BGE 109 Ia 217
 
42. Arrêt de la IIe Cour de droit public du 2 décembre 1983 dans la cause Rudolf Schaller c. Chambre des avocats et Cour plénière du Tribunal cantonal vaudois (recours de droit public)
 
Regeste
Art. 17 Abs. 1 OG. Öffentlichkeit von Verhandlungen und Disziplinarmassnahmen, Art. 6 Ziff. 1 EMRK und schweizerischer Vorbehalt dazu.
2. Fragen der Zulässigkeit der staatsrechtlichen Beschwerde (E. 2).
3. Die disziplinarische Einstellung eines Anwalts in der Berufsausübung stellt nach der Rechtsprechung des Europäischen Gerichtshofes für Menschenrechte einen Eingriff in die Ausübung eines liberalen Berufes dar und ist als Streit über Rechte und Pflichten zivilrechtlicher Natur i.S. von Art. 6 Ziff. 1 EMRK zu verstehen. Insofern ist der Grundsatz der Öffentlichkeit der Verhandlungen zu wahren. Gemäss dem von der Schweiz zu Art. 6 EMRK erklärten Vorbehalt ist dieses Prinzip jedoch nicht anwendbar auf solche Streitverfahren, die sich nach dem kantonalen Recht vor einer Verwaltungsbehörde abspielen. Unter Verwaltungsbehörden sind auch Gerichtsinstanzen zu verstehen, die wie das waadtländische Kantonsgericht in Disziplinarsachen Verwaltungsfunktionen ausüben (E. 4).
4. Anspruch auf rechtliches Gehör (E. 5).
 
Sachverhalt


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A.- En 1973, Rudolf Schaller a obtenu son brevet d'avocat à Genève. Le 6 mai 1980, le Tribunal cantonal vaudois l'a inscrit au tableau des avocats pratiquant dans le canton de Vaud après lui avoir fait solenniser la promesse énoncée à l'art. 16 de la loi vaudoise sur le barreau (LB) et l'avoir exhorté à respecter les usages de l'Ordre des avocats vaudois.
Avocat au barreau de Genève, Me Schaller a son étude à Genève, mais il plaide aussi parfois devant les tribunaux d'autres cantons. C'est ainsi, notamment, qu'en février 1982, il s'est vu confier le mandat de défendre les intérêts d'un plaignant - Franz

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Weber - dans une procédure pénale instruite par le Juge informateur du district de Vevey et qu'en octobre 1982, il a assuré, devant le Tribunal correctionnel du district de Lausanne, la défense de plusieurs accusés dans le procès dit "Lausanne bouge".
B.- Par lettre du 8 mars 1982, le Président de la Chambre des avocats du Tribunal cantonal vaudois a informé Me Schaller qu'il ouvrait une enquête disciplinaire contre lui pour violation des art. 16 et 29 LB, en précisant qu'il lui était reproché son attitude discourtoise et agressive à l'égard du Juge informateur - M. Tenthorey - contre lequel son client, Franz Weber, avait déposé une plainte (classée parce que "déposée avec légèreté"), sa participation à une conférence de presse en date du 2 mars 1982 et "les inexactitudes qu'il y aurait, semble-t-il, exprimées".
Me Schaller participa à nouveau à une conférence de presse dont plusieurs journaux lausannois se firent l'écho, mentionnant non seulement le dépôt d'une "initiative Franz Weber contre la justice vaudoise", mais aussi les protestations du recourant contre le fait que "sous prétexte de règles déontologiques contestables, on tente de limiter les droits de la défense et la liberté d'expression". Le 2 avril 1982, le Président de la Chambre des avocats informa Me Schaller qu'il aurait aussi à répondre de ces faits à l'audience fixée au 28 avril, constatant qu'en dépit de la mise en garde qu'aurait dû constituer pour lui l'ouverture de l'enquête disciplinaire, il s'obstinait à faire parler de lui dans la presse au sujet même d'enquêtes en cours.
Le 16 avril 1982, agissant par l'intermédiaire d'une avocate de son étude (Me Nathalie Vimic), Me Schaller a demandé à la Chambre des avocats de suspendre l'instruction de la procédure disciplinaire jusqu'à droit jugé sur le plan cantonal de la cause opposant son client, Franz Weber, à Roger Mayor et au Juge informateur Tenthorey, d'ordonner la publicité des débats, de donner une description précise des charges retenues contre lui et de procéder à l'audition de huit témoins. Par lettre du 19 avril 1982, le Président de la Chambre des avocats a rejeté ces demandes puis, par lettre du 23 avril, il prit acte d'une déclaration - faite par l'avocate de Me Schaller - selon laquelle celui-ci n'avait eu aucune intention de faire de la publicité commerciale et constata qu'ainsi l'audition de témoins était inutile sur ce point.
Le 28 avril 1982, statuant à huis clos, la Chambre des avocats du canton de Vaud a "prononcé contre l'avocat Schaller la peine disciplinaire de la censure" et mis à la charge du recourant les frais

