BGE 123 III 433
 
66. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour civile du 25 septembre 1997 dans la cause C. contre Dame K. (recours en réforme)
 
Regeste
Art. 165 ZGB; ausserordentlicher Beitrag eines Ehegatten an den Unterhalt der Familie; Verwirkung.
 
Sachverhalt


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A.- Initialement soumis au régime matrimonial légal, les époux C. et K. ont conclu, le 21 décembre 1988, un contrat de séparation de biens. Selon cet accord, C. reconnaît notamment devoir à sa femme la somme de 76'000 fr. payable dès l'entrée en force d'un

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jugement de séparation de corps ou de divorce, moyennant quoi les époux considéreront leur régime matrimonial antérieur comme liquidé. Le contrat prévoit en outre que mari et femme contribuent, chacun pour une moitié, à l'entretien de la famille; il reproduit les alinéas 2 et 3 de l'art. 163 CC, ainsi que l'art. 165 CC dans son entier.
Le 17 novembre 1989, les époux ont signé une convention sur les effets accessoires en cas de divorce. Il y est stipulé que jusqu'à son départ du domicile conjugal, le mari contribuera aux charges du ménage conformément aux accords antérieurs des époux, et qu'il versera ensuite la somme de 3'000 fr. par mois pour l'entretien de sa famille. Aux termes de l'art. 6 de ce contrat, "le régime matrimonial a été liquidé, de sorte que les parties n'ont, sous réserve de la bonne exécution des dispositions de la présente convention, plus aucune prétention à faire valoir l'une contre l'autre à quelque titre que ce soit". C. a quitté le domicile conjugal à la fin de l'année 1989.
Par jugement du 22 novembre 1990, le Tribunal de première instance de Genève, statuant sur demande de l'épouse, a prononcé le divorce et ratifié les conclusions déposées par les parties le 15 novembre 1990. Cette décision ne fait aucune référence à la convention du 17 novembre 1989. Le dispositif "réserve les droits des parties en ce qui concerne la liquidation de leur régime matrimonial et l'exécution de la convention passée entre elles le 21 décembre 1988".
B.- Dame K. a fait notifier à C. un commandement de payer la somme de 76'000 fr., auquel le poursuivi a fait opposition. La mainlevée provisoire ayant été prononcée, ce dernier a intenté une action en libération de dette en invoquant la compensation avec les montants qu'il déclarait avoir payés en trop pour l'entretien du ménage entre le 21 décembre 1988 et son départ du domicile conjugal; il concluait dès lors à libération des fins de la poursuite dirigée contre lui et au paiement d'une somme de 123'537 fr. plus intérêts à 5% dès le 5 février 1991. La défenderesse s'est opposée à cette prétention, se prévalant notamment du fait que le demandeur ne l'avait pas émise devant le juge du divorce.
Statuant le 30 novembre 1995, après renvoi de la Cour de justice, le Tribunal de première instance, considérant le demandeur comme forclos, l'a débouté de toutes ses conclusions et dit que la poursuite intentée contre lui devait aller sa voie.
Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour de justice du 22 novembre 1996.
Le Tribunal fédéral a rejeté le recours en réforme interjeté par C. contre cet arrêt et contre l'arrêt de renvoi.
 


