BGE 131 II 169 | |||
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14. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit public dans la cause Abacha et consorts contre Office fédéral de la justice (recours de droit administratif) |
1A.215/2004 du 7 février 2005 | |
Regeste |
Art. 29 Abs. 1 BV, Art. 6 Ziff. 1 EMRK und Art. 14 UNO-Pakt II; Art. 59 Ziff. 3 StGB; Art. 74a und Art. 80h lit. b IRSG. |
Voraussetzungen der Herausgabe von Guthaben während einem hängigen Strafverfahren im Ausland gemäss Art. 74a Abs. 3 IRSG; Bestätigung der Grundsätze (E. 6). |
Anwendung im vorliegenden Fall (E. 7). |
Die Gewinne aus Geschäften, welche unter Ausnutzung von Geldern deliktischen Ursprungs getätigt wurden, sind den unrechtmässigen Vorteilen im Sinn von Art. 74a Abs. 2 lit. b IRSG gleichgestellt (E. 7.3.1). |
Gelder, die wahrscheinlich aus korrupten, im ersuchenden Staat strafrechtlich nicht verfolgten Geschäftstätigkeiten stammen, können zumindest im jetzigen Zeitpunkt nicht weitergeleitet werden (E. 7.3.2, 7.4.2, 7.5 und 7.6). |
Wenn das ausländische Gesuch sich auf die Herausgabe von Geldern bezieht, welche von der Tätigkeit einer kriminellen Organisation herrühren, ist die Regel von Art. 59 Ziff. 3 StGB (einschliesslich der Vermutung gemäss dem zweiten Satz dieser Bestimmung) auf die Herausgabe im Sinn von Art. 74a Abs. 3 IRSG anwendbar (E. 9). | |
Sachverhalt | |
La République fédérale du Nigeria a demandé l'entraide à la Suisse pour les besoins de l'enquête ouverte au Nigeria au sujet des détournements de fonds dont se seraient rendus coupables feu Sani Abacha, chef de l'Etat de novembre 1993 à juin 1998, ainsi que ses proches (dont son épouse Maryam et ses fils Ibrahim, Mohammed et Abba). En exécution de cette demande, l'Office fédéral de la justice avait ordonné la transmission de la documentation relative à trente-quatre comptes bancaires et polices d'assurance saisis en Suisse. Par arrêt du 23 avril 2003, le Tribunal fédéral avait admis partiellement, au sens des considérants, les recours de droit administratif formés contre les décisions de clôture notamment par Maryam, Mohammed et Abba Abacha (ATF 129 II 268).
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Le 18 août 2004, l'Office fédéral a ordonné la remise à l'Etat requérant des fonds déposés sur seize de ces comptes et polices, pour un montant total de 398'536'865 USD, 47'802'483 GBP, 7'210'170.80 euros et 3'466'418 CHF.
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Le Tribunal fédéral a admis partiellement, au sens du considérant 7.6 et dans la mesure où il était recevable, le recours de droit administratif formé contre cette décision par Mohammed, Abba et Maryam Abacha, ainsi que par six sociétés. Il l'a rejeté pour le surplus.
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Extrait des considérants: | |
Erwägung 2 | |
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2.2.2 Dans l'arrêt ATF 129 II 268, le Tribunal fédéral a relevé que certains comptes étaient détenus par trois ressortissants nigérians non identifiés. Il s'agissait notamment des comptes ouverts par les dénommés Sani Mohammed (compte n° 9); Abba Muhammad Sani et Ibrahim Muhammad Sani (compte n° 25); Ibrahim Muhammed Sani et Abba Sani (compte n° 26); Sani Abdu Mohammed et Sani Ibrahim (compte n° 27); Ibrahim Muhammad et Sani Abba Muhammad (compte n° 28), ainsi que Ibrahim Muhammad et Sani Abdu Muhammad (compte n° 29). Les recourants avaient affirmé être titulaires de ces comptes, sans toutefois avancer le moindre élément permettant de vérifier cette assertion. Il était possible que les trois fils de Sani Abacha aient ouvert ces comptes, sur la présentation de pièces d'identité indiquant de faux noms (qui évitaient soigneusement toute référence au nom d'Abacha). Il demeurait toutefois à ce propos une incertitude que les recourants n'avaient pas levée. Le Tribunal fédéral a dès lors considéré que celui qui ouvre un compte bancaire sous un faux nom n'a pas qualité pour agir contre la décision de clôture portant sur la transmission à l'Etat requérant de la documentation y relative. Il a réservé la possibilité de faire une exception à cette règle pour celui qui fournirait la preuve qu'il est effectivement titulaire du compte, ainsi que des indications pouvant, selon les circonstances, expliquer (voire justifier) l'utilisation d'un faux nom (ATF 129 II 268 consid. 2.3.3 p. 269/270).