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(fixés à 300 francs). Cette décision motivée a été notifiée au recourant le 11 juin 1982.
Contre cette dernière, Me Schaller a formé un recours de droit public au Tribunal fédéral.
C.- Avant même l'ouverture du procès "Lausanne bouge" qui eut lieu du 4 au 20 octobre 1982 devant le Tribunal correctionnel du district de Lausanne - où il défendit quatre accusés -, Me Schaller participa, le 15 septembre 1982, à une conférence de presse organisée par les accusés et par un mouvement intitulé "Autrement". Par lettre du 17 septembre 1982, le Président de la Chambre des avocats l'informa qu'il ouvrait une nouvelle enquête disciplinaire en raison de sa participation à cette conférence de presse. En outre, une instruction d'office fut ouverte concernant cette conférence de presse et, en date du 11 novembre 1982, le Président de la Cour de cassation pénale du canton de Vaud le condamna, pour violation du secret des opérations préliminaires aux débats, à une amende de 500 francs, confirmée par arrêt de la Cour de cassation pénale vaudoise le 20 décembre 1982, puis par arrêt du Tribunal fédéral du 8 juillet 1983.
Le samedi 9 octobre 1982, Me Schaller a été invité à une conférence de presse dite "audience parallèle", organisée à Lausanne par le mouvement "Autrement", le groupement "Manifeste vaudois" et les accusés. Le recourant a répondu aux questions qu'on lui posait, notamment sur la nature du procès et sur toutes les prétendues irrégularités de la procédure.
Le 28 octobre 1982, le journal "La Voix ouvrière" a publié un article intitulé "Le procès Lozanne bouge, un test raté pour la démocratie", donnant le compte rendu d'un entretien que Me Schaller avait accordé à deux journalistes. Le même jour, le recourant a encore participé à une conférence de presse organisée par l'"Association des juristes démocrates" de Suisse et relative au procès de l'avocat Rambert; à cette occasion, Me Schaller a notamment déclaré que le dossier constitué par le Juge informateur Tenthorey était "l'oeuvre d'un flic mégalomane".
Par lettre du 29 octobre 1982, le Président du Tribunal correctionnel du district de Lausanne a dénoncé les avocats Garbade, Lob et Schaller à la Chambre des avocats pour leur comportement lors du procès "Lausanne bouge".
D.- Le 1er novembre 1982, le Président de la Chambre des avocats a informé Me Schaller que l'enquête disciplinaire ouverte le 17 septembre était étendue aux faits dénoncés dans cette lettre

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du 29 octobre 1982 (dont une copie était remise); il fit également état des conférences de presse des 9 et 28 octobre 1982 et de l'article paru dans "La Voix ouvrière", relevant en particulier que les art. 16, 25 et 29 LB paraissaient applicables.
Dans un mémoire, daté du 25 novembre 1982 et signé par un avocat genevois, Me Nils de Dardel, le recourant a requis, à titre préliminaire, la publicité de l'audience, l'audition de huit témoins et la production des dossiers complets du procès "Lausanne bouge"; au fond, il demanda qu'aucune sanction disciplinaire ne fût prononcée contre lui. Le 1er décembre 1982, le Président de la Chambre des avocats informa Me Schaller que l'audience - fixée au 13 décembre 1982 - aurait lieu à huis clos, que sa demande de production de dossiers était rejetée et que cinq témoins pourraient être amenés à l'audience, deux autres témoins étant convoqués par la Chambre elle-même; enfin, l'audition de Franz Weber, de Giovanni Chicherio (secrétaire général de la Ligue suisse des droits de l'homme) et de Michel Rossinelli (assistant à la Faculté de droit de Genève) n'était pas admise.
Assisté de Me Nils de Dardel, Me Schaller a comparu devant la Chambre des avocats du canton de Vaud le 13 décembre 1982. D'entrée de cause, il réitéra les demandes qu'il avait formulées dans son mémoire du 25 novembre 1982 au sujet de la publicité des débats, de l'audition de témoins et de la production de dossiers. Siégeant à huis clos, la Chambre des avocats procéda à l'audition de six témoins et à l'interrogatoire de Me Schaller. Me Nils de Dardel eut ensuite la possibilité de plaider.
Considérant, en conclusion, que les fautes commises par Me Schaller étaient graves et constatant que "la peine disciplinaire de la censure infligée récemment en raison des propos inadmissibles tenus à l'égard de magistrats et de sa participation à une conférence de presse n'a pas été suffisante pour l'amener à respecter la loi et les usages du barreau", la Chambre des avocats du canton de Vaud a estimé, compte tenu de l'ensemble des circonstances, qu'une peine de suspension semblait appropriée. Elle décida donc, en application de l'art. 44bis al. 2 LB, de transmettre la cause au Tribunal cantonal. Cette décision motivée, datée du 13 décembre 1982, a été communiquée le 27 décembre 1982 au recourant, au Président du Tribunal cantonal, au Président du Tribunal du district de Lausanne et au Bâtonnier de l'Ordre des avocats vaudois.
E.- Par lettre du 28 décembre 1982, le Président du Tribunal

