BGE 140 III 598
 
88. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X. contre A.Y. et consorts (recours en matière civile)
 
4A_201/2014 du 2 décembre 2014
 
Regeste
Miete von Wohnräumen; Mitmieter; Aktivlegitimation zur Anfechtung der vom Vermieter ausgesprochenen Kündigung.
 
Extrait des considérants:
 
Erwägung 3
3.1 La question de savoir si les colocataires doivent agir en commun pour requérir l'annulation du congé en application des art. 271 et 271a CO fait l'objet d'une controverse doctrinale, qui n'a pas été tranchée par la jurisprudence fédérale (cf. arrêts 4A_240/2014 du 28 août 2014 consid. 4.3, non publié in ATF 140 III 491; 4C.37/2001 du 30 mai 2001 consid. 2b/bb). Lorsque le bail porte sur le logement de la famille, le Tribunal fédéral a toutefois jugé que chaque époux colocataire peut contester seul le congé, en relevant notamment que l'art. 273a al. 1 CO accorde la qualité pour agir dans ce domaine même au conjoint non locataire (ATF 118 II 168 consid. 2b p. 170; cf. également ATF 136 III 431 consid. 3.1 p. 433). En revanche, les colocataires, indépendamment de leur état civil, doivent agir ensemble pour contester le loyer; à cette occasion, le Tribunal fédéral a laissé ouverte la question de savoir si le colocataire qui n'entend pas contester le loyer doit être assigné comme défendeur (ATF 136 III 431 consid. 3.3 p. 435).
Deux courants de pensée se distinguent dans la doctrine. Certains auteurs mettent l'accent sur le caractère uniforme du bail commun, qui n'existe juridiquement que comme un tout et pour toutes les parties. En conséquence, la contestation du congé est soumise au principe de l'action commune des colocataires, qui ont le statut procédural de consorts nécessaires (MARCO GIAVARINI, Anfechtung einer Mietzinserhöhung durch mehrere Mitmieter - Aktivlegitimation, MietRecht Aktuell 2011, p. 55 ss; Le droit suisse du bail à loyer, Commentaire, adaptation française par Burkhalter/Martinez-Favre, 2011, n° 10 ad art. 273 CO p. 742; PETER HIGI, Zürcher Kommentar, 4e éd. 1996, n° 33 ad art. 273 CO; JACQUES MICHELI, Les colocataires dans le bail commun, in 8e Séminaire sur le droit du bail, 1994, p. 13; HANS SCHMID, Der gemeinsame Mietvertrag, SJZ 87/1991 p. 376 s.). Une autre partie de la doctrine est d'avis en revanche que chaque colocataire peut contester individuellement la résiliation. Elle considère comme déterminant le but de protection sociale visé par les normes sur l'annulabilité des congés abusifs et relève que, dans un cas déterminé, la loi autorise même un tiers - le conjoint du locataire - à exercer seul les droits du locataire en cas de congé (cf. art. 273a al. 1 CO). Pour respecter les règles sur la consorité nécessaire, ces auteurs préconisent toutefois l'implication dans le procès, aux côtés du bailleur, du colocataire qui ne conteste pas le congé (PATRICIA DIETSCHY-MARTENET, Le bail d'habitation des concubins, 2014, p. 122 s.; ROGER WEBER, in Basler Kommentar, Obligationenrecht, vol. I, 5e éd. 2011, n° 3 ad art. 273a CO; le même, Der gemeinsame Mietvertrag, 1993, p. 187 s.; BOHNET/DIETSCHY, in Droit du bail à loyer, Bohnet/Montini [éd.], 2010, n° 36 ad art. 253 CO; HANS PETER WALTER, in OR, 2008, n° 5 ad art. 271 CO; THOMAS KOLLER, Die miet- und arbeitsrechtliche Rechtsprechung des Bundesgerichts im Jahr 2004, RJB 141/2005 p. 321; LAURA JACQUEMOUD-ROSSARI, Jouissance et titularité du bail ou quelques questions choisies en rapport avec le bail commun, CdB 1999 p. 104 s.; cf. également DAVID LACHAT, Le bail à loyer, 2008, p. 72 s. et note 19 p. 73, lequel ne prend pas clairement position mais admet en tout cas que la demande en constatation de la nullité d'un congé peut émaner d'un seul colocataire).
