BGE 133 III 105 | |||
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11. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit civil dans la cause X. et Y. contre C. SA (recours en réforme) |
5C.145/2006 / 5C.146/2006 du 21 décembre 2006 | |
Regeste |
Art. 71 aZGB, Art. 75a ZGB, Art. 1-4 SchlT ZGB; persönliche Haftung der Vereinsmitglieder für Vereinsschulden; Übergangsrecht. | |
Sachverhalt | |
A. L'association A. a été fondée le 13 juillet 1999 par X., Y. et deux autres personnes. Elle avait pour but statutaire d'entreprendre toutes démarches pour l'organisation à Genève ou dans toute autre ville d'un salon d'antiquités et d'objets d'art à l'enseigne "Salon de Mars", de gérer ledit salon et, d'une manière générale, d'entreprendre toutes mesures pour la promotion des antiquités et objets d'art.
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L'association avait pour ressources, selon ses statuts, les avances faites par ses membres, les prestations versées par les utilisateurs de ses services, le produit de toutes les manifestations qu'elle organiserait, les dons de mécènes et, enfin, toute recette publicitaire de sponsoring ou de vente de produits dérivés. Les statuts n'ont pas fixé les cotisations des membres et cette compétence n'a pas été déléguée à l'assemblée générale. Au départ, les fondateurs ont investi une somme d'au moins 467'980 fr. dans l'association.
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B. Le 22 janvier/12 février 2001, A. et C. SA ont signé un "contrat de construction" prévoyant la réalisation par C. SA des structures de l'édition 2001 du "Salon de Mars" pour un prix forfaitaire de 9 millions de francs français. A. a versé comme convenu 50 % du prix à la commande. Elle a refusé de payer le solde, estimant que le contrat avait été partiellement inexécuté, vu les nombreuses malfaçons de l'ouvrage et le non-respect de certaines clauses contractuelles.
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Le 3 mai 2001, C. SA a requis la notification à A. d'un commandement de payer portant sur un montant total de 1'056'600 fr. plus intérêts, correspondant au solde du prix à payer en vertu du contrat. L'opposition formée par A. à ce commandement de payer a été provisoirement levée par arrêt de la Cour de justice du canton de Genève du 13 décembre 2001.
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Le 25 février 2002, l'assemblée générale de l'association a décidé la dissolution de celle-ci. Au 30 juin 2002, A. en liquidation ne disposait plus de fonds propres.
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Par jugement du 8 janvier 2004, le Tribunal de première instance du canton de Genève a admis l'action en libération de dette formée par A. en liquidation à concurrence de 211'320 fr. plus intérêts et a constaté que celle-ci devait à C. SA la somme de 845'280 fr. plus intérêts.
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C. La faillite de A. en liquidation a été prononcée le 15 juin 2004, sur requête de C. SA. Celle-ci a été le seul créancier inscrit à l'état de collocation, avec une créance admise en troisième classe à concurrence de 940'039 fr. 35. L'Office des faillites a porté à l'inventaire de la masse en faillite de A. en liquidation des prétentions litigieuses, à hauteur du passif inscrit à l'état de collocation, à l'encontre de X. et de Y.
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Après avoir obtenu le 4 janvier 2005 la cession des droits de la masse, au sens de l'art. 260 LP, C. SA a ouvert action le 23 février 2005 devant le Tribunal de première instance du canton de Genève contre X. et Y. Elle leur réclamait le paiement de la somme de 940'039 fr. 35 plus intérêts, prétention qu'elle a réduite à 866'160 fr. 75 après avoir perçu le 22 avril 2005 un dividende de 73'878 fr. 60. Dans leur réponse du 15 juin 2005, les défendeurs se sont opposés à la demande.
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A. en liquidation a été radiée d'office du registre du commerce le 12 mai 2005, après clôture de la procédure de faillite.
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Par jugement du 7 septembre 2005, le Tribunal de première instance a débouté C. SA de ses conclusions.
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D. Par arrêt du 7 avril 2006, la Chambre civile de la Cour de justice du canton de Genève a admis l'appel formé par la demanderesse contre ce jugement, qu'elle a réformé en ce sens qu'elle a condamné les défendeurs à payer à la demanderesse un montant de 433'080 fr. 40 chacun, plus intérêts.
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Les juges cantonaux ont considéré que les défendeurs répondaient personnellement, à parts égales, de la dette de l'association envers la demanderesse sur la base de l'art. 71 al. 2 aCC, dans sa teneur en vigueur jusqu'au 31 mai 2005. Ils ont exposé que si cette disposition avait été remplacée au 1er juin 2005 par un nouvel art. 75a CC prévoyant que l'association répond seule de ses dettes sauf disposition contraire des statuts, les prescriptions nouvelles n'étaient pas applicables en l'espèce, dès lors que l'association avait été radiée du registre du commerce avant le 1er juin 2005 (art. 1 Tit. fin. CC) et que les nouvelles règles n'avaient pas été établies dans l'intérêt de l'ordre public ou des moeurs (art. 2 Tit. fin. CC).
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E. Le Tribunal fédéral a rejeté les recours en réforme interjetés par les défendeurs contre cet arrêt.
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Extrait des considérants: | |
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2.1.2 En dérogation au principe général de non-rétroactivité posé par l'art. 1 Tit. fin. CC (ATF 126 III 421 consid. 3c/cc; ATF 100 II 105 consid. 1c in limine; VISCHER, Basler Kommentar, n. 3 in fine ad art. 2 Tit. fin. CC), l'art. 2 Tit. fin. CC prévoit que les règles établies dans l'intérêt de l'ordre public et des moeurs sont applicables, dès leur entrée en vigueur, à tous les faits pour lesquels la loi n'a pas prévu d'exception (al. 1); en conséquence - ou pour exprimer la même chose sous une forme négative (VISCHER, Basler Kommentar, n. 2 ad art. 2 Tit. fin. CC; GERARDO BROGGINI, Intertemporales Privatrecht, in Schweizerisches Privatrecht I/1, 1969, p. 449) -, les dispositions de l'ancien droit qui, d'après le droit nouveau, sont contraires à l'ordre public ou aux moeurs ne peuvent plus recevoir d'application (al. 2).
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2.1.4 Pour décider s'il y a lieu d'appliquer le nouveau droit sur la base de l'art. 2 Tit. fin. CC, le juge doit donc examiner si, dans le cas d'espèce considéré, les effets juridiques découlant de l'ancien droit - lequel serait en soi applicable en vertu du principe général de non-rétroactivité - seraient contraires à l'ordre public et aux moeurs selon les conceptions du nouveau droit (ATF 100 II 105 consid. 2; 43 II 7; PAUL MUTZNER, Berner Kommentar, vol. V/Schlusstitel I, 2e éd. 1926, n. 17 ad art. 2 Tit. fin. CC), autrement dit si l'application de l'ancien droit est devenue inconciliable avec l'ordre public et les moeurs (ATF 119 II 46 consid. 1b p. 50; ATF 116 III 120 consid. 3; ATF 84 II 179 consid. 3c p. 184; cf. ATF 128 III 305 consid. 2b; ATF 90 II 135 consid. 4). Le juge doit aussi comparer les intérêts en jeu et examiner si le droit nouveau répond à un intérêt public prépondérant par rapport aux intérêts privés opposés, notamment celui à être protégé dans la confiance mise en l'application du droit antérieur, de telle sorte qu'il doive l'emporter sur ce dernier (ATF 127 III 16 consid. 3; ATF 119 II 46 consid. 1a; VISCHER, thèse, p. 96 et 98; cf. ATF 117 II 452 consid. 3a).
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2.2.2 Le nouveau droit entré en vigueur le 1er juin 2005 (loi fédérale du 17 décembre 2004 [Fixation des cotisations des membres d'associations], RO 2005 p. 2117) a supprimé la responsabilité personnelle à parts égales des membres de l'association (art. 71 al. 2 aCC): en vertu du nouvel art. 75a CC, c'est désormais la fortune sociale et elle seule - sous réserve de disposition contraire des statuts - qui répond des dettes de l'association (Rapport précité, p. 4533). La Commission des affaires juridiques du Conseil des Etats, qui a élaboré le projet de loi en donnant suite à une initiative parlementaire, a expliqué que la réglementation de l'art. 71 al. 2 aCC était insatisfaisante, car les membres des quelque 100'000 associations actives en Suisse principalement dans les domaines sportif, culturel et social méconnaissaient souvent les prescriptions légales et les conséquences de leur non-respect. Or il convenait d'empêcher que les membres d'associations s'endettent pour avoir par exemple organisé une manifestation sportive ou culturelle qui se soldait par un déficit financier suite à de mauvaises conditions météorologiques. Au surplus, il paraissait peu approprié que les membres d'une société coopérative, à but économique (cf. art. 828 al. 1 CO), n'engagent en principe pas leur responsabilité individuelle, à moins que les statuts n'en disposent autrement (art. 868 CO), alors que les membres d'une association, qui n'a normalement pas un but économique (cf. art. 60 al. 1 CC), engagent en principe leur responsabilité (Rapport précité, p. 4531 s.).