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cantonal vaudois invita Me Schaller à se présenter devant la Cour plénière "qui siégera à huis clos (art. 44ter al. 1 LB et 30 du règlement organique du Tribunal cantonal) le 8 février 1983 pour y être entendu dans vos explications". En outre, il impartit au 10 janvier 1983 (prolongé au 17 janvier) un délai au recourant pour formuler toutes réquisitions au sens de l'art. 44bis al. 3 LB.
Le 10 janvier 1983, Me Nils de Dardel requit que "l'audience soit publique et que votre décision soit prononcée en audience publique", que huit témoins fussent entendus et que l'apport des dossiers complets du procès "Lausanne bouge" et du procès de l'avocat Rambert fût ordonné. Il demanda, en outre, le renvoi de l'audience jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral sur le recours de droit public formé contre la décision de la Chambre des avocats du 28 avril 1982. Par la suite, Me de Dardel demanda encore, "expressément, que les déclarations des témoins qui seront entendus à votre audience fassent l'objet d'un procès-verbal". Le 18 janvier 1983, le Président du Tribunal cantonal informa Me de Dardel que l'audience ne serait pas publique, "la base légale étant plus précisément l'art. 117 de la loi vaudoise d'organisation judiciaire", que les réquisitions d'audition de témoins "ne justifient - ni à la forme, ni au fond - aucun récolement ni l'audition d'autres témoins, à l'exception de celle de l'avocat Lenz prévue par la Chambre des avocats, subsidiairement de Me Philippe de Weck"; la production des dossiers pénaux "ne paraissait pas utile à l'appréciation du cas" et, enfin, "vu la nature du recours de droit public", il n'y avait pas lieu d'attendre la décision du Tribunal fédéral relative à une précédente sanction disciplinaire. Persistant dans toutes ses réquisitions et estimant que "vous placez mon mandant dans l'impossibilité de se défendre valablement, en choisissant vous-même les témoins", Me Nils de Dardel demanda encore, par lettre du 2 février 1983, de pouvoir amener comme témoin Me Olivier Mach, avocat à Genève.
Début février 1983, plusieurs avocats étrangers ont sollicité l'autorisation d'assister Me Schaller devant la Cour plénière, produisant chaque fois une procuration signée par Me Schaller le 15 janvier 1983, mais non la preuve qu'un avocat vaudois pourrait plaider devant un Tribunal de leur pays. En fait, ces avocats n'ont pas été autorisés à plaider, ni même à assister à l'audience. Par ailleurs, l'Association des juristes progressistes, plusieurs avocats - suisses et étrangers - et diverses personnes ont insisté auprès

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du Tribunal cantonal pour qu'il ne viole pas "les droits de la défense" en sanctionnant les agissements de Me Schaller.
F.- Le 8 février 1983, la Cour plénière du Tribunal cantonal vaudois a pris séance à huis clos pour statuer sur la procédure administrative engagée contre le recourant. D'entrée de cause, celui-ci a requis la levée du huis clos, la publication du jugement et l'admission à l'audience d'un second défenseur en la personne de Me Bouchet, avocat à Lyon; il demanda aussi l'audition de plusieurs témoins, mais ces diverses requêtes furent rejetées par la Cour plénière "statuant sur le siège". Il fut alors procédé à l'audition d'un témoin, Me Olivier Mach, et à l'interrogatoire de Me Schaller; puis Me de Dardel put plaider.
Après avoir ordonné la clôture des débats et délibéré, la Cour plénière du Tribunal cantonal a décidé de prononcer contre Me Schaller la peine disciplinaire de la suspension pour une durée de huit mois dès le 15 avril 1983, de charger la Cour administrative de désigner un avocat suppléant pour la période de suspension, d'ordonner la publication de son jugement et de mettre les frais (fixés à 1'000 francs) à la charge de Me Schaller. Cette décision motivée a été notifiée le 18 mars 1983.
Par lettre du 29 mars 1983, le Président du Tribunal cantonal (et Président de la Cour administrative) a informé Me Schaller de la désignation du suppléant en la personne de Me Koelliker, avocat à Lausanne, estimant que la proposition - faite par Me de Dardel - de désigner deux avocats de l'étude de Me Schaller était "propre à faciliter la fraude". Enfin, le 5 avril 1983, la Feuille des avis officiels du canton de Vaud a publié le dispositif de la décision de la Cour plénière du 8 février 1983.
G.- Agissant par la voie d'un recours de droit public, Me Schaller demande au Tribunal fédéral, préalablement, d'accorder l'effet suspensif à son recours et, principalement, d'annuler, avec suite de dépens, les deux décisions de la Chambre des avocats du 13 décembre 1982 et de la Cour plénière du Tribunal cantonal du 8 février 1983. Il se plaint notamment de ce que les décisions attaquées constituent "une violation d'une règle essentielle de procédure, une violation grossière de la loi cantonale et une violation de l'art. 6 CEDH".
Dans ses observations du 15 avril 1983, la Chambre des avocats répond aux arguments développés par le recourant, tout en relevant qu'elle se borne à transmettre au Tribunal cantonal un préavis lorsqu'une peine de suspension ou de retrait du droit de pratiquer

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lui paraît justifiée et qu'elle ne semble pas être dans le système vaudois une "partie opposante". En ce qui concerne la requête d'effet suspensif, la Chambre des avocats observe qu'à la sortie même de son audience, le recourant avait tenu une conférence de presse et qu'il a récidivé par la suite; il a fait ainsi convoquer la presse à une inspection locale du Tribunal correctionnel du district de Lausanne et distribuer par un client (non impliqué dans la cause) un tract injurieux à l'égard d'autres avocats, montrant ainsi qu'il saisit l'opinion publique à l'occasion d'affaires judiciaires dont il est chargé, violant à la fois le secret de l'enquête (art. 185 CPP) et l'interdiction de faire de la publicité (art. 29 LB): "son attitude démontre qu'il agira ainsi aussi longtemps qu'une mesure disciplinaire rigoureuse ne lui sera pas appliquée".
Le Tribunal cantonal, dans ses observations du 27 avril 1983, a déclaré se référer à son arrêt et s'en remettre à justice en ce qui concerne la demande d'effet suspensif. De ce fait, la sanction disciplinaire n'a, pour l'instant, pas été exécutée.
 
