BGE 67 II 132 - Worms |
32. Arrêt de la Ire Section civile |
du 21 mai 1941 dans la cause Worms contre Fabrique Juvenia, Didisheim-Goldschmidt fils & Cie. |
Regeste |
Der Käufer, der die Sache nicht prüft und allfällige Mängel nicht rügt (Art. 201 Abs. 1 OR), verliert nicht nur den vertraglichen, sondern auch den Deliktsanspruch, ausgenommen beim Vorliegen geheimer Mängel (Art. 201 Abs. 2), beim Fehlen zugesicherter Eigenschaften (Art. 210 Abs. 1) und bei absichtlicher Täuschung durch den Verkäufer (Art. 210 Abs. 3). |
Sachverhalt |
A. |
Justin Worms, commerçant à Sao-Paolo depuis de nombreuses années, a ouvert en décembre 1934 une maison de bijouterie, horlogerie et argenterie.
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Il a été en relations d'affaires avec la fabrique Juvenia qui lui a notamment fait une expédition de montres le 12 juin 1935. Parmi celles-ci se trouvait une montre Polar que la facture mentionne sous le numéro d'ordre 294 de la manière suivante: "Polar n 519.942 cal. or 18 Kt forme rectangle à corne, ouverture carrée, lunette polie, cadran argenté, heures relief dorées, bracelet cuir Fr. 55.-".
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Les experts constatèrent que la boîte extérieure de la montre portait l'inscription "18 carats", tandis que le fond de la boîte indiquait "14 carats; 0,585". -- Le Dr. de Andrade donna connaissance de ce fait à la police et porta plainte pénale contre Worms. Une expertise judiciaire établit que la montre correspond à l'estampe officielle de 14 carats qui figure à l'intérieur de la boîte et que l'inscription "18 Kt" a été exécutée par un procédé de gravure.
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La fabrique Juvenia avait acquis la boîte en décembre 1931. Celle-ci ne portait que l'inscription "14 carats" et le poinçon officiel du contrôle fédéral des matières or et argent. Juvenia a vendu la montre à Worms au prix d'une montre or 14 carats. Elle explique l'erreur de la facture en disant "qu'il est vraisemblable que cette boîte égrenée aura à l'époque été adressée à l'un des graveurs de la fabrique en même temps qu'une série de boîtes 18 carats et que le graveur s'est trompé en gravant à l'extérieur de la boîte "18 Kt" au lieu du titre de 14 carats qui figure à l'intérieur à côté du poinçon officiel". Worms admet la possibilité qu'une erreur se soit produite et que le prix de la montre ait été établi d'après la valeur réelle du titre; il ajoute qu'il n'insinuera pas que Juvenia ait voulu frauder...
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Par ordonnance du 6 octobre 1939, le Juge pénal saisi de l'affaire ordonna son classement...
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B. |
Worms actionna Juvenia en paiement d'une indemnité de 12000 fr. qu'il entend justifier par le versement à ses avocats brésiliens d'une somme de 11110 fr.; par des frais de rectification dans les journaux, 1060 fr.; par la reproduction de documents du dossier et des traductions, 140 fr.; et par d'autres frais accessoires, 848 fr.
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La défenderesse a conclu au rejet de la demande.
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C. |
Le demandeur a recouru en réforme au Tribunal fédéral en reprenant ses conclusions de première instance.
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L'intimée a conclu au rejet du recours.
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Considérant en droit: |
Erwägung 2 |
2. En revanche, contrairement à ce que le Tribunal cantonal semble admettre, l'apposition d'un faux titre sur la montre était bien de nature, dans le cours normal des choses, à causer un préjudice au demandeur. Elle éveillait chez l'acheteur le soupçon de déloyauté commerciale, car on sait quelle importance le pubIic attribue aux titres qui sont pour lui la garantie de la valeur des objets en métal précieux qu'il achète. Le faux titre exposait le vendeur à des réclamations, voire à des poursuites pénales ou civiles, et nuisait à la renommée de sa maison. Dans une certaine mesure donc, le dommage causé au demandeur est, en soi, imputable à la défenderesse.
