BGE 142 III 466 | |||
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60. Extrait de l'arrêt de la Ire Cour de droit civil dans la cause X.A. et X.B contre Z. (recours en matière civile) |
4A_445/2015 du 23 juin 2016 | |
Regeste |
Art. 1 Abs. 2 Bst. a, Art. 22 Ziff. 2 und Art. 5 Ziff. 1 Bst. a LugÜ; internationale Zuständigkeit für eine Klage auf Auflösung und Liquidation einer einfachen Gesellschaft der Konkubinatspartner. |
Die im Rahmen der beruflichen Tätigkeit gebildete einfache Gesellschaft der Konkubinatspartner fällt in den Anwendungsbereich des Lugano Übereinkommens (E. 4.2). |
Auslegung des Begriffs der Gesellschaft im Sinne von Art. 22 Ziff. 2 LugÜ (E. 5). |
Bestimmung des Gerichtsstands am Ort, an dem die Verpflichtung erfüllt worden ist oder zu erfüllen wäre (Art. 5 Ziff. 1 lit. a LugÜ), wenn die Klage die Liquidation der einfachen Gesellschaft der Konkubinatspartner, welche für die Entwicklung ihrer beruflichen Aktivitäten gegründet wurde, und den Betrag, der an den klagenden Gesellschafter zu zahlen ist, zum Gegenstand hat (E. 6). | |
Sachverhalt | |
1 | |
A.a X., ressortissant français né le 25 octobre 1948, qui a acquis la nationalité suisse par mariage, puis a divorcé et ne s'est plus remarié, a vécu ensuite environ dix-sept ans avec Z. à V. (commune de W., VD). Il est décédé le 17 novembre 2012 en Floride (Etats-Unis d'Amérique), étant officiellement domicilié à Dubaï (Emirats arabes unis). Aucun testament n'ayant été retrouvé, ses héritiers sont ses fils X.B., né le 31 octobre 1970, domicilié à Lyon (France), et X.A., né le 16 janvier 1979, domicilié à Madrid (Espagne).
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Le défunt avait écrit de nombreux livres de développement personnel et commercialisé divers produits et services; il avait aussi créé un site internet de développement personnel, dénommé le "Club F.". (...)
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A.b X. et Z., ainsi que les enfants de celle-ci, ont vécu à V. (...) Z. continue à y vivre.
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Dame Z. fait valoir qu'elle était la concubine du défunt et formait avec lui une société simple pour ce qui concernait les activités professionnelles de celui-ci. Les héritiers contestent la nature de la relation qui l'unissait au défunt.
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A.c Les héritiers ont requis le bénéfice d'inventaire devant le Tribunal de district de Brigue, for successoral de nécessité. (...)
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Sur requête de Z., la Juge déléguée de la Chambre patrimoniale du canton de Vaud a, après transaction en justice passée avec les héritiers, rendu des mesures provisionnelles aux fins notamment de conserver les biens de la succession.
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B. Le 20 septembre 2013, Z. (demanderesse) a ouvert action contre X.B. et X.A., héritiers du défunt (défendeurs), devant la Chambre patrimoniale vaudoise. Elle conclut au fond à ce que la société simple formée par elle et le défunt soit dissoute et liquidée, à ce qu'un liquidateur soit immédiatement désigné pour procéder à la liquidation et à ce qu'il soit reconnu que les défendeurs, solidairement entre eux, lui doivent immédiat paiement de la somme minimale de 1'416'721 fr. 90, sous réserve de précision de cette conclusion en cours d'instance.
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Ayant limité la procédure à la question de sa compétence et statuant sans audience, la Chambre patrimoniale a déclaré la demande irrecevable, par jugement du 26 août 2014.
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Statuant par arrêt du 18 mai 2015, la Cour d'appel civile du Tribunal cantonal du canton de Vaud a admis l'appel de la demanderesse et réformé le jugement attaqué en ce sens que la demande est recevable, la cause étant retournée à la Chambre patrimoniale pour suivre à la procédure.
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C. Contre cet arrêt, les défendeurs exercent un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Ils concluent à l'annulation de l'arrêt cantonal.
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L'intimée conclut à l'irrecevabilité du recours (...) subsidiairement à son rejet. (...)
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours.
