BGE 94 I 441
 
60. Extrait de l'arrêt du 30 octobre 1968 dans la cause Machines de Bureau "Anker" SA contre Trésorerie de l'Etat de Fribourg.
 
Regeste
Kantonale Stempelabgabe auf Verträgen. Doppelbesteuerung.
Das Doppelbesteuerungsverbot ist nicht anwendbar auf den freiburgischen Formatstempel auf Verträgen über Eigentumsvorbehalt (Erw. 4).
 
Sachverhalt
A.- a) La société "Machines de Bureau 'Anker', SA" (en abrégé: Anker SA), à Zurich, place ses marchandises par l'entremise de voyageurs de commerce. Ceux-ci ont pour instruction de faire signer au client un bulletin de commande, qui est transmis au siège de la société. L'acheteur reçoit par la suite une confirmation de commande signée par la venderesse à Zurich.
b) La loi fribourgeoise sur le timbre, du 13 mai 1936, prévoit d'une part un droit de timbre de dimension, de 30, 75 ou 150 ct. par feuille, selon le format, et un droit de timbre gradué, perçu au taux de 1 fr. 50 par 1000 fr., selon la "valeur de l'acte" frappé (arrondie aux 200 fr. supérieurs jusqu'à 1000 fr., puis aux 1000 fr. supérieurs). Le timbre de dimension s'applique à de nombreux documents, en particulier aux conventions - ou copies de conventions - remises au préposé au registre des pactes de réserve de propriété (art. 8 de la loi); le timbre gradué frappe divers titres et contrats, notamment les reconnaissances de dettes (art. 11).
c) Jacques Jamain, aux Rosalys (canton de Fribourg) a commandé le 16 octobre 1967 à Anker SA une caisse enregistreuse du prix de 7270 fr. Il a versé comptant 1470 fr. Anker SA a confirmé la commande par écrit le 26 octobre 1967. Elle a requis l'inscription du pacte de réserve de propriété sur le registre tenu par l'Office des poursuites de Châtel-St-Denis. Celui-ci lui a réclamé un droit de timbre gradué de 9 fr.
B.- Anker SA a fait valoir, auprès du Département des finances du canton de Fribourg, que la dernière signature de ses contrats de vente était toujours apposée dans le canton de Zurich, auquel revenait en conséquence la compétence de les frapper d'un impôt. Par lettre du 29 juillet 1968, la Trésorerie de l'Etat de Fribourg lui a répondu, en substance, ce qui suit.
Les contrats conclus par Anker SA ne sont, comme tels, frappés d'aucun droit de timbre dans le canton de Fribourg. En revanche, dès que la venderesse en fait usage auprès d'une autorité judiciaire du canton, ils sont assujettis d'une part au timbre de dimension (en tant que pactes de réserve de propriété: art. 8 de la loi) et d'autre part au timbre gradué (en tant que reconnaissances de dette: art. 1er et 11 lettre a).
C.- Agissant par la voie du recours de droit public pour violation de l'art. 46 al. 2 Cst., Anker SA requiert le Tribunal fédéral de constater que les contrats qu'elle passe avec ses clients domiciliés dans le canton de Fribourg ne sont soumis à aucun droit fondé sur la loi du 13 mai 1936 sur le timbre, et d'inviter le canton de Fribourg à ne plus prélever à l'avenir de tels droits sur lesdits contrats.
D.- La Trésorerie de l'Etat de Fribourg propose que le recours soit déclaré sans objet et, subsidiairement, qu'il soit rejeté.
 
