Bundesgericht
Tribunal fédéral
Tribunale federale
Tribunal federal
{T 0/2}
9C_434/2008
Arrêt du 14 novembre 2008
IIe Cour de droit social
Composition
MM. les Juges U. Meyer, Président,
Borella et Kernen.
Greffière: Mme Moser-Szeless.
Parties
G.________,
recourante, représentée par Me Christophe Tafelmacher, avocat, rue de Bourg 47/49, 1002 Lausanne,
contre
Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud, avenue Général-Guisan 8, 1800 Vevey,
intimé.
Objet
Assurance-invalidité,
recours contre le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 8 avril 2008.
Faits:
A.
Née en 1945, G.________ travaillait depuis 1985 comme ouvrière dans une fabrique de cartonnages. Après avoir subi un premier accident en 1994, qui a entraîné des lésions à la main droite et différentes périodes d'incapacité de travail, elle a été victime d'un second accident affectant sa main gauche, le 3 juillet 2002, qui l'a empêchée de travailler jusqu'au 18 novembre 2002. Elle a repris son activité à mi-temps du 19 novembre 2002 jusqu'au début de l'année 2004. En arrêt complet de travail à partir du 4 mars 2004, elle n'a plus retravaillé depuis lors et les rapports de travail ont pris fin le 30 juin suivant.
Entre-temps, le 31 mars 2003, G.________ a présenté une demande de prestations de l'assurance-invalidité tendant à l'octroi d'une rente. L'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud (ci-après: l'office AI) a pris des renseignements économiques et médicaux avant de nier, par décision du 16 novembre 2005, le droit de l'assurée à une rente, au motif que le taux d'invalidité (de 19 %) était insuffisant pour ouvrir le droit à une telle prestation. Contestant cette décision, l'intéressée a produit des rapports médicaux des docteurs C.________, spécialiste en médecine interne, oncologie et hématologie (du 13 mars 2006), P.________, spécialiste en chirurgie plastique, reconstructive et esthétique et en chirurgie de la main (du 3 avril 2006), et M.________, spécialiste en médecine interne et rhumatologie (du 12 avril 2006), qu'elle avait tous trois consultés à différentes reprises. Le 2 mai 2007, l'office AI a rejeté l'opposition de G.________.
B.
La prénommée a déféré la décision sur opposition au Tribunal des assurances du canton de Vaud, qui l'a déboutée par jugement du 8 avril 2008.
C.
G.________ interjette un recours en matière de droit public contre le jugement cantonal, dont elle demande principalement l'annulation, en concluant au renvoi de la cause au Tribunal vaudois des assurances pour instruction complémentaire et nouvelle décision. A titre subsidiaire, elle conclut à la réforme du jugement cantonal, en ce sens que lui soit reconnu le droit à une rente d'invalidité à partir du 31 mars 2003.
L'office AI conclut au rejet du recours, tandis que l'Office fédéral des assurances sociales a renoncé à se déterminer.
Considérant en droit:
1.
Le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) peut être formé pour violation du droit selon l'art. 95 sv. LTF. Le Tribunal fédéral statue en principe sur la base des faits établis par l'autorité précédente (art. 105 al. 1 LTF), sous réserve des cas prévus à l'art. 105 al. 2 LTF. Cette disposition lui donne la faculté de rectifier ou compléter d'office l'état de fait de l'arrêt attaqué dans la mesure où des lacunes ou erreurs dans celui-ci lui apparaîtraient d'emblée comme manifestes. Quant au recourant, il ne peut critiquer la constatation de faits importants pour le jugement de la cause que si ceux-ci ont été constatés en violation du droit au sens de l'art. 95 LTF ou de manière manifestement inexacte (art. 97 al. 1 LTF).
La constatation de l'atteinte à la santé (diagnostic, pronostic, etc.) et l'évaluation de la capacité de travail (résiduelle) sont en principe des questions de fait (ATF 132 V 393 consid. 3.2 p. 397). Il en est de même de l'appréciation concrète des preuves. En revanche, l'application du principe inquisitoire et des règles sur l'appréciation des preuves au sens de l'art. 61 let. c LPGA relève du droit (ATF 132 V 393 consid. 3.2 et 4 p. 397 ss).
2.
Le litige porte sur le droit de la recourante à une rente d'invalidité, singulièrement sur le taux d'invalidité qu'elle présente. A cet égard, le jugement entrepris expose correctement les règles légales et la jurisprudence sur la notion d'invalidité et son évaluation, ainsi que les principes jurisprudentiels relatifs à la valeur probante d'un rapport médical. Il suffit donc d'y renvoyer.