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(extrait)
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Extrait des considérants: | |
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Selon les constatations de la cour cantonale, la demanderesse fait valoir qu'elle était la concubine du défunt et formait avec lui une société simple pour ce qui concernait les activités professionnelles de celui-ci. La demanderesse a allégué, concernant le Club F., que son rôle ne portait pas sur les aspects commerciaux de la vie du club, mais consistait dans l'assistance qu'elle prêtait au quotidien au défunt au coeur de son activité créatrice; elle a également précisé que si le défunt était le chef d'orchestre du club, elle-même en était l'âme et que sa touche de féminité donnait de la vie, de l'humanité et de la réalité aux courriels que le défunt composait avec son aide; elle l'accompagnait aux repas d'affaires et aux séminaires auxquels il participait.
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C'est sur la base des seuls allégués de la demande qu'il y a lieu d'examiner si ce rapport - qui est un fait doublement pertinent selon la théorie de la double pertinence, puisqu'il est déterminant non seulement pour la compétence, mais aussi pour le bien-fondé de l'action (ATF 141 III 294 consid. 5.1; arrêt 4A_573/2015 du 3 mai 2016 consid. 5 et les arrêts cités) - entre ou non dans le champ d'application de l'art. 1 par. 2 let. a CL.
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Utilisant une formulation ambiguë, l'intimée reproche aux recourants de n'envisager "que l'une des hypothèses applicables à la liquidation du concubinage"... "le litige n'ayant pas encore été suffisamment instruit pour permettre d'établir avec certitude les modalités exactes de la relation qui existait". Or, sur la base des allégués de sa demande, c'est bien la prétendue société simple formée par elle et le défunt en ce qui concerne leurs seules activités professionnelles qui doit être prise en considération et est donc décisive pour savoir si la Convention de Lugano est applicable. Si la qualification de ce rapport en tant que société simple devait poser une question délicate de délimitation, elle devrait être examinée dans le cadre du bien-fondé de la prétention au fond, en même temps que celle de savoir si un tel rapport entre les concubins a réellement été passé (ATF 141 III 294 consid. 5; ATF 137 III 32 consid. 2.4.2; arrêt 4A_73/2015 du 26 juin 2015 consid. 4.2).
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4.2.1 Ni la notion de régimes matrimoniaux, ni celle d'obligations alimentaires ne sont spécialement définies dans la Convention de Lugano. Ces notions doivent être interprétées de manière autonome (FELIX DASSER, in Lugano-Übereinkommen [LugÜ], Dasser/Oberhammer [éd.], 2e éd. 2011, n° 67 ad art. 1 et n° 80 ad art. 5 CL).
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Selon la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) - (anciennement Cour de justice des Communautés européennes [CJCE])- rendue sous l'empire de la Convention de Bruxelles de 1968 (modifiée en 1978 et 1982), si la prestation est destinée à assurer l'entretien d'un époux dans le besoin ou si les besoins et les ressources de chacun des époux sont pris en considération pour déterminer son montant, la décision a trait à une obligation alimentaire. Mais si la prestation vise uniquement à la répartition des biens entre les époux, la décision concerne les régimes matrimoniaux et ne peut donc être exécutée en application de la convention. Ainsi, la décision rendue dans le contexte d'une procédure de divorce, qui ordonne le paiement d'une somme forfaitaire ainsi que le transfert de la propriété de certains biens d'un époux au profit de son ex-conjoint doit être considérée comme portant sur des obligations alimentaires si elle a pour objet d'assurer l'entretien de cet ex-conjoint (arrêt CJCE du 27 février 1997 C-220/95 Antonius van den Boogaard contre Paula Laumen, points 22 et 27, cité par ALEXANDER R. MARKUS, Internationales Zivilprozessrecht, 2014, n. 696 p. 188).
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Il en résulte qu'à l'exception des obligations alimentaires au sens ainsi défini, qui sont soumises à la CL (art. 5 par. 2 CL), tout le droit du mariage et de la filiation, et non seulement les régimes matrimoniaux au sens étroit, est exclu du champ d'application de la Convention de Lugano (art. 1 par. 2 let. a CL; ATF 119 II 167 consid. 4b). Il sied de préciser que les obligations alimentaires sont désormais exclues du Règlement Bruxelles Ibis (UE) n° 1215/2012 précité (art. 1 par. 2 let. e) et font l'objet du Règlement (CE) n° 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l'exécution des décisions et la coopération en matière d'obligations alimentaires (JO L 7 du 10 janvier 2009 p. 1).
