BGE 91 I 292
 
46. Extrait de l'arrêt du 1er octobre 1965 dans la cause Reber contre Confédération suisse.
 
Regeste
Art. 125 OR, Art. 18 Statuten der Eidg. Versicherungskasse.
 
Sachverhalt
Résumé des faits;
Michel Reber était assistant de 1re classe au bureau de douane de Chiasso. Il établit en cette qualité de fausses attestations. Ses agissements découverts, il fut licencié et condamné par le juge pénal, notamment, à 3 mois d'emprisonnement et 50 000 fr. d'amende pour contravention douanière et soustraction d'impôt sur le chiffre d'affaires.
La Caisse fédérale d'assurance versa à l'administration des douanes, en compensation partielle de l'amende, 9160 fr. 15 représentant l'avoir du condamné. Elle informa celui-ci qu'il n'avait plus aucun droit envers elle.
Contestant ce mode de règlement, Reber demanda que son avoir fût versé à sa femme. Il essuya un refus. Il forma alors une réclamation pécuniaire contre la Confédération, selon les art. 60 StF et 110 OJ.
Le Tribunal fédéral a débouté Reber des fins de sa demande.
 
Extrait des considérants:
2. La créance du demandeur en remboursement des cotisations qu'il a payées à la Caisse fédérale d'assurance pendant qu'il travaillait au service de l'administration des douanes résulte de l'art. 18 des statuts de ladite caisse. Elle n'est d'ailleurs pas contestée ni dans son principe, ni dans son montant de 9160 fr. 15. Toutefois, la Caisse fédérale d'assurance n'a pas payé cette somme à Reber. Elle l'a versée à l'administration des douanes en compensation partielle de l'amende de 50 000 fr. à laquelle le prénommé a été condamné par le jugement pénal du 25 mars 1965. En effet, les mêmes personnes se trouvent réciproquement créancière et débitrice l'une de l'autre, du moment que ni la Caisse fédérale d'assurance, ni l'administration des douanes ne sont des personnes juridiques indépendantes; elles constituent seulement des divisions de l'administration fédérale.
Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, la compensation des créances réciproques de deux mêmes personnes repose sur un principe général qui trouve également application en droit public, à moins que des dispositions particulières ne l'excluent (RO 72 I 379, 85 I 159). A la vérité, le second arrêt semble apporter une restriction à la compensation: "Il faut l'admettre en tout cas lorsque, comme en l'espèce, les créances à compenser non seulement sont de même nature, relevant l'une et l'autre du droit public et plus précisément du droit fiscal, mais encore intéressent d'une part la même personne privée et, d'autre part, la même administration publique". Cette remarque ne signifie pas, cependant, que la compensation soit exclue lorsque les conditions particulières énoncées dans l'arrêt ne sont pas réalisées. La question est bien plutôt demeurée indécise. Elle ne se posait pas dans la cause jugée où les parties étaient une société anonyme et l'Administration fédérale des contributions, créancières, l'une du remboursement d'un impôt anticipé prélevé sur les dividendes qu'elle avait distribués, l'autre du droit de timbre sur les coupons et de l'impôt anticipé à percevoir sur certaines prestations que la société avait faites à ses actionnaires ou à des personnes les touchant de près. En l'espèce, les deux créances relèvent bien du droit public, mais leur nature est différente. Les rapports de droit sont noués entre la même personne physique d'un côté et deux branches différentes de l'administration fédérale de l'autre. Néanmoins, il s'agit seulement de deux établissements du fisc dépourvus de la personnalité juridique. Dès lors, c'est bien la Confédération qui est à la fois créancière et débitrice du demandeur et l'on ne voit aucune raison de déclarer inadmissible la compensation opérée.
En particulier, on n'a pas affaire à des créances non compensables en vertu de l'art. 125 CO. Le chiffre 1er de cette disposition est inapplicable parce que Reber a payé les cotisations en question en exécution de l'obligation que lui imposait l'art. 15 des statuts de la Caisse fédérale d'assurance. Il n'a pas déposé ces sommes, qui ne lui ont pas été soustraites sans droit ni retenues par dol. L'art. 125 ch. 2 CO ne peut être invoqué par le demandeur, du moment que sa créance en remboursement des cotisations n'a pour objet ni des aliments, ni un salaire; elle est née parce que la cause de l'obligation de payer les cotisations a disparu après coup du fait du licenciement. Aussi est-il superflu d'examiner si la somme litigieuse serait absolument nécessaire à l'entretien de la famille du demandeur, comme il le prétend. Quant à l'art. 125 ch. 3 CO, il exclut la compensation des créances dérivant du droit public en faveur de l'Etat et des communes. Cette disposition légale empêche seulement le débiteur d'opposer la compensation à la collectivité publique qui est sa créancière. Doctrine et jurisprudence en ont déduit a contrario que, pour sa part, la collectivité publique est en droit d'invoquer la compensation (RO 71 I 292/3, 72 I 379/80; VON TUHR/SIEGWART, Allg. Teil des schweiz. Obligationenrechts, tome II p. 644 n. 85; BECKER, n. 12 ad art. 125 CO).