. La recourante considère que l'intimé a gravement violé son devoir de fidélité et de diligence envers elle et qu'il s'agit de retenir une faute concomitante justifiant de supprimer l'indemnité prévue par l'art. 337c al. 3 CO, au vu du fait que l'intimé a ordonné des paiements qu'il savait ne pas être dus, que ces paiements ont été effectués par le biais de sociétés du groupe n'étant pas parties au contrat de sponsoring, que ces sociétés ont été utilisées par l'intimé en violation crasse de la règle que tout paiement de ce type devait impérativement être approuvé par l'administrateur, que l'intimé savait que l'administrateur aurait refusé ces paiements, qu'il a dissimulé ces versements durant près de trois mois jusqu'à leur découverte fortuite, qu'il a abandonné son poste après qu'elle lui a donné une chance, qu'il a utilisé ses cartes de crédit professionnelles de manière abusive et qu'il a refusé de restituer une montre appartenant à la recourante.
107
7.4. Il ressort de la motivation de la cour cantonale, qui a tenu compte de l'ensemble des éléments pertinents, que l'appréciation effectuée par celle-ci en droit et en équité ne doit pas être revue.
108
Le grief doit donc être rejeté.
109
8.
110
En conclusion, la recourante doit verser à l'intimé le montant de 329'348 fr. 90, et non de 614'707 fr. 50 comme l'avait retenu la cour cantonale, au titre de dommages-intérêts pour l'assurance " bel étage " qui n'a pas été conclue (cf. supra consid. 3 et 4). Les autres griefs de la recourante sont rejetés.
111
9.
112
Au vu de ce qui précède, le recours doit être partiellement admis, dans la mesure de sa recevabilité, et l'arrêt entrepris annulé en tant qu'il condamne l'employeuse à verser au travailleur le montant de 899'753 fr. 10 avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 août 2015 et réformé, en ce sens que l'employeuse est condamnée à verser au travailleur le montant de 614'394 fr. 50 avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 août 2015.
113
La recourante avait conclu à sa libération du versement des montants de 614'707 fr. 50 et de 150'780 fr., pour un total de 765'487 fr. 50, et à la condamnation de l'intimé au versement de 81'044.10 EUR. Elle a obtenu une réduction desdits montants s'élevant à 285'358 fr. 60. Il se justifie donc de répartir les frais judiciaires et les dépens entre les parties, à raison de 2/3 à la charge de la recourante et de 1/3 à la charge de l'intimé (art. 66 al. 1 et art. 68 al. 1 et 2 LTF).
114
 
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce :
 
1.
 
Le recours est partiellement admis. L'arrêt attaqué est annulé en tant qu'il condamne l'employeuse à verser au travailleur le montant de 899'753 fr. 10 avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 août 2015 et est réformé, en ce sens que l'employeuse est condamnée à verser au travailleur le montant de 614'394 fr. 50 avec intérêts à 5 % l'an dès le 25 août 2015.
 
2.
 
Les frais judiciaires de la procédure fédérale, arrêtés à 12'000 fr., sont mis pour 8'000 fr. à la charge de la recourante et pour 4'000 fr. à la charge de l'intimé.
 
3.
 
La recourante versera à l'intimé une indemnité réduite de 9'000 fr. à titre de dépens.
 
4.
 
La cause est renvoyée à la cour cantonale pour nouvelle décision sur les frais judiciaires et les dépens de la procédure cantonale.
 
5.
 
Le présent arrêt est communiqué aux mandataires des parties et à la Chambre des prud'hommes de la Cour de justice du canton de Genève.
 
Lausanne, le 14 mars 2022
 
Au nom de la Ire Cour de droit civil
 
du Tribunal fédéral suisse
 
La Présidente : Hohl
 
Le Greffier : Douzals
 
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