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Si la notion de régimes matrimoniaux englobe toutes les relations patrimoniales entre les époux, qui découlent directement du mariage ou de sa dissolution et, par là, non seulement les régimes prévus dans les droits nationaux (régime matrimonial au sens étroit), elle ne vise pas les relations entre époux qui reposent sur des contrats de droit des obligations ou de droits réels - lesquelles n'ont de ce fait pas de rapport particulier avec le mariage -, qui sont entièrement soumises au champ d'application de la CL, et ce même si des règles sur la liquidation des rapports patrimoniaux contractuels se trouvent dans les dispositions applicables à la liquidation du régime matrimonial. Ainsi, des contrats de société entre époux, qui pourraient être passés par des tiers - comme une société simple du droit suisse - tombent dans le champ d'application de la Convention de Lugano (GEIMER/SCHÜTZE, Europäisches Zivilverfahrensrecht, 3e éd., Munich 2010, n° 102 ad art. 1 du Règlement Bruxelles I; GIAN SANDRO GENNA, Auflösung und Liquidation der Ehegattengesellschaft, 2008, p. 120-121).
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Il s'ensuit que tout le droit matrimonial, sauf les obligations alimentaires, est exclu du champ d'application de la Convention de Lugano, mais que les rapports purement obligationnels entre les époux, qui n'ont rien à voir avec le mariage et reposent sur le droit des obligations ou les droits réels, sont soumis à ladite Convention.
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Une partie de la doctrine préconise toutefois l'application de cette disposition à toutes les relations analogues au mariage et, par conséquent, au concubinage (cf. ANDREAS BUCHER, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 10 ad art. 1 CL; DASSER, op. cit., n° 70 ad art. 1 CL; cf. les références de ROHNER/LERCH, in Basler Kommentar, Lugano-Übereinkommen, 2e éd. 2015, n° 77 ad art. 1 CL). L'art. 1 par. 2 let. a du Règlement Bruxelles Ibis (UE) n° 1215/2012 susmentionné prévoit en effet désormais que sont exclus du champ d'application l'état et la capacité des personnes physiques, les régimes matrimoniaux ou les régimes patrimoniaux relatifs aux relations qui, selon la loi qui leur est applicable, sont réputés avoir des effets comparables au mariage. D'autres auteurs distinguent entre les communautés juridiquement formalisées (partenariat enregistré), qui seraient exclues du champ d'application de la Convention de Lugano en vertu de l'art. 1 par. 2 let. a CL, et les contrats de concubinage non juridiquement formalisés, qui demeureraient soumis à la CL (ROHNER/LERCH, op. cit., n° 78 in fine ad art. 1 CL).
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Peut demeurer ouverte la question de savoir si ce nouveau Règlement européen, qui est entré en vigueur le 10 janvier 2015 et qui en soi ne lie pas la Suisse, doit servir à l'interprétation de l'art. 1 par. 2 let. a CL.
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4.2.3 En effet, quoi qu'il en soit, le rapport litigieux en l'espèce porte sur les rapports liés aux activités professionnelles, qualifiés de société simple, lesquels ne relèvent pas des régimes patrimoniaux entre concubins au sens de l'art. 1 par. 2 let. a du Règlement Bruxelles Ibis (UE) n° 1215/2012, mais des rapports purement obligationnels demeurant soumis à la CL.
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Il n'y a conséquemment pas lieu d'examiner avec la cour cantonale s'il s'impose de distinguer entre les communautés non matrimoniales qui sont formalisées et celles qui sont non formalisées. L'objection de l'intimée selon laquelle la CL ne trouverait pas application en l'espèce parce que les relations de concubinage seraient assimilables au mariage est infondée.
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La compétence exclusive du tribunal du siège de la société vise à concentrer en ce lieu toutes les actions importantes du droit des sociétés et d'éviter ainsi le prononcé de jugements contradictoires (MARKUS, op. cit., n. 1097 p. 295 s.; RUSCH, in Lugano-Übereinkommen [LugÜ], op. cit., n° 55 ad art. 22 CL).
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La notion de société n'est pas définie par la Convention de Lugano. Elle doit être interprétée de manière autonome (MARKUS, op. cit., n. 1098 p. 296; RUSCH, op. cit., n° 61 ad art. 22 CL; FLORENCE GUILLAUME, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 40 ad art. 22 CL).
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Selon la doctrine, la société au sens de l'art. 22 par. 2 CL doit disposer d'une organisation suffisante (RUSCH, op. cit., n° 63 ad art. 22 CL). Cette organisation suffisante correspond à ce qui est exigé, en droit international privé suisse, par l'art. 150 al. 1 LDIP (RUSCH, loc. cit.; GUILLAUME, op. cit., n° 40 ad art. 22 CL). Cette opinion peut être suivie, ce d'autant qu'aux termes mêmes de la disposition conventionnelle, le juge saisi doit appliquer ses propres règles de droit international privé pour déterminer le siège de la société (cf. arrêt 5A_227/2015 du 16 novembre 2015 consid. 2.2.3). Or, du point de vue du droit international privé suisse, une société doit avoir un siège; son siège se trouve sur le territoire d'un Etat lié par la Convention si le siège mentionné dans ses statuts se trouve dans un Etat partie et, en l'absence de siège statutaire, si le siège de son administration centrale (cf. art. 21 al. 2 LDIP) se trouve dans un Etat partie (GUILLAUME, op. cit., n° 41 ad art. 22 CL). Tel n'est en règle générale pas le cas de la société simple des concubins, qui n'est généralement pas organisée et ne dispose pas de siège - ni statutaire, ni de son administration centrale au sens de l'art. 21 al. 2 LDIP - (cf. GENNA, op. cit., p. 122-124).
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La cour cantonale a estimé que puisqu'il n'est pas "établi" (recte: allégué) que la demanderesse aurait été investie de pouvoirs de représentation dans une organisation commerciale et qu'il est établi que le concubinage était le fondement de sa relation avec le défunt, il ne s'agit pas d'une association structurée visant un but commercial commun, mais d'une société simple non organisée qui ne disposait pas d'une direction institutionnalisée au sens de l'art. 150 al. 2 LDIP, de sorte que l'art. 22 par. 2 CL ne s'applique pas.
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En tant que l'intimée soutient que les concubins avaient leur résidence à V. et qu'il faudrait considérer qu'il s'agit du siège de la société simple qu'ils formaient, sa thèse ne peut pas être suivie: elle n'a pas allégué que la société aurait été organisée au sens de l'art. 150 al. 1 LDIP, ni que celle-ci aurait eu un siège statutaire ou, à défaut, un siège au lieu de son administration centrale; elle invoque uniquement que le défunt avec lequel elle vivait en concubinage avait son centre de vie et sa résidence habituelle à V., ce qui n'équivaut pas au siège d'une administration centrale, de sorte que sa thèse ne satisfait pas aux exigences de l'art. 22 par. 2 CL. Le tribunal saisi ne saurait donc être compétent en vertu de cette disposition.
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Contrairement à ce que soutiennent les recourants dans leur réplique, il ne s'agit pas non plus d'examiner si les faits doublement pertinents sont réalisés sous l'angle de la vraisemblance (arrêts 4A_573/2015 précité consid. 5.2.1; 4A_28/2014 du 10 décembre 2014 consid. 4.3).
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6.1.1 Cette disposition fonde une compétence alternative, et non subsidiaire, à la règle de compétence de principe du for du domicile du défendeur de l'art. 2 CL (arrêt CJUE du 11 mars 2010 C-19/09 Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH contre Silva Trade SA, point 22; ATF 124 III 188 consid. 4a; arrêt 4C.4/2005 du 16 juin 2005 consid. 3.1 et les références; ANDREA BONOMI, in Commentaire romand, Loi sur le droit international privé, Convention de Lugano, 2011, n° 7 ad art. 5 CL). Elle ne règle pas seulement la compétence internationale, mais aussi la compétence locale (BONOMI, op. cit., n° 5 ad art. 5 CL; PAUL OBERHAMMER, in Lugano-Übereinkommen [LugÜ], op. cit., n° 6 ad art. 5 CL; HOFMANN/KUNZ, in Basler Kommentar, Lugano-Übereinkommen, 2e éd. 2016, n° 32 ad art. 5 CL).
