BGE 92 II 243
 
37. Arrêt de la Ire Cour civile du 21 juin 1966 dans la cause Besse contre Matières minérales SA
 
Regeste
Anfechtung von Generalversammlungsbeschlüssen einer Aktiengesellschaft. Art. 706 OR.
2. Genehmigung einer Bilanz, die möglicherweise Minderheitsaktionäre schädigt, weil sie eine in ihrem Bestand zweifelhafte, zu Gunsten von Mehrheitsaktionären oder von mit solchen im Einvernehmen stehenden Dritten begründete Schuld enthält: Die Anfechtungsklage gegenüber den Beschlüssen der Generalversammlung ist unzulässig, wenn sie sich auf einen Sachverhalt stützt, der Gegenstandeiner Verantwortlichkeitsklage gegen die Gesellschaftsorgane bilden kann (Erw. 2).
3. Wirkung des Rückzugs oder des Verzichts in bezug auf eine beim Nachlassvertrag im Konkurs in den Kollokationsplan aufgenommene Forderung, wenn die auf diese entfallende Dividende nach der Genehmigung des Nachlassvertrags in der Bilanz der Gesellschaft wieder erscheint (Erw. 3).
 
Sachverhalt


BGE 92 II 243 (244):

A.- La société Matières minérales SA, à Brigue, a été fondée le 19 juillet 1946 par Michel Gabella, Louis de Loys et Amédée Bosi, qui en furent les premiers administrateurs. Le capital, divisé en 100 actions nominatives de 500 fr, fut libéré à concurrence des 2/5. Le 26 avril 1947, Georges Besse acquit 25 titres de Bosi et de Loys, bien qu'il connût la libération partielle des actions et la situation difficile de la société, dont il était lui-même créancier en raison de divers prêts.
La faillite ayant été prononcée le 12 août 1949, un état de collocation fut dressé le 17 novembre 1950. Le passif s'élevait à 231 383 fr. 65 et comprenait des créances contestées. S'y ajoutèrent par la suite quatre productions d'un montant total de 32 000 fr. 60, dont l'une émanait de Besse (9000 fr.). Aucune créance ne figurait à l'actif.
En cours de faillite, Bosi réussit à mener à chef un concordat, homologué le 8 avril 1954. Un dividende de 10% fut attribué à 18 des 52 créanciers colloqués en 5e classe. Les autres avaient retiré leurs productions (Rückzug) ou renoncé au paiement de leur part (Verzicht). En effet, engagés comme cautions solidaires de la société, Bosi et Gabella préférèrent régler eux-mêmes ou reprendre à leur compte certaines dettes sociales, moyennant quittance et subrogation, ou cession. C'est ainsi que le premier

BGE 92 II 243 (245):

devint créancier de la société pour un montant de 103 804 fr. (outre un premier avoir de 18 000 fr.) et le second pour une somme de 25 996 fr. Au nombre des retraits figurait la production de Besse, qui a connu les paiements et les reprises de dette.
Depuis l'homologation du concordat (qui a entraîné la révocation de la faillite, art. 195 LP), l'administration de la société s'est bornée à comptabiliser des frais généraux et à tenter - vainement - de récupérer une créance contre la maison italienne SAMIP. Mais au cours de l'exercice 1962, apparurent subitement au bilan les dividendes concordataires, avec intérêts durant cinq ans, afférents aux créances de Besse, Bosi et Gabella. A la même époque, l'administration décidala libération complète des actions. Besse refusa de s'exécuter, prétextant la compensation avec l'entier de sa créance (9000 fr.).
A l'assemblée générale du 16 juillet 1964, le rapport de gestion et les comptes des exercices 1962 et 1963 furent approuvés, et décharge fut donnée à l'administration, malgré l'opposition de l'actionnaire minoritaire Besse. Ces votes furent acquis grâce aux voix afférentes aux actions représentées par les administrateurs eux-mêmes.
B.- Statuant le 26 novembre 1965 sur une demande de Besse et sur les conclusions libératoires et reconventionnelles de la société défenderesse, le Tribunal cantonal valaisan a
1) constaté la validité des décisions du 16 juillet 1964 en tant qu'elles approuvent le rapport de gestion du conseil d'administration et les comptes des exercices 1962 et 1963;
2) condamné Besse à libérer le solde de ses actions;
3) ordonné la dissolution de la société après la libération totale du capital et le paiement des dettes;
4) déclaré irrecevables des conclusions tendant à la mainlevée d'une opposition du demandeur, et
5) mis les frais à la charge de ce dernier.
Dans ses considérants, la Cour cantonale estime que l'art.695 CO, applicable à la décharge, ne vise pas en revanche l'approbation des comptes et du rapport de gestion (BÜRGI, no 3 ad art. 695 CO). Touchant le second, la décision attaquée ne viole aucune disposition légale, ni les statuts. Quant au bilan, l'incorporation des créances contestées met en cause la participation au concordat et ses effets: ni les créanciers originaires, ni Bosi ou Gabella n'ont renoncé à leurs droits envers la société.