On précisera que les modifications de la LAI du 6 octobre 2006 (5ème révision de la LAI), entrées en vigueur le 1er janvier 2008, n'ont pas à être prises en considération dans le présent litige, eu égard au principe selon lequel les règles applicables sont celles en vigueur au moment de la réalisation de l'état de fait dont les conséquences juridiques font l'objet de la décision (ATF 129 V 1 consid. 1.2 p. 4 et les arrêts cités).
3.
3.1 Constatant que les docteurs C.________, M.________ et P.________ s'accordaient à reconnaître à la recourante une capacité de travail de 50 % dans son ancienne activité, la juridiction cantonale a considéré que l'avis du troisième médecin revêtait une force probante particulière, dès lors que le docteur P.________ était spécialiste de la main. Partant, les premiers juges ont suivi l'appréciation de ce médecin, selon laquelle la recourante pouvait exercer à 70 % toute activité qui solliciterait moins ses mains (travaux légers et dépourvus de préhension fine), en retenant qu'elle n'était infirmée par aucune opinion contraire, ni contredite par une autre pièce au dossier. Ils ont par ailleurs constaté que les troubles dorso-lombaires et les gonalgies étaient "sans effet" dans un emploi sédentaire, en particulier assis, tandis que les céphalées n'avaient pas d'effet invalidant en elles-mêmes.
3.2 Pour retenir une capacité de travail résiduelle de 70 % dans une activité adaptée, la juridiction cantonale s'est exclusivement fondée sur le rapport du docteur P.________ du 22 août 2003 (dont la teneur a été confirmée dans un rapport du 3 avril 2006). Diagnostiquant différentes atteintes aux mains gauche et droite (neuropathie sensitive post-traumatique du nerf médian G, arthrose trapézo-métacarpienne G et D, arthrose MP et IP du pouce G, altération dégénérative MP des 1er et 2ème rayons de la main D et IP du pouce et IPD des doigts longs), le docteur P.________ (que la recourante avait consulté pour une plaie à la main gauche; cf. rapport du 3 avril 2006) s'est prononcé sur la situation au regard de ces seules atteintes et de leurs effets (perte de force, fatigabilité, manque de dextérité dans des manipulations nécessitant de la force en serrage, en pinch), en précisant qu'"une évaluation par un confrère rhumatologue pourrait être un complément utile".
Sous cet angle, il ressort des avis des docteurs C.________ (du 13 mars 2006) et M.________ (du 12 avril 2006) que la recourante présente d'autres affections ayant, selon ces médecins, des répercussions sur sa capacité de travail. Ainsi, les deux praticiens ont fait état, en plus des diagnostics relatifs aux mains, de douleurs des deux épaules sur tendinopathie de la coiffe des rotateurs, de lombalgies chroniques sur troubles statiques (hypolordose lombaire, scoliose dorso-lombaire sinistro-convexe) et dégénératifs (discopathies L4-L5 et L5-S1 avec spondylose), de chondropathie rotulienne et gonarthrose débutante bilatérale, ainsi que de céphalées chroniques (dans le contexte de douleurs cervicogènes sur cervicarthrose et phénomènes ténomyogènes cervico-scapulaires). Le docteur C.________ a indiqué que la recourante n'était plus capable du tout d'exercer son travail d'ouvrière dans une entreprise de cartonnage, alors qu'une capacité de travail de l'ordre de 50 % au maximum pouvait être envisagée dans une activité respectant les limitations décrites, telle celle d'hôtesse pour laquelle sa patiente ne présentait cependant aucune aptitude ou connaissance. De son côté, la doctoresse M.________ a considéré que l'assurée ne pouvait travailler à plus de 50 % dans son activité antérieure, pas plus que dans une activité tenant compte des limitations fonctionnelles dont elle avait fait mention dans un rapport du 21 octobre 2004.
