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Original
 
Urteilskopf

130 II 236


21. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Wang et consorts contre Office des juges d'instruction fédéraux (recours de droit administratif)
1A.4/2004 du 3 mai 2004

Regeste

Internationale Rechtshilfe in Strafsachen gegenüber Frankreich; Art. 1a, 28 und 67a IRSG; Art. 2, 14 und 15 EUeR; Art. XIII und XIV des Zusatzabkommens mit Frankreich (SR 0.351.934.92); Art. 10 und 23 GwÜ.
Die Einrede, die zu übermittelnden Unterlagen unterstünden in Frankreich der militärischen Geheimhaltung, kann den schweizerischen Behörden, welche einem französischen Rechtshilfegesuch stattgeben, nicht entgegen gehalten werden (E. 4.1, 4.2 und 4.5); das gilt auch für die Vereinbarung über die Geheimhaltung im Bereich der Beziehungen zwischen den Armeen der beiden Länder (E. 4.3).
Tragweite von Äusserungen der ersuchenden Behörde zur Übermittlung der streitigen Dokumente (E. 4.4).
Übermittlungswege bei Rechtshilfeersuchen zwischen der Schweiz und Frankreich (E. 5).
Unaufgeforderte Übermittlung von Informationen, welche den Geheimbereich nach Art. 67a IRSG betreffen (E. 6.1 und 6.2).
Anforderungen an den Inhalt eines an einen ausländischen Staat gerichteten Rechtshilfeersuchens (E. 6.3).
Das Fehlen des nach Art. 67a Abs. 6 IRSG erforderlichen Protokolls hat im vorliegenden Fall keine Auswirkungen (E. 6.4).