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Extrait des considérants:
4. Le recourant prétend que la Cour de justice a violé l'art. 165 al. 2 CC, en estimant que cette disposition ne pouvait plus être invoquée une fois le divorce prononcé. S'appuyant sur un avis de droit, il soutient que les prétentions résultant de l'art. 165 CC sont des créances ordinaires, soumises au droit des obligations quant à l'exigibilité et à la prescription. Selon le recourant, il s'ensuit que l'indemnité prévue par cet article peut être réclamée hors procès en divorce ou en liquidation de régime matrimonial, ou encore après la clôture de ceux-ci, pour autant que les délais de prescription prévus par le code des obligations soient respectés. C'est dès lors à tort que l'autorité cantonale l'a considéré comme forclos, faute pour lui d'avoir réclamé cette indemnité dans le cadre du divorce.
a) Selon l'art. 165 al. 2 CC, l'époux qui, par ses revenus ou sa fortune, a contribué à l'entretien de la famille dans une mesure notablement supérieure à ce qu'il devait a droit à une indemnité équitable. Dans son Message concernant la révision du code civil suisse - effets généraux du mariage, régimes matrimoniaux et successions - du 11 juillet 1979 (FF 1979 II p. 1179 ss, 1241), le Conseil fédéral a précisé ce qui suit:
"Les prétentions résultant de l'art. 165 CC sont des créances ordinaires. Elles sont soumises au droit des obligations quant à l'exigibilité et la prescription; pendant le mariage, elles ne se prescrivent pas (art. 134 al. 1 ch. 3 CO). En cas de divergence entre les époux ou leurs héritiers, le litige ressortit au juge ordinaire, non au juge des mesures protectrices de l'union conjugale."
Le recourant tente en vain de tirer argument de ce texte. Il convient en effet de mettre celui-ci en rapport avec l'avant-projet de la Commission d'experts pour la révision du droit de la famille (ci-après: AP), qui prévoyait que la créance d'un époux envers l'autre à raison d'une contribution extraordinaire aux charges du mariage devenait exigible au décès d'un conjoint, lors de l'introduction d'une demande en divorce, en séparation de corps ou en nullité de mariage, en cas de suspension de la vie commune, de saisie ou de faillite du débiteur et, enfin, lors de la cessation de l'activité lucrative à laquelle l'ayant droit avait prêté son aide (art. 167 al. 1 AP). Cette solution, semblable à celle de l'art. 334bis CC ("Lidlohn"), n'a pas été reprise par le Conseil fédéral; une proposition visant à la réintroduire dans la loi a d'ailleurs été rejetée par le Conseil des Etats

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(cf. BO 1981 CE 81/82; Andrea Prospero, Rapport entre l'art. 320 al. 2 CO et l'art. 165 CC, in Droit du travail et droit des assurances sociales, Questions choisies, Colloque de Lausanne 1994, p. 44 ss, 77 note 81).
Le texte invoqué par le recourant signifie donc que durant le mariage, la créance fondée sur l'art. 165 CC est exigible en tout temps (cf. notamment MARTIN STETTLER, Droit civil III, Effets généraux du mariage [art. 159-180 CC], Fribourg 1992, p. 73 no 151; BRÄM/HASENBÖHLER, Commentaire zurichois, n. 104 ad art. 165 CC). Quant à la prescription, le passage en question ne permet de poser que deux règles: empêchée durant le mariage, elle commence à courir dès la dissolution du lien conjugal. Il en résulte que les héritiers d'un époux qui voudraient invoquer une telle créance contre le conjoint survivant seraient tenus d'agir dans les délais de prescription ordinaires. En revanche, on ne saurait en déduire que l'indemnité équitable de l'art. 165 CC puisse être réclamée postérieurement au divorce. La précision du Conseil fédéral selon laquelle un éventuel litige ne relève pas de la compétence du juge des mesures protectrices de l'union conjugale mais du juge ordinaire, loin de corroborer la thèse du recourant, permet au contraire d'affirmer que le législateur n'a jamais envisagé la possibilité de se prévaloir de l'art. 165 CC après la dissolution du mariage, le juge des mesures protectrices n'étant à l'évidence pas compétent pour statuer sur quelque conflit que ce soit entre époux divorcés.
Le recourant cite en outre de nombreux auteurs, dont un seul toutefois défend effectivement sa thèse (GABI HUBER, Ausserordentliche Beiträge eines Ehegatten [art. 165 CC], Fribourg 1990, p. 303 ss). Les autres se limitent à reprendre les précisions du Message, sans en tirer aucune conclusion (cf. DESCHENAUX/STEINAUER, Le nouveau droit matrimonial, Berne 1987, p. 70/71; PETITPIERRE/DE MONTMOLLIN/GUINAND/HAUSHEER, Mariage: effets généraux II, Fiche juridique suisse no 104, p. 8; PAUL PIOTET, Le travail ou l'argent non dû légalement fourni par un des conjoints à l'autre ou à la communauté, in Revue de droit suisse, 108/1989, p. 328; MARTIN STETTLER, op.cit., p. 73/74 no 151; PIERRE WESSNER, La collaboration professionnelle entre époux dans le nouveau droit matrimonial, in Problèmes de droit de la famille, Neuchâtel 1987, p. 186 ss.; MARLIES et HEINZ NÄF-HOFMAN, Das Neue Ehe- und Erbrecht im Zivilgesetzbuch, 2e éd., Zurich 1989, p. 46 ss. nos 278 ss; ISABELLE AUGSBURGER-BUCHELI, La collaboration professionnelle entre époux au sens de l'art. 165 al. 1 CC in Le travail et le droit, Fribourg 1994, p. 217).