3.3 A la lumière de ces constatations médicales, l'appréciation de la juridiction cantonale selon laquelle l'avis du docteur P.________ n'est infirmé par aucune opinion contraire entre en contradiction avec les autres évaluations médicales au dossier. Ainsi, les avis des docteurs P.________ et C.________ ne concordent ni sur la capacité de travail de la recourante dans son ancienne activité, ni sur la capacité de travail résiduelle: alors que la première est nulle d'après le docteur C.________ et de 50 % pour le chirurgien, le docteur C.________ a fait état d'une capacité de travail dans une activité adaptée de 50 % au maximum, soit inférieure à celle retenue par le docteur P.________ ("6 heures par jour"); ce taux de 50 % est confirmé par la doctoresse M.________ dans son rapport du 12 avril 2006. Ensuite, l'appréciation médicale sur laquelle se sont exclusivement fondés les premiers juges est incomplète, puisque l'examen du chirurgien s'est limité aux seules affections des mains, alors que les évaluations des docteurs C.________ et M.________ ont mis en évidence d'autres diagnostics avec répercussion sur la capacité (résiduelle) de travail de la recourante. A cet égard, le rapport du Service médical régional AI du 1er novembre 2004 n'apparaît pas non plus convaincant, dès lors qu'il reprend, dans une large mesure, les conclusions du docteur P.________. Enfin, en considérant que ni les troubles dorso-lombaires, ni les gonalgies et les céphalées n'avaient "d'effet", les premiers juges ont procédé à des constatations d'ordre médical sans s'appuyer sur l'avis d'un spécialiste dans ce domaine, ce qui revient à une constatation manifestement inexacte des faits (SEILER, in: H. Seiler/N. von Werdt/A. Güngerich [édit.], Bundesgerichtsgesetz [BGG], Berne 2007, ad art. 97 LTF, n. 15 p. 415). Une telle constatation est pour le surplus contredite par l'appréciation du docteur C.________ relative à la capacité résiduelle de travail de la recourante (50 % au maximum), eu égard à l'ensemble des diagnostics posés (dont ceux mentionnés par la juridiction cantonale).
3.4 En conséquence de ce qui précède, c'est sur la base d'un état de fait incomplet et par une appréciation arbitraire de ceux-ci que la juridiction cantonale a constaté que la recourante serait capable d'exercer une activité adaptée à 70 %. Cela étant, comme le fait valoir à juste titre la recourante, il n'est pas possible de déterminer la mesure dans laquelle elle serait à même de travailler compte tenu de l'ensemble des atteintes à la santé, faute d'une expertise sur son état de santé global (les avis des médecins traitants ne pouvant en l'espèce pallier le défaut d'une telle évaluation). Il convient dès lors de renvoyer la cause à l'intimé pour qu'il complète l'instruction sous la forme d'une expertise médicale, éventuellement dans le cadre d'un examen pluridisciplinaire.
A ce stade, il n'y a pas lieu de se prononcer sur les griefs de la recourante relatifs au revenu avant invalidité retenu par les premiers juges et l'abattement opéré sur le revenu d'invalide. La fixation des revenus avant et après invalidité et la question d'un éventuel abattement sur le salaire d'invalide calculé selon les données statistiques de l'Enquête suisse sur les salaires sont des points qui ne peuvent être tranchés qu'après que la capacité de travail (résiduelle) a été déterminée à satisfaction de droit. On précisera cependant qu'au vu du revenu avant invalidité retenu par la juridiction cantonale à la suite de l'intimé, celui-ci devra, pour la comparaison des revenus, examiner le cas échéant si l'assurée réalisait avant la survenance de l'invalidité un revenu nettement inférieur à la moyenne en raison de facteurs étrangers à l'invalidité et si elle désirait s'en contenter délibérément. En fonction de cet examen, il conviendra éventuellement d'effectuer un parallélisme des deux revenus à comparer conformément aux principes posés par la jurisprudence (en dernier lieu, ATF 134 V 322).
4.
Vu l'issue du litige, l'intimé qui succombe supportera les frais judiciaires afférents à la présente procédure (art. 66 al. 1 première phrase en relation avec l'art. 65 al. 4 let. a LTF). La recourante a droit à une indemnité de dépens pour l'instance fédérale à charge de l'intimé (art. 68 al. 1 LTF).
Par ces motifs, le Tribunal fédéral prononce:
1.
Le recours est admis. Le jugement du Tribunal des assurances du canton de Vaud du 8 avril 2008 et la décision sur opposition de l'Office de l'assurance-invalidité pour le canton de Vaud du 2 mai 2007 sont annulés, la cause étant renvoyée à cet office pour instruction complémentaire au sens des considérants et nouvelle décision.
2.
Les frais judiciaires, arrêtés à 500 fr., sont mis à la charge de l'intimé.
3.
L'intimé versera à la recourante la somme de 2'500 fr. à titre de dépens pour l'instance fédérale.
4.
Le Tribunal des assurances du canton de Vaud statuera à nouveau sur les frais et dépens de la procédure cantonale au regard de l'issue du procès.
5.
Le présent arrêt est communiqué aux parties, au Tribunal des assurances du canton de Vaud et à l'Office fédéral des assurances sociales.
Lucerne, le 14 novembre 2008
Au nom de la IIe Cour de droit social
du Tribunal fédéral suisse
Le Président: La Greffière:
Meyer Moser-Szeless