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La question de la qualité pour agir en rapport avec les comptes nos 9, 25, 26, 27, 28 et 29 ayant été tranchée au stade antérieur de la procédure, il n'y aurait pas lieu d'y revenir. Par souci de complétude et afin d'éviter toute équivoque à ce sujet, le Tribunal fédéral examinera néanmoins les arguments nouveaux soulevés par les recourants à ce propos.
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Les recourants prétendent que Mohammed Sani Abacha, Abba Muhammad Sani Abacha et feu Ibrahim Muhammad Sani Abacha auraient ouvert les comptes nos 9, 25, 26, 27, 28 et 29; la qualité pour agir devrait leur être reconnue (ainsi qu'à Maryam Abacha, en tant qu'héritière de son fils Ibrahim) sous cet aspect. Ils exposent que dans la tradition des familles musulmanes du Nord du Nigeria dont ils sont originaires, leur véritable nom serait Sani; au surplus, il serait usuel d'inverser le prénom et le nom ou d'user de surnoms pour distinguer les personnes portant le même prénom (parfois à l'intérieur de la même fratrie). Le prénom Mohammed se traduirait aussi Muhammad. La valeur probante de l'avis de droit auquel ils se réfèrent sur ce point a été mise en doute par l'Office fédéral, parce qu'il émane d'une personne proche des recourants. A cela s'ajoute qu'aussi intéressantes que soient les considérations que fait l'expert sur les usages en vigueur dans l'Etat requérant quant à la désignation des personnes, celles-ci ne sont pas de nature à expliquer le fait que trois individus ont ouvert les comptes en question sous des identités différentes, en présentant à chaque fois des passeports différents. Ils ont en outre utilisé le prénom d'"Abdu" au sujet duquel ils ne disent rien. Il apparaît ainsi que les personnes qui ont ouvert les comptes en question ont non seulement utilisé de faux noms, mais cherché sciemment à tromper les établissements bancaires auxquels ils se sont adressés en semant la confusion sur leur identité réelle. Les recourants n'indiquent pas, au demeurant, auxquels d'entre eux correspondent concrètement les différents noms et prénoms utilisés par combinaison lors de chaque opération d'ouverture de compte. Enfin, les recourants ne contestent pas qu'ils sont désignés, dans la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant, sous le nom d'Abacha qui est celui qu'ils portent habituellement. Ils n'ont ainsi pas apporté la preuve exigée selon la jurisprudence qui vient d'être rappelée et dont ils se prévalent. Le recours est partant irrecevable, faute de qualité pour agir, s'agissant des comptes nos 9, 25, 26, 27, 28 et 29.
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La garantie du procès équitable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. vaut pour toute procédure judiciaire ou administrative. Elle va au-delà de celle de l'art. 6 par. 1 CEDH et de l'art. 14 par. 1 Pacte ONU II, qui se limitent aux procédures judiciaires relatives à une accusation en matière pénale ou à des contestations portant sur des droits ou obligations de nature civile (ATF 130 I 269 consid. 2.3 p. 272/273). Il est dès lors superflu de réexaminer le point de savoir si, comme l'affirme la jurisprudence, la procédure interne à la Suisse comme Etat requis n'entre pas dans le champ d'application de l'art. 6 par. 1 CEDH (cf. ATF 120 Ib 112 consid. 4 p. 119; ATF 118 Ib 436 consid. 4a p. 440).