BGE 92 II 243 (246):

C.- Agissant par la voie du recours en réforme, Besse prie le Tribunal fédéral de réformer le jugement cantonal dans la mesure seulement où il entérine l'approbation du rapport de gestion et du bilan, et met les frais de la première instance à sa charge (points 1 et 5 du dispositif). L'intimée conclut au rejet du recours.
 
Considérant en droit:
b) Déterminée par les droits contestés dans la dernière instance cantonale selon les conclusions des parties (art. 46 OJ), la valeur litigieuse est donnée, car l'intérêt de la société (RO 75 II 152; 66 II 48; 54 II 19) consistait dans la libération du solde des actions du recourant (7500 fr.) et l'élimination au passif du bilan d'un montant de 18 925 fr. 20.
On ne saurait dès lors attaquer l'approbation du bilan que si ce dernier est établi en violation de la loi ou des statuts (RO 81 II 463 sv.). Il en est ainsi, par exemple, lorsque le bilan (y compris l'état des dettes) n'est pas sincère ni complet, clair et facile à consulter (art. 662 al. 2, 957 et 959 CO), quand un rapport des contrôleurs n'a pas été soumis à l'assemblée, si enfin le bénéfice n'a pas été exactement indiqué au détriment de certains actionnaires ou encore si la répartition décidée est contraire à la loi ou aux statuts (RO 72 II 296; 54 II 23 sv.). Tel n'est pas le cas, en revanche, lorsqu'on prétend que le bénéfice eût été plus élevé (ou la perte moins lourde) si l'administration avait traité différemment certaines transactions, notamment si elle n'avait pas conclu des contracts au-dessous des prix du marché avec les actionnaires de la majorité au dam de la société et des actionnaires minoritaires: une demande fondée sur l'art. 706 CO est irrecevable lorsqu'elle repose sur un état de fait qui pourrait donner lieu à une action en responsabilité contre les organes de la société (art. 754 CO), même si le demandeur prétend n'être pas en mesure d'imputer à quelqu'un une faute déterminée ni d'administrer la preuve d'un

BGE 92 II 243 (247):

dommage, et qu'il entend seulement établir au préalable les circonstances qui mettront en lumière la responsabilité de certains membres des organes de la société.
La présente espèce n'incline pas à modifier cette jurisprudence. Sans doute, la solution qui en découle peut paraître moins évidente au premier abord lorsque l'inscription d'une dette au bilan lèse des actionnaires minoritaires parce que l'obligation est constituée en faveur de sociétaires majoritaires ou de tiers qui agissent en collusion avec eux. En effet, l'action prévue par l'art. 706 CO tend principalement à protéger l'actionnaire contre un abus de la majorité (BÜRGI, no 26 ad art. 706; SCHLUEP, RSJ 1958 p. 212; GADOW-HEINICHEN, Grosskommentar der Praxis, 2e éd., no 11 ad § 197), dans la mesure où celle-ci se sert des règles d'organisation de la société pour réaliser des fins contraires au bien social, pour faire passer des intérêts particuliers avant les intérêts généraux de la société et de l'ensemble de ses membres (RO 82 II 150). On ne saurait écarter cette difficulté en adoptant un critère subjectif, et entrer en matière lorsque le demandeur établit - ou du moins prétend - que l'on a voulu porter atteinte aux droits sociaux (et que la société ou lui-même subit un préjudice si la dette n'existe pas). Mais si l'art. 706 CO fonde l'action sur la seule violation objective de la loi ou des statuts, non sur un dol spécial, il n'en demeure pas moins que le bilan doit être sincère. Encore qu'il mentionne à juste titre les dettes éventuelles ou douteuses, même lorsque l'évaluation de leur montant est malaisée ou incertaine, il ne rend point en revanche un compte exact de l'état des dettes (art. 957 et 959 CO) quand l'administration y inscrit une obligation qu'elle sait fictive ou dont elle connaît l'inexistence ou l'extinction manifestes. On n'est pas en présence d'une telle opération lorsque le créancier peut faire valoir des arguments et que les organes sociaux se rangent à son avis ou que, nourrissant des doutes, ils ne s'y opposent pas avec une énergie suffisante. Ce n'est pas alors sur le terrain de l'action en annulation des décisions de l'assemblée générale que le débat, dont le créancier est en toute hypothèse absent, doit être porté. Il faut s'en prendre à l'acte critiquable de l'administration, qui n'a pas défendu avec la diligence requise les intérêts de la société. (Cf. PATRY, Semaine judiciaire 1963, p. 81 sv., notamment p. 103; F. v. STEIGER, Das Recht der

BGE 92 II 243 (248):

