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2. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour civile dans la cause X. contre Y. SA et dans la cause Y. SA contre X. et Z. SA (recours en réforme) |
4C.368/2005 / 4C.370/2005 du 26 septembre 2006 | |
Regeste |
Haftpflicht; unechte Solidarität; Verjährung der Regressforderung zwischen mehreren Haftpflichtigen (Art. 51 und 143 ff. OR). |
Anwendung dieser Grundsätze auf den vorliegenden Fall (E. 6). | |
Sachverhalt | |
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A.a La Fondation A. (ci-après: la Fondation ou la demanderesse) gère plusieurs établissements médico-sociaux (EMS) dans le canton de Vaud. En 1987, elle a confié à l'architecte X. (ci-après: l'architecte ou le défendeur) la conception et la direction de travaux de rénovation et de transformation de l'intérieur d'un immeuble abritant l'un de ceux-ci. Les travaux de maçonnerie ont été adjugés à Z. SA (ci-après: l'entreprise ou la défenderesse). Les transformations prévues comportaient notamment l'installation d'un office dans une ancienne buanderie; elles nécessitaient l'ouverture d'une tranchée dans la dalle de ce local pour y enterrer des canalisations ainsi que la démolition partielle de cette dalle sous laquelle se trouvait un tuyau de gaz.
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Le 5 octobre 1988, alors qu'il était en train d'exécuter ce travail de démolition au marteau-piqueur, un manoeuvre de l'entreprise a percé la conduite de gaz avec son appareil. Quelques instants plus tard, une très violente explosion s'est produite, ravageant une partie de l'immeuble et causant des dégâts aux immeubles voisins. La réceptionniste de l'EMS, B., et un ouvrier, C., ont été blessés. Les pensionnaires présents dans l'immeuble n'ont pas subi de lésions corporelles car ils venaient de regagner les étages après avoir achevé leur repas.
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A.b Une instruction pénale a été ouverte à la suite de l'explosion du 5 octobre 1988. Elle a abouti à la condamnation, par jugement du 28 février 1994, de l'architecte, du chef de chantier et de deux employés de la société Y. SA (ci-après: Y. ou l'appelée en cause). Cette société, au bénéfice d'un monopole d'intervention sur les conduites d'amenée de gaz, avait procédé, par le passé, à des travaux à l'intérieur de l'immeuble de la Fondation en vue de mettre hors service l'installation de gaz; suivant sa pratique usuelle lorsque le client ne renonce pas définitivement à cette source d'énergie, elle avait cependant laissé sous pression la conduite de branchement. Les deux employés de Y. ont été acquittés par jugement de la Cour de cassation pénale du Tribunal cantonal vaudois du 31 octobre 1994.
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A.c Depuis les 21 et 22 septembre 1989, l'architecte et l'entreprise ont renoncé à se prévaloir de la prescription à l'égard de la Fondation pour toutes les prétentions que celle-ci pourrait élever contre eux en rapport avec l'explosion du 5 octobre 1988. Y. n'a pas effectué de déclaration de ce genre et ne s'est vu signifier aucun commandement de payer par la Fondation en rapport avec cette explosion. Elle n'a pas non plus été recherchée en responsabilité par l'assurance de l'architecte, laquelle n'a pas participé à la procédure civile.
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B.
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B.a Par demande du 2 juillet 1996, la Fondation a assigné l'architecte et l'entreprise, en qualité de débiteurs solidaires, afin d'obtenir réparation de son dommage.
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L'architecte a conclu au rejet de la demande. Le 14 août 1996, il a appelé en cause Y. pour que celle-ci le relève de tout montant qui pourrait être mis à sa charge en rapport avec le dommage subi par la Fondation et pour qu'elle lui verse l'équivalent des indemnités payées aux deux personnes physiques lésées.
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Répondant le 4 mai 1998, l'entreprise, qui n'a pas formé d'appel en cause, a conclu, principalement, au rejet de la demande et, reconventionnellement, au paiement du solde de ses factures. A titre ![]() | 10 |
Dans leurs dernières écritures, les parties défenderesses ont conclu au rejet de la demande; subsidiairement, chacune d'elles a demandé que l'appelée en cause et l'autre partie coresponsable la relèvent de tout montant qui pourrait être mis à sa charge.
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De son côté, l'appelée en cause a conclu au rejet des conclusions prises contre elle et a soulevé l'exception de prescription des prétentions des défendeurs.
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B.b Par jugement du 9 mai 2005, la Cour civile du Tribunal cantonal vaudois a condamné les défendeurs X. et Z. SA à indemniser la demanderesse. Elle a simultanément réglé la question des rapports internes entre ces deux codébiteurs, d'une part, de même qu'entre ceux-ci et Y., l'appelée en cause, d'autre part. Cette dernière a été condamnée à relever la défenderesse et le défendeur à concurrence des montants payés par eux au-delà du quart, respectivement de la moitié, des montants alloués à la demanderesse, mais au maximum à concurrence du quart de ceux-ci (ch. III et IV du dispositif). En outre, elle a été condamnée à payer au défendeur une somme correspondant au quart des indemnités versées à B. et à la CNA pour C. (ch. V du dispositif).