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Mais il ne s'ensuit pas d'emblée qu'elle puisse être condamnée à des dommages-intérêts. Aux termes de l'art. 201 al. 1 CO, l'acheteur doit vérifier l'état de la chose aussitôt qu'il le peut d'après la marche habituelle des affaires; s'il découvre des défauts dont le vendeur est garant, il doit l'en aviser sans délai. Lorsqu'il néglige de faire ce contrôle et de donner cet avis, la chose est tenue pour acceptée, avec ses défauts, à moins que l'acheteur n'ait pu les découvrir à l'aide des vérifications usuelles (art. 201 al. 2) ou qu'il n'ait été induit en erreur intentionnellement par le vendeur (art. 210 al. 3 CO).
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Dans le cas particulier, il ne s'agit ni d'un défaut caché, ni d'une erreur provoquée intentionnellement par la défenderesse.
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Il est établi et d'ailleurs reconnu par le demandeur que Juvenia n'a pas eu l'intention de frauder, mais a commis une simple négligence en n'examinant pas la montre avant l'expédition, ce qui lui aurait fait découvrir l'erreur du graveur. Le titre accompagné du poinçon officiel apposé au fond de la boîte était exact (14 carats); la facture portait par erreur la mention de 18 carats, mais le prix correspondait à celui d'une montre de 14 carats, ce qui n'a pu échapper à un commerçant expérimenté; et l'acheteur n'avait rien spécifié au sujet du titre, en sorte qu'on n'est pas en présence d'une qualité stipulée et promise, ni par conséquent d'une garantie spéciale selon l'art. 210 CO.
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D'autre part, le défaut n'était pas caché. Le juge du fait relève que le demandeur est depuis des années dans l'horlogerie et ne pouvait ignorer que seul le poinçon a une valeur officielle. Le demandeur connaissait aussi l'usage de placer le titre estampé officiel a l'intérieur de la boîte. Il ne pouvait donc se contenter de la mention de 18 carats gravée à l'extérieur. La vérification à laquelle il devait procéder selon l'art. 201 était très simple. Elle consistait à ouvrir la boîte pour y trouver le titre avec le poinçon officiel. Cet examen lui aurait fait constater aussitôt qu'il s'agissait d'une montre de 14 carats.
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Or il est constant que l'acheteur Worms n'a pas fait cette vérification-là... il a simplement comparé l'indication de la facture avec le titre privé extérieur ce qui n'était pas suffisant.
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Le demandeur n'a donc pas d'action contractuelle contre la défenderesse. Il s'en rend du reste parfaitement compte et déclare dans son recours qu'il a intenté une "action exclusivement délictuelle".
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D'une manière générale, les auteurs et les tribunaux admettent qu'un acte dommageable peut constituer en même temps l'inexécution d'un contrat et un acte illicite et conférer au lésé contre la personne responsable du dommage tant une action contractuelle qu'une action extra-contractuelle qu'il lui appartient d'exercer concurremment (v. entre de nombreux arrêts RO 64 II p. 258 in fine et 259, ainsi que la jurisprudence et la doctrine citées ibid.).
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L'action ex delicto suppose toutefois que l'acte dommageable viole un principe général de l'ordre légal. Le Tribunal fédéral a trouvé de telle violations dans des cas de mandat (RO 64 II 202), de contrat de travail et de contrat d'entreprise (RO 64 II 259). En l'espèce, cette violation existe aussi et réside dans l'indication du faux titre d'or sur le montre. Il y a là non seulement une faute contractuelle, mai encore une infraction à une règle générale de loyauté en affaires qui interdit de mettre dans le commerce de ouvrage en métal précieux munis d'un titre inexact. Le Tribunal cantonal relève d'ailleurs qu'une fausse inscription de titre contrevient à la loi fédérale du 23 décembre 1880 sur le contrôle et la garantie du titre des ouvrages d'or et d'argent.