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La garantie du procès équitable ne donne pas à la personne touchée un droit illimité et inconditionnel de porter le litige devant un juge. L'accès au tribunal, s'il doit être garanti, ne signifie pas que la procédure de recours ne pourrait être soumise au respect d'exigences de forme, ayant trait notamment aux délais ou, comme en l'occurrence, à la qualité pour agir. Ces limitations ne sauraient cependant être à ce point restrictives que le droit d'accès au tribunal soit atteint dans sa substance même. Il faut qu'elles poursuivent un but légitime et soient proportionnées (ATF 124 I 322 consid. 4d p. 325, ATF 124 I 336 consid. 4b p. 338-340, et les arrêts cités; arrêts de la Cour européenne des droits de l'homme dans les causes Acimovic contre Croatie du 9 octobre 2003, par. 29; Zvolsky et Zvolska contre République tchèque du 12 novembre 2002, par. 47; Kreuz contre Pologne du 9 juin 2001, par. 53; Platakou contre Grèce du 11 janvier 2001, par. 35, et les arrêts cités). Ces principes développés sous l'angle du droit au procès équitable selon l'art. 6 par. 1 CEDH valent aussi pour la garantie analogue offerte par l'art. 29 al. 1 Cst.
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La qualité pour agir au sens de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 74a de la même loi, a été reconnue au titulaire du compte sur lequel avaient été déposés des avoirs dont l'Office fédéral avait ordonné la remise à l'Etat requérant en vue de confiscation (arrêt 1A.136/1998 du 3 septembre 1998, consid. 2a). Ce principe doit être confirmé. Cela n'a toutefois pas pour conséquence que celui qui a ouvert les comptes saisis sous une fausse identité se voie reconnaître le droit de recourir contre la remise des avoirs saisis. A cet égard, il n'y a pas lieu de distinguer entre le recours dirigé contre la transmission de la documentation bancaire (où la qualité pour agir des recourants a été déniée; ATF 129 II 268 consid. 2.3.3 p. 269/270) et celui dirigé, comme en l'occurrence, contre la remise de fonds. Le fait que la mesure contestée touche aux droits patrimoniaux des recourants, dans une mesure importante, est indifférent à cet égard. En effet, le sens de la jurisprudence précitée est de prévenir les situations dans lesquelles le détenteur de fonds ouvre un compte bancaire sous un faux nom afin d'en cacher la provenance délictueuse et de contourner les règles relatives à l'identification de l'ayant droit économique (cf. art. 4 LBA [RS 955.0]). Il serait en outre choquant de refuser à ce dernier la qualité pour agir contre la remise de fonds, alors que celui qui ouvrirait le compte sous un faux nom serait autorisé à le faire, comme le réclament les recourants. En effet, celui qui se comporte de la sorte ne se trouve pas dans une situation différente de celui qui fait ouvrir le compte par un intermédiaire ou une société qu'il domine.
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En conclusion, cette conception de l'art. 80h let. b EIMP, mis en relation avec l'art. 74a de la même loi, constitue une restriction justifiée au droit de saisir le juge, qui découle de la garantie du procès équitable au sens de l'art. 29 al. 1 Cst. Elle n'est pas davantage disproportionnée puisque, comme cela vient d'être rappelé, la qualité pour agir du titulaire du compte est reconnue.
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6. Aux termes de l'art. 74a EIMP, à la demande de l'autorité étrangère compétente, les objets ou valeurs saisis à titre conservatoire peuvent lui être remis au terme de la procédure d'entraide, en vue de confiscation ou de restitution à l'ayant droit (al. 1). Ces objets ou valeurs comprennent notamment le produit ou le résultat de l'infraction, la valeur de remplacement et l'avantage illicite (al. 2 let. b). La remise peut intervenir à tous les stades de la procédure étrangère, en règle générale sur décision définitive et exécutoire de l'Etat requérant (al. 3).
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Lorsque la remise est demandée en exécution d'une décision définitive et exécutoire dans l'Etat requérant, la question de savoir si les objets ou valeurs réclamés proviennent de l'infraction doit être considérée comme tranchée, ainsi que celle de savoir si les objets ou valeurs en question doivent être restitués ou confisqués (ATF 123 II 595 consid. 4e p. 604/605), à moins qu'il n'apparaisse d'emblée que tel n'est manifestement pas le cas (ATF 129 II 453).
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Lorsque, comme en l'occurrence, la demande porte sur la remise des fonds avant la fin de la procédure pénale, l'autorité d'exécution décide après avoir pris en compte toutes les particularités du cas (ATF 123 II 595 consid. 4e p. 605/606). Si la situation est limpide tant pour ce qui concerne l'identification des objets ou valeurs que leur provenance délictueuse, l'autorité ordonne la remise (ATF 123 II 595 consid. 4f p. 606; ATF 123 II 134 consid. 5c et d p. 140 ss, ATF 123 II 268 consid. 4a p. 274). En pareil cas, l'intérêt de l'Etat requis se limite au respect des garanties élémentaires d'une procédure conforme aux exigences de la CEDH ou du Pacte ONU II (ATF 123 II 595 consid. 4f p. 606). Il convient également de tenir compte, sous cet aspect, de l'intérêt essentiel de la Suisse, au sens de l'art. 1a EIMP, de ne pas servir de refuge aux montants considérables détournés illégalement par les représentants de régimes dictatoriaux (ATF 123 II 595 consid. 5a p. 606/607).