Considérant en droit:
En l'espèce, le recourant soulève essentiellement des griefs fondés sur la procédure; il invoque la prétendue violation du principe de publicité des débats, dans la mesure où l'autorité cantonale a statué à huis clos; il fait valoir également que son droit d'être entendu n'aurait pas été respecté. Bien que le litige s'inscrive de façon générale dans le contexte du droit disciplinaire, le présent recours ne vise en aucun endroit les mesures disciplinaires prises par l'autorité intimée, mais se limite aux questions de procédure susmentionnées. Dans ces conditions, le principe de publicité énoncé à l'art. 17 al. 1 OJ est applicable au cas particulier.
On peut dès lors se dispenser d'examiner si l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme (CEDH; RS 0.101) devrait être déclaré applicable en l'espèce.


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2. Le Tribunal fédéral examine d'office la recevabilité des recours dont il est saisi.
a) Aux termes de l'art. 44bis LB, la compétence de la Chambre des avocats est limitée aux peines de l'avertissement, de la censure ou de l'amende (al. 1). Lorsqu'une peine plus sévère (la suspension pour deux ans au maximum ou le retrait du droit de pratiquer et de former des stagiaires) lui paraît justifiée, la Chambre transmet la cause, avec son préavis, au Tribunal cantonal (al. 2), qui statue en cour plénière, sans être lié par ce préavis. Selon l'art. 45bis LB, les décisions de la Chambre ou du Tribunal cantonal prononçant une peine disciplinaire sont sujettes en tout temps à révision, mais aucun moyen ordinaire ou extraordinaire de recours n'est prévu en droit vaudois pour attaquer une décision prise par l'une de ces deux autorités dans les limites de ses compétences; en particulier, les décisions de la Chambre des avocats ne sont pas susceptibles d'un recours au Tribunal cantonal (art. 44 al. 3 in fine LB).
Le recours de droit public formé devant le Tribunal fédéral directement contre la décision de suspension rendue le 8 février 1983 par le Tribunal cantonal n'enfreint donc nullement la règle de l'épuisement des instances cantonales énoncées à l'art. 86 OJ. Dans cette mesure, le recours est en principe recevable.
Toutefois, le recourant ne saurait demander l'annulation de la "décision" que la Chambre des avocats a prise le 13 décembre 1982 de transmettre la cause au Tribunal cantonal, dès lors qu'il ne s'agit pas d'une décision susceptible de recours au sens de l'art. 84 al. 1 OJ, mais d'un simple préavis qui ne lie pas le Tribunal cantonal. Contrairement à l'opinion exprimée par le recourant, le fait qu'il reproche à la Chambre des avocats la violation des règles de procédure n'y change rien. Au demeurant, à supposer que la décision de transmettre le dossier au Tribunal cantonal fût assimilable à une décision au sens de l'art. 84 al. 1 OJ, il faudrait rappeler qu'en vertu de l'art. 44ter LB, le Tribunal cantonal statue librement, sans être lié par le préavis de la Chambre des avocats. Or, selon une jurisprudence constante, le Tribunal fédéral, saisi d'un recours de droit public, ne peut pas casser la décision d'une autorité cantonale inférieure si l'autorité supérieure a statué avec pleine cognition (ATF 107 Ia 207 consid. 1a et les arrêts cités). En tant qu'il vise l'annulation "de la décision du 13 décembre 1982 de la Chambre des avocats du canton de Vaud", le recours est irrecevable.
b) Selon l'art. 90 al. 1 lettre b OJ, l'acte de recours doit, à peine d'irrecevabilité, contenir un exposé succinct des droits constitutionnels

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ou des principes juridiques violés et préciser en quoi consiste la violation. Lorsqu'il est saisi d'un recours de droit public, le Tribunal fédéral n'a donc pas à vérifier, de lui-même, si la décision attaquée est en tout point conforme aux droits constitutionnels des citoyens; il n'examine que les moyens, de nature constitutionnelle, invoqués et suffisamment motivés dans l'acte de recours; il se montre au demeurant plus strict dans ces exigences quant à la motivation lorsque - comme en l'espèce - l'acte de recours est rédigé par un avocat ou un mandataire professionnel.
D'autre part, celui qui forme un recours pour arbitraire doit non seulement indiquer clairement les dispositions de droit cantonal que l'autorité intimée aurait violées de manière arbitraire, mais encore préciser en quoi la décision attaquée serait arbitraire, ne reposant sur aucun motif sérieux et objectif, apparaissant insoutenable ou heurtant gravement le sens de la justice. Ainsi, selon la jurisprudence, le Tribunal fédéral déclare irrecevable les critiques de caractère appellatoire formulées dans un recours pour arbitraire, car il n'a pas à rechercher la juste application ou interprétation des normes de droit cantonal (ATF 107 Ia 186 consid. b).
c) Le recourant indique les droits constitutionnels que l'autorité intimée aurait violés et précise en quoi consisteraient ces prétendues violations. Suffisamment motivés, les moyens de recours sont donc, en principe, recevables au sens de l'art. 90 al. 1 lettre b OJ. Mais il importe de souligner que le recourant demande l'annulation de la décision prononçant la suspension pendant huit mois essentiellement pour des motifs de procédure et non de fond. Il ne discute pas la constitutionnalité de cette décision au fond et se plaint uniquement de la violation des principes de la publicité des débats et du droit d'être entendu.
Il en résulte que le Tribunal fédéral ne peut examiner que ces moyens de procédure; il n'a pas à vérifier d'office si l'autorité cantonale intimée a violé un droit constitutionnel en prononçant la peine disciplinaire de la suspension pendant huit mois.
d) S'agissant de la qualité pour recourir (art. 88 OJ), il y a lieu de se demander si le recourant a un intérêt pratique et actuel à requérir l'annulation d'une décision dont il ne discute pratiquement pas le bien-fondé, mais dont il ne conteste que la validité formelle.
En réalité, cependant, le Tribunal fédéral considère que le droit d'être entendu, garanti par l'art. 4 Cst., est de nature formelle, de