Considérant en droit:
3. Le droit de timbre gradué, proportionnel à la valeur constatée dans un acte écrit, est un impôt auquel s'applique l'art. 46 al. 2 Cst. (RO 71 I 325; 72 I 10 et 85; 81 I 24; 86 I 222; 89 I 459). Il frappe le rapport juridique documenté par l'acte (RO 81 I 24). Mais comme ne sont imposés que les rapports juridiques qui font l'objet d'un acte, le pouvoir de prélever l'impôt prend naissance avec la confection du document seulement. Il ne peut être perçu que par le canton sur le territoire duquel le document a été créé, c'est-à-dire rédigé et signé (RO 86 I 222). Lorsque plusieurs personnes doivent le signer, il ne devient parfait - toutes autres conditions étant remplies - que par l'apposition de la dernière signature. S'il a été signé dans plusieurs cantons, la souveraineté fiscale appartient à celui d'entre eux sur le territoire duquel la dernière signature a été donnée (RO 89 I 459). On doit appliquer la même règle lorsque, comme en l'espèce, les parties signent chacune dans son canton une pièce différente. Seul le canton où la dernière signature a été donnée bénéficie du droit d'imposition, en tant que cette signature est nécessaire pour que l'acte écrit, que forment ensemble les diverses pièces signées par les parties, soit parfait (arrêt non publié du 28 janvier 1968 dans la cause Anker SA, consid. 3; arrêt du 18 novembre 1964 dans la cause L. AG publié dans Archives, vol. 34, p. 219, consid. 4).
Le bulletin de commande est le plus souvent signé par le client de la recourante à son domicile; la confirmation de commande est toujours signée à Zurich. C'est donc le canton de Zurich qui est en droit d'imposer le rapport juridique documenté par ces deux pièces.
Le canton de Fribourg entend, il est vrai, frapper du timbre gradué la reconnaissance de dette souscrite par l'acheteur. Il n'en a pas le droit non plus. La recourante manifeste de façon non équivoque, par une clause insérée dans la formule de bulletin de commande, qu'elle n'entend être liée que moyennant confirmation écrite. Jusque-là, la commande de l'acheteur n'est qu'une offre. Le contrat ne vient à chef que par l'acceptation de cette offre, acceptation qui doit au surplus prendre la forme écrite voulue par les parties (art. 16 CO). Avant l'expédition de la confirmation de commande, il n'y a pas de contrat et, partant, pas de dette de l'acheteur. Dès lors, même si le contrat de vente n'est considéré que sous son aspect particulier de reconnaissance de dette de l'acheteur pour le prix de vente (éventuellement le solde du prix après déduction d'un acompte), la souveraineté fiscale appartient encore au canton de Zurich, sur le territoire duquel la dernière signature a été apposée.
On ne peut, au demeurant, contester à la recourante le droit de limiter les pouvoirs de représentation de ses commis et de faire dépendre la conclusion du contrat d'une confirmation écrite de sa part. Dans le genre de commerce qu'elle pratique, le procédé est d'usage courant. Il lui permet d'apprécier les risques qu'elle court (elle vend le plus souvent à crédit) et de fixer les délais de livraison en fonction de ses possibilités. Selon toute vraisemblance, il ne répond pas à l'intention d'éluder l'impôt. La recourante l'applique du reste même dans les cantons qui ne connaissent pas de droit de timbre. (Arrêt Anker déjà cité, consid. 3).
En tant qu'il vise la perception d'un droit de timbre gradué, le recours se révèle bien fondé et doit être admis.
4. Le fisc fribourgeois a perçu en l'espèce un droit de timbre de dimension de 75 ct. Selon l'art. 8 de la loi sur le timbre, applicable aux actes créés hors du canton en vertu de l'art. 3 de la même loi, sont notamment soumises à ce droit les conventions remises au préposé au registre des pactes de réserve de propriété. La recourante tient ce droit pour contraire, lui aussi, à l'interdiction de la double imposition.
La règle qu'invoque la recourante ne s'applique qu'aux impôts, et non aux émoluments, ni aux charges de préférence (RO 90 I 80, 92 et les arrêt cités). Tandis que l'impôt est prélevé sans contrepartie, l'émolument est une contribution perçue, pour rémunérer un acte de l'administration, auprès de celui qui a provoqué cet acte, ou à l'occasion de l'usage d'une institution publique (RO 90 I 81, 93; 93 I 634). D'un montant en général modeste, il apparaît constituer une rétribution équitable du service rendu (RO 81 I 187). Le droit de timbre perçu en l'espèce a été mis à la charge de la partie qui a requis l'inscription, soit qui a fait usage de l'institution publique; d'un montant modéré, il apparaît adapté à la valeur de la prestation publique. Il a donc le caractère d'un émolument et échappe à la prohibition de la double imposition (RO 72 I 85/86). Sur ce point, en tant qu'il s'appuie sur l'art. 46 al. 2 Cst. le recours est mal fondé.
On pourrait se demander, il est vrai, si les cantons sont en droit de prélever un émolument spécial, en plus de ceux que détermine le tarif des frais applicables à la loi fédérale sur la poursuite pour dettes et la faillite (cf. RO 76 III 72/73). La question, toutefois, n'est pas du ressort de la Cour de céans. Aussi bien la recourante ne l'a-t-elle pas soulevée.
Par ces motifs, le Tribunal fédéral:
Admet partiellement le recours et annule la décision attaquée en tant qu'elle prévoit la perception d'un droit de timbre gradué; Rejette le recours pour le surplus.