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Pour interpréter l'art. 5 par. 1 CL, il faut se référer au système et aux objectifs de la convention, en vue d'assurer à celle-ci sa pleine efficacité. En outre, puisque cette disposition est une règle de compétence spéciale, elle doit être interprétée restrictivement (BONOMI, op. cit., n° 2 ad art. 5 CL et les références aux arrêts de la CJUE; GAUDEMET-TALLON, Compétence et exécution des jugements en Europe, 4e éd., Paris 2010, p. 160-161).
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L'art. 5 par. 1 CL est fondé sur les objectifs de proximité et de prévisibilité de la convention (GIAN PAOLO ROMANO, Le for au lieu de l'exécution dans la jurisprudence récente de la Cour de justice de l'Union européenne, in Nouvelle procédure civile et espace judiciaire européenne, Genève 2012, p. 63 ss, spéc p. 65-68). L'opération contractuelle s'inscrit dans le milieu social et économique de l'Etat - et du lieu - où elle se réalise. Un lien de proximité s'instaure entre l'opération et le lieu où celle-ci se déroule; au plan procédural, le procès se déroule là où se trouvent les éléments de preuve (ROMANO, loc. cit.). Le for du lieu de l'exécution répond ainsi à un objectif de proximité et est motivé par le lien de rattachement étroit entre le contrat et le tribunal appelé à en connaître (arrêt Wood Floor Solutions Andreas Domberger GmbH déjà cité, point 22 et les arrêts cités; ROMANO, loc. cit.). Ce lien de proximité ne concerne pas directement les contractants, c'est-à-dire les sujets de la relation contractuelle, mais l'objet de celle-ci (ROMANO, loc. cit.). L'objectif de prévisibilité (ou du respect du principe de sécurité juridique), qui est étroitement lié à celui de la proximité, repose sur les attentes des parties, en ce sens qu'elles peuvent s'attendre de bonne foi à devoir plaider au lieu de l'exécution (ROMANO, op. cit., p. 66). Les règles de compétence spéciales, en particulier l'art. 5 par. 1 CL, doivent donc être interprétées de façon à permettre au demandeur de connaître les fors qu'il a à sa disposition et au défendeur de prévoir de manière raisonnable devant quelles juridictions, autres que celles de l'Etat de son domicile, il pourrait être attrait (BONOMI, op. cit., n° 3 ad art. 5 CL).
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Les difficultés dont a eu à connaître la CJUE dans l'interprétation de l'art. 5 par. 1 CL ont porté tant sur la notion de matière contractuelle que sur celle d'obligation à retenir pour l'application de cette disposition, mais aussi sur la détermination du lieu d'exécution de cette obligation (GAUDEMET-TALLON, op. cit., p. 162).
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C'est dans ce cadre que la CJCE a retenu que la demande doit avoir pour fondement même un contrat et qu'elle doit trouver sa base dans le non-respect d'une obligation contractuelle (arrêt CJCE du 8 mars 1988 9/87 SPRL Arcado contre SA Haviland, points 10 à 13) et qu'elle a ensuite apporté une précision supplémentaire, négative, en indiquant qu'il ne peut pas y avoir de situation contractuelle lorsqu'il n'existe aucun engagement librement assumé d'une partie envers une autre (arrêt CJCE du 17 juin 1992 C-26/91 Jakob Handte et Cie GmbH contre Traitements mécano-chimiques des surfaces SA, point 15), formule qui est désormais reprise systématiquement par la jurisprudence (GAUDEMET-TALLON, op. cit., p. 170).
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6.1.4 Le lieu où l'obligation a été ou doit être exécutée au sens de l'art. 5 par. 1 CL ne se détermine pas de façon autonome (ATF 124 III 188 consid. 4a; ATF 122 III 43 consid. 3a p. 45). Il est déterminé par la loi applicable à cette obligation litigieuse (lex causae) selon les règles de conflit de lois de l'Etat du for (pour la Suisse, la LDIP) (arrêt CJCE du 6 octobre 1976 12/76 Industrie Tessili Italiana Como contre Dunlop AG, point 13; ATF 124 III 188 consid. 4a; arrêts 4A_131/2009 du 26 juin 2009 consid. 4.3; 4C.4/2005 déjà cité, consid. 3.1; 4C.308/2002 du 6 décembre 2002 consid. 1; MARKUS, op. cit., n. 798 p. 218; GAUDEMET-TALLON, op. cit., p. 190-191).