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2.3.1 Selon RIEMER, les nouvelles dispositions relatives à la responsabilité pour les dettes de l'association s'appliquent dès leur entrée en vigueur aux associations fondées sous l'ancien droit (RIEMER, ibidem), en ce sens que, s'agissant des associations existantes qui n'avaient pas fixé les cotisations de leurs membres conformément à l'ancien droit, la fortune sociale répond seule - sauf disposition contraire des statuts (art. 75a CC) - des engagements de l'association (RIEMER, Aktuelle Gesetzgebung und Rechtsprechung, in Aktuelle Fragen aus dem Vereinsrecht, 2005, p. 43 ss, 46; voir dans le même sens le Rapport précité, p. 4533 s.).
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Les membres d'une association fondée sous l'ancien droit ne répondent ainsi pas personnellement des dettes de l'association nées après l'entrée en vigueur du nouveau droit, qui trouve application en vertu du principe général de l'art. 1 al. 3 Tit. fin. CC (cf. consid. 2.1.1 supra). Il en va en revanche différemment pour les rapports d'obligation qui ont pris naissance avant l'entrée en vigueur du nouveau droit. En pareille hypothèse, il y a lieu d'appliquer l'ancien droit, sous l'empire duquel les faits déterminants se sont produits, étant rappelé que la responsabilité personnelle des membres pour une dette de l'association selon l'art. 71 al. 2 aCC existait dès la naissance de cette dette, qui était aussitôt répartie - virtuellement - entre les membres (RIEMER, Berner Kommentar, vol. I/3/2, 1990, n. 22 ad art. 71 aCC).
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Toutefois, dans la mesure où la responsabilité personnelle des membres de l'association pour la dette litigieuse existait dès la naissance de cette dette (cf. consid. 2.3.1 in fine supra) et où cette dette subsiste malgré la liquidation et la radiation de l'association - puisque la demanderesse a obtenu la cession, dans la faillite de l'association, de la créance de cette dernière contre les défendeurs -, il reste nécessaire d'examiner si, comme le soutiennent les défendeurs, les dispositions de l'ancien droit ne pourraient plus recevoir d'application parce que leurs effets juridiques seraient devenus inconciliables avec l'ordre public et les moeurs selon les conceptions du nouveau droit (art. 2 Tit. fin. CC; cf. consid. 2.1.2 à 2.1.4 supra).
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En effet, l'exclusion de la responsabilité personnelle des membres de l'association n'est que de droit dispositif, les statuts pouvant prévoir une telle responsabilité conformément à l'art. 75a CC (cf. consid. 2.2.3 supra). La responsabilité personnelle des membres de l'association selon l'art. 71 al. 2 aCC n'était d'ailleurs pas non plus une règle impérative, puisqu'elle pouvait être exclue par la due fixation de cotisations à verser par les membres (cf. consid. 2.2.1 supra). Le nouveau droit se distingue en définitive de l'ancien en ce sens que l'absence de responsabilité personnelle des membres de l'association pour les dettes sociales est désormais la règle même dans le cas où les statuts ne disposent pas d'obligation de cotiser, mais cette règle est de droit dispositif et ne saurait être considérée comme ayant été établie dans l'intérêt de l'ordre public et des moeurs, au sens de l'art. 2 Tit. fin. CC.
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Au demeurant, celui qui était déjà créancier de l'association avant l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions excluant désormais - sauf disposition contraire des statuts - la responsabilité personnelle des membres de l'association doit être protégé dans ses droits, comme l'ont été, lors de la modification analogue des règles sur la responsabilité des membres d'une société coopérative (cf. consid. 2.2.3 supra), ceux qui étaient déjà créanciers d'une telle société (cf. l'art. 7 des dispositions finales et transitoires des titres vingt-quatrième à trente-troisième du Code des obligations, aux termes duquel "[l]es modifications que subit, de par la présente loi, la responsabilité des membres de sociétés coopératives ne peuvent porter atteinte aux droits des créanciers existant lors de l'entrée en vigueur de la législation nouvelle").
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2.3.4 C'est par ailleurs à tort que les défendeurs soutiennent à titre subsidiaire que le nouveau droit serait applicable en vertu de l'art. 3 Tit. fin. CC. En effet, le champ d'application de cette disposition, qui prévoit que les cas réglés par la loi indépendamment de la volonté des parties sont soumis à la loi nouvelle même s'ils remontent à une époque antérieure, est restreint aux cas dans lesquels le contenu d'un rapport juridique est fixé par la loi, sans égard à la volonté des parties; en revanche, lorsque le contenu du rapport juridique découle de la volonté autonome des parties, la protection de la confiance éveillée chez celles-ci commande de ne pas porter atteinte à une position contractuelle valablement acquise par acte juridique sous l'empire de la loi ancienne (ATF 126 III 421 consid. 3c/cc et les références citées).
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