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En résumé, la cour cantonale a retenu que la responsabilité de l'architecte était engagée tant sur le plan délictuel que contractuel. Il en allait de même de celle de l'entreprise, pour le fait de ses employés (art. 55 CO) et de ses auxiliaires (art. 101 CO). En ce qui concerne Y., la Cour civile a jugé que l'appelée en cause avait créé un état de fait dangereux en maintenant sous pression une conduite de gaz, enterrée à quelques centimètres de profondeur et passant à l'intérieur d'un bâtiment sur une distance d'un peu plus de quatre mètres, alors qu'il n'était pas improbable que des travaux soient entrepris dans l'immeuble et alors qu'il n'existait pas de robinet d'arrêt accessible en tout temps, placé immédiatement après l'entrée de la conduite dans le bâtiment. Considérant que l'action récursoire des défendeurs contre l'appelée en cause n'était pas prescrite, les premiers juges ont appliqué les règles de la solidarité imparfaite et partagé les responsabilités entre les auteurs du dommage à raison de 50 % pour l'architecte, 25 % pour l'entreprise et 25 % pour Y.
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Le Tribunal fédéral a admis partiellement le recours de l'appelée en cause. Le recours du défendeur et le recours joint de la défenderesse ont été rejetés dans la mesure où ils étaient recevables.
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Extrait des considérants: | |
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5.1 La responsabilité civile de l'appelée en cause à l'égard de la demanderesse est engagée, sur la base de l'art. 41 CO, en raison de la création d'un état de fait dangereux (violation du principe neminem laedere). L'action en dommages-intérêts, fondée sur ce chef de responsabilité, se prescrivait par un an à compter du jour où la partie lésée avait eu connaissance du dommage ainsi que de la personne qui en était l'auteur et, dans tous les cas, par dix ans dès le jour où le fait dommageable s'était produit (art. 60 al. 1 CO). L'explosion litigieuse est survenue le 5 octobre 1988. Il n'est pas contesté, ni contestable du reste, que la prescription absolue de la créance de la Fondation à l'égard de l'appelée en cause est survenue pendente lite (le 5 octobre 1998), soit avant le prononcé du jugement cantonal faisant droit aux prétentions récursoires élevées contre cette partie, et ce sans qu'elle ait jamais été interrompue. Encore qu'il soit plus difficile de déterminer l'échéance du délai de prescription annal, faute de constatations claires à ce propos, il est probable que ce délai ait expiré avant l'introduction de la procédure close par le jugement déféré, bien que la défenderesse soutienne le contraire (voir, à ce sujet, le consid. 6.2.2.2). Au demeurant, la prescription de plus longue durée du droit pénal, réservée par l'art. 60 al. 2 CO, n'entre pas en ligne de compte dans le cas particulier. Supposé, en effet, que des actes objectivement punissables aient été commis en l'espèce, ils ont été le fait de deux employés de l'appelée en cause ![]() | 18 |
Les droits de la personne morale lésée envers l'un des coresponsables du dommage étaient ainsi prescrits, à tout le moins au moment de l'admission des prétentions récursoires élevées par deux autres responsables contre ce responsable-là. Aussi convient-il d'examiner l'incidence de cet état de choses sur ces prétentions récursoires. En d'autres termes, le responsable qui n'a pas été recherché par le lésé peut-il opposer la prescription des droits de celui-ci à son égard à l'un des coresponsables qui lui intente une action récursoire? La réponse à cette question nécessite le rappel préalable de l'état de la jurisprudence (consid. 5.2.1) et des opinions doctrinales (consid. 5.2.2) en la matière, de même qu'un survol des solutions qui ont été adoptées dans d'autres ordres juridiques (consid. 5.2.3) et de celles qui sont proposées en Suisse de lege ferenda (consid. 5.2.4). Il y aura lieu, ensuite, de régler le problème litigieux en prenant en considération ses divers aspects (consid. 5.3), puis, cela fait, d'appliquer aux circonstances du cas concret les principes que cette analyse aura permis de poser (consid. 6).
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5.2 La question de la relation entre l'action principale du lésé dirigée contre les coresponsables du dommage (rapports externes) et l'action récursoire de l'un de ceux-ci contre l'un ou plusieurs d'entre eux (rapports internes) est multiforme. Elle fait appel à des notions cardinales du droit de la responsabilité civile, telles la ![]() | 20 |
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Sans le dire expressément, le Tribunal fédéral, dans un obiter dictum d'un arrêt ultérieur, met en doute cette opinion lorsqu'il indique, à propos de l'action récursoire, en faisant référence à l'art. 130 al. 1 CO, qu'il "conviendrait d'examiner sérieusement si le délai ne court pas dès le paiement de l'indemnité seulement" (ATF 89 II 118 consid. 5b p. 123).