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Lorsque l'obligation sur laquelle se base la demande est la liquidation de la société simple des concubins et le montant qui doit être payé à l'associé demandeur, elle est soumise à la loi (lex causae) désignée par les art. 116 ss LDIP, comme le prévoit l'art. 150 al. 2 LDIP, dès lors que la société simple est non organisée (GENNA, op. cit., p. 141 et 142). Lorsque les parties n'ont pas choisi le droit applicable (art. 116 al. 1 LDIP), le contrat est régi par le droit de l'Etat avec lequel il présente les liens les plus étroits (art. 117 al. 1 LDIP; GENNA, op. cit., p. 143). Est donc déterminant l'Etat avec lequel la société simple des concubins a les liens les plus étroits: lorsque les concubins ont leur domicile dans le même Etat, il y a de bons motifs pour retenir le droit de leur domicile commun, ou le droit de l'Etat dans lequel la société simple exerce son activité de manière prépondérante (GENNA, op. cit., p. 143 et 144) ou encore le lieu où se trouve son administration de fait (HANDSCHIN/VONZUN, Zürcher Kommentar, 2009, n° 316 ad art. 530 CO).
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En droit suisse, en vertu de l'art. 74 al. 2 ch. 1 CO, le lieu où l'obligation doit être exécutée est, lorsqu'il s'agit du paiement d'une somme d'argent, le lieu où le créancier est domicilié à l'époque du paiement.
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Erwägung 6.2 | |
54 | |
C'est ainsi à tort que les recourants soutiennent que le litige ne serait pas contractuel, car eux-mêmes n'auraient pas pris d'engagement direct envers la demanderesse. C'est également à mauvais escient qu'ils invoquent les principes d'une bonne administration de la justice et de la sécurité juridique. D'ailleurs, en tant qu'héritiers du défunt, lequel était domicilié à V. en Suisse depuis environ 17 ans, on ne voit pas comment ils n'auraient pas pu imaginer de manière raisonnable devoir plaider devant les juridictions suisses au sujet des engagements pris par celui-ci. Les arrêts de la Cour de justice qu'ils invoquent (arrêt déjà cité Jakob Handte et Cie GmbH contre Traitements mécano-chimiques des surfaces; arrêts CJUE du 28 janvier 2015 C-375/13 Harald Kolassa contre Barclays Bank plc; CJCE du 22 mars 1983 34/82 Martin Peters Bauunternehmung GmbH contre Zuid Nederlandse Aannemers Vereniging) ne sont pas pertinents dès lors que la qualification de "matière contractuelle" dépend de l'objet du litige, qui est en l'occurrence la relation contractuelle entre les concubins. Le fait qu'ils soient défendeurs à l'action en raison du décès de l'associé et parce qu'ils sont en possession des biens de sa succession ne modifie pas la nature du litige; contrairement à ce qu'ils soutiennent, admettre la nature contractuelle du litige ne revient pas à leur conférer la qualité d'associés de la demanderesse, mais bien celle de défendre à l'action en dissolution et liquidation de la société simple à laquelle appartenait le défunt et en attribution de sa part à la demanderesse.
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Quoi qu'en disent les recourants, il n'y a pas de violation de la règle de l'interprétation autonome de la notion de matière contractuelle. Ce n'est pas en raison de l'application du droit interne suisse, en l'occurrence de l'art. 560 CC, que la matière est contractuelle, mais parce que l'objet du litige - la relation contractuelle entre les concubins - est contractuelle. On relève d'ailleurs que les recourants admettent eux-mêmes, curieusement, être éventuellement tenus de certaines obligations à l'égard de la demanderesse. La solution retenue respecte pleinement les objectifs de la Convention de Lugano.
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Or, en vertu du droit suisse, soit de l'art. 74 al. 2 ch. 1 CO, l'action en paiement d'une somme d'argent à l'associé demandeur, laquelle suppose la dissolution et la liquidation du rapport contractuel de société simple, doit être intentée au for du domicile du créancier, en l'occurrence de la demanderesse à V. Les recourants ne formulent d'ailleurs aucune critique en rapport avec l'application de cette disposition par la cour cantonale.
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