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Lorsque la provenance délictueuse des objets ou valeurs réclamés est douteuse, il convient de renoncer à la remise jusqu'à la clarification des faits dans le cadre d'une procédure judiciaire dans l'Etat requérant (ATF 123 II 595 consid. 4f p. 606, ATF 123 II 268 consid. 4b p. 274; cf. également l'arrêt 1A.136/1998, précité).
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7. L'Office fédéral a considéré que "pour une partie prédominante des fonds saisis", il avait "acquis un degré suffisant de certitude" de leur origine délictuelle et de leur connexité avec les faits poursuivis dans l'Etat requérant. Les recourants contestent cette appréciation. Le grief de violation de l'art. 74a al. 3 EIMP qu'ils soulèvent doit être examiné uniquement pour ce qui concerne les comptes nos 5, 6, 7, 17, 18 et 19, ainsi que les polices nos 11, 14, 15 et 16, qui forment désormais le seul objet du recours. Tel qu'il est formulé, le grief tiré de l'art. 8 CEDH n'a pas de portée propre à cet égard.
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On ne saurait cependant déduire de cette indication qu'aurait été réparé intégralement le dommage allégué par l'Etat requérant. En effet, les montants cités sont très nettement inférieurs au préjudice subi par la Banque centrale du Nigeria. Les recourants prennent de surcroît en compte les remboursements effectués par Bagudu. Or, ceux-ci concernent des fonds qui ne sont pas visés par la décision attaquée.
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7.1.3 A l'appui de la demande du 2 octobre 2003, l'Etat requérant a joint l'acte d'accusation établi le 15 septembre 2000 par le Procureur Molokwu. Cent quarante-sept chefs d'accusation ("counts") ont été soulevés, qui se rapportent à soixante-deux opérations délictueuses, portant sur le détournement, au détriment de la Banque centrale du Nigeria, d'un montant total de 1'253'857'850 USD et 572'633'000 GBP. Cet acte d'accusation a été complété le 22 janvier 2001. Soixante-huit chefs d'accusation ("counts") ont été retenus, qui se rapportent à trente-quatre opérations délictueuses, portant sur le détournement, au détriment de la Banque centrale du Nigeria, d'un montant total de 133'253'900 USD et 850'000 GBP. A défaut d'autres indications plus précises quant à l'objet de la procédure pénale ouverte dans l'Etat requérant, il faut admettre que seuls entrent en compte pour une éventuelle remise anticipée au sens de l'art. 74a al. 3 EIMP, les fonds qui proviendraient des détournements effectués au préjudice de la Banque centrale du Nigeria, à l'exclusion de toute autre opération délictueuse qui aurait été dévoilée notamment dans le cadre des investigations menées en Suisse, soit au titre de la procédure pénale nationale, soit au titre de l'exécution de la demande d'entraide. Il est possible (voire même probable) que Sani Abacha, les membres de sa famille et leurs affidés aient reçu des pots-de-vin pour d'autres affaires de corruption. Mais ces faits ne font apparemment pas l'objet de poursuites dans l'Etat requérant ou, du moins, le contraire n'est pas suffisamment démontré sur le vu de la demande et de la relation qui en est faite des procédures ouvertes au Nigeria. Il suit de là que la remise d'autres fonds actuellement saisis en Suisse pourrait être envisagée en exécution d'une demande complémentaire, compte tenu également des développements futurs de la procédure pénale dans l'Etat requérant.
