BGE 2 I 512 - Christ-Simener
 
114. Arrêt
du 15 Décembre 1876, dans la cause Christ-Simener, contre la Confédération.
 
Sachverhalt
Sous date du 31 Mars 1876, le Conseil fédéral a adressé à tous les Etats confédérés une circulaire ainsi conçue :
    "L'agence d'émigration Christ-Simener, à Genève, rue de l'Entrepôt, 11, a publié dans les journaux de la Suisse Occidentale une annonce par laquelle elle offre son intermédiaire aux personnes qui seraient désireuses d'émigrer pour la province brésilienne de Parana, et cela à des conditions fort avantageuses. Nous avons jugé à propos de prendre des renseignements ultérieurs sur l'agence en question et sur le degré de foi que l'on peut ajouter à ses offres. Le résultat de ces investigations est tel que l'on a ne peut avoir aucune confiance dans ces offres et qu'au contraire il est à craindre que ceux qui concluraient avec cette agence des contrats d'émigration ne soient exposés à de cruelles déceptions.
    En conséquence, nous estimons qu'il est de notre devoir d'attirer sur ces faits l'attention des Gouvernements cantonaux, afin qu'ils soient en mesure de dissuader, de la manière qu'ils jugeront la plus efficace, leurs ressortissants de conclure des contrats d'émigration en se basant sur l'annonce précitée."
Par demande du 25 Août suivant, Christ-Simener estimant que le Conseil fédéral lui a causé par cette publication un grave préjudice, et ce sans droits et sans motifs; que les autorités fédérales, comme toute autre personne, sont tenues de réparer tout fait qui, par leur faute, a causé préjudice à autrui, -- conclut, en vertu de l'art. 27 § 2 de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale du 27 Juin 1874, à ce qu'il plaise au Tribunal fédéral condamner la Confédération Suisse à lui payer avec dépens la somme de dix mille francs à titre de dommages intérêts et à publier le dit jugement de la même manière et dans les mêmes feuilles publiques où a été publiée la circulaire fédérale du 31 Mars susmentionnée.
Dans sa réponse du 1er Septembre 1876, le Conseil fédéral conteste la compétence du Tribunal fédéral, se fondant sur l'art. 34, 2me alinéa de la Constitution fédérale portant : "Les opérations des agences d'émigration et des entreprises d'assurance non instituées par l'Etat sont soumises à la surveillance et à la législation fédérales." Le Conseil fédéral estime que les questions relatives à cet article dans son ensemble sont réservées par la loi sur l'organisation judiciaire fédérale, art. 59, 8.; à la décision, soit du Conseil fédéral, soit de l'Assemblée fédérale; qu'en mettant en garde le public suisse contre les opérations d'une agence d'émigration, sur laquelle il avait de mauvais renseignements, il n'a fait qu'user du droit de surveillance prévu dans l'art. 34 susvisé: que dès lors l'Assemblée fédérale seule a le droit de statuer sur la mesure en question.
Dans sa réplique du 13 Octobre 1876, le demandeur maintient le point de vue de la compétence du Tribunal fédéral, combattu de nouveau dans la duplique du Conseil fédéral, des 27/29 du même mois.
 
Statuant sur ces faits et considérant en droit :
 
Erwägung 1
Sur la question de compétence :
 
Erwägung 2
2. C'est en vain que, pour contester cette compétence, le Conseil fédéral allègue que la circulaire visée par la demande est une conséquence de son droit de surveillance sur les agences d'émigration (art. 34 de la Constitution fédérale) et que l'action actuelle doit être traitée comme une question de droit public rentrant, aux termes de l'art. 59, 8. de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale, dans la compétence des autorités politiques de la Confédération, et ne pouvant être tranchée que par l'Assemblée fédérale.
 
Erwägung 3
 
Erwägung 4
L'exception d'incompétence soulevée par ce dernier ne saurait dès lors être accueillie.
 
Erwägung 5
5. La question que soulève le recours, de savoir si la Confédération est responsable des dommages causés à des tiers par ses fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, est régie par les dispositions de la loi fédérale sur la responsabilité des autorités et fonctionnaires de la Confédération, du 9 Décembre 1850, dispositions que, soit la Constitution fédérale actuelle, soit la loi sur l'organisation judiciaire fédérale ont laissées entièrement intactes. Les art. 3, 18 et 35 de cette loi du 9 Décembre 1850 veulent que des actions civiles en réparation d'un dommage causé par des actes illégaux de fonctionnaires fédéraux soient dirigés, d'abord, contre ces fonctionnaires eux-mêmes, -- et l'art. 32, qu'une pareille action civile doit être portée en premier lieu devant l'Assemblé fédérale, qui procède conformément aux art. 20-23. -- L'art. 33 porte que "si les deux Conseils décident qu'il y a lieu de donner suite à la demande, elle doit être renvoyée au Tribunal fédéral pour être traitée selon les dispositions de la loi sur la procédure civile, "que" dans le cas contraire, la Confédération est garante pour le fonctionnaire, et qu'il est loisible aux plaignants de diriger contre elle leur action en dommages-intérêts."
 
Erwägung 6
Par ces motifs,
 
Le Tribunal fédéral
prononce :
1. L'exception d'incompétence opposée par le Conseil fédéral est écartée.
2. Il n'est pas entré en matière, quant à présent, sur la demande, et le demandeur Christ-Simener est renvoyé à mieux agir, en se conformant aux dispositions de la loi du 9 Décembre 1850 précitée.