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sorte que sa violation entraîne l'annulation de la décision attaquée sans qu'il soit même nécessaire de vérifier si, au fond, cette décision apparaît justifiée ou non (ATF 106 Ia 74 consid. 2, ATF 105 Ia 198 consid. 4b). Il en va de même du principe de la publicité des débats que garantit, dans certaines conditions, l'art. 6 CEDH, car il s'agit également d'un droit constitutionnel de nature formelle.
Le recours est ainsi recevable.
a) Le recours étant irrecevable en tant qu'il s'en prend au préavis rendu par la Chambre des avocats en date du 13 décembre 1982, il n'y a pas lieu d'examiner l'argument soulevé par le recourant, selon lequel la Chambre des avocats aurait violé le principe de publicité des débats et se serait livrée à une interprétation arbitraire de l'art. 44 al. 2 LB. Seul l'art. 44ter LB est applicable en effet au Tribunal cantonal.
b) En vertu de l'art. 44ter LB, "le Tribunal cantonal délibère à huis clos, sans être lié par le préavis de la Chambre". Le recourant ne conteste pas l'interprétation donnée par l'autorité intimée du terme "délibérer" et, contrairement aux arguments qu'il développe au sujet de l'art. 44 al. 2 LB applicable à la Chambre des avocats, n'entend pas démontrer que ce terme ne saurait, à peine d'arbitraire, être assimilé à celui de "siéger". D'ailleurs, l'art. 30 du règlement organique du Tribunal cantonal du 1er décembre 1981 dispose que "la Cour plénière et les autres sections siègent et délibèrent à huis clos...". Le recourant estime cependant que cette dernière disposition, adoptée par le Tribunal cantonal en vertu de la délégation que prévoit l'art. 117 OJ vaud., ne constituerait pas une base légale suffisante pour exclure la publicité des débats. De surcroît, la décision de siéger à huis clos ne devrait pas être abandonnée au seul Président du Tribunal, mais à ce dernier même statuant in corpore.
Il convient d'observer d'emblée que le principe de la publicité des débats n'est énoncé nulle part dans la loi vaudoise sur le

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barreau. Certes, il figure à l'art. 117 OJ vaud., mais il est possible, sans tomber dans l'arbitraire, d'en exclure l'application en matière de discipline des avocats, non seulement parce que l'autorité compétente peut ne pas être considérée comme une autorité judiciaire (au sens de l'art. 117 OJ vaud.; cf. infra, consid. 4b), mais aussi parce que cette disposition réserve les cas où le règlement organique du Tribunal cantonal déroge à ce principe (par exemple à l'art. 30 ROTC). Or aucune disposition n'interdit une telle délégation et n'impose au législateur d'adopter une loi au sens formel pour exclure le principe de publicité des débats; seul le principe énoncé à l'art. 6 CEDH a valeur de droit constitutionnel et mériterait éventuellement qu'on s'en écarte par une loi au sens formel; cependant, ainsi qu'on le montrera plus bas, cette disposition, au regard de la réserve formulée par la Suisse, n'est pas applicable au cas d'espèce, dès lors que la Cour plénière exerçant des fonctions disciplinaires peut sans arbitraire être considérée comme une autorité administrative et non judiciaire (cf. consid. 4b infra).
Il convient de relever au surplus que l'autorité intimée a, en matière disciplinaire, régulièrement siégé hors la présence du public, de sorte qu'on ne saurait lui reprocher des pratiques et interprétations contradictoires.
c) Le recourant soutient à tort que la décision "de siéger à huis clos a été prise par le seul Président du Tribunal"; il ressort au contraire clairement de la décision attaquée que, statuant sur le siège, la Cour plénière du Tribunal cantonal a décidé de rejeter notamment la requête relative à la publicité des débats. Le grief n'est donc pas fondé.
"Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle.
Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances