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7.2 R., ressortissant suisse et français né en 1942, a été employé par la société des Iles Vierges britanniques S. de 1988 à 2000. Durant cette période, il a dirigé notamment les sociétés SA., SB. et SC. O., ressortissant suisse né en 1964, était le bras droit de R. au Nigeria. Il a expliqué que pour faire des affaires avec le gouvernement et les sociétés nationales au Nigeria, il était nécessaire de verser des pots-de-vin. Dans ce cadre, il avait noué des liens avec T., placé par Sani Abacha à la tête de la société U., filiale de la société V. Pour rendre service à celui-ci, il avait accepté de faire transférer en Suisse, en 1996 et 1997, d'importants montants pour le compte de Sani Abacha. P., ressortissant suisse né en 1954, est homme d'affaires au Nigeria, où il réside depuis 1980 et dirige plusieurs sociétés. Il procédait à des opérations de change et de compensations. Dans ce cadre, il a fait transférer en Suisse, en espèces et par des chèques, un montant total de 73'892'869.63 USD, reçu de O., pour le compte de Mohammed et Abba Abacha, dont un montant de 6'523'000 USD viré sur le compte n° x détenu par T. auprès de la banque C. (en quatre versements: 1'000'000 USD le 20 novembre 1996; 2'000'000 USD le 20 novembre 1996; 1'523'000 le 26 novembre 1996; 2'000'000 USD le 27 novembre 1996).
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Au total, le compte n° 4 a reçu de T. et de P., directement ou indirectement, le montant de 42'196'351 USD. De ce compte, un montant total de 41'216'000 USD a été viré sur le compte n° 5 (en deux virements des 13 et 14 août 1997), ainsi qu'un montant de 236'937.32 CHF (le 14 août 1997) et de 158'400 DEM (le 5 septembre 1997).
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Sur le compte n° 20, P. a versé un montant total de 5'076'000 USD (en trois versements: 2'150'000 USD le 22 janvier 1997; 1'798'000 USD le 24 janvier 1997; 1'128'000 USD le 27 février 1997). De ce compte, un montant de 5'223'954 USD a été viré sur le compte n° 17, le 19 août 1997.
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7.2.2 Les comptes nos 4 et 20 présentent les traits de comptes dits "de passage" ne correspondant à aucune activité économique identifiable. Cela ressort aussi de la fréquence (quelques jours d'intervalle) de paiements pour des montants importants, sans rapport avec une quelconque contre-prestation. Ces comptes ont servi à faire acheminer les montants remis en chèques et en espèces, soit par T. lui-même, soit par le truchement de R., O. et P. Que ces montants proviennent des prélèvements opérés sur les fonds de la Banque centrale du Nigeria ne fait guère de doute. Il en va de même de l'implication de T. Dans son audition du 15 août 2000, O. a explicité le lien existant entre T. et Sani Abacha, d'une part, et le sens des services qu'il avait accepté de rendre en faveur de T. De même, il est établi que le compte n° x ouvert auprès de la Banque C. au nom de T. par R. a servi au transfert de fonds provenant d'Abacha. R. l'a confirmé expressément lors de son audition du 25 octobre 2000.
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Celui-ci a reçu du compte n° 4 un montant total de 41'216'000 USD (en deux virements: 24'900'000 USD le 13 août 1997 et 16'316'000 USD le 14 août 1997), ainsi qu'un montant de 236'937.32 CHF (le 14 août 1997) et de 158'400 DEM (le 5 septembre 1997). S. a versé sur le compte n° 5 un montant total de 1'200'000 GBP (en trois versements: 500'000 GBP le 2 septembre 1997; 500'000 GBP le 29 septembre 1997 et 200'000 GBP le 2 décembre 1997). Le compte n° 5 a en outre été approvisionné par le versement d'un montant de 27'450'000 USD effectué le 17 décembre 1997 par la société AA. et d'un montant de 940'000 USD provenant d'un compte ouvert par T. auprès de la banque Z., le 20 novembre 1997. En y ajoutant le montant de 700'000 GBP viré le 21 août 1997 depuis le compte n° 17, le montant total versé sur le compte n° 5 est ainsi de 72'855'056.18 USD.
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Le compte n° 6 a reçu du compte n° 5 un montant de 600'000 GBP et de 13'000'000 USD (en deux virements effectués les 15 et 16 décembre 1997). Quant au compte n° 7, il a reçu du compte n° 5 un montant total de 6'400'000 USD (en trois virements: 2'200'000 USD le 1er décembre 1997; 400'000 USD le 15 décembre 1997; 3'800'000 USD le 23 janvier 1998).