Sachverhalt ab Seite 237

BGE 130 II 236 S. 237
Le Juge d'instruction fédéral conduit une procédure pénale des chefs de blanchiment d'argent, de défaut de vigilance en matière d'opérations financières et de faux dans les titres. Ces délits auraient été commis en relation avec des faits de corruption qui auraient entaché la vente par la société française Thomson de six frégates à la Marine de la République de Chine (Taïwan), selon un contrat passé le 31 août 1991.
Le 2 octobre 2001, le Juge d'instruction a présenté aux autorités de Taïwan une demande d'entraide portant sur la remise de documents relatifs à la négociation et à la conclusion du contrat des frégates, ainsi qu'au versement de commissions y relatives. Parallèlement, le Juge d'instruction a adressé des demandes d'entraide aux autorités de la France et du Liechtenstein.
Le 27 mars 2002, les autorités taïwanaises ont remis au Juge d'instruction les pièces d'exécution de la demande du 2 octobre 2001.
BGE 130 II 236 S. 238
Le 26 novembre 2001, la Délégation culturelle et économique de Taipei à Berne a remis à l'Office fédéral de la justice (ci-après: l'Office fédéral) une demande d'entraide, du 6 novembre 2001, présentée par Lu Ren-fa, Procureur général auprès de la Cour suprême de la République de Chine, pour les besoins de la procédure pénale ouverte contre des officiers supérieurs de la Marine, prévenus d'avoir, en échange de pots-de-vin versés par Thomson, favorisé l'achat des frégates à un prix surfait. Quant à Wang Chuan-pu, il est poursuivi des chefs d'escroquerie, de corruption, de blanchiment d'argent et de meurtre. Intervenant pour le compte de Thomson dans la négociation du contrat de vente des frégates, il est soupçonné d'avoir établi des contacts étroits avec les officiers impliqués, et de leur avoir versé des commissions pour le compte de Thomson, à titre de rétribution pour leur rôle dans la conclusion du contrat. Thomson aurait payé des pots-de-vin pour un montant total de 3'000'000'000 FRF, dont une partie aurait été acheminée sur des comptes bancaires en Suisse. Wang Chuan-pu était également soupçonné d'être mêlé à l'homicide de Yin Chin-feng, officier de marine qui avait refusé de se laisser corrompre dans une affaire d'acquisition d'armement pour les frégates. La demande tendait à la remise de la documentation concernant tous les comptes bancaires détenus ou contrôlés par Wang Chuan-pu et les membres de sa famille, ainsi qu'à la remise de tout document utile tiré de la procédure pénale en Suisse.
Le 13 novembre 2001, le Procureur général près la Cour d'appel de Paris a transmis au Procureur général du canton de Genève une demande d'entraide, établie le 7 novembre 2001 par le Juge Van Ruymbeke pour les besoins de la procédure ouverte contre inconnus du chef d'abus de biens sociaux et de recel d'abus de biens sociaux. Cette demande se rapportait à plusieurs documents relatifs au contrat du 31 août 1991 et aux modalités de paiement du prix des frégates, qui avaient fait naître le soupçon que des dirigeants de Thomson auraient soudoyé des responsables taïwanais pour obtenir que le contrat soit conclu pour un prix largement surfait. Des montants de 500'000'000 USD auraient été versés, par l'intermédiaire de Wang, soit 400'000'000 USD à des Taïwanais et 100'000'000 USD à des représentants du Parti communiste chinois, afin de prévenir tout incident diplomatique entre la France et la République populaire de Chine, qui aurait fait capoter l'affaire. La demande tendait à la saisie conservatoire des fonds que les membres de la famille
BGE 130 II 236 S. 239
Wang détiendraient en Suisse. Le 25 août 2003, le Juge Van Ruymbeke a indiqué que la demande portait également, de manière implicite, sur la remise de la documentation relative aux comptes saisis.
Au terme de ses investigations, le Juge d'instruction a ordonné la saisie notamment de quarante-six comptes bancaires, détenus par Wang Chuan-pu, des membres de sa famille ou des sociétés qu'ils contrôlent, ainsi que la remise de la documentation y relative. Ont été bloqués des fonds pour un montant total équivalent à 494'885'804.60 USD.
Le 28 novembre 2003, le Juge d'instruction a rendu une décision d'entrée en matière et de clôture partielle de la procédure d'entraide. Il a ordonné la transmission aux autorités françaises de la documentation relative aux comptes saisis; de la documentation concernant des sociétés dominées par les membres de la famille Wang; des pièces et de la correspondance se rapportant aux accords passés entre Thomson et les sociétés dominées par Wang Chuan-pu; des pièces concernant les montants payés par Thomson; du compte-rendu des déclarations faites le 28 septembre 2000 par un fils de Wang Chuan-pu; des pièces remises par les autorités de Taïwan en exécution de la demande d'entraide suisse; de deux tableaux des flux des fonds, ainsi que de la liste des comptes dont les membres de la famille Wang sont les titulaires ou ayants droit. Le Juge d'instruction a ordonné en outre le séquestre des fonds bloqués. Il a réservé le principe de la spécialité.
Contre cette décision, les membres de la famille Wang, ainsi que les sociétés impliquées, ont formé un recours de droit administratif, en demandant au Tribunal fédéral d'annuler la décision du 28 novembre 2003 et de rejeter la demande d'entraide. Ils invoquent les art. 1a, 2, 5, 8, 18, 27, 28, 29, 63, 64, 67a et 80b de la loi fédérale du 20 mars 1981 sur l'entraide internationale en matière pénale (EIMP; RS 351.1), ainsi que l'art. 301 CP.
Parallèlement au recours de droit administratif, les recourants sont intervenus le 8 janvier 2004 auprès du Département fédéral de justice et police pour qu'il constate que l'octroi de l'entraide à Taïwan compromettrait les intérêts essentiels de la Suisse au sens de l'art. 1a EIMP. Cette procédure est en cours.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure de sa recevabilité.
BGE 130 II 236 S. 240

Erwägungen

Extrait des considérants:

4. Selon les recourants, la protection du secret de la défense nationale française ("secret-défense") ferait obstacle à la remise de tout document concernant le contrat des frégates.

4.1 En France, la publication ou la divulgation à une personne non autorisée de données intéressant la défense nationale qui ont fait l'objet de mesures de protection destinées à en restreindre la diffusion est réprimée de l'emprisonnement et de l'amende (art. 413-9, 413-10 et 413-11 du Code pénal français). Les niveaux de classification, ainsi que la procédure, sont réglés par le décret n° 98-608 du 17 juillet 1998 (art. R. 413-6 CP fr.).
Les documents, informations et renseignements concernant le contrat des frégates sont couverts par le secret de la défense nationale. Dans le cadre de la procédure pénale ouverte en France, les Juges Van Ruymbeke et de Talancé ont demandé en vain la "déclassification" des pièces détenues par Thales, ainsi que des déclarations que pourraient faire les témoins (notamment les cadres ou anciens cadres de Thomson) au sujet du contrat des frégates.