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spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice."
a) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, les devoirs professionnels particuliers des avocats relèvent du droit public (ATF 103 Ia 430 consid. 3). En Suisse, les sanctions disciplinaires que l'autorité peut infliger à un avocat sont de nature administrative et non pas civile ou pénale (voir DUBACH, Das Disziplinarrecht der freien Berufe, ZSR 1951, p. 28a; MARTIN-ACHARD, La discipline des professions libérales, ZSR 1951, p. 245a ss). On ne saurait dès lors assimiler, en droit suisse, le prononcé d'une sanction disciplinaire à une décision ayant trait à une "contestation sur des droits et des obligations de caractère civil" ou au "bien-fondé d'une accusation en matière pénale". Toutefois, notamment dans un arrêt König du 28 juin 1978, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que la notion de "droits et d'obligations de caractère civil" ne peut être interprétée par la seule référence au droit interne de l'Etat défendeur, admettant ainsi l'autonomie du sens des termes de la Convention par rapport à leur sens en droit interne (arrêt König du 28 juin 1978, série A vol. 27 p. 29, par. 88 et les arrêts cités). Dans un arrêt plus récent, à propos de décisions de suspension temporaire prononcées contre trois médecins belges, la majorité de la Cour européenne a déclaré le principe de la publicité des débats (art. 6 CEDH) applicable à la procédure disciplinaire, mais elle a précisé qu'il s'agissait d'une contestation sur des droits et des obligations de caractère civil parce que "la suspension dont se plaignent les requérants constituait, à n'en pas douter, à la différence de certaines autres sanctions disciplinaires qu'ils encourraient (avertissement, censure, réprimande), une ingérence directe et substantielle dans l'exercice du droit de continuer à pratiquer l'art médical", ce droit étant de caractère privé nonobstant la nature spécifique et d'intérêt général de la profession de médecin et les devoirs particuliers qui s'y rattachent (arrêt Le Compte, van Leuwen et de Meyere, du 23 juin 1981, série A vol. 43 p. 22, par. 48 et 49). Ainsi, de l'avis de la Cour européenne des droits de l'homme, l'art. 6 al. 1 CEDH serait applicable - en principe - dans les cas où le médecin ou l'avocat encourt une sanction disciplinaire (telle la suspension temporaire ou le retrait du droit de pratiquer) qui touche à l'exercice même de la profession libérale; en revanche, l'art. 6 CEDH serait inapplicable dans les autres cas, soit notamment lorsque le médecin ou l'avocat risque

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de se voir infliger une sanction disciplinaire (tel l'avertissement ou la censure) qui ne restreint pas l'exercice de la profession libérale.
b) Faisant usage du droit que l'art. 64 CEDH accorde aux Parties contractantes, la Suisse a formulé, au sujet de l'art. 6 al. 1 CEDH, les réserves suivantes:
"- Réserve portant sur l'article 6:
Le principe de la publicité des audiences proclamé à l'article 6, paragraphe 1, de la convention ne sera pas applicable aux procédures qui ont trait à une contestation relative à des droits et obligations de caractère civil ou au bien-fondé d'une accusation en matière pénale et qui, conformément à des lois cantonales, se déroulent devant une autorité administrative.
Le principe de la publicité du prononcé du jugement sera appliqué sans préjudice des dispositions des lois cantonales de procédure civile et pénale prévoyant que le jugement n'est pas rendu en séance publique, mais est communiqué aux parties par écrit."
Ainsi, en Suisse, dans la mesure où, selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, elle doit être considérée comme ayant trait à une contestation sur des droits et des obligations de caractère civil ou au bien-fondé d'une accusation en matière pénale, une procédure disciplinaire ne doit pas nécessairement se dérouler en présence du public, même si elle peut aboutir au prononcé d'une suspension temporaire ou du retrait du droit de pratiquer. Le principe de la publicité des débats est inapplicable si, conformément à des lois cantonales, la procédure se déroule devant "une autorité administrative".
aa) Dans un arrêt du 25 novembre 1982 (ATF 108 Ia 316 ff.), le Tribunal fédéral a fait application de cette réserve, admettant que la Commission de surveillance des avocats zurichois et le Tribunal supérieur du canton de Zurich peuvent être considérés comme des "autorités administratives" au sens de la réserve faite par la Suisse.
"Das Obergericht legt dar, dass sowohl es selbst als auch die Aufsichtskommission das Anwaltsdisziplinarrecht in Ausübung verwaltungsbehördlicher Funktionen handhaben.
Dies bestreitet der Beschwerdeführer nicht und folgt im übrigen aus der öffentlichrechtlichen Natur des Verhältnisses zwischen Rechtsanwalt und Aufsichtsbehörde.
Der Beschwerdeführer behauptet nicht, ein innerstaatlicher Rechtsatz gebiete die öffentliche Verhandlung.
Die Beschwerde erweist sich in diesem Punkt daher als unbegründet."
En l'espèce, le recourant conteste précisément que le Tribunal cantonal vaudois exerce des fonctions administratives; cette contestation n'est pas fondée.


BGE 109 Ia 217 (231):

Il ressort clairement de certaines dispositions du règlement organique du Tribunal cantonal comme aussi de divers articles de la loi vaudoise d'organisation judiciaire que la Cour plénière du Tribunal cantonal vaudois a essentiellement des compétences administratives (telles les nominations des juges de district et des fonctionnaires et la surveillance des juges et des avocats); les fonctions judiciaires, civile ou pénale, sont confiées aux sections du Tribunal cantonal.
bb) Au demeurant, l'expression "autorité administrative" ne figure pas dans le texte de la Convention, mais bien dans celui de la réserve que la Suisse a faite au sujet du principe de la publicité des débats et des jugements énoncé à l'art. 6 CEDH. Il ne s'agit donc pas d'une notion conventionnelle qui devrait être interprétée selon le principe de la confiance, c'est-à-dire dans le sens que les autres Etats signataires pourraient et devraient de bonne foi lui donner, ni directement selon les art. 31 et 32 de la Convention de Vienne du 23 mai 1970, que la Suisse n'a pas encore ratifiée. Une réserve faite au moment de la ratification d'un traité est une déclaration unilatérale qui doit être interprétée, en général, par référence au droit interne de l'Etat qui l'a adoptée, comme une disposition légale ou réglementaire.
Une interprétation conforme à la volonté de l'Etat déclarant permet, s'agissant d'une réserve, de prendre en considération l'objectif réel visé par cette dernière, dont la justification découle précisément des particularités du droit national (sur la question de l'interprétation, cf. notamment J. LEUTERT, Einseitige Erklärungen im Völkerrecht, thèse Berne 1979, spéc. p. 136 ss).
Dès lors, il convient de prendre en considération le sens que le gouvernement et le Parlement helvétiques ont voulu donner à cette expression "autorité administrative". Si les Chambres fédérales ont accepté la réserve sans discussion ni commentaire, le Conseil fédéral a donné les précisions suivantes dans son Message de 1968 (FF 1968 II p. 1118/1119):
"c. La question de l'application aux juridictions administratives des règles de la Convention sur la publicité des débats et des jugements est controversée. Alors que, par exemple, les tribunaux de la République fédérale d'Allemagne soutiennent que le principe de la publicité des audiences ne vise que les tribunaux, la doctrine est plutôt encline à admettre que ce principe est également applicable lorsqu'une autorité administrative, constituée en tribunal, rend une décision ayant le caractère d'un jugement et portant sur une contestation relative à des droits et obligations de caractère civil ou sur une accusation en matière

BGE 109 Ia 217 (232):

pénale. L'étude de la jurisprudence de la Commission européenne des droits de l'homme semble confirmer cette manière de voir.
En Suisse, ainsi que nous l'avons relevé plus haut, des autorités administratives peuvent être appelées à trancher des litiges de droit privé et à prononcer des peines comme le ferait un juge pénal. Or la procédure administrative n'est en principe pas publique. Il en va de même de la procédure devant les tribunaux administratifs, malgré son caractère contradictoire.
Il est en outre douteux que le principe de la publicité soit applicable de manière générale à la procédure en matière pénale administrative."
En revanche, dans son Message du 4 mars 1974 (FF 1974 I p. 1020), le Conseil fédéral s'est contenté d'affirmer que la procédure devant les autorités administratives n'est pas publique.
Il est donc possible de confirmer la jurisprudence de l'arrêt R. et consorts du 25 novembre 1982 précité. Au regard du Message de 1968, on constate que la Suisse entendait exclure l'application du principe de la publicité des débats et du jugement non seulement devant l'administration, mais aussi devant les tribunaux administratifs, malgré le caractère contradictoire de cette procédure. D'ailleurs, il serait compatible avec le principe de la bonne foi d'admettre que la réserve n'est pas applicable à telle ou telle autorité en raison de son organisation, mais bien plutôt des fonctions qu'elle exerce, en l'occurrence des fonctions administratives.
cc) C'est avec raison que l'autorité intimée a considéré pouvoir faire application de la réserve faite au sujet de l'art. 6 CEDH et a admis qu'en Suisse "le droit disciplinaire relève du droit administratif et les autorités qui l'appliquent exercent une compétence administrative".
5. a) Le recourant se plaint de violations "de son droit d'être entendu (art. 4 Cst.) en relation avec l'exigence d'un procès équitable au sens de l'art. 6 de la Convention européenne des droits de l'homme". Il ne cite aucune disposition de droit cantonal et ne dit pas non plus en quoi le principe d'un procès équitable énoncé à l'art. 6 CEDH lui accorderait des garanties - en ce qui concerne le droit d'être entendu - plus étendues que celles qui, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, découlent directement de l'art. 4 Cst. C'est donc uniquement dans le cadre de l'art. 4 Cst. et des règles de procédure qui en sont déduites directement qu'il faut examiner - avec libre cognition (ATF 106 Ia 74 consid. 2, 162 consid. 2a) - le moyen tiré d'une prétendue violation du droit d'être entendu.


BGE 109 Ia 217 (233):

b) Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, l'art. 4 Cst. garantit, en principe, au citoyen non seulement en procédure civile ou pénale, mais aussi en procédure administrative, le droit d'être entendu avant que ne soit prise une décision qui le touche dans sa situation juridique (ATF 106 Ia 162 consid. 2b et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral déduit plusieurs prétentions de ce droit constitutionnel, telles que le droit pour le justiciable de s'expliquer avant qu'une décision ne soit rendue à son détriment, celui de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision, celui d'avoir accès au dossier, celui de participer à l'administration des preuves, d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos, celui de se faire représenter et assister et celui d'obtenir une décision de la part de l'autorité compétente (ATF 101 Ia 296 consid. 1d). Toutefois, le Tribunal fédéral a précisé qu'il fonde sa jurisprudence sur la situation concrète pour définir le droit d'être entendu tiré de l'art. 4 Cst. Ce droit constitue, d'une part, un moyen d'instruire l'affaire et, d'autre part, un droit de la partie - en rapport avec sa personnalité - de participer au prononcé de décisions qui lèsent sa situation juridique. Le droit d'être entendu n'existe pas pour lui-même, mais est étroitement lié à la justification au fond (ATF 107 Ia 185 consid. 3c et les références citées).
c) En l'espèce, le recourant a été informé non seulement de l'ouverture d'une procédure disciplinaire, mais encore des faits reprochés et des dispositions légales dont la violation pouvait être envisagée. Avant même de comparaître devant la Cour plénière du Tribunal cantonal, le recourant a été invité à présenter ses observations écrites et ses requêtes en administration de preuve; en outre, au cours de l'audience devant l'autorité intimée, il a eu l'occasion de s'expliquer et son mandataire a été en mesure de plaider librement. Il ne saurait dès lors prétendre être victime d'une violation du droit d'être entendu au sens strict, c'est-à-dire du droit de tout justiciable de s'expliquer avant le prononcé de la décision qui le touche; il ne se plaint d'ailleurs nullement d'une telle violation.
En revanche, le recourant reproche aux autorités intimées de n'avoir pas donné suite à toutes ses requêtes en administration de preuves. Or, selon la jurisprudence, l'art. 4 Cst. garantit au plaideur le droit de faire administrer une preuve pertinente, offerte en temps utile et dans les formes prescrites; le juge viole ce droit lorsque, sans raisons objectives, il dénie d'emblée toute pertinence

BGE 109 Ia 217 (234):

à un moyen de preuve qui est offert (ATF 106 II 171 consid. 6b et les références citées).
Dans sa lettre du 25 novembre 1982, Me de Dardel - mandataire autorisé du recourant - avait demandé que la Chambre des avocats procède à l'audition de huit témoins. La Chambre des avocats a entendu, au cours de son audience du 1er décembre 1982, quatre de ces témoins ainsi que deux témoins convoqués par le Président de la Chambre, mais aucun procès-verbal n'a été établi de cette audition des témoins. Dans sa lettre du 10 janvier 1983, Me de Dardel a demandé l'audition, par la Cour plénière du Tribunal cantonal, des huit témoins cités dans sa lettre du 25 novembre 1982, précisant que "tous les témoins présentés doivent être entendus, car il appartient à mon mandant - et non à ses juges - de choisir ses moyens de défense". Or, par lettre du 18 janvier 1983, le Président du Tribunal cantonal a rejeté cette demande (sauf en ce qui concerne un avocat et un banquier dont l'audition était admise), considérant que "ces réquisitions de témoins, renouvelant pour l'essentiel celles du 25 novembre 1982 auxquelles il a été donné suite de manière suffisante, ne justifient - ni à la forme, ni au fond - aucun récolement ni l'audition d'autres témoins". Dans la décision attaquée, la Cour plénière du Tribunal cantonal relève que le recourant n'a pas dit "en quoi l'état de fait révélé par les preuves déjà administrées serait lacunaire ou douteux".
Certes, selon la jurisprudence, l'autorité ne peut pas arbitrairement écarter certains témoignages, mais, dans le cas particulier, il faut admettre que la Cour plénière du Tribunal cantonal pouvait considérer comme suffisante l'audition de témoins à laquelle la Chambre des avocats avait procédé. Il est vrai qu'aucun procès-verbal de cette audition ne figurait au dossier et que, selon une jurisprudence, le fait de ne pas verbaliser les témoignages recueillis et de ne pas - à tout le moins - en donner un résumé dans la décision constituerait une violation du droit d'être entendu si les faits sur lesquels a porté l'administration des preuves (vision locale ou audition de témoins) devaient jouer un rôle important dans la décision (ATF 106 Ia 75 consid. 2a). Mais, dans sa lettre du 10 janvier 1983 ou dans son mémoire de recours, le mandataire du recourant n'a même pas allégué que tel fût le cas; en soi, le fait - mentionné dans le mémoire de recours - que le recourant aurait, au cours du procès "Lausanne bouge", comparé les agissements des autorités vaudoises à ceux de la maffia n'est,

BGE 109 Ia 217 (235):

de toute évidence, qu'un élément tout à fait secondaire. Il est dès lors sans grande importance que la cour plénière du Tribunal cantonal ait relevé que "le dénoncé a comparé en audience publique les autorités judiciaires vaudoises à la maffia italienne" alors que, dans le procès-verbal des débats du Tribunal correctionnel du district de Lausanne, il est dit que "l'avocat Schaller déclare qu'il y a dans le canton de Vaud des hommes politiques qui se comportent comme la démocratie chrétienne et la maffia". L'essentiel est de constater qu'en réalité, l'autorité intimée a retenu, à la charge du recourant, d'autres manquements graves aux règles déontologiques et que ces faits ne sont pas contestés par le recourant.
Il en résulte que le moyen tiré d'une prétendue violation du droit d'être entendu - au sens large du terme - n'est pas fondé, pas plus que le reproche, que le recourant adresse à la Cour plénière du Tribunal cantonal, de n'avoir pas ordonné l'apport des dossiers pénaux "Rambert" et "Lausanne bouge": le procès-verbal des débats de ce procès qui s'est déroulé devant le Tribunal correctionnel du district de Lausanne figurait au dossier dans la procédure disciplinaire; cela suffisait largement pour permettre à l'autorité intimée de connaître les faits reprochés au recourant.
Le recours est ainsi mal fondé et ne peut être que rejeté.