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Un arrêt rendu en 1989 apporte de nouveaux éléments au débat (ATF 115 II 42 consid. 2). Le Tribunal fédéral y souligne que la prétention récursoire ne prend naissance qu'à partir du moment où le responsable a indemnisé le lésé, tout en précisant que le délai de prescription relatif commence à courir dès que le responsable connaît son droit de recours. Cette solution implique donc une dissociation entre le moment de la naissance de la créance récursoire et le moment où la prescription de l'action y relative commence à courir. Il en résulte que la prescription pourrait intervenir avant même que la créance soit née. D'autre part, l'arrêt examiné subordonne l'admissibilité de l'action récursoire à la condition que les prétentions concurrentes du lésé contre un autre responsable ne soient pas déjà prescrites ou périmées. Quant au délai de prescription de cette ![]() | 23 |
En 1989 toujours, dans un arrêt concernant la prescription des droits du maître en raison des défauts d'une construction immobilière (ATF 115 II 456 consid. 2), le Tribunal fédéral a indiqué que la ratio legis de l'art. 371 al. 2 CO, qui fixe le même délai (quinquennal) au maître de l'ouvrage pour faire valoir ses prétentions de ce chef contre l'entrepreneur, l'architecte ou l'ingénieur, était d'éviter que l'architecte ou l'ingénieur, à supposer qu'il ait pu être recherché par le maître dans le délai de prescription ordinaire de dix ans (art. 127 CO), n'eût plus été en mesure de se retourner contre l'entrepreneur répondant du défaut, les droits du maître à l'égard de ce dernier étant déjà prescrits. Selon PETER GAUCH (Le contrat d'entreprise, n. 2297 et 2757), dans la conception du législateur suisse, consacrée à l'art. 371 al. 2 CO tel qu'interprété par la jurisprudence fédérale, l'entrepreneur dont la dette du chef de la garantie pour les défauts est prescrite à l'égard du maître peut également opposer cette prescription à l'architecte ou à l'ingénieur. En effet, s'il ne le pouvait pas, la règle de l'art. 371 al. 2 CO ne serait pas nécessaire pour garantir le droit de recours de ceux-ci contre lui.
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L'arrêt publié aux ATF 116 II 645 consid. 7b/bb p. 650 confirme la jurisprudence établie par les deux arrêts de 1989 précités. Référence y est faite à l'art. 83 al. 3 LCR, aux termes duquel les recours que peuvent exercer entre elles les personnes civilement responsables d'un accident de véhicules automobiles ou de cycles, ainsi que les autres droits de recours prévus par la présente loi, se prescrivent par deux ans à partir du jour où la prestation a été complètement effectuée et le responsable connu. D'après le Tribunal fédéral, "il s'agit là d'une disposition spéciale qui déroge à la règle jurisprudentielle, selon laquelle l'action récursoire en cas de solidarité imparfaite prend certes naissance quand l'ayant droit paie son dû, mais ne peut plus être exercée si les prétentions concurrentes du lésé contre un codébiteur sont déjà prescrites ou périmées (ATF 115 II 48 ss consid. 2)".
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A l'inverse, que de tels droits soient prescrits n'exclut pas nécessairement la possibilité d'intenter une action récursoire, lors même que le défendeur à cette action pourrait exciper de la prescription de la prétention du lésé à son encontre. Ainsi en allait-il dans une cause jugée en 1997 où un entrepreneur avait opposé sans succès l'exception de prescription à l'action récursoire du maître qui entendait se faire rembourser les sommes qu'il avait dû verser à des voisins ayant subi des dommages en raison de la mauvaise exécution des travaux confiés à cet entrepreneur (hypothèse dite de la Drittschadensliquidation ). Le Tribunal fédéral, soulignant que l'action récursoire trouvait son fondement juridique dans la violation par l'entrepreneur de ses obligations contractuelles, a écarté cette exception sans attacher d'importance à l'argument tiré de la prescription des droits des voisins lésés à l'égard de l'entrepreneur fautif (arrêt 4C.3/1995 du 27 mai 1997, consid. 4c).
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Dans un arrêt de 2001, publié aux ATF 127 III 257 et traduit in SJ 2002 I p. 113 ss, le Tribunal fédéral a jugé à tout le moins discutable la conclusion, tirée par la cour cantonale de l' ATF 115 II 42 consid. 2, voulant que l'extinction par prescription des prétentions concurrentes du lésé exclue dans tous les cas l'exercice de l'action récursoire contre les codébiteurs (consid. 6a p. 265). Il a certes confirmé, en faisant appel à l'art. 2 al. 2 CC, que, si le titulaire du droit de recours affaiblit sans raison la position d'un coresponsable, notamment en ne lui dénonçant pas le litige qui l'oppose au lésé, il ne mérite aucune protection, si bien qu'il y a lieu de lui refuser le droit de faire valoir en justice sa créance récursoire sans égard au fait qu'elle n'est pas encore prescrite. Cependant, l'arrêt ajoute, de manière tout à fait claire, que la jurisprudence n'a pas encore tranché la question de savoir comment il convient de traiter les cas où le titulaire du droit de recours n'a pas eu de raison, avant la prescription des créances concurrentes du lésé contre d'autres coresponsables, de faire valoir sa créance récursoire ou n'a pas pu le faire du tout parce qu'il n'a pas pris connaissance à temps de la ![]() | 28 |
A l'occasion d'un arrêt rendu en 2003 sur un recours de droit public, le Tribunal fédéral a rappelé que la règle selon laquelle la créance récursoire de l'art. 148 al. 2 CO ne naît en principe qu'avec le paiement effectif par le débiteur de son dû n'est remise en question ni dans la jurisprudence ni dans la doctrine (arrêt 4P.155/2003 du 19 décembre 2003, consid. 8 et les références).
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Le 23 février 2004 enfin, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt important sur des questions ayant un lien avec le problème présentement envisagé (ATF 130 III 362). On y trouve, clairement exprimés, des principes directeurs qui contribueront à la solution de celui-ci. Il en est ainsi de l'idée, déjà émise quelques mois plus tôt (arrêt 4C.27/2003 du 26 mai 2003, consid. 3.4, publié in SJ 2003 I p. 597 ss), voulant que l'art. 51 CO, consacré aux seuls rapports ![]() | 30 |
Cet aperçu de la jurisprudence fédérale touchant le problème controversé démontre que celui-ci demeure entier. Il n'empêche que les arrêts rapportés ci-dessus contiennent un certain nombre d'éléments intéressants sur lesquels il sera possible de faire fond pour donner à ce problème une solution qui réponde, autant que faire se peut, aux attentes difficilement conciliables des parties concernées.
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5.2.2 C'est peu dire que la question de la prescription de l'action récursoire est controversée dans la doctrine, qu'il s'agisse du point de départ ou de la durée du délai. Comme le soulignent les auteurs de l'avant-projet de loi fédérale sur la révision et l'unification du droit de la responsabilité civile (ci-après: l'Avant-projet ou AP), les opinions émises à ce sujet "expriment une diversité déroutante" (PIERRE WIDMER/PIERRE WESSNER, Révision et unification du droit ![]() | 32 |
Une partie de la doctrine considère, pour des motifs divers, que le codébiteur défendeur à l'action récursoire peut s'opposer à celle-ci en soutenant que sa propre dette envers le créancier commun est prescrite. Tel est, en particulier, l'avis exprimé par KARL SPIRO (Die Begrenzung privater Rechte durch Verjährungs-, Verwirkungs- und Fatalfristen, vol. I, p. 492 ss). Selon cet auteur, la prétention du demandeur à l'action récursoire découlerait de la responsabilité du défendeur à cette action à l'égard du lésé; dès lors, le sort de cette prétention serait lié à celui de la créance principale du lésé envers ce défendeur, l'extinction de celle-ci excluant la possibilité de faire valoir celle-là. Au demeurant, pour SPIRO, ne pas admettre la solution qu'il propose conduirait à des résultats inéquitables car l'art. 146 CO, en vertu duquel l'un des débiteurs solidaires ne peut aggraver par son fait personnel la position des autres, ne serait pas respecté suivant les circonstances (pour une tentative de réfutation de cette argumentation, cf. BUGNON, op. cit., p. 149 s.). D'autres auteurs pensent pouvoir tirer la même conclusion de l'arrêt publié aux ATF 115 II 42 consid. 2 (HEINZ REY, Ausservertragliches Haftpflichtrecht, 3e éd., n. 1724; PETER GAUCH/WALTER R. SCHLUEP/JÖRG SCHMID/HEINZ REY, Schweizerisches Obligationenrecht, Allgemeiner Teil, vol. II, 8e éd., n. 3960; ANTON K. SCHNYDER, Commentaire bâlois, Obligationenrecht I, 3e éd., n. 10 ad art. 51 CO). PETER GAUCH, on l'a déjà vu, en fait de même en fondant son opinion sur la ratio legis de l'art. 371 al. 2 CO (op. cit., n. 2297; cf. consid. 5.2.1 ![]() | 33 |
Pour une autre partie de la doctrine, en revanche, la prescription de la créance du lésé contre l'un des coresponsables n'est pas opposable au titulaire du droit de recours. Ainsi, selon BUGNON (op. cit., p. 149 s.), s'il est vrai que la responsabilité du sujet au recours est une condition du droit de recours, la créance récursoire, en tant qu'elle relève des rapports internes gouvernés par des règles spécifiques, n'en est pas moins indépendante et distincte de la créance du lésé, ce qui est conforme à la notion de concours d'actions existant en cas de pluralité de responsables. Il ne se justifie donc pas, sous l'angle de la prescription notamment, de lier le sort du droit de recours du coresponsable à celui du droit d'action du lésé, ces droits ne s'exerçant pas sur le même plan. L'auteur considère, au demeurant, que le défendeur à l'action récursoire est suffisamment protégé par le délai subsidiaire de dix ans de l'art. 60 al. 1 CO, courant dès l'événement dommageable, auquel il propose de soumettre cette action. D'autres auteurs arrivent à la même conclusion que BUGNON, certains en fondant leur opinion sur l'interprétation a contrario de l'arrêt publié aux ATF 127 III 257 consid. 6c (ROLAND BREHM, Commentaire bernois, 3e éd., n. 142 in fine ad art. 51 CO; ROMY, ibid.; WERRO, ibid.; FELLMANN, ibid.; KRAUSKOPF, ibid.).
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Les auteurs de l'Avant-projet ont mis en évidence l'absence, dans le droit actuel, d'une réglementation spécifique du problème de la prescription de l'action récursoire, le manque de fermeté de la jurisprudence en la matière et la diversité peu commune des opinions doctrinales émises à ce sujet. Partant de ce constat et se rangeant à l'opinion de la Commission d'étude, ils ont acquis la conviction de la nécessité d'une réglementation spécifique en ce domaine. Selon eux, cette réglementation devrait se fonder sur le principe que le titulaire de la prétention récursoire agit en vertu d'un droit propre, de sorte que le régime de la prescription de l'action récursoire devrait obéir à des règles spéciales. Aussi, de lege ferenda, proposent-ils de généraliser la règle posée à l'art. 83 al. 3 LCR, déjà cité (cf. consid. 5.2.1), et reprise à l'art. 39 al. 3 de la loi fédérale du 4 octobre 1963 sur les installations de transport par conduites (LITC; RS 746.1), car il s'agit là d'une règle claire et éprouvée. Toutefois, pour tenir compte des intérêts des personnes susceptibles d'être l'objet d'un recours, ils suggèrent, d'une part, de soumettre l'action récursoire à la prescription absolue, qui devrait courir comme celle de la créance du lésé, et, d'autre part, d'obliger la personne ![]() | 37 |
"IV. Action récursoire
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1. L'action récursoire (...) se prescrit par trois ans à compter du jour où la réparation a été complètement exécutée et où la personne coresponsable est connue; elle se prescrit dans tous les cas par 20 ans à compter du jour où le fait dommageable s'est produit ou a cessé de se produire.
