BGE 2 I 69 - Victor Forney
 


BGE 2 I 69 (69):

21. Arrêt du 11 mars 1876 dans la cause Forney.
 
Sachverhalt
Victor Forney a rempli les fonctions de secrétaire municipal de la commune de Romont, dès le 10 février 1852, et a été confirmé pour quatre ans en cette qualité, le 11 décembre 1874. Il a également été chargé jusqu'ici de la perception des impôts dans la dite commune.
Appelé, le 5 décembre 1875, aux fonctions de conseiller communal, et ayant accepté cette nomination, Victor Forney informe le Conseil communal de Romont, par lettre du 9 janvier 1876, qu'il donne sa démission de la charge de secrétaire communal, sans renoncer toutefois aux fonctions de percepteur de l'impôt, qu'il estime n'avoir rien d'incompatible avec celles de membre du dit conseil.
Dans sa séance du 17 janvier, le Conseil communal décide de nommer un secrétaire provisoire pour une année, et, dans sa séance du 24 du même mois, de mettre également au concours, à bref délai, les fonctions de percepteur de l'impôt.
Par lettre du 28 janvier, Victor Forney réclame auprès du Conseil d'Etat de Fribourg contre cette dernière mesure, dont il demande la révocation; il conclut en outre à ce que cette autorité statue que ses fonctions de percepteur de l'impôt expirent le 31 décembre 1878 seulement.
Par décision du 7 février 1876, le Conseil d'Etat de Fribourg écarte le recours de Victor Forney, et déclare valable

BGE 2 I 69 (70):

la mise au concours, par le Conseil communal de Romont, du poste de percepteur des impôts.
Dans sa séance du 14 février, le Conseil communal charge provisoirement son nouveau secrétaire de la perception des impôts et de la tenue des registres y relatifs, en invitant Victor Forney à faire remise immédiate de ces derniers en mains de ce nouveau fonctionnaire.
Forney ayant refusé formellement d'obtempérer à cette injonction, le Conseil communal, par office du 18 février, invite le Préfet du district de la Glâne à faire exécuter sa décision.
Sur la déclaration de Victor Forney qu'il recourt au Tribunal fédéral contre la dite décision, qu'il estime prise en violation de l'article 58 de la Constitution fribourgeoise, le Président du Tribunal fédéral, par office du 21 février, invite le Préfet du district de la Glâne, en conformité du précis de l'art. 63 de la loi sur l'organisation judiciaire fédérale, à suspendre jusqu'au jugement du Tribunal fédéral sur le recours Forney, toute mesure quelconque ayant pour conséquence d'enlever au recourant ses fonctions de percepteur des impôts dans la commune de Romont, et à maintenir le dit dans ces fonctions.
Le Tribunal fédéral, dans sa séance du 25 février 1876, ratifie les mesures provisionnelles prises par son Président. Par office du même jour, le Conseil d'Etat de Fribourg demande au Tribunal fédéral le retrait de l'ordre donné au Préfet du district de la Glâne.
Le recours annoncé par Victor Forney contre les décisions du Conseil communal de Romont et du Conseil d'Etat de Fribourg, qui le concernent, est parvenu le 7 mars courant en mains du Président du Tribunal fédéral: dans cette pièce, le recourant conclut à ce qu'il plaise à cette dernière autorité annuler les dites décisions. Il fait valoir, en résumé, à l'appui de son pourvoi, les considérations suivantes:
La perception des impôts, dans une commune, est un rouage de l'administration; le citoyen qui en est chargé est

BGE 2 I 69 (71):

un employé communal. Cette perception ne se rattache ni de par la loi, ni dans la pratique, au secrétariat. Le même individu peut cumuler les deux places, partant renoncer à l'une et garder l'autre. Il en résulte que le Conseil communal de Romont, en voulant enlever au recourant, contre son gré et sans jugement l'emploi de percepteur des impôts, et le gouvernement de Fribourg en l'appuyant dans ce but, commettent une violation manifeste de la disposition de l'article 58, alinéa 2 de la Constitution du canton de Fribourg.
 
Statuant sur ces faits et considérant en droit:
 
Erwägung 1
1. Le recours actuel a trait exclusivement à une prétendue violation de l'article 58, al. 2, de la Constitution du canton de Fribourg, disposition statuant qu'un fonctionnaire ou employé public de l'ordre exécutif et administratif ne peut être révoqué ou destitué qu'après avoir été entendu et ensuite d'une décision motivée de l'autorité qui l'a nommé.
 
Erwägung 2
2. Des réclamations de ce genre doivent, conformément à de nombreux précédents, être soumises d'abord à la plus haute autorité cantonale, lorsqu'elle est en position de statuer utilement à leur égard; or c'est le cas dans l'espèce, puisque la Constitution cantonale fribourgeoise, à ses articles 45 litt. m, et 53, al. 3, donne incontestablement le droit au Grand Conseil de prononcer sur de semblables griefs.
 
Erwägung 3
3. Il y a d'autant moins de raison, dans le cas particulier, de déroger à ces précédents, qu'il est, d'un côté, désirable que le Grand Conseil de Fribourg manifeste son opinion au sujet de l'application de l'article 58 précité, et que, d'un autre côté, la question à résoudre dans le litige actuel touche à l'organisation communale en général, et intéresse nonseulement la commune de Romont, mais encore toutes les communes fribourgeoises, chargées par la loi de la perception des impôts.
 
Erwägung 4
4. Il sera toutefois loisible au recourant, pour le cas où il estimerait que la décision à intervenir de la part du Grand Conseil de Fribourg est prise en violation de la Constitution

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de ce canton, de se pourvoir de rechef devant le Tribunal fédéral.
Par ces motifs
 
le Tribunal fédéral
prononce:
1. Il n'est pas statué, quant à présent, sur le recours de Victor Forney. Le recourant est renvoyé à le soumettre, au préalable, à l'appréciation du Grand Conseil du canton de Fribourg.
2. Le recours étant momentanément écarté, les mesures provisionnelles ordonnées en la cause tombent de plein droit, et il n'y a plus lieu d'examiner le recours du Conseil d'Etat de Fribourg sur ce point.