BGE 97 I 344
 
49. Extrait de l'arrêt du 19 mai 1971 dans la cause Fondation de famille de Zurich - de Reynold contre Conseil d'Etat du canton de Fribourg.
 
Regeste
Ersatzabgabe für die Verminderung des Kulturlandes (Art. 5 Abs. 2 EGG).
Anwendung dieses Grundsatzes auf die vom Kanton Freiburg erhobene Ersatzabgabe (Erw. 2 b).
Art. 46 Abs. 2 EGG ermächtigt die Kantone nicht, eine solche Abgabe auf dem Verordnungswege einzuführen (Erw. 3).
 
Sachverhalt


BGE 97 I 344 (345):

Résumé des faits:
A.- L'art. 2 de la loi fribourgeoise d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, du 25 novembre 1952, est ainsi conçu:
"En cas de vente entraînant une diminution de l'aire agricole, le canton prélève, à raison de la diminution de la surface productive, un montant compensatoire en espèces, calculé au mètre carré et destiné à un fonds d'amélioration foncière.
Le Conseil d'Etat précise, dans un règlement d'application, les détails de cette perception."
Le Conseil d'Etat a édicté, les 8 janvier et 2 mars 1954, un règlement d'exécution, qui ne contient aucune disposition relative au montant compensatoire prévu à l'art. 2 de la loi d'application. Il a en outre édicté successivement quatre règlements d'exécution des art. 1er et 2 de ladite loi d'application, chacun des trois derniers abrogeant celui qui l'avait précédé.
Le troisième règlement, édicté le 19 décembre 1967 et entré en vigueur le 1er janvier 1968, s'applique à tous les actes d'aliénation postérieurs à cette dernière date; il prévoit que pour tout acte d'aliénation de terrains productifs entraînant une diminution de l'aire agricole, le canton prélève une taxe compensatoire en espèces, selon un barème fondé sur le prix de vente au m2, à payer par moitié entre l'aliénateur et l'acquéreur. Le montant de la taxe s'élève à 30 ct. par m2 (mais au maximum à la moitié du prix d'aliénation) lorsque le prix de vente ne dépasse pas 5 fr. par m2; il est de 40 ct. par m2 lorsque le prix de vente est compris entre 5 fr. 01 et 10 fr. par m2, et augmente ensuite régulièrement de 20 ct. par m2 chaque fois que le prix de vente augmente de 5 fr. par m2, de sorte que, pour le montant supérieur de chaque palier, la taxe est égale à 4% du prix de vente. Le montant maximum de la taxe est cependant fixé

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à 3 fr. par m2 et s'applique lorsque le prix de vente dépasse 70 fr. par m2. Les taxes perçues sont versées à la Caisse de l'Etat, pour constituer un fonds d'améliorations foncières, dont l'utilisation est du ressort du Conseil d'Etat.
B.- La fondation de famille de Zurich-de Reynold (en abrégé: la Fondation) est propriétaire sur le territoire des communes de Fribourg et de Villars-sur-Glâne de terrains qu'elle donne à ferme. Elle a vendu un certain nombre de parcelles distraites de ces fonds. Le 12 septembre 1968, le conservateur du registre foncier de Fribourg lui a adressé un bordereau l'invitant à verser des montants compensatoires de 12 904 fr. 40 au total, résultant de quatre ventes conclues le 10 juillet 1968 avec des particuliers. Cette réclamation se fondait sur l'art. 5 al. 2 LPR et sur les dispositions cantonales d'exécution; elle portait sur la moitié des montants prévus par ces dispositions, l'autre moitié allant à la charge des acquéreurs.
La Fondation a recouru au Conseil d'Etat contre le bordereau notifié par le conservateur du registre foncier. Elle a été déboutée par arrêté du 20 mars 1970, notifié le 21 avril 1970.
C.- Agissant par la voie du recours de droit public, la Fondation requiert le Tribunal fédéral d'annuler l'arrêté du Conseil d'Etat du 20 mars 1970. Elle se plaint de violation des art. 4 Cst., 45 lit. d et m et 52 lit. a de la constitution fribourgeoise, soutenant en substance que la réglementation fribourgeoise de la taxe compensatoire est contraire au principe de la séparation des pouvoirs.
Le Tribunal fédéral a admis le recours.
 