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2. Lorsqu'une personne est recherchée en réparation, elle en avisera les personnes qu'elle tient pour coresponsables; à défaut, la prescription court à compter du jour où elle aurait dû donner cet avis conformément aux règles de la bonne foi."
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Sans doute les auteurs de l'Avant-projet n'évoquent-ils pas expressément la question de l'incidence de la prescription de la créance du lésé sur le sort de l'action récursoire. Il ressort toutefois clairement de leur argumentation, fût-ce de manière implicite, qu'ils excluent la possibilité pour le défendeur à cette action d'invoquer la prescription de sa propre dette à l'égard du lésé. Semblable conclusion s'inscrit d'ailleurs dans la logique du système qu'ils ont élaboré, lequel prévoit la suppression de la distinction entre la solidarité parfaite et la solidarité imparfaite, accompagnée du maintien de l'art. 136 al. 1 CO (WIDMER/WESSNER, op. cit., p. 166 s.).
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Erwägung 5.3 | |
5.3.1 L'exposé des solutions esquissées par la jurisprudence et la doctrine pour résoudre la question litigieuse, ainsi que des propositions faites de lege ferenda dans le même but, suffit à démontrer la complexité du problème. Cette complexité tient à la nature même du concours de responsabilités et au caractère tripartite des rapports obligationnels qui en découlent du point de vue de la personne sujette au recours. En effet, considérée sous cet angle, la prétention récursoire associe deux créances visant la même personne, quoiqu'à des niveaux différents: sur le plan des rapports externes, celle du lésé contre la personne en question, laquelle créance coexiste avec une autre créance du lésé contre un coresponsable au moins, à défaut de quoi il n'y aurait pas de concours d'actions ni, partant, de solidarité passive; sur le plan des rapports internes, la créance dont est ![]() | 42 |
Par ailleurs, il serait illusoire d'espérer trouver une solution qui, tout en ne s'écartant pas de l'orthodoxie juridique, répondît aux attentes difficilement conciliables des sujets actif et passif de la prétention récursoire. Exclure toute possibilité de faire valoir une telle prétention, motif pris de la prescription de la créance du lésé contre le coresponsable défendeur à l'action récursoire, reviendrait à faire supporter au demandeur à cette action une part du dommage qu'il incomberait normalement à un autre responsable d'assumer. Dans l'hypothèse d'un dommage résultant à la fois de la violation d'un contrat et de la commission d'un acte illicite, le responsable aquilien serait généralement avantagé par rapport au responsable contractuel, en dérogation à la règle de l'art. 51 al. 2 CO, étant donné que le lésé, pour bénéficier du délai de prescription décennal (art. 127 CO) et du renversement du fardeau de la preuve (art. 97 al. 1 CO), serait le plus souvent enclin à actionner le second et qu'il pourrait le faire bien après l'expiration du délai de prescription annal applicable à la prétention concurrente (art. 60 al. 1 CO), sans être tenu du reste à entreprendre quoi que ce soit pour interrompre le cours de ce délai. A l'inverse, admettre la recevabilité de l'action récursoire, en dépit de la prescription des droits du lésé à l'égard de la personne recherchée, irait à l'encontre des intérêts du défendeur à cette action. Dans ce cas, en effet, une circonstance purement fortuite - la présence, à ses côtés, d'un responsable contractuel - priverait celui-ci du bénéfice du court délai de prescription valable dans ses rapports avec le lésé et ferait qu'il pourrait être actionné par un coresponsable des années plus tard, alors qu'il ne s'y attendait pas et qu'il n'avait, de ce fait, pas conservé les preuves lui permettant de se défendre correctement.
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Force est, dès lors, de trancher la question délicate qui se pose ici en accordant la préférence à l'un des deux sujets de la prétention récursoire, tout en essayant de sauvegarder au mieux les intérêts de l'autre. On le fera en ayant égard au but de la solidarité passive, à la nature de la créance récursoire, de même qu'à l'effet de la prescription extinctive et à la finalité de cette institution.
