BGE 99 II 164
 
23. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile du 30 avril 1973 dans la cause Julliard et Bolliger contre Siegrist
 
Regeste
Erstreckung des Mietverhältnisses, Art. 267 a Abs. 1 und 267 c lit. c OR.
 
Sachverhalt
A.- La société en nom collectif Julliard et Bolliger, domiciliée 18, rue du Marché à Genève, a pour but social l'"achat, vente et gérance d'immeubles, architecture". Par acte notarié du 1er octobre 1971, elle a acquis l'immeuble de la route de Chêne no 11 à Genève en vue d'y transférer la totalité de ses services composés d'environ 70 personnes, le cas échéant en démolissant l'immeuble pour en construire un autre, plus fonctionnel. Elle a dénoncé les baux de ses locataires, espérant vider les locaux pour le 31 décembre 1973. L'immeuble se compose de quatre étages sur rez-de-chaussée; le rez-de-chaussée est occupé par divers commerces, une partie du premier étage par des bureaux et tout le reste par des appartements locatifs.
Max Siegrist exploite depuis 1964 dans l'immeuble 11 route de Chêne une boulangerie-pâtisserie avec tea-room. Il est au bénéfice d'un bail dont le loyer annuel est de 7332 fr., plus les charges. La société Julliard et Bolliger a dénoncé ce contrat le 2 décembre 1971 pour l'échéance contractuelle du 31 août 1972.
B.- Siegrist a sollicité la prolongation du bail de deux ans conformément à l'art. 267a CO. La propriétaire a invoqué le besoin personnel au sens de l'art. 267c lettre c CO.
Par jugement du 12 septembre 1972, le Tribunal de première instance de Genève a déclaré valable le congé et prolongé le bail pour une durée de deux ans, soit jusqu'au 31 août 1974.
Le 25 janvier 1973, la Cour de justice du canton de Genève a déclaré irrecevable l'appel interjeté par la société Julliard et Bolliger.
C.- La société Julliard et Bolliger recourt en réforme au Tribunal fédéral. Elle conclut à ce qu'il soit dit que le congé notifié est valable et à ce que l'intimé soit débouté de sa requête en prolongation de bail.
L'intimé propose le rejet du recours.
 
Considérant en droit:
"Sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé: ... modifier même partiellement ... la distribution ou la destination d'une construction ... démolir, supprimer ou rebâtir une construction ..."
La loi du 17 octobre 1962 restreignant les démolitions et transformations de maisons d'habitation prévoit également une autorisation pour démolir ou transformer une maison d'habitation. Et selon le règlement d'application de cette loi du 22 mars 1972, est considéré comme maison d'habitation tout immeuble locatif comportant au moins un tiers des locaux créés à destination de logement. Selon les constatations de l'arrêt déféré, l'immeuble 11 route de Chêne remplit cette condition.
La Cour de justice constate de manière à lier le Tribunal fédéral qu'"à ce jour, l'appelante n'a encore sollicité aucune autorisation de transformer, elle n'a encore établi aucun plan précis pour l'occupation des locaux". Elle considère qu'une telle autorisation devrait être refusée conformément à la législation actuelle et que, partant, les raisons qui ont conduit l'appelante à donner congé à ses locataires ne sauraient être considérées comme valables. La recourante critique cette appréciation. Elle fait valoir que des autorisations visant à la transformation intérieure de locaux commerciaux ne sont pas impossibles à obtenir. Quant à la loi du 17 octobre 1962, elle ne serait pas applicable ici, puisqu'il n'est nullement question de transformer des logements en locaux commerciaux, mais qu'il s'agit seulement de procéder à certaines transformations à l'intérieur de locaux commerciaux.
Ces questions peuvent demeurer indécises: en tout état de cause, la recourante ne peut se prévaloir de l'art. 267c lettre c CO. Selon la jurisprudence, le besoin personnel du propriétaire au sens de cette disposition existe dès qu'il a des raisons sérieuses d'occuper les locaux et que, dans les circonstances données, ces raisons doivent être considérées comme valables (RO 98 II 108 consid. 3 b et citations). Cette dernière condition n'est pas remplie en l'espèce. En effet, lorsque l'occupation par le propriétaire des locaux dont il a besoin dépend d'une autorisation de transformer ou de démolir, les raisons sérieuses qu'il a à vouloir occuper lesdits locaux ne sont pas valables aussi longtemps qu'il n'a pas obtenu l'autorisation nécessaire. La protection des locataires de logements ou de locaux commerciaux postule qu'ils ne soient contraints à les quitter que si les intentions du propriétaire sont réalisables, et cela dans un avenir proche, afin que les locaux ne restent pas inoccupés.
La recourante n'ayant pas obtenu ni même demandé l'autorisation de transformer, elle ne peut se mettre au bénéfice de l'art. 267 c lettre c CO.
Au demeurant, elle ne conteste pas que la résiliation du bail aurait des conséquences pénibles pour l'intimé. Celles-ci sont indéniables selon l'arrêt attaqué, qui constate que la surface des locaux commerciaux disponibles ne doit pas dépasser 0,01% dans le quartier où se trouve l'immeuble en question, la pénurie étant encore plus grave s'agissant de locaux artisanaux. La prolongation de bail accordée par les premiers juges est ainsi fondée au regard de l'art. 267 a al. 1 CO et le recours doit être rejeté.