4.2 Les recourants allèguent qu'il serait impossible de remettre aux autorités requérantes des pièces auxquelles le secret de la défense nationale leur interdirait l'accès.
Les dispositions pénales françaises relatives à la protection de la défense nationale ne sont pas opposables aux autorités suisses. Dès l'instant où la demande d'entraide ne contient aucune restriction quant à la nature des documents réclamés, l'autorité d'exécution doit accomplir fidèlement et complètement la mission qui lui est confiée. Il ne lui appartient pas de déterminer si une pièce ou information qu'elle communique à l'Etat requérant est, selon le droit de celui-ci, couverte par le secret de la défense nationale, et, dans l'affirmative, quelles en sont les conséquences pour l'exécution de la demande d'entraide.

4.3 Les recourants se prévalent de la Convention passée le 22 mars 1972 entre la Direction de la sécurité militaire française, d'une part, et la Section du maintien du secret auprès de l'Etat-major du Groupement de l'Etat-major général de l'armée suisse, d'autre part. Ce document, qui n'a pas fait l'objet d'une publication officielle, a pour but de protéger le secret de la défense nationale lors d'échange
BGE 130 II 236 S. 241
d'in formations, de documents ou de matériel entre la Suisse et la France (art. 1). La Convention établit une équivalence des niveaux de protection (art. 3). Les informations doivent être traitées selon les normes de l'Etat dont elles émanent (art. 4). L'accès à ces informations et leur communication à des Etats tiers sont subordonnés à l'accord de l'Etat d'origine (art. 5 et 7).
Cette Convention concerne uniquement l'échange d'informations entre les armées française et suisse, comme l'indiquent le titre et l'art. 1. Or, nul ne prétend que dans le cadre de la présente affaire, des documents auraient été échangés entre autorités militaires. Il ne serait guère concevable, au demeurant, que des services de l'armée puissent conclure avec l'étranger des accords dans le domaine de l'entraide judiciaire en matière pénale.

4.4 Les recourants contestent l'aval donné par le Juge Van Ruymbeke à la remise des pièces litigieuses.
Le 8 octobre 2003, le Juge d'instruction a indiqué à son homologue français qu'à son avis, les pièces remises par les autorités de Taïwan en exécution de la demande suisse d'entraide pourraient être utiles à la procédure pénale en France; partant, la remise de ces pièces entrait dans le cadre de l'exécution de la demande française. Il lui a demandé de se déterminer sur le point de savoir s'il consentait à la remise de la documentation en question.
Le 13 octobre 2003, le Juge Van Ruymbeke a répondu par l'affirmative, pour autant que les pièces à recevoir aient été régulièrement communiquées par les autorités de Taïwan pour l'exécution des demandes d'entraide suisses, indépendamment de la demande française. Cette dernière précaution ne relève pas de la clause de style, comme l'affirment les recourants. Elle souligne que la remise litigieuse ne vise pas à contourner l'obstacle lié au fait que la France n'a pas pu demander l'entraide à Taïwan dans l'affaire des frégates, faute d'entretenir avec elle des relations diplomatiques. Le Ministère public de Taïwan a également acquiescé, le 16 avril 2003, à ce que les annexes à la demande taïwanaise du 6 novembre 2001 soient transmises à des Etats tiers, et spécialement la France, avec l'agrément des autorités judiciaires de celle-ci. En agissant comme il l'a fait, le Juge d'instruction a pris toutes les précautions nécessaires pour agir en accord avec toutes les autorités étrangères intéressées.
Pour le surplus, l'argumentation selon laquelle l'entraide avec Taïwan est impossible parce qu'il ne s'agit pas d'un Etat reconnu,
BGE 130 II 236 S. 242
doit être rejetée pour les motifs indiqués dans l'arrêt rendu ce jour concernant également les recourants (ATF 130 II 217).

4.5 Ceux-ci prétendent que la remise de documents et d'informations couverts en France par le secret de la défense nationale serait de nature à compromettre les relations avec la France. Ils invoquent dans ce contexte l'art. 1a EIMP, aux termes duquel cette loi est appliquée en tenant compte de la souveraineté, de la sûreté, de l'ordre public ou d'autres intérêts essentiels de la Suisse. L'art. 2 let. b de la Convention européenne d'entraide judiciaire en matière pénale du 20 avril 1959 (CEEJ; RS 0.351.1), applicable en l'espèce, a la même portée.
C'est au Département fédéral de justice et police qu'il revient de décider si l'entraide doit être refusée pour l'un des motifs évoqués à l'art. 1a EIMP, selon l'art. 17 al. 1 de la même loi. Sa décision peut faire l'objet d'un recours administratif auprès du Conseil fédéral (art. 26 EIMP). Les recourants sont intervenus auprès du Département fédéral, en lui demandant de rejeter la demande d'entraide en application de l'art. 1a EIMP. La question de savoir si cette démarche exclut l'invocation de cette disposition à l'appui du présent recours peut rester indécise (cf. à ce propos, ROBERT ZIMMERMANN, La coopération judiciaire internationale en matière pénale, 2e éd., Berne 2004, n° 472; STEPHAN BREITENMOSER, Internationale Amts- und Rechtshilfe, in Peter Uebersax/Peter Münch/Thomas Geiser/ Martin Arnold [éd.], Ausländerrecht, Bâle 2002, n. 20.145 à 20.147), car le grief doit de toute manière être écarté.
Déterminer si les documents et informations transmis sont protégés par le secret de la défense nationale relève exclusivement des autorités françaises. La Suisse, qui a obtenu ces pièces et renseignements de Taïwan, avec la permission expresse de les remettre à des Etats tiers, dont la France, se borne à ce que les traités régissant l'entraide avec la France lui commandent de faire. L'Etat requérant ne saurait exiger de l'Etat requis d'appliquer en sa défaveur l'art. 2 let. b CEEJ qui a pour but de protéger l'Etat requis et non l'Etat requérant. Si les autorités françaises avaient voulu limiter l'entraide prêtée par la Suisse à ce qui ne tomberait pas sous le coup du secret de la défense nationale, il leur appartenait de le faire. Le Juge d'instruction a pris la précaution de donner l'occasion à l'autorité requérante de se prononcer sur ce point et la réponse qu'il a reçue est univoque. Le dommage qui pourrait résulter du dévoilement du
BGE 130 II 236 S. 243
se cret de la défense nationale ne pourrait être le fait que des autorités françaises elles-mêmes. La Suisse n'encourrait aucun reproche à cet égard.

5. Les recourants reprochent au Juge d'instruction d'avoir transmis des pièces au Juge Van Ruymbeke de manière irrégulière.

5.1 Dans le champ d'application de la CEEJ, les demandes d'entraide et les pièces d'exécution sont transmises de ministère à ministère (art. 15 par. 1 CEEJ). En cas d'urgence toutefois, elles peuvent être communiquées directement d'autorité judiciaire à autorité judiciaire (art. 15 par. 2 CEEJ). A propos de cette dernière disposition, la France a fait, au moment de ratifier la CEEJ, une réserve selon laquelle, même en cas d'urgence, une copie de la demande doit être adressée au Ministère de la justice. Pour ce qui concerne les relations entre la Suisse et la France, l'art. XIV par. 1 de l'Accord du 28 octobre 1996 entre le Conseil fédéral suisse et le Gouvernement de la République française en vue de compléter la CEEJ (RS 0.351.934.92; ci-après: l'Accord complémentaire) prévoit que les demandes sont adressées, en France, au Procureur général près la Cour d'appel dans le ressort de laquelle la demande doit être exécutée et, en Suisse, à l'autorité judiciaire compétente. Cette disposition spéciale l'emporte sur la règle générale posée à l'art. 15 par. 2 CEEJ, lu à la lumière de la réserve française. Elle ne fait aucune distinction entre les demandes qui sont urgentes et celles qui ne le sont pas. Dans le domaine de la Convention du 8 novembre 1990 relative au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la confiscation des produits du crime (CBl; RS 0.311.53), les demandes sont transmises par le canal de l'autorité centrale instituée par cette Convention spéciale (art. 23 par. 1 CBl; en France, le Ministère de la justice est l'autorité centrale, en Suisse, l'Office fédéral, selon les déclarations faites par les deux Etats à cette disposition). En cas d'urgence, les autorités judiciaires peuvent communiquer directement entre elles; en ce cas, l'autorité centrale de l'Etat requérant doit adresser une copie de la demande à l'autorité centrale de l'Etat requis (art. 24 par. 2 CBl).

5.2 Les recourants font valoir que le Juge d'instruction a, les 1er et 2 octobre 2001, transmis directement au Juge Van Ruymbeke une demande d'entraide complémentaire et des relevés bancaires, par le moyen de la télécopie. Il n'y a pas lieu de s'y arrêter, car ces communications ont été faites pour les besoins de la procédure P/8410/2001, laquelle est exorbitante du présent recours.
BGE 130 II 236 S. 244

5.3 Les recourants contestent également la transmission directe du Juge d'instruction à son homologue français de son courrier du 8 octobre 2003 (cf. consid. 4.4 ci-dessus). Cette intervention avait pour but de faire confirmer ou infirmer, par l'autorité requérante, son intérêt éventuel à recevoir, pour l'exécution de la demande d'entraide, des pièces remises à la Suisse par les autorités de Taïwan. Il ne s'agissait pas d'une demande d'entraide; partant, les art. 15 CEEJ et XIV de l'Accord complémentaire ne trouvaient pas à s'appliquer.
De toute manière, même à supposer que le Juge d'instruction ait agi irrégulièrement, les recourants ne pourraient rien en tirer à leur avantage. En effet, les règles relatives à l'acheminement des demandes ménagent uniquement la souveraineté de l'Etat requis; elles n'ont pas pour but de protéger la personne poursuivie, qui ne peut s'en prévaloir (arrêt 1A.262/1993 du 8 février 1994).

6. Les recourants reprochent au Juge d'instruction d'avoir transmis aux autorités françaises des moyens de preuve touchant au domaine secret, en violation de l'art. 67a al. 4 EIMP.

6.1 L'art. 67a EIMP est libellé de la manière suivante:
"1 L'autorité de poursuite pénale peut transmettre spontanément à une autorité étrangère des moyens de preuve qu'elle a recueillis au cours de sa propre enquête, lorsqu'elle estime que cette transmission:
a. est de nature à permettre d'ouvrir une poursuite pénale, ou
b. peut faciliter le déroulement d'une enquête en cours.
2 La transmission prévue à l'al. 1 n'a aucun effet sur la procédure pénale en cours en Suisse.
3 La transmission d'un moyen de preuve à un Etat avec lequel la Suisse n'est pas liée par un accord international requiert l'autorisation de l'office fédéral.
4 Les al. 1 et 2 ne s'appliquent pas aux moyens de preuve qui touchent au domaine secret.
5 Des informations touchant au domaine secret peuvent être fournies si elles sont de nature à permettre de présenter une demande d'entraide à la Suisse.
6 Toute transmission spontanée doit figurer dans un procès-verbal."
L'art. 67a EIMP s'inspire de l'art. 10 CBl, aux termes duquel, sans préjudice de ses propres investigations ou procédures, un Etat partie à cette Convention peut, sans demande préalable, transmettre à un autre Etat des informations sur les instruments et les produits (au sens de l'art. 1 CBl), lorsqu'il estime que la communication de ces
BGE 130 II 236 S. 245
informations pourrait aider l'Etat destinataire à engager ou à mener à bien des investigations ou des procédures, ou lorsque ces informations pourraient aboutir à la présentation, par l'Etat destinataire, d'une demande d'entraide fondée sur la CBl (quant aux rapports entre les art. 67a EIMP et 10 CBl, cf. ATF 129 II 544 consid. 3.5 p. 548/549).

6.2 Le 20 juin 2001, le Juge d'instruction a informé le Juge Van Ruymbeke du nouveau volet de son enquête concernant le contrat des frégates. Cette communication est intervenue dans le cadre de la procédure pénale nationale P/9740/1997. Elle a amené le Procureur de la République de Paris à ouvrir une procédure pénale en France, confiée au Juge Van Ruymbeke, et pour les besoins de laquelle celui-ci a demandé l'entraide à la Suisse, le 13 octobre 2001. La communication spontanée du 20 juin 2001 a été faite en application de l'art. 67a al. 1 let. a EIMP. Seules des informations pouvaient être transmises, à l'exclusion de moyens de preuve (art. 67a al. 4 et 5 EIMP).
Le courrier du 20 juin 2001 mentionne le contrat des frégates, le rôle reproché à Wang Chuan-pu, ainsi que l'existence de comptes détenus par les membres de sa famille auprès du Crédit Suisse et de la banque Leu à Zurich. Il s'agit là d'informations touchant au domaine secret, mais non de moyens de preuve (cf. ATF 129 II 544 consid. 3.4 p. 547/548; ATF 125 II 356 consid. 12c p. 367; ROBERT ZIMMERMANN, op. cit., n° 238).
Le 26 juin 2001, le Juge d'instruction a présenté aux autorités françaises une demande d'entraide pour les besoins de la procédure pénale nationale P/8410/2001. Il a complété cette demande le 1er octobre 2001. Dès l'instant où l'autorité suisse requiert l'entraide à l'étranger, il n'y a plus de place pour une transmission spontanée à l'Etat requis (ATF 129 II 544 consid. 3.2 p. 546/547). L'art. 67a EIMP ne trouvait pas à s'appliquer en l'occurrence.

6.3 Les recourants estiment toutefois que la communication du 1er octobre 2001 (ainsi qu'un document annexe transmis par télécopie le 2 octobre 2001), sous couvert d'une demande d'entraide, avait pour but de transmettre aux autorités françaises des moyens de preuve que celles-ci n'auraient pu obtenir, le cas échéant, qu'après l'entrée en force d'une décision de clôture. Ce grief se rapporte à une demande d'entraide suisse à l'étranger, entrée en force depuis plusieurs années, et que les recourants ne sauraient remettre en discussion dans le cadre du présent recours.
BGE 130 II 236 S. 246
De toute manière, le grief devrait être écarté.

6.3.1 La demande suisse adressée à l'étranger doit contenir un exposé des faits pour lesquels l'entraide est demandée (cf. en l'occurrence les art. 14 CEEJ, XIII de l'Accord complémentaire et 28 EIMP). Cet exposé doit rester prudent et se limiter à ce qui est nécessaire pour la compréhension et l'exécution de la demande (arrêt 1P.615/2000 du 7 novembre 2000, consid. 2b et les arrêts cités).

6.3.2 La demande complémentaire du 1er octobre 2001 avait pour but d'éclaircir la provenance de fonds acheminés sur les comptes des recourants, en particulier de montants très importants provenant de comptes ouverts auprès de banques françaises, dont le Juge d'instruction soupçonnait qu'ils puissent être détenus ou contrôlés par Thomson. Ce complément visait à obtenir la documentation relative à ces comptes. En annexe, le Juge d'instruction a joint la copie de vingt-quatre ordres de virement attestant les mouvements de fonds entre les comptes des recourants et ceux ouverts en France. Le 2 octobre 2001, le Juge d'instruction a transmis à son homologue français un tableau récapitulatif des mouvements suspects, en indiquant à chaque fois la provenance des fonds, leur montant, la date du transfert, le compte bénéficiaire en Suisse et le titulaire de celui-ci. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, ces indications étaient indispensables aux autorités de l'Etat requis pour s'assurer du caractère adéquat et nécessaire des investigations demandées par le Juge d'instruction.

6.4 Il semble que la transmission spontanée d'informations du 20 juin 2001 n'ait pas fait l'objet d'un procès-verbal, contrairement à ce que prévoit l'art. 67a al. 6 EIMP. Cela étant, on peut admettre qu'en joignant au dossier de la procédure pénale nationale P/9740/ 1997 la copie du courrier adressé à l'autorité étrangère, le Juge d'instruction a, d'un point de vue matériel, satisfait aux obligations que lui impose la loi à ce propos. En revanche, le dossier ne contient aucune indication qui confirmerait que la communication spontanée du 20 juin 2001 a été portée à la connaissance de l'Office fédéral, comme l'impose la jurisprudence (ATF 125 II 238 consid. 6d p. 249). Cette omission regrettable ne constitue toutefois qu'un défaut mineur qui ne remet pas en cause le bien-fondé de la démarche du Juge d'instruction.

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Erwägungen 4 5 6

Referenzen

BGE: 129 II 544, 130 II 217, 125 II 356, 125 II 238

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