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b) Parmi les auteurs qui se prononcent réellement sur la question litigieuse - outre Gabi Huber déjà citée -, certains excluent, au nom du principe de l'unité de jugement de divorce et quel que soit le régime matrimonial des époux concernés, que la prétention résultant de l'art. 165 CC puisse être invoquée en justice après le divorce (BRÄM/HASENBÖHLER, Commentaire zurichois, n. 106 ad art. 165 CC). Selon un commentateur, le créancier de la prétention peut actionner le débiteur pendant la vie commune, lors de la séparation de fait, durant le procès en divorce ou en séparation de corps et lors de la liquidation de la succession de l'époux débiteur (FRANZ HASENBÖHLER, Kommentar zum schweizerischen Privatrecht, Schweizerisches Zivilgesetzbuch I, 1996, n. 25 ad art. 165 CC). D'autres recommandent de l'invoquer avec la liquidation du régime matrimonial, vu l'influence réciproque des deux prétentions, et précisent qu'une liquidation sans réserve pourrait être facilement interprétée comme une renonciation aux prétentions résultant de l'art. 165 CC (HAUSHEER/REUSSER/GEISER, Kommentar zum Eherecht, vol. I, Berne 1988, n. 50 ad art. 165 CC). HEGNAUER/BREITSCHMID sont d'avis qu'il convient d'exercer la prétention au plus tard lors de la dissolution du régime matrimonial (Grundriss des Eherechts, 3e éd., Berne 1993, p. 170 no 16.72).
Introduit lors de la révision du code civil suisse du 5 octobre 1984, en vigueur depuis le 1er janvier 1988, l'art. 165 CC figure dans le titre cinquième traitant des effets généraux du mariage. La créance résultant de cette disposition est ainsi une prétention d'ordre patrimonial qui ressortit au droit matrimonial (DESCHENAUX/STEINAUER, op.cit., p. 64; BRÄM/HASENBÖHLER, op.cit., n. 103 ad art. 165 CC). En vertu du principe - de droit fédéral - de l'unité du jugement de divorce, le juge doit régler dans une même décision le divorce et ses effets accessoires; la jurisprudence n'apporte une exception à ce principe que pour la liquidation du régime matrimonial, qui peut être disjointe et faire l'objet d'un procès séparé lorsque son résultat est sans influence sur les autres effets accessoires du divorce, notamment sur les prétentions à une rente selon les art. 151 ou 152 CC (ATF 113 II 97 consid. 2 p. 98/99 et les arrêts cités; cf. ég. POUDRET/MERCIER, L'unité du jugement de divorce et l'office du juge, in Mélange Paul Piotet, Berne 1990, p. 317 ss et les références). Cette possibilité ne dispense cependant pas les époux d'exercer dans le procès en divorce leurs prétentions résultant de la liquidation du régime.
c) Dans la mesure où le droit à une indemnité équitable prévu par l'art. 165 CC est une créance résultant du mariage, dont la

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reconnaissance et l'étendue peuvent dépendre d'autres effets accessoires du divorce, notamment d'éventuelles contributions d'entretien, le principe de l'unité du jugement de divorce vaut aussi en la matière. Dès lors que le juge ne peut dissocier cette question de celle du divorce, l'époux qui entend se voir indemniser pour cause de contribution extraordinaire à l'entretien de sa famille doit invoquer sa prétention au plus tard dans la procédure de divorce. Cette solution correspond d'ailleurs à la tendance actuelle dite du "clean break", selon laquelle le divorce doit constituer une coupure nette entre les conjoints et mettre fin aux liens de dépendance économique qui existent entre eux (cf. Message du Conseil fédéral concernant la révision du code civil suisse - état civil, conclusion du mariage, divorce etc. - du 15 novembre 1995, FF 1996 I 1 ss, spéc. 46). En l'espèce, l'autorité cantonale a constaté, de manière à lier le Tribunal fédéral (art. 63 al. 2 OJ), que le recourant n'avait allégué aucune prétention tirée de l'art. 165 CC durant le procès en divorce. Vu les principes exposés ci-dessus, il ne saurait s'en prévaloir pour la première fois dans le cadre d'une action en libération de dette ultérieure. Il doit donc être considéré comme forclos, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la convention du 21 décembre 1988 contient une réserve à ce sujet.