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Comme le lésé ne peut, en principe, obtenir qu'une fois la réparation de son dommage, le paiement effectué par l'un des obligés libère les autres dans les rapports externes (ATF 89 II 118 consid. 5a p. 122). A ne considérer que l'intérêt du lésé, l'effet qu'emporte la solidarité passive apparaît nécessaire et suffisant. Tout autre est la situation, si l'on se met à la place de celui qui a dédommagé le lésé. Il se peut fort bien que ce codébiteur ait été amené, ce faisant, à consentir un sacrifice financier qui est hors de proportion avec la mesure dans laquelle il a contribué à la survenance du dommage. Que l'équité ne puisse s'en accommoder, cela va sans dire. Il se justifie, au contraire, de faire en sorte que l'équilibre, volontairement sacrifié sur le plan externe au profit du lésé, soit rétabli sur le plan interne afin que chacun des coresponsables supporte, au final, le poids de la dette en fonction de sa part de responsabilité. La loi y pourvoit en disposant que celui qui paie au-delà de sa part a, pour l'excédent, un recours contre les autres (art. 148 al. 2 CO). Pour ce qui est du concours entre responsabilités de natures différentes, elle instaure elle-même, à l'art. 51 al. 2 CO, une hiérarchie entre ![]() | 46 |
En vertu de l'art. 50 al. 2 CO, applicable par analogie au concours de diverses causes du dommage (art. 51 al. 1 CO), c'est au juge qu'il appartient de faire usage de son pouvoir d'appréciation pour déterminer qui doit, en définitive, supporter le poids de la réparation dans les rapports internes. Conformément à la jurisprudence et à la doctrine, le lésé ne peut pas s'immiscer dans ce processus, notamment en dérogeant, par le biais d'une cession de ses droits à un responsable, à l'ordre des recours prévu par l'art. 51 al. 2 CO (ATF 115 II 24 consid. 2b p. 27; cf., parmi d'autres: BREHM, op. cit., n. 16 et 45 ad art. 51 CO). En d'autres termes, comme le souligne un auteur, le choix arbitraire du créancier ne saurait déterminer qui supportera le fardeau de la prestation (BERNARD CORBOZ, La distinction entre solidarité parfaite et solidarité imparfaite, thèse Genève 1974, p. 68). C'est pourtant à ce résultat que l'on aboutirait en excluant la possibilité d'une action récursoire du seul fait que le lésé n'a pas interrompu la prescription de sa créance à l'égard du coresponsable contre lequel celui qui estime avoir payé au-delà de sa part entend ouvrir une telle action. Ce résultat serait d'autant plus choquant que la personne recherchée par le lésé n'a pas les moyens d'interrompre elle-même la prescription de ladite créance (voir toutefois SPIRO, op. cit., § 210, p. 495, pour qui la personne recherchée par le lésé pourrait demander à celui-ci d'interrompre la prescription contre les autres responsables afin de sauvegarder ses futurs droits de recours). Dans ce cas, la directive de l'art. 51 al. 2 CO resterait souvent lettre morte dès lors que, pour les motifs sus-indiqués (durée du délai de prescription et fardeau de la preuve), tout porte le lésé à s'en prendre en premier lieu à la personne qui répond en vertu d'une obligation contractuelle. Même si cette directive n'a pas un caractère absolu, il serait néanmoins contraire à son esprit que le fardeau de la réparation pesât en fin de compte sur les épaules du responsable contractuel, en particulier dans l'hypothèse où celui-ci n'aurait commis qu'une faute bénigne en lien de causalité avec la totalité du dommage, pour le seul motif que le lésé n'a pas interrompu la prescription de sa créance envers la personne dont l'acte illicite est la cause principale de ce même dommage. Sauf à rendre illusoire le rétablissement, voulu par le législateur, d'un certain équilibre, sur le plan interne, entre la part de responsabilité et ![]() | 47 |
Sans doute cette solution a-t-elle pour conséquence que la personne répondant d'un acte illicite pourra être recherchée par un coresponsable bien après la prescription des droits du lésé à son égard. Il faut pourtant s'en accommoder. D'abord, il n'y a rien d'inéquitable à maintenir en principe la responsabilité plus avancée de celui qui a commis une faute délictuelle (arrêt 4C.27/2003 du 25 mai 2003, consid. 3.6, publié in SJ 2003 I p. 597 ss). De ce point de vue, dans la mise en balance des intérêts respectifs des codébiteurs, celui du responsable contractuel à ne pas devoir supporter, au final, une part du dommage qui ne corresponde pas à sa part de responsabilité pèse plus lourd que celui du responsable aquilien à pouvoir échapper, du fait de la prescription des droits du lésé envers lui, à l'obligation d'assumer une part du dommage correspondant à sa part de responsabilité. Il faut ensuite relativiser la portée de l'objection voulant qu'il n'y ait pas de raison de désavantager le responsable aquilien parce qu'il a la malchance d'avoir, à ses côtés, un responsable contractuel soumis à une prescription plus longue. On imagine mal, en effet, que, si ce responsable aquilien était seul à répondre du dommage, le lésé ne l'actionnerait pas en temps utile ni n'interromprait la prescription de ses droits contre lui avant l'expiration du délai annal. La jurisprudence, enfin, a pris en compte les intérêts de la personne sujette au recours, d'une part, en obligeant celui qui est recherché en réparation à informer cette personne qu'il pourrait se retourner contre elle, ce qui permet à cette dernière d'agir en temps utile pour la défense de ses droits (conservation des preuves, consultation d'un homme de loi, annonce du cas à l'assureur, participation à une transaction, voire au procès principal, etc.), d'autre part en soumettant l'action récursoire à une prescription relative de courte durée et à la prescription absolue de dix ans courant dès le jour où le fait dommageable s'est produit.
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5.3.3 Le principal objectif de la solidarité passive, en tant qu'elle s'applique au domaine de la responsabilité civile, est d'assurer au lésé la réparation du préjudice qu'il a subi. Le second est de faire en sorte que chaque responsable supporte, en définitive, la part de responsabilité correspondant à l'intensité de l'adéquation qui le relie au préjudice (BUGNON, op. cit., p. 88). Concrétisant ce second ![]() | 49 |
L'art. 51 CO, applicable au concours entre responsabilités de natures différentes, est l'une de ces dispositions spéciales. Selon le dernier état de la jurisprudence, il institue un recours fondé ex jure proprio, c'est-à-dire qui naît dans la personne de celui qui paie l'indemnité. Ainsi, la solidarité imparfaite n'entraîne pas de subrogation du responsable dans les droits du créancier, au sens de l'art. 149 al. 1 CO, mais seulement une action récursoire de ce responsable contre les autres coresponsables, action qui prend naissance au moment du paiement au lésé (ATF 130 III 362 consid. 5.2). C'est aussi ce moment qui marque le point de départ du délai de prescription relatif de cette action, fixé par voie prétorienne à un an (ATF 115 II 42 consid. 2a p. 49), car le délai de prescription ne peut pas commencer à courir avant même que la créance ne soit devenue exigible (art. 130 al. 1 CO), ce qui présuppose l'existence de celle-ci (ATF 127 III 257 consid. 6c).
