28. Extrait de l'arrêt de la Ie Cour de droit public du 28 juin 2000 dans la cause Epoux A. contre Tribunal administratif du canton de Genève (recours de droit public)
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Regeste | |
Art. 26 Abs. 1 und Art. 36 Abs. 1 - 3 BV; Denkmalschutz; Klassifizierung eines Kinosaales als schutzwürdiges Baudenkmal.
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Denkmalschutz eines Kinosaales: Anforderungen hinsichtlich des öffentlichen Interesses und der Verhältnismässigkeit (E. 2e-g).
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Umstände, unter denen die Massnahme verhältnismässig erscheint, wenn sie einerseits die Beibehaltung der bisherigen Nutzung des betreffenden Gebäudes ermöglicht, dessen Eigentümer anderseits dazu verpflichtet, eine bestimmte wirtschaftliche Tätigkeit weiterzuführen (E. 2h).
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Les époux A., nés en 1928 et en 1932, sont copropriétaires de la parcelle no 219 du Registre foncier de Carouge. Ce bien-fonds de 371 m2, sis à l'angle de la Place du Marché et de la rue St-Joseph, est classé dans la zone protégée du Vieux-Carouge, régie par les art. 94 à 104 de la loi genevoise sur les constructions et installations diverses, du 14 avril 1988 (LCI/GE), mis en relation avec l'art. 29 let. e de la loi genevoise d'application de la LAT, du 4 juin 1987 (LALAT/GE). La parcelle no 219 est aussi comprise dans le périmètre du plan de site du Vieux-Carouge, au sens de l'art. 95 LCI/GE, mis en relation avec les art. 38 ss de la loi genevoise sur la protection des monuments, de la nature et des sites, du 4 juin 1976 (LPMNS/GE), adopté le 21 juillet 1982 par le Conseil d'Etat du canton de Genève.
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En 1928, a été construit sur la parcelle no 219 un bâtiment (désigné sous la rubrique A1035) abritant une salle de cinéma de 313 places, à l'enseigne du Capitol jusqu'en 1952, puis du Vox jusqu'en 1972 et du Bio 72 depuis cette époque. Le fronton du cinéma donne sur la rue St-Joseph. La salle, d'un seul niveau en pente, forme un rectangle dont le petit cùté se trouve du cùté de la rue St-Joseph. Elle est surmontée d'un toit en forme de demi-cylindre. A l'origine, la salle était équipée d'une scène, d'une fosse d'orchestre et d'une buvette. Ultérieurement, la scène a été adaptée aux exigences de l'écran moderne; la fosse a été remplacée par un local abritant des installations électriques; la buvette a été supprimée pour accueillir l'appareillage de climatisation. La salle de projection et le dépùt de films sont installés au-dessus des loges se trouvant au fond de la salle. L'entrée, située à l'angle de la Place du Marché et de la rue St-Joseph, se fait par un tambour vitré donnant accès au guichet de la billetterie.
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Le 3 mai 1996, l'Association de sauvegarde du Vieux-Carouge - "Le Boulet" (ci-après: l'Association) a demandé au Conseil d'Etat de classer le bâtiment A1035, en application des art. 10 ss LPMNS/GE.
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Les époux A. se sont opposés au classement, auquel la Ville de Carouge et la Commission cantonale des monuments, de la nature et des sites (ci-après: la Commission cantonale) se sont déclarés favorables.
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Le 23 juin 1999, le Conseil d'Etat a ordonné le classement du bâtiment A1035.
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Le Tribunal fédéral a admis le recours de droit public formé par les époux A. contre l'arrêt du 8 février 2000, qu'il a annulé.
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Extrait des considérants:
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Erwägung 2 | |
c) Les restrictions au droit de propriété ordonnées en vue de la protection des monuments répondent en principe à l'intérêt public (ATF 120 Ia 270 consid. 4a p. 275; 118 Ia 384 consid. 5a p. 388/389; 115 Ia 370 consid. 3a p. 373; 109 Ia 257 consid. 5a p. 259). Celui-ci prévaut, en principe, sur l'intérêt privé lié à une utilisation financière optimale du bâtiment (ATF 120 Ia 270 consid. 6c p. 285; 109 Ia 257 consid. 5d p. 263). Le classement ne peut être ordonné pour la protection des intérêts d'un cercle privilégié de spécialistes; cette mesure doit satisfaire à des critères larges, objectifs et fondamentaux, répondant aux besoins d'une grande part de la population (ATF 118 Ia 384 consid. 5a p. 389; 89 I 464 consid. 4b p. 474; arrêt non publié B. du 23 juin 1995, reproduit in: ZBl 97/1996 p. 366 et résumé in: RDAF 1997 1 p. 503, consid. 4b). Le classement d'un bâtiment constituant une restriction grave au droit de propriété (ATF 118 Ia 384 consid. 4a p. 387), le Tribunal fédéral examine librement la légalité de cette mesure (ATF 124 I 6 consid. 4b/aa p. 8; 121 I 117 consid. 3b/bb p. 120/121; 119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96, 362 consid. 3a p. 366, et les arrêts cités), ainsi que l'application du droit cantonal, la pesée des intérêts en présence et le respect du principe de la proportionnalité (ATF 121 I 117 consid. 3b/bb et c p. 120/121; 119 Ia 362 consid. 3a p. 366). Le Tribunal fédéral s'impose toutefois de la retenue particulière dans l'examen de questions d'appréciation ou de circonstances locales, dont les autorités cantonales ont une meilleure connaissance, notamment pour ce qui concerne la protection des monuments (ATF 120 Ia 270 consid. 3b p. 275; 119 Ia 88 consid. 5c/bb p. 96; 118 Ia 384 consid. 4b p. 388). Le principe de la proportionnalité exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 124 I 40 consid. 3e p. 44/45; 119 Ia 348 consid. 2a p. 353; 118 Ia 394 consid. 2b p. 397). Sous ce dernier aspect (principe de proportionnalité au sens étroit), une mesure de protection des monuments est incompatible avec la Constitution si, dans la pesée des intérêts en présence, elle produit des effets insupportables pour le propriétaire. Savoir ce qu'il en est ne dépend pas seulement de l'appréciation des conséquences financières de la mesure critiquée, mais aussi de son caractère nécessaire: plus un bâtiment est digne d'être conservé, moins les exigences de la rentabilité doivent être prises en compte (ATF 118 Ia 384 consid. 5e p. 393).
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Dans le cadre de la présente procédure, les recourants ont renoncé à remettre en cause cette appréciation, même s'ils persistent à penser que le bâtiment ne mérite pas, en tant que tel, d'être protégé. L'existence d'un intérêt public au classement n'étant plus contesté, ce point peut être considéré comme acquis. Il n'en demeure pas moins que personne ne prétend sérieusement que le bâtiment A1035 constituerait, comme tel, un édifice d'une grande valeur architecturale ou artistique qui devrait être sauvegardé à tout prix. Preuve en est qu'il n'a pas été désigné comme bâtiment classé ou maintenu selon le plan de site du Vieux-Carouge. Sans doute, les conceptions en matière de protection des monuments ont-elles évolué au cours des deux dernières décennies, comme le souligne l'arrêt attaqué, dans le sens de protéger non seulement des oeuvres d'art, mais aussi des bâtiments qui sont les témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style. Le préavis de la Commission cantonale, l'arrêté de classement et l'arrêt attaqué se fondent sur ces préoccupations nouvelles. Ils restent cependant marqués d'une certaine ambigu†té, dans la mesure oi il est difficile de discerner, dans les motifs des autorités cantonales, si le bâtiment A1035 devrait être classé en raison de ses caractéristiques architecturales ou en raison de son affectation comme salle de cinéma de quartier. Il semble que ce dernier élément ait joué un rùle prépondérant, comme le montrent la demande de l'Association, à l'origine de la mesure attaquée, le préavis de la Commission cantonale et les prises de position de la commune. Quoi qu'il en soit, si le bâtiment A1035 peut être digne d'être conservé, ce n'est certainement pas au point d'écarter d'emblée les intérêts économiques des recourants. Sur ce point, la présente cause se distingue des états de fait ayant conduit au prononcé des ATF 118 Ia 384 et 109 Ia 257.
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aa) Le rapport de l'expertise ordonnée dans le cadre de la procédure cantonale indique que le bâtiment A1035 se trouve dans un très mauvais état. Il y a des fuites d'eau, en raison de défauts de l'étanchéité du toit; le système de climatisation ne fonctionne pas; les arcs-boutants du toit sont corrodés; les murs de faWade sont dégradés; la cabine de projection est minuscule; l'escalier d'accès n'est pas conforme aux normes applicables; la chaufferie et les installations sanitaires sont obsolètes. Si la stabilité des structures du bâtiment est assurée, des travaux de rénovation sont indispensables, dont l'expert a estimé le co’t total à 420'000 fr. Il est constant que ces travaux devront être réalisés de toute manière si le bâtiment est maintenu, quelle que soit son affectation future. L'Etat pourrait participer à ces frais, selon l'art. 22 LPMNS/GE, sans être toutefois obligé de le faire.
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Le rendement actuel de la salle est médiocre. L'expert tient le loyer annuel, d'un montant de 52'660 fr., pour "ridiculement bas", tout en soulignant qu'il ne peut être augmenté, les recettes étant très faibles: en mars/avril 1998, le taux d'occupation de la salle n'a pas dépassé 7,6%; le film ayant drainé la plus forte affluence a été vu par 2071 spectateurs en 84 séances, soit 25 spectateurs en moyenne par séance. Selon l'expert, une amélioration significative de la rentabilité de la salle ne serait guère envisageable, car les charges d'exploitation resteront lourdes en raison de l'obligation de disposer d'une personne à la caisse et d'un projectionniste. Quant aux perspectives de développement des petites salles de quartier, elles ne sont pas brillantes. Une petite salle, même rénovée, souffrira toujours plus de la concurrence des complexes réunissant plusieurs salles, situés à la périphérie de l'agglomération urbaine; ces établissements offrent en effet de grandes facilités de stationnement, des installations confortables, une programmation diversifiée et bénéficient de co’ts réduits en raison du regroupement des salles. En l'espèce, l'existence même du Bio 72 est incertaine, puisque l'actuel locataire de la salle a indiqué aux recourants qu'il ne souhaitait pas renouveler le bail au-delà du terme fixé, soit le 30 avril 2003. Dès cette époque, l'exploitation de la salle ne sera même plus assurée. Les recourants, âgés de soixante-douze et de soixante-huit ans, n'étant pas disposés à reprendre eux-mêmes la gestion de la salle, il n'est pas exclu que celle-ci doive être fermée à moyen terme.
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bb) Si les recourants entendaient aliéner en l'état le bâtiment classé - sous réserve du droit de préemption de l'Etat et de la commune (art. 24 ss LPMNS/GE) -, ils pourraient escompter un prix de 640'000 fr., correspondant, selon l'expert, à la valeur vénale du bâtiment dont la démolition serait interdite. Encore faudrait-il trouver un acquéreur prêt à payer non seulement ce prix, mais encore celui de la rénovation indispensable d'un bâtiment dont l'affectation ne pourrait être modifiée. Une telle perspective paraót d'autant moins envisageable sérieusement qu'en l'espèce, la collectivité publique semble exclure tout engagement en ce sens. Classer le bâtiment dans son état actuel oblige ainsi, de fait, les recourants à maintenir une salle déficitaire qu'ils n'ont pas les moyens de rénover et qu'ils ne peuvent raisonnablement espérer ni vendre, ni louer à l'expiration du bail en cours.
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cc) La précarité de la survie du Bio 72 n'a pas échappé aux autorités cantonales. Le Conseil d'Etat, tout en admettant que la rentabilité de la salle était faible au point de rendre difficile, voire impossible, sa rénovation, a considéré que le propriétaire pouvait néanmoins en faire "un usage conforme à sa destination et économiquement rationnel, même si l'avenir de ce type de salle de cinéma présente quelques incertitudes". Quant au Tribunal administratif, il a estimé que la salle du Bio 72 se prêterait "à toutes sortes d'animations culturelles, musicales et artistiques". Ces affirmations ne reposent sur rien et les autorités cantonales ne donnent aucune indication précise quant aux possibilités et aux modalités de l'affectation polyvalente du bâtiment litigieux qu'elles préconisent. Il est d'ailleurs contradictoire d'ordonner un classement intégral - avec la conséquence que tout aménagement, transformation et travail même d'entretien est soumis à l'autorisation du Conseil d'Etat (art. 15 LPMNS/GE) - tout en prétendant que les recourants resteraient libres d'utiliser la salle à leur guise, pour les besoins d'activités complémentaires. Quant à un changement de destination, il paraót exclu d'emblée, l'affectation de la salle au cinéma constituant en l'espèce un élément déterminant du classement. Le bâtiment ne dispose ni de loges, ni de coursives, ni de buvette. La scène et la fosse d'orchestre n'existent plus. On voit mal comment, dans une salle nullement conWue à cet effet, les recourants pourraient organiser les spectacles, les concerts et les conférences qu'évoquent les autorités cantonales - sans parler de l'aménagement du café suggéré par l'Association dans sa réponse du 8 mai 2000. Outre qu'il n'est pas prouvé que ces activités pourraient être conduites parallèlement à la projection de films, rien ne permet de dire qu'elles seraient de nature à procurer aux recourants un revenu conforme à un "usage économique rationnel", selon les termes du Conseil d'Etat. Sur ce point crucