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Urteilskopf

104 Ib 141


25. Arrêt du 12 juillet 1978 dans la cause Division fédérale de la justice contre X. S.A. et consorts et Conseil d'Etat du canton du Valais.

Regeste

Erwerb von Grundstücken durch Personen im Ausland. Berechtigtes Interesse. Art. 2 lit. e, Art. 6 Abs. 2 lit. a Ziff. 3, Art. 6 Abs. 3 BewB.
1. Der Bewilligungspflicht unterliegt ein langfristiger Mietvertrag, durch den einer ausländischen Gesellschaft praktisch die wirtschaftliche Verfügungsmacht über ein Grundstück übertragen wird (E. 1).
2. Nur das auf Dauer gerichtete Interesse des Bewerbers zum eigenen Betrieb eines Gewerbes (hier: Hotellerie) rechtfertigt eine Bewilligung zum Liegenschaftserwerb; einer ausländischen Gesellschaft ist die Bewilligung zu verweigern, ein solches Recht auf wirtschaftliche Nutzung an Dritte zu übertragen (E. 3).
3. Bewilligung, erteilt an Personen im Ausland, zum Erwerb von Zweitwohnungen, die in erster Linie dem persönlichen Aufenthalt dienen sollen; der Gebrauch solcher Wohnungen kann nicht im Rahmen eines langfristigen Mietvertrages auf Jahre hinaus einer ausländischen Gesellschaft überlassen werden. Vermögensanlage (E. 4).

Sachverhalt ab Seite 142

BGE 104 Ib 141 S. 142
Le 15 novembre 1976, la société X. S.A. a signé deux contrats lui conférant l'usage et l'exploitation d'un grand complexe immobilier situé dans la station touristique de N. Le premier contrat porte sur l'ensemble des logements et studios, y compris tous les équipements matériels, meubles et objets mobiliers qui les garnissent; il a été passé avec la société A. S.A., qui groupe les copropriétaires - étrangers - des appartements et des studios. Le second contrat, qui porte sur les locaux généraux et le complexe parahôtelier, a été passé avec la société B. S.A., qui en est propriétaire et qui a son siège en Suisse, mais qui est considérée comme dominée par des personnes domiciliées à l'étranger; les autorisations d'acquérir accordées à cette dernière société en 1970 et 1972 avaient été grevées d'une interdiction d'aliéner pendant dix ans et d'un contrôle des loyers.
Les deux contrats conféraient à X. S.A. le droit exclusif à l'usage et l'exploitation, d'une part, des appartements et studios (sauf quatre semaines par année si les propriétaires privés le demandaient), d'autre part des locaux généraux et du complexe parahôtelier. Ils étaient conclus pour une durée minimum de 15 ans, avec tacite reconduction de 5 ans en 5 ans; ils prévoyaient un loyer annuel minimum de 300'000 francs pour les appartements et studios, de 100'000 francs pour les locaux généraux et le complexe parahôtelier, montants qui augmenteraient dès la 4e année.
Considérant l'acquisition des droits découlant des deux contrats comme assujettie au régime de l'autorisation en vertu de l'art. 2 let. e de l'arrêté fédéral sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger (AFAIE), le Service juridique du registre foncier du canton du Valais a refusé l'autorisation en vertu de l'art. 6 al. 1 AFAIE.
BGE 104 Ib 141 S. 143
Le Conseil d'Etat du canton du Valais ayant accordé l'autorisation à la suite de recours des trois Sociétés intéressées, la Division fédérale de la justice a formé contre la décision du Conseil d'Etat un recours de droit administratif. Le Tribunal fédéral a admis ce recours et refusé définitivement l'autorisation.

Erwägungen

Considérant en droit:

1. Dans son recours au Conseil d'Etat, X. S.A. avait conclu principalement à ce que les deux contrats ne soient pas assujettis au régime de l'autorisation et subsidiairement à ce que l'autorisation soit accordée. Ayant obtenu gain de cause sur sa conclusion subsidiaire, elle n'avait pas de raison de recourir contre la décision du Conseil d'Etat. Mais comme la Division fédérale de justice conteste la légalité de l'autorisation accordée par le Conseil d'Etat, X. S.A. peut soulever, en sa qualité d'intimée, la question préalable du principe de l'assujettissement; le fait qu'elle n'ait pas elle-même recouru ne saurait être interprété comme une renonciation à contester ledit principe.
Quoi qu'il en soit, le Tribunal fédéral doit examiner d'office si les actes en cause sont assujettis au régime de l'autorisation; en effet, il n'est pas lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 OJ).
a) L'art. 2 let. e AFAIE assimile à l'acquisition de la propriété sur des immeubles - soumise à autorisation - l'acquisition de droits résultant notamment d'actes fiduciaires, de baux à loyer ou à ferme, d'opérations de crédit qui, par leur contenu ou leur étendue, permettent d'atteindre un but économique analogue à celui d'une acquisition d'immeubles ou de droits sur des immeubles au sens des lettres a à d.
Dans son message du 25 octobre 1972, le Conseil fédéral a dit que cette lettre e - laquelle prévoyait, selon le projet soumis aux chambres, de tenir compte des baux d'une durée supérieure à cinq ans - "est une disposition générale qui s'inspire de l'article 226 m alinéas 1 et 2 CO en matière de vente par acomptes; elle s'en écarte en tablant moins sur la volonté des parties que sur les faits eux-mêmes... Un bail à loyer ou à ferme peut ainsi vider de sa substance le droit de propriété lorsqu'il porte sur une durée de plus de cinq ans - avec ou sans annotation au
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registre foncier au sens des articles 260 et 282 CO et de l'article 959 CC - ou qu'il prévoit le paiement anticipé du loyer pour la durée du contrat" (FF 1972 II p. 1251 et 1252). Les Chambres fédérales ont admis le bien-fondé de ces considérations. Devant le Conseil des Etats, le rapporteur de la Commission a précisé à ce sujet que l'énumération des divers genres de contrats n'est pas exhaustive: ce qui compte, ce n'est pas le genre de contrat, mais l'étendue et le contenu des droits que le contrat confère. En outre, la durée du bail n'est pas en soi décisive. Dans ce sens, le professeur Jeanprêtre avait dit devant la Commission: "Pour que ce soit un "Umgehungsgeschäft", il faut que le droit obtenu permette d'atteindre un but économique analogue à une acquisition d'immeubles. Autrement dit, un bail de vingt ans n'est pas nécessairement une opération destinée à éluder la loi." C'est pourquoi, sur proposition de sa Commission, le Conseil des Etats a décidé de supprimer, dans le texte de l'art. 2 let. e AFAIE, la mention d'une durée du contrat de bail. Cependant, contrairement à l'opinion exprimée par M. Bolla, le rapporteur de la Commission a donné la précision suivante: "Um diesbezüglich keine Missverständnisse aufkommen zu lassen, beantragt die Kommission, die Vertragsdauer von mehr als fünf Jahren zu streichen. Die Bewilligungspflicht soll damit nicht etwa abgeschwächt werden. Es wird vielmehr der Charakter von Buchstabe e als Generalklausel gegen Umgehungsgeschäfte betont" (BO CE 1973 p. 16). Par ailleurs, il convient encore de relever que le Conseil National a rejeté, de manière très nette, une proposition qui tendait à introduire dans cette clause générale l'élément subjectif de l'intention (d'éluder la loi). Le législateur a ainsi clairement et expressément confirmé l'avis du Conseil fédéral selon lequel il ne faut pas tabler sur la volonté des parties, mais sur les faits eux-mêmes. Il s'agit donc de savoir si, par le contenu et l'étendue des droits qu'il confère au preneur, le bail est de nature à permettre d'atteindre un but économique analogue à celui d'une acquisition d'immeubles (voir BO CN 1972 p. 2218 ss, notamment 2221).
b) En l'espèce, le fait que les contrats de bail ont été conclus le 15 novembre 1976 pour une durée minimum de 15 ans (renouvelable de 5 ans en 5 ans dès le 1er décembre 1991) n'est pas en soi suffisant pour justifier l'application de l'art. 2 let. e AFAIE. Il n'en reste pas moins que cette longue durée joue un certain rôle dans l'appréciation de la situation.
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Dès le 1er décembre 1976 et pour au moins 15 ans, X. S.A. s'est vu conférer "le droit exclusif à l'usage et à l'exploitation, en son nom et sous sa responsabilité", de tout le complexe touristique de N., sans aucune restriction ni réserve. "Elle pourra notamment faire occuper les unités d'hébergement par ses clients et/ou par les clients de sa ou de ses filiales, recruter et diriger le personnel et, d'une manière générale, assurer toutes les activités directes ou connexes nécessaires à l'exploitation, sous la seule réserve de se conformer aux lois et règlements de police en vigueur ainsi qu'au règlement de copropriété de l'immeuble" (art. 2 al. 2 des deux contrats). De plus, X. S.A. a obtenu "le droit d'effectuer à sa charge et en prenant toutes mesures pour qu'il ne puisse être fait aucune réclamation au bailleur, tous travaux d'agrandissement et d'amélioration qu'elle jugerait nécessaires au bon usage de l'installation et/ou à l'exploitation de son activité". Il est vrai que le preneur "sera tenu d'en avertir le bailleur", mais en cas de refus de ce dernier, "il pourra passer outre; il devra alors en fin de bail remettre les lieux en état" (art. 13 al. 2, 3 et 4 des deux contrats). Enfin, selon l'art. 15, X. S.A. "aura la faculté de sous-louer tout ou partie de l'installation" (al. 1) et "dans les mêmes conditions, elle aura le droit de sous-louer, sous réserve de la législation existante, sans l'autorisation du bailleur, des emplacements de terrain ou des constructions à titre précaire, à des commerçants pouvant faciliter l'exploitation de l'installation; le produit de ces sous-locations sera acquis à X. S.A.
c) Si l'on tient compte de la puissance économique de X. S.A. - qui est évidente face aux sociétés A. S.A. et B. S.A. -, il faut bien admettre que les deux contrats de bail conclus le 15 novembre 1976 confèrent à cette organisation de séjours de vacances des droits qui, par leur contenu et leur étendue, lui permettent de se comporter pratiquement comme le propriétaire (économique) de l'ensemble du complexe hôtelier et parahôtelier de N. A cet égard, la brochure publicitaire éditée au nom de la société Y. - une filiale de X. S.A. - est particulièrement significative. C'est en vain que, dans ses observations, X. S.A. prétend vouloir se comporter en locataire et non comme le propriétaire économique; d'ailleurs, sur le plan juridique, l'intention ne compte pas dans l'application de l'art. 2 let. e AFAIE. Ce qui compte, c'est qu'en fait les droits de copropriété sur les "hébergements" et sur les locaux généraux sont
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pratiquement vidés de leur substance. Non seulement les copropriétaires d'appartements ou de studios n'ont plus la possibilité de faire usage de leur résidence secondaire (sauf pendant 4 semaines par année, étant alors traités comme les autres clients), mais encore ils se trouvent privés de leur droit de disposition, car on ne voit pas comment ils pourraient faire usage de leur droit de dénoncer le bail - contrat auquel ils ne sont pas partie - selon l'art. 259 al. 2 CO.
d) C'est donc à bon droit que les autorités cantonales ont déclaré applicable la disposition de l'art. 2 let. e AFAIE. En soumettant les droits découlant des deux contrats conclus le 15 novembre 1976 au régime de l'autorisation, elles n'ont violé aucune disposition de droit fédéral; elle n'ont pas non plus commis un abus ou un excès de leur pouvoir d'appréciation. La conclusion principale des intimées doit donc être rejetée.

2. La recourante soutient que le Conseil d'Etat a violé des dispositions du droit fédéral en accordant à X. S.A. l'autorisation d'acquérir les droits découlant des deux contrats de bail conclus le 15 novembre 1976 avec les sociétés A. S.A. et B. S.A. C'est là une question juridique que le Tribunal fédéral examine librement, sans être lié par les motifs invoqués par les parties (art. 114 al. 1 in fine OJ).
Selon l'art. 6 al. 1 AFAIE, l'autorisation doit être accordée si l'acquéreur prouve un intérêt légitime à l'acquisition. Tel est notamment le cas, aux termes de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE, "lorsque l'immeuble en cause servira à l'acquéreur entièrement ou pour une part importante à abriter l'établissement stable d'une entreprise faisant le commerce, exploitant une fabrique ou exerçant quelque autre industrie en la forme commerciale, sans que des locaux d'habitation soient détournés de leur affectation".
En l'espèce, ces conditions générales doivent être considérées comme réalisées. Il est clair que X. S.A. et sa filiale, la société de gestion immobilière Y., sont des entreprises qui exercent une activité commerciale, au sens des art. 52 ss ORC. On doit aussi constater qu'elles ont la faculté d'obtenir l'autorisation d'exercer cette activité dans le complexe hôtelier et parahôtelier de N.: selon une communication verbale émanant du Service des concessions et patentes de l'Etat du Valais, la concession accordée pour cette exploitation pourrait être transférée à X. S.A. (voir décision du 24 décembre 1976, p. 6). Il est vrai qu'on
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ignore si cette dernière ou sa filiale fait l'objet d'une inscription au registre du commerce en Suisse; mais cela n'est pas décisif, car il serait facile de satisfaire à cette condition - que semble poser l'art. 13 al. 1 de l'ordonnance du Conseil fédéral du 21 décembre 1973 sur l'acquisition d'immeubles par des personnes domiciliées à l'étranger (OAIE) - en faisant inscrire une succursale. Par ailleurs, il convient de relever que, si le fait pour une personne physique de mettre le logement qu'elle a acquis à la disposition d'une organisation exploitant une entreprise d'hébergement ne constitue pas un établissement stable (art. 13 al. 4 let. c OAIE), l'acquisition de droits sur des immeubles par une organisation qui exploite une entreprise d'hébergement - ce qui est manifestement le cas en l'espèce - doit être considérée comme servant à l'exploitation d'un établissement stable (art. 13 al. 5 OAIE). Enfin, on ne peut pas dire qu'en mettant les appartements et les studios à la disposition de ses clients pour leurs séjours de vacances, X. S.A. détourne des locaux d'habitation de leur affectation: faisant partie d'un complexe touristique situé loin de toute agglomération, ces appartements et studios ne peuvent, de toute façon, être utilisés que comme résidences secondaires, pour des séjours de vacances.
Il en résulte logiquement qu'en vertu de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE, X. S.A. peut se prévaloir - en ce qui la concerne, tout au moins - d'un intérêt légitime à l'acquisition de droits sur le complexe touristique de N. qu'elle entend exploiter. Dans sa décision du 24 décembre 1976, le Chef du Service juridique du registre foncier l'avait déjà admis. Cela ne signifie cependant pas que l'autorisation de conclure les contrats de bail doive être accordée. Il s'agit en effet d'examiner encore si les propriétaires actuels - personnes domiciliées à l'étranger - peuvent valablement conférer à X. S.A., tout en respectant l'intérêt légitime pour lequel l'autorisation d'acquérir leur avait été accordée, le droit exclusif d'exploiter leurs locaux.

3. Il n'est pas contesté que la société B. S.A. - société anonyme ayant son siège en Suisse - a le statut d'une personne domiciliée à l'étranger au sens de l'art. 1er AFAIE, étant financièrement dominée par des personnes qui ont leur domicile ou leur siège à l'étranger (art. 3 let. c AFAIE). C'est d'ailleurs à ce titre qu'elle a sollicité et obtenu, en 1970 et 1972, l'autorisation d'acquérir les parts de copropriété sur les locaux généraux -ou
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commerciaux - qui forment le complexe hôtelier ou parahôtelier de N. L'autorisation lui a donc été accordée, en vertu de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE, en vue d'exploiter ce complexe hôtelier et parahôtelier; elle a été grevée non seulement d'une interdiction d'aliéner pendant 10 ans, mais encore d'une charge relative au contrôle des locations.
a) Par le contrat de bail signé le 15 novembre 1976, B. S.A. n'a pas transféré ses droits de copropriété, mais a conféré à X. S.A. le droit exclusif à l'usage et à l'exploitation de tous les locaux commerciaux; X. S.A. entend exploiter ces locaux commerciaux en son nom et sous sa responsabilité. B. S.A. n'a donc pas transgressé l'interdiction d'aliéner; il ne semble pas non plus qu'elle ait violé la charge du contrôle des locations, car l'autorité compétente ne lui a pas interdit toute location, mais seulement soumis à un certain contrôle les locations de magasins (dont la société B. ne peut évidemment pas assurer elle-même la gestion).
b) Mais la question essentielle qui se pose en l'espèce est de savoir si une personne domiciliée à l'étranger - ou considérée comme telle, ce qui est le cas de B. S.A. - peut valablement céder à autrui le droit d'exercer dans ses locaux l'activité commerciale pour laquelle elle avait obtenu l'autorisation de les acquérir, en vertu de l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE.
Dans le système de l'arrêté fédéral, l'autorisation d'acquérir n'est accordée que si elle est justifiée par un intérêt légitime. Mais cet intérêt doit être durable, et non seulement exister au moment de la demande et de l'octroi. C'est ce que le Tribunal fédéral a déjà relevé dans l'arrêt Sofindex du 11 octobre 1974 (ATF 100 Ib 462) et c'est pour assurer le caractère sérieux et durable de cet intérêt que l'arrêté fédéral prévoit des charges, à mentionner au registre foncier (cf. art. 6 al. 4 AF 1961, art. 6ter AF 1970 et art. 8 AF 1973, ainsi qu'art. 17 OAIE), avec les conséquences pénales qu'entraîne l'inobservation de ces charges (art. 25 AF 1973).
c) Il est vrai qu'à l'époque aucune charge n'a été inscrite pour assurer l'affectation des locaux acquis par B. au but indiqué par l'acquéreur. Mais cela ne veut pas dire qu'en l'absence de charges mentionnées au registre foncier, l'acquéreur soit libre d'affecter son immeuble à d'autres fins que celle qui a justifié l'octroi de l'autorisation. Dans ce sens, la Commission fédérale de recours avait déjà dit, sous l'empire de
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l'ancien texte, que l'art. 6 al. 3 let. b AF 1961 (devenu dès 1970 l'art. 6 al. 2 let. b) suppose que l'acquéreur exploitera lui-même l'entreprise à quoi doit servir l'immeuble à acquérir (décision du 11 novembre 1964, RNRF 1965 p. 233 consid. 2; cf. aussi ATF 102 Ib 136 consid. 2b); cette jurisprudence a été consacrée par le législateur dès la révision de 1970, qui précise que l'immeuble doit servir "à l'acquéreur" (cf. FF 1969 II p. 1400). Il s'agit là d'une condition essentielle, qui non seulement doit être remplie au moment de l'octroi de l'autorisation, mais que l'acquéreur doit respecter de manière durable. Il est significatif à cet égard que l'ordonnance du 21 décembre 1973 précise qu'en règle générale, les charges visant à assurer l'affectation de l'immeuble au but indiqué par l'acquéreur sont pour le moins, dans le cas visé à l'art. 6 al. 2 let. b AFAIE, non seulement l'interdiction d'aliéner l'immeuble pendant 10 ans, mais en outre l'obligation - non limitée dans le temps - d'utiliser l'immeuble essentiellement pour abriter l'établissement stable d'une entreprise exploitée par l'acquéreur (art. 17 al. 2 let. b ch. 1 et 2 OAIE). Certes, cette disposition n'est pas directement applicable au cas présent puisque c'est en 1970 et 1972 que les autorisations ont été accordées à la société B. S.A., mais on peut tout de même voir dans ce texte réglementaire édicté en 1973 la confirmation d'une règle fondamentale de l'AFAIE, selon laquelle l'acquéreur étranger doit exploiter lui-même l'entreprise à l'exploitation de laquelle sert l'immeuble en cause. Par ailleurs, le fait pour l'acquéreur de ne plus exploiter lui-même son entreprise revient pratiquement à faire de l'acquisition - autorisée à l'époque - un placement de capitaux, qui ne peut pas être considéré comme un intérêt légitime apte à justifier une telle acquisition (art. 6 al. 3 AFAIE).
d) Il est vrai que les charges mentionnées au registre foncier peuvent être révoquées si l'exécution en paraît impossible en raison d'une modification des circonstances ou se trouve être d'une rigueur excessive (art. 17 al. 4 OFAIE); il doit en aller de même d'une obligation d'exploiter qui n'a pas fait l'objet d'une charge expresse et mentionnée au registre foncier. Mais, en l'espèce, B. S.A. n'a pas demandé formellement d'être libérée d'une telle obligation ni surtout tenté de démontrer que l'exécution de cette obligation serait devenue impossible ou d'une rigueur extrême pour elle. Les quelques allusions faites aux difficultés économiques rencontrées dans l'exploitation de ses
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locaux commerciaux sont trop vagues pour justifier une dérogation.
e) En conclusion, il n'est donc pas possible d'accorder à B. S.A. l'autorisation - qu'elle sollicite elle-même - de céder à X. S.A. le droit d'exploiter à sa place les locaux qu'elle a pu acquérir dans le complexe touristique de N.

4. En ce qui concerne les hébergements (appartements et studios) qui font l'objet du contrat de bail signé par A. S.A., le dossier ne contient pas d'indication relative aux dates où les autorisations ont été accordées. Mais la décision du 24 décembre 1976 précise - et cette précision n'a été contredite par personne - que "les propriétaires étrangers d'appartements et de studios ont été autorisés sur la base de l'art. 6 al. 2 let. a ch. 3 de l'AF du 23 mars 1961". Or la forme de cette disposition est celle que lui a donnée la novelle du 24 juin 1970. Il faut en conclure que les autorisations ont été accordées postérieurement à l'entrée en vigueur de cette novelle au 1er janvier 1971 (l'arrêt pénal publié aux ATF 102 IV 53 parle d'ailleurs de ventes qui ont eu lieu "notamment en 1971 et 1972"). Il en résulte que ces appartements et studios n'ont pu être acquis par des étrangers comme résidence secondaire que pour servir, en premier lieu, au séjour personnel de l'acquéreur ou à celui des membres de sa famille. Pour l'autorité compétente, il ne pouvait donc être question d'accorder l'autorisation à des étrangers qui entendaient se réserver la possibilité de céder à une organisation d'hébergement, contre paiement d'un loyer, le droit d'utiliser en permanence leurs résidences secondaires. Une telle location pour une longue durée correspond à un placement de capitaux, lequel ne peut constituer un intérêt légitime, même s'il n'y a pas spéculation ni recherche d'une source sûre de revenus (ATF 102 Ib 28 consid. 2). Or le Tribunal fédéral a jugé que, sous réserve d'exceptions non admises dans les cas visés à l'art. 6 al. 2 let. a et b AFAIE, l'autorisation doit être refusée, en vertu de l'art. 6 al. 3, aux acquisitions qui servent à placer des capitaux (ATF 102 IV 55 consid. Ib).
Certes, il n'est pas possible d'interdire toute location (cf. arrêt non publié du 2 mars 1977, Bignami c. Commission vaudoise de recours en matière foncière). D'ailleurs, le législateur ne l'exige pas puisque, aux termes de l'art. 6 al. 2 let. a AFAIE, l'immeuble doit servir "en premier lieu" - et non pas exclusivement - au séjour de l'acquéreur ou de sa famille. Mais la
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location, par un étranger, de sa résidence secondaire doit tout de même demeurer dans des limites raisonnables; on peut notamment l'admettre, par exemple, dans la mesure où le loyer encaissé ne fait que couvrir les charges financières et les frais d'entretien de l'immeuble.
Ces limites raisonnables sont largement dépassées en l'espèce, où les propriétaires étrangers renoncent pratiquement pendant 15 ans au moins à utiliser leur appartement comme résidence secondaire personnelle (sous réserve de la possibilité de l'occuper quatre semaines par année), et tirent de cette location un profit non négligeable. A cela ne change rien le fait que la pratique admette que la condition générale de l'art. 6 al. 2 let. a (utilisation, au premier chef, pour le séjour de l'acquéreur ou de sa famille) est réalisée dans la mesure où les intéressés occupent leur résidence secondaire au moins trois semaines par an, comme le relève la décision du 24 décembre 1976; en effet, même si une telle pratique est admise, elle n'implique pas l'autorisation de louer une telle résidence en permanence pendant tout le reste de l'année.
Il est vrai que les propriétaires étrangers pourraient revendre leurs appartements, puisque aucune interdiction d'aliéner ne leur a été imposée, semble-t-il. On pourrait en déduire qu'ils peuvent aussi les louer, en vertu du principe "qui peut le plus peut le moins". Mais la location aux conditions prévues par le contrat passé par A. S.A. le 15 novembre 1976 revient à faire, des acquisitions autorisées à l'époque, des placements de capitaux, ce qui ne saurait être admis en vertu de l'art. 6 al. 3 AFAIE.
Ainsi le contrat de bail du 15 novembre 1976 signé par A. S.A. et X. S.A. ne peut pas non plus être autorisé.

5. Comme ni A. S.A. ni B. S.A. ne peuvent être autorisées à céder les droits prévus par les deux contrats du 15 novembre 1976, c'est à tort que le Conseil d'Etat a accordé l'autorisation requise, de sorte que sa décision du 20 juillet 1977 doit être annulée et que la demande d'autorisation doit être rejetée.

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