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La violence d'une défense générale n'est cependant pas nécessairement et toujours de nature à conférer au lésé dans toutes les circonstances une action délictuelle à côté de l'action contractuelle, de telle façon que la première peut être exercée même si la seconde est devenue caduque. Le Tribunal fédéral a déjà fait observer (RO 37 II p. 10) qu'en admettant en principe le cumul des responsabilités on ne dit pas que la loi ne puisse exclure ce cumul dans certaines hypothèses. Il faut examiner pour chaque contrat si le législateur a voulu régler uniquement d'après le droit contractuel la responsabilité dérivant d'un état de choses donné, et ce n'est que si une telle intention n'est pas reconnaissable que le cumul est admissible.
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L'art. 201 CO offre un tel exemple d'exclusion de l'action ex delicto. Le commentateur Becker, cité par les premiers juges dans le sens de l'exclusion du cumul semble, à la vérité, ne pas viser l'action purement extra-contractuelle lorsque, dans la note 27 sur l'art. 201, il enseigne que l'acceptation exclut non seulement l'action rédhibitoire ou en réduction du prix, mai aussi l'action générale en dommages-intérêts. Cet auteur paraît envisager ainsi plutôt l'action fondée sur une faute contractuelle qui se traduit par d'autres conséquences dommageables que la défectuosité même de la chose livrée. Et les jugements cantonaux cités par Becker (BlHE 18 p. 118; ZBJV 39 p. 279) ont également en vue cette action contractuelle générale en réparation du dommage subi par l'acheteur. Mais il faut faire un pas de plus et admettre que l'acceptation de la chose défectueuse selon l'art. 201 al. 2 CO exclut même l'action en réparation du dommage causé par un acte illicite. Ainsi que Rolf Dietz l'expose (Anspruchskonkurrenz bei Vertragsverletzung und Delikt, p. 145) au sujet du § 377 du Code de commerce allemand, qui est rédigé presque dans les mêmes termes que l'art. 201 CO, la loi établit par les mots "la chose est tenue pour acceptée" ("so gilt die gekaufte Sache als genehmigt", agréée, approuvée) une fiction: L'omission de l'avis des défauts est assimilée à un bien-trouvé ("Genehmigung"), savoir à une reconnaissance expresse que le vendeur a exécuté ses obligations contractuelles, ou, du moins, que l'acheteur consent à être traité comme si la chose avait été livrée telle qu'elle était due. Si, par la suite, cette défectuosité entraîne d'autres conséquences dommageables, l'acheteur ne saurait plus en rendre responsable le vendeur. Il ne peut revenir en arrière et exercer une action délictuelle, pas plus que ne peut déduire une telle action d'une violation de la propriété celui qui y a acquiescé après coup. L'acceptation de la marchandise avec ses défauts constatables, sa "Genehmigung" (approbation) est incompatible avec une action visant à la réparation d'un dommage qui a précisément pour origine ces mêmes défauts, réputés inexistants dans les rapports entre le vendeur et l'acheteur.
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L'arrêt RO 64 II 259 réserve expressément le cas où des motifs particuliers excluraient le cumul des actions. Il les nie pour le contrat d'entreprise. Cette question n'a pas besoin d'être réexaminée en l'espèce, car l'art. 201 al. 2 CO montre, comme on vient de l'exposer, qu'il y a en tout cas lieu d'admettre de tels motifs pour la vente mobilière. Cette solution est d'ailleurs dans l'intérêt de la sécurité et de la rapidité des transactions commerciales que le législateur a voulu assurer en édictant les dispositions de l'art. 201 qui enjoignent à l'acheteur d'agir avec diligence et célérité.
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Le Tribunal cantonal a donc eu raison de rejeter l'action de l'acheteur Worms.
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Par ces motifs, le Tribunal fédéral: |