Aktiengesellschaft in der Schweiz, 3e éd., 1966, p. 211; v. également JdT 1941 I 626; RSJ 1940/41 p. 158; Basler juristische Mitteilungen 1963 p. 163).
Selon le jugement attaqué, certains créanciers désintéressés par Bosi et Gabella ont renoncé au dividende concordataire et les autres ont retiré leurs productions. Constatant la volonté dite interne des parties, distincte de l'interprétation juridique que le juge - et partant le Tribunal fédéral - en donne, la Cour cantonale déclare que ni les créanciers originaires, ni leurs successeurs n'ont renoncé à leurs droits contre la société intimée.
Pour apprécier les mentions portées à l'état de collocation ("Verzicht", "Rückzug"), on pourrait songer à assimiler l'homologation d'un concordat, parce qu'elle entraîne la révocation de la faillite (art. 195 al. 1 LP), au retrait par tous les créanciers colloqués de leurs productions, retrait qui déploie le même effet. Or la déclaration écrite d'un créancier attestant, quelle que soit la formule employée, qu'il retire sans réserve ni condition sa production n'emporte pas renonciation à la créance elle-même (FAVRE, p. 319; RSJ 21 p. 41). Ce n'est là qu'un indice, tiré d'une analogie assez lointaine. Il reçoit toutefois quelque appui par des considérations plus adéquates.
Ainsi, l'adhésion d'un créancier à un projet de concordat ordinaire ne saurait, en règle générale, valoir remise de dette dans le cas où le concordat n'arrive pas à chef; dans le doute, la déclaration s'entend sous la condition implicite de l'homologation (RO 42 III 77). De même, si le concordat homologué n'est pas exécuté, on peut interpréter différemment les renonciations partielles impliquées par l'adhésion au concordat et la renonciation totale d'un créancier, suivant les raisons qui ont déterminé celui-ci; on doit donner à la renonciation totale le

BGE 92 II 243 (249):

sens que les créanciers concordataires ont pu normalement lui prêter (RO 64 II 277). Ces précédents s'en tiennent donc à la portée de la déclaration du créancier, interprétée selon les principes habituels en la matière. Si l'on s'engage dans cette voie en l'espèce, il apparaît que le retrait de la production et la renonciation au paiement du dividende, encore qu'ils emportassent la perte de certains avantages (notamment des garanties suffisantes promises par le débiteur: art. 306 al. 2 ch. 2 LP), et de la faculté de demander la révocation du concordat s'il n'était pas exécuté à temps, ne constituaient une remise définitive que si les parties étaient convenues d'éteindre la dette (art. 115 CO). Cette extinction ne se présume pas. En cas de litige, le juge civil décide. Le fardeau de la preuve incombe au débiteur, respectivement à celui qui - comme le recourant - se place "obliquement", en raison du procès qu'il intente, dans la situation du débiteur.
Cette preuve n'est certes pas rapportée en l'espèce. Sans doute, un indice sérieux résulte de l'absence d'une inscription de la dette dans les comptes de la société pendant les huit exercices qui suivirent la révocation de la faillite, et la plupart des attestations des paiements subrogatoires et des cessions ne datent que de 1962. Mais Bosi et Gabella expliquent qu'ils ont agi tardivement pour éviter une libération du capital funeste aux autres actionnaires et parce qu'ils espéraient réaliser la créance contre SAMIP. Au demeurant, d'autres éléments d'appréciation inclinent à penser que les dettes litigieuses n'ont pas été remises. Tout d'abord, la loi subroge la caution aux droits du créancier à concurrence de ce qu'elle a payé (art. 507 CO). Ensuite, la possibilité pour Bosi et Gabella d'éteindre par compensation leur obligation de libérer totalement leurs actions (art. 80 ORC) fait apparaître bien peu sensée et invraisemblable une éventuelle renonciation de leurs auteurs, qui prirent certainement langue avec eux à ce sujet. Enfin, le recourant lui-même entendait compenser sa propre obligation correspondante avec sa créance de 9000 fr., qu'il a aussi retirée: c'est prétendre pour le moins le dividende afférent à cette créance, qui partage naturellement le sort des droits cédés aux administrateurs.
Dans ces circonstances, et bien que le dossier ne révèle aucune trace d'un sursis accordé à la société intimée, le moins que l'on puisse dire est que le sort des créances contestées par le recourant n'est pas évident. L'inexistence de la dette de l'intimée

BGE 92 II 243 (250):

n'est pas manifeste. Si l'on comprend que le créancier minoritaire songe à critiquer la décision que l'administration a prise au nom de la société, on ne peut parler de l'inscription d'un poste comptable fictif, partant de l'approbation d'un bilan manifestement inexact. La voie à suivre était celle de l'action en responsabilité fondée sur l'art. 754 CO, car l'assemblée générale n'a pas abusé de ses pouvoirs pour créer un traitement différentiel que les intérêts de la société ne justifiaient pas.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Rejette le recours et confirme le jugement attaqué dans le sens des considérants.