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Les comptes nos 5, 6 et 7 sont des comptes de passage. Outre les virements indiqués ci-dessus, ils ont servi à l'engrangement de bénéfices liés à l'achat et la vente de titres, à la perception de dividendes, ainsi qu'à des opérations de change. Les bénéfices de ces transactions doivent être assimilés à des avantages illicites au sens de l'art. 74a al. 2 let. b EIMP (cf. ATF 110 IV 8; PAOLO BERNASCONI, Internationale Amts- und Rechtshilfe, in Niklaus Schmid, Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. II, Zurich 2002, n. 526-530; NIKLAUS SCHMID, Kommentar Einziehung, Organisiertes Verbrechen, Geldwäscherei, vol. I, Zurich 1998, n. 17 ad art. 59 CP; MAURICE HARARI, Remise internationale d'objets et valeurs: réflexions à l'occasion de la modification de l'EIMP, in Etudes en l'honneur de Dominique Poncet, Genève 1997, p. 167 ss, 177-179).
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En l'occurrence, il convient d'admettre que les montants déposés sur les comptes nos 5, 6 et 7 proviennent des fonds détournés au détriment de la Banque centrale du Nigeria ou en représentent le produit. Ils doivent dès lors être remis à l'Etat requérant.
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7.4.1 Le compte n° 17 a reçu de S. un montant de 700'000 GBP, le 13 août 1997 et un montant de 5'223'954 USD provenant du compte n° 20, le 19 août 1997. De P. (y compris par le truchement des sociétés BB. qu'il domine), le compte n° 17 a reçu un montant total de 22'118'796 USD (en cinq virements: 2'820'000 USD le 6 octobre 1997; 2'200'000 USD le 9 octobre 1997; 7'543'796 USD le 5 novembre 1997; 5'500'000 USD le 22 janvier 1998; 4'000'000 USD le 27 janvier 1998). Ces montants, provenant directement ou indirectement de la Banque centrale du Nigeria, sont le produit d'activités délictueuses. Ils doivent être remis à l'Etat requérant.
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Pour les motifs déjà indiqués (cf. consid. 7.3.2 ci-dessus), le montant provenant de AA. ne doit pas être remis à l'Etat requérant, du moins pour l'heure. Il en va de même pour ce qui concerne les fonds versés par Y., car celle-ci est impliquée dans le même contrat ferroviaire que celui concernant AA. et le montant litigieux provient de la même source. En revanche, il n'y a pas lieu de refuser la remise des fonds virés par FF. et X. Les ordres relatifs aux virements effectués par ces sociétés se réfèrent en effet à W., société dominée par P., ce qui laisse supposer que ces fonds ont suivi le même circuit fictif mis en place par l'organisation dirigée par T. pour le compte de Sani Abacha.
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7.5 Les fonds qui ont servi au financement des polices nos 11, 14, 15 et 16 proviennent, selon les éléments retenus dans la décision attaquée, d'opérations de corruption en lien avec la construction d'une usine pour la fabrication d'aluminium (affaire dite CC.), la fourniture de matériel informatique à l'armée nigériane (affaire dite DD. et EE.) et l'acquisition d'aéronefs pour le compte de la République fédérale. Or, ces faits ne semblent pas couverts par l'acte d'accusation qui est à la base du procès pénal ouvert dans l'Etat requérant. Du moins, les éléments qui établiraient le contraire ne sont pas établis clairement (cf. consid. 7.1.3 ci-dessus). La remise des fonds placés sur les polices nos 11, 14, 15 et 16 ne peut dès lors être admise pour l'instant. Au titre des détournements effectués au préjudice de la Banque centrale du Nigeria, l'Office fédéral a évoqué qu'une partie du produit de ces délits (pour un montant indéterminé) aurait abouti sur les polices litigieuses, par le truchement d'un dénommé Financial Investment Establishment, qui aurait fait transiter les fonds en question par les comptes des sociétés Technical Management Services et Financial Investment Establishment. Toutefois, comme le signale l'Office fédéral lui-même, les documents relatifs à ces transferts font défaut, ce qui empêche, en l'état, d'en établir l'origine exacte.
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9.1 Selon l'art. 59 ch. 3 CP, le juge ordonnera la confiscation de toutes les valeurs sur lesquelles une organisation criminelle exerce un pouvoir de disposition; les valeurs appartenant à une personne qui a participé ou apporté son soutien à une organisation criminelle au sens de l'art. 260ter CP sont présumées soumises, jusqu'à preuve du contraire, au pouvoir de disposition de l'organisation. Il doit être établi que la personne en cause a participé ou accordé son soutien à une telle organisation. Il n'est en revanche pas nécessaire de prouver que cette personne ou cette organisation ont commis une infraction déterminée, ni que les valeurs proviennent d'un crime. On ne renoncera à la confiscation que si la personne en cause a été acquittée, en Suisse ou à l'étranger, des fins de la poursuite; est toutefois réservé le cas où la procédure de confiscation en Suisse ferait apparaître de nouveaux indices attestant le rôle joué par la personne concernée dans l'organisation en question (FLORIAN Baumann, Basler Kommentar, Strafgesetzbuch I, n. 58 ss ad art. 59 CP; NIKLAUS SCHMID, op. cit., n. 130 ss ad art. 59 CP). Par organisation criminelle, on entend, selon l'art. 260ter CP, celle qui tient sa structure et son effectif secrets et qui poursuit le but notamment de se procurer des revenus par des moyens criminels. Est punissable celui qui aura soutenu cette organisation (ch. 1), y compris pour le cas où l'infraction est commise à l'étranger, à condition que l'organisation exerce ou doit exercer son activité criminelle en tout ou partie en Suisse (ch. 3).
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La question de savoir si une confiscation pourrait être ordonnée en Suisse en application des art. 59 ch. 3 CP (cf. à ce propos ATF 128 IV 145) n'a pas à être tranchée dans le cadre du présent recours. Se pose en revanche celle de savoir si l'art. 74a al. 3 EIMP ne doit pas être interprété à la lumière de cette disposition.
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Dans son Message du 30 juin 1993 concernant la modification du code pénal qui a conduit à l'introduction du ch. 3 de l'art. 59 CP, selon la loi du 18 mars 1994, en vigueur depuis le 1er août suivant, le Conseil fédéral a souligné que cette nouvelle disposition avait pour but de déroger à la règle prévalant tant en droit interne que de celui de l'entraide judiciaire internationale, selon laquelle une valeur ne peut être confisquée que s'il est possible d'établir l'infraction dont elle provient. Relativement à l'organisation criminelle, la confiscation s'étend à toutes les valeurs dont elle dispose. Cela s'explique par le fait que si les avoirs en question dépendent d'une organisation criminelle, c'est qu'ils proviennent selon toute probabilité d'une activité également criminelle (FF 1993 III 269 ss, p. 308). Le Conseil fédéral a justifié l'adoption d'une règle spécifique à cet égard, notamment par le besoin de faciliter l'entraide judiciaire et l'exécution de confiscations étrangères portant sur des valeurs patrimoniales acheminées en Suisse par des organisations criminelles (idem, p. 309). Il suit de là - même si le Message ne le dit pas - que l'art. 59 ch. 3 deuxième phrase CP, s'applique aussi dans le domaine de l'entraide judiciaire (dans ce sens également: HARARI, op. cit., p. 185, n. 78; BAUMANN est plus réticent; tout en soulignant que l'art. 74a EIMP vise la remise du produit de l'infraction et non pas les valeurs soumises au pouvoir de disposition d'une organisation criminelle, il admet une telle remise pour autant que les droits des tiers de bonne foi soient sauvegardés, op. cit., n. 77 ad art. 59 CP). Subséquemment, les fonds dépendant d'une organisation criminelle sont présumés d'origine délictueuse à moins que les détenteurs n'apportent la preuve du contraire. Faute pour eux d'avoir renversé la présomption de l'art. 59 ch. 3 deuxième phrase CP, la remise est ordonnée en application de l'art. 74a al. 3 EIMP, sans autre examen de la provenance des fonds réclamés. Or, la structure mise en place par Sani Abacha et ses complices constitue une organisation criminelle au sens de l'art. 59 ch. 3 CP, puisqu'elle avait pour but de détourner à des fins privées des fonds provenant de la Banque centrale du Nigeria, ainsi que le profit d'opérations de corruption (cf. BERNARD CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. II, Berne 2002, ad art. 260ter CP).
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9.2 Dans le cadre des décisions qu'il lui incombera de prendre pour la remise des fonds encore saisis, l'Office fédéral offrira aux détenteurs des comptes visés la possibilité de faire valoir les arguments propres à renverser la présomption posée à l'art. 59 ch. 3 deuxième phrase CP, c'est-à-dire de démontrer que les fonds saisis ne sont pas d'origine criminelle.
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