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Il est conforme au caractère autonome de la prétention récursoire, ainsi reconnu, que le sort de cette dernière ne soit pas lié à celui de la créance dont le lésé est titulaire envers le sujet passif de ladite prétention. Par conséquent, la prescription des droits du lésé à l'égard de l'un des responsables du préjudice ne doit pas pouvoir empêcher le coresponsable qui a dédommagé le lésé de faire valoir sa créance récursoire contre ce responsable-là.
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Un autre argument vient étayer cette conclusion. A cet égard, il convient de rappeler, au préalable, que, selon une jurisprudence bien établie et la doctrine moderne, si l'on excepte les art. 136 et 149 al. 1 CO, les règles régissant la solidarité passive parfaite, et singulièrement l'art. 147 CO, sont applicables par analogie à la ![]() | 54 |
En définitive, la prescription, resp. l'absence de prescription, de la créance du lésé contre le responsable sujet au recours ne doit pas pouvoir être opposée au titulaire de la prétention récursoire, resp. bénéficier à celui-ci.
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La loi offre, enfin, de quoi remédier aux résultats inéquitables qu'entraînerait, selon SPIRO (op. cit., § 209, p. 492 s.), l'inopposabilité dans les rapports internes de la prescription acquise face au lésé. L'auteur cite l'hypothèse dans laquelle, les prétentions de celui-ci envers deux codébiteurs étant prescrites, l'un d'entre eux ![]() ![]() | 58 |
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La solution retenue s'inscrit dans le droit fil de la jurisprudence récente; prenant en considération, dans la mesure du possible, les intérêts opposés des sujets actif et passif de la prétention récursoire, elle correspond à l'opinion de la doctrine majoritaire, rejoint celle adoptée par d'autres ordres juridiques proches du droit suisse et préfigure, à peu de choses près, la manière dont la question litigieuse pourrait être réglementée à l'occasion de la révision du droit de la responsabilité civile.
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Erwägung 6 | |
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L'architecte a appelé en cause Y. par une requête déposée le 14 août 1996. A cette date, le délai de prescription absolu de dix ans n'était pas échu puisque l'explosion dommageable s'était produite le 5 octobre 1988. Par cette démarche procédurale, l'intéressé a donc interrompu le délai en question. Quant au délai de prescription relatif, qui était d'un an dès le désintéressement des lésés, il a également été respecté dans la présente espèce. En effet, l'assurance de l'architecte a indemnisé B. et C., les victimes de l'explosion, en versant, en octobre 1995, 140'000 fr. à la première et 13'797 fr. 50 à la CNA pour le second. Or, l'appel en cause est intervenu moins d'une année après ces paiements. S'agissant des autres prétentions élevées par la demanderesse, elles n'ont pas encore donné lieu à des paiements de la part de l'architecte et de l'entreprise, si bien que la prescription n'a pas commencé à courir à leur égard. Au demeurant, on ne saurait reprocher aux défendeurs d'avoir tardé à faire valoir leurs droits à l'encontre de l'appelée en cause, car ils devaient d'abord savoir, d'une part, qu'une demande allait être introduite contre eux et, d'autre part, que l'appelée en cause n'en ferait pas l'objet avant d'envisager de se retourner contre celle-ci; comme ces éléments n'ont été connus que le 2 juillet 1996, date d'introduction de la demande principale, l'appel en cause, déposé le mois suivant, n'était pas tardif.
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Erwägung 6.2 | |
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De la même manière, si l'application des principes énoncés plus haut entraîne de facto une aggravation de la situation de l'appelée en cause, puisque cette dernière doit résister à une action récursoire alors qu'elle ne peut plus être recherchée par la lésée, il ne s'ensuit pas pour autant que la Cour civile ait méconnu l'art. 146 CO. De fait, semblable aggravation est sans rapport avec un comportement qui pourrait être reproché aux défendeurs. Ceux-ci n'ont pas renoncé à se prévaloir d'une prescription des droits de la demanderesse à leur égard, qui aurait déjà été acquise. Comme le constate la cour cantonale, ils ont, au contraire, subordonné leurs renonciations successives à se prévaloir de la prescription à la condition que les droits de cette partie ne fussent point déjà prescrits. Ce n'était du reste pas le cas, non seulement lors de la délivrance des déclarations de renonciation, mais encore au moment de l'ouverture de l'action principale, attendu que les créances de la Fondation à l'endroit de l'architecte et de l'entreprise découlaient de la violation d'obligations contractuelles commise par ceux-ci avant la livraison de l'ouvrage et qu'elles se prescrivaient, en conséquence, par dix ans (art. 127 CO; cf. ATF 111 II 170 consid. 2 p. 172; GAUCH, op. cit., n. 2301; PIERRE TERCIER, Les contrats spéciaux, 3e éd., n. 4737).