Considérant en droit:
2. Le législateur fribourgeois a posé, à l'art. 2 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur le maintien de la propriété foncière rurale, le principe du prélèvement d'un montant compensatoire en cas de diminution de la surface productive résultant d'un acte d'aliénation (art. 5 al. 2 LPR). Selon l'alinéa 2 du même article, le Conseil d'Etat précise, dans un règlement d'application, les détails de cette perception. Se fondant sur cette délégation, l'autorité exécutive a édicté notamment le règlement du 19 décembre 1967. La recourante tient cet acte normatif, de même que la délégation sur laquelle il se fonde, pour inconstitutionnels. Ce moyen est recevable. Certes, la loi

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et le règlement ne peuvent plus être attaqués comme tels, le délai de l'art. 89 OJ étant échu. Leur constitutionnalité peut toutefois être remise en cause à l'occasion d'un acte d'application (RO 95 I 4 consid. 2; 371 consid. 3).
a) Selon une jurisprudence constante, les contributions publiques ne peuvent être perçues qu'en vertu de la loi (RO 80 I 327; 82 I 27/28; 83 I 87; 84 I 93; 85 I 84, 278/279; 87 I 14; 88 I 34/35; 91 I 176 consid. 3, 254 consid. 3; 92 I 47; 93 I 333, 634 ss.; 95 I 251 lit. a, 325); seuls font exception les simples émoluments de chancellerie, que l'autorité exécutive peut fixer dans une ordonnance d'exécution, même sans que le législateur l'y ait spécialement habilitée (RO 93 I 635 et les références). Ce principe - cas particulier du principe général de la réserve de la loi - s'applique dans tout Etat fondé sur le droit et notamment dans tous les cantons suisses, quand bien même il ne figurerait pas expressément dans la constitution cantonale (RO 82 I 27/28, 84 I 93, précités); en le méconnaissant, la collectivité publique viole en effet l'art. 4 Cst. (RO 95 I 325, précité). Pour le canton de Fribourg, la règle résulte du reste de l'art. 45 lit. d Cst. cant. et n'est pas contestée.
A moins que le droit cantonal n'en dispose autrement (cf. RO 91 I 462/463), la notion de loi doit être entendue ici au sens matériel et non au sens formel, de sorte qu'elle englobe toute norme générale et abstraite fixant les droits et obligations des administrés et édictée par un organe compétent selon les règles du droit public (RO 88 I 34/35, 176). La réserve de la loi n'exclut pas par elle-même la délégation législative.
Cependant, à peine de vider la règle de sa substance, la loi formelle doit à tout le moins définir les limites dans lesquelles l'autorité délégataire devra user du pouvoir qui lui est délégué. Selon la jurisprudence précitée, le législateur doit fixer luimême les conditions et la mesure de l'impôt (cf. notamment RO 91 I 176 consid. 3, 254 consid. 3 et les citations; 92 I 47). Il est vrai que ce principe n'a pas été expressément repris dans les arrêts relatifs à l'impôt à la source (RO 88 I 31 ss.; 93 I 330 ss.). Il y est cependant implicitement contenu. L'impôt à la source supplée les impôts ordinaires sur le revenu. Le cadre dans lequel l'autorité délégataire doit exercer son pouvoir est ainsi défini par référence à ces impôts ordinaires. Dans la mesure où les deux arrêts précités disent autre chose, ils ne peuvent être confirmés.


BGE 97 I 344 (348):

Dans un arrêt récent, le Tribunal fédéral s'est demandé s'il n'y aurait pas lieu d'assouplir l'exigence d'une base légale formelle en matière d'émoluments (RO 97 I 204 consid. 5 b). La question peut encore rester indécise, les contributions aujourd'hui en cause n'ayant pas le caractère d'émoluments.
b) En l'espèce, le législateur cantonal a purement et simplement abandonné au Conseil d'Etat la compétence de fixer les conditions et la mesure de la taxe compensatoire. Le Conseil d'Etat a usé de cette compétence en édictant successivement quatre règlements d'application, qui reflètent clairement l'imprécision de la délégation. L'autorité exécutive a pu successivement désigner comme contribuable l'acquéreur, puis le vendeur et l'acquéreur, puis à nouveau l'acquéreur; elle a pu fixer tout d'abord un taux unique de 10 ct. par m2, puis porter ce taux à 20 ct., puis prévoir une contribution allant de 30 ct. à 3 fr. par m2, selon le prix de vente. Une délégation aussi peu précise n'est pas compatible avec la réserve de la loi. Le législateur lui-même aurait dû tout au moins désigner le contribuable, fixer le montant maximum de l'impôt et prévoir, le cas échéant, le principe et les modalités de la progression. C'est donc à bon droit que la recourante se plaint d'une violation du principe de la séparation des pouvoirs, grief qui se confond avec celui du défaut de base légale. Si le règlement du 19 décembre 1967 - au demeurant abrogé - ne peut plus être annulé, la décision attaquée, qui se fonde sur lui, doit être cassée. Il est dès lors superflu d'examiner les autres moyens soulevés par la recourante et notamment de rechercher si la constitution fribourgeoise proscrit la délégation législative, de manière générale ou en matière de contributions publiques.