3.2 La consorité (matérielle) nécessaire est imposée par le droit matériel, qui détermine les cas dans lesquels plusieurs parties doivent agir ou défendre ensemble (ATF 138 III 737 consid. 2 p. 738 et consid. 4.1 p. 741). Sous sa forme active, elle est réalisée lorsque plusieurs personnes sont ensemble titulaires du droit en cause, de sorte que chacune ne peut pas l'exercer seule en justice (ATF 136 III 123 consid. 4.4.1 p. 127, ATF 136 III 431 consid. 3.3 p. 434). Sont ainsi consorts nécessaires les membres d'une communauté du droit civil - telle la société simple - qui sont ensemble titulaires d'un même droit (ATF 137 III 455 consid. 3.5 p. 459). Il y a aussi consorité nécessaire en cas d'action formatrice, soit lorsque l'action tend à la création, la modification ou la dissolution d'un droit ou d'un rapport de droit déterminé touchant plusieurs personnes (cf. art. 87 CPC; STAEHELIN/SCHWEIZER, in Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], Sutter-Somm/Hasenböhler/Leuenberger [éd.], 2e éd. 2013, n° 42 ad art. 70 CPC p. 585; GROSS/ZUBER, in Berner Kommentar, Schweizerische Zivilprozessordnung, 2012, n° 17 ad art. 70 CPC; NICOLAS JEANDIN, in CPC, Code de procédure civile commenté, 2011, n° 7 ad art. 70 CPC p. 230 s.; FABIENNE HOHL, Procédure civile, tome I, 2001, n. 488 ss p. 106 s.).
Le bail commun est un rapport juridique uniforme, qui n'existe que comme un tout et pour toutes les parties au contrat (ATF 136 III 431 consid. 3.1 p. 434; ATF 140 III 491 consid. 4.2.1 p. 493). La partie qui résilie le bail exerce un droit formateur résolutoire. En contestant ledit congé, l'autre partie cherche à maintenir le rapport de droit. En tant qu'elle est propre à influer sur un rapport de droit déterminé, la demande en annulation de la résiliation se présente donc comme une action formatrice (FRANÇOIS BOHNET, Actions civiles, Conditions et conclusions, 2014, § 75 n. 6 p. 928). En cas de pluralité de parties, une action formatrice ne peut pas conduire à un jugement qui n'aurait force qu'entre certains intéressés, par exemple le bailleur et l'un des colocataires. C'est dire que les colocataires forment une consorité nécessaire dans l'action en annulation du congé notifié par le bailleur (FRANÇOIS BOHNET, Procédure civile, 2e éd. 2014, p. 125; LEUENBERGER/UFFER-TOBLER, Schweizerisches Zivilprozessrecht, 2010, n. 3.40 p. 89). Cette conclusion s'impose que l'action ait été ouverte avant - comme en l'espèce - ou après l'entrée en vigueur du CPC, dont l'art. 70 contient une définition de la consorité nécessaire recouvrant en tout cas la notion de consorité matérielle nécessaire (cf. JACQUES HALDY, Procédure civile suisse, 2014, p. 98).
Les consorts nécessaires doivent agir ensemble ou être mis en cause ensemble (cf. art. 70 al. 1 CPC). Lorsque l'action n'est pas introduite par toutes les parties tenues de procéder en commun ou qu'elle n'est pas dirigée contre celles-ci, il y a défaut de légitimation active ou passive et la demande sera rejetée (ATF 138 III 737 consid. 2 p. 738; ATF 137 III 455 consid. 3.5 p. 459).
Le principe de l'action commune souffre toutefois des tempéraments. En particulier, la présence de tous les consorts comme demandeurs ou comme défendeurs n'est pas toujours exigée; la consorité nécessaire peut parfois se limiter à la participation au procès de tous les consorts, répartis d'un côté et de l'autre de la barre (JEANDIN, op. cit., n° 10 ad art. 70 CPC p. 231; HOHL, op. cit., n. 501 p. 107), notamment dans les actions formatrices (CRISTINA VON HOLZEN, Die Streitgenossenschaft im schweizerischen Zivilprozess, 2006, p. 118).
Le droit de s'opposer à un congé abusif répond à un besoin de protection sociale particulièrement aigu lorsqu'un local d'habitation est en jeu (LUSCHER/KINZER, Colocation [...], CdB 2006 p. 119). Il faut dès lors reconnaître au colocataire le droit d'agir seul en annulation du congé. Mais comme l'action, formatrice, implique que le bail soit en définitive maintenu ou résilié envers toutes les parties, le demandeur doit assigner aux côtés du bailleur le ou les colocataires qui n'entendent pas s'opposer au congé, sous peine de se voir dénier la qualité pour agir.
Sur le vu de ce qui précède, la cour cantonale n'a pas violé le droit fédéral en admettant la légitimation active de l'intimée A.Y., laquelle a dirigé à bon droit son action en annulation du congé non seulement contre le bailleur mais également contre les autres colocataires. Le recours sera dès lors rejeté.