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6.2.2.1 La cour cantonale a admis avec raison que l'architecte - pour avoir formé sa requête d'appel en cause le mois suivant l'introduction de la demande en paiement par la Fondation - avait agi conformément à la jurisprudence relative à l'abus de droit.
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6.2.2.2 Pour des motifs qui ne ressortent pas de la décision attaquée, les juges cantonaux n'ont pas procédé au même examen en ce qui concerne l'entreprise. Or, celle-ci n'a pas dénoncé à Y. le procès que la Fondation lui avait intenté et elle a attendu le 4 mai 1998 pour inviter le juge, au moyen d'une conclusion subsidiaire ![]() | 69 |
Il ressort de la décision attaquée qu'une instruction pénale a été ouverte immédiatement après les faits, notamment à l'encontre de deux employés de l'appelée en cause. Cette circonstance était connue de l'entreprise, puisqu'elle était également partie à la procédure pénale. Pour la même raison, la défenderesse a également eu connaissance de la condamnation pénale de ces deux employés par le Tribunal correctionnel, le 28 février 1994. Certes, ceux-ci ont ensuite été acquittés par l'instance supérieure, le 31 octobre 1994. Il n'empêche que l'entreprise ne pouvait qu'avoir conscience de l'éventuelle implication de Y. dans l'explosion et de la possibilité que cette société soit amenée ultérieurement à rendre des comptes sur le plan civil. La cour cantonale a d'ailleurs implicitement admis la chose en faisant partir le délai dans lequel l'architecte et l'entreprise devaient informer Y. de leur intention de se retourner contre elle de la connaissance par eux du fait que cet autre coresponsable (Y.) n'était pas recherché par la Fondation lésée. A ce propos, la jurisprudence exige uniquement que le titulaire du droit de recours ait pris connaissance de la possibilité (Möglichkeit) de se retourner contre un autre responsable (ATF 127 III 257 consid. 6 p. 266 in fine). Comme l'a retenu à juste titre la cour cantonale, mais sans en tirer les conséquences qui s'imposaient pour l'entreprise, cette dernière a donc eu connaissance de la possibilité de dénoncer le litige à Y. dès le dépôt de l'action en paiement dirigée contre elle et contre l'architecte. On ne discerne d'ailleurs pas pour quel motif l'entreprise aurait dû attendre 22 mois pour le faire, alors que l'architecte avait été en mesure d'appeler en cause Y. moins de deux mois après avoir été assigné en justice par la demanderesse. De surcroît, et contrairement à ce que soutient la défenderesse, le moment où la Fondation a eu connaissance du fait que la ![]() | 70 |
Par conséquent, pour avoir attendu 22 mois avant de demander au juge d'ordonner à Y. de la relever d'une éventuelle condamnation pécuniaire qui pourrait être prononcée à la requête de la demanderesse, la défenderesse est déchue de ses droits de recours envers l'appelée en cause. En admettant la conclusion récursoire prise par elle contre cette partie, les juges précédents ont donc violé le droit fédéral.
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Contrairement aux situations qui viennent d'être examinées, l'action récursoire du défendeur contre l'appelée en cause n'a pas ici pour origine le dommage encouru par la Fondation à la suite de l'explosion, mais le préjudice subi, à raison du même événement, par deux personnes physiques qui n'ont jamais participé à la procédure civile et que l'architecte - par le biais de son assurance - a décidé d'indemniser directement. Selon les principes énoncés précédemment, l'action récursoire de celui qui a indemnisé le lésé et qui n'est pas en relation contractuelle avec le coresponsable recherché se prescrit par un an à compter du moment où le lésé a été désintéressé. Ainsi, l'action récursoire de l'architecte contre Y. en rapport ![]() | 73 |
Il ressort du jugement attaqué que ces indemnités ont été payées en octobre 1995 par l'assurance responsabilité civile de l'architecte. Ce faisant, celle-ci a été subrogée aux droits de son assuré en vertu de l'art. 72 LCA appliqué par analogie (ATF 130 III 362 consid. 5.1) et s'est ainsi substituée au défendeur (ROLAND BREHM, Le contrat d'assurance RC, Bâle 1997, n. 686). Depuis ce moment, il lui appartenait d'exercer l'action récursoire contre Y. Or, l'assurance n'a rien entrepris elle-même à l'égard de l'appelée en cause et n'a en particulier pas interrompu la prescription de la créance récursoire. Quant à la dénonciation du litige par l'architecte en août 1996, elle n'a eu aucun effet sur la créance récursoire de l'assurance qui en était alors la seule titulaire. Sur ce point, la cession de créance opérée le 7 septembre 1999 par l'assurance en faveur de l'architecte est restée sans effet, car la créance cédée était prescrite depuis octobre 1996 déjà.
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Par conséquent, en admettant l'action récursoire du défendeur contre l'appelée en cause du chef des indemnités versées en rapport avec le préjudice subi par l'employée de la Fondation et l'ouvrier blessés dans l'explosion, la cour cantonale a violé le droit fédéral.
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6.3 Les considérations qui précèdent imposent de réformer le jugement entrepris sur les deux points suivants: d'abord, l'action récursoire de la défenderesse contre l'appelée en cause doit être entièrement rejetée, ce qui entraîne la modification du chiffre III du dispositif de ce jugement; ensuite, l'action récursoire du défendeur contre l'appelée en cause doit être rejetée dans la mesure où elle concerne les indemnités versées à l'une des deux personnes physiques blessées lors de l'explosion et à la CNA pour l'autre, ce qui entraîne la modification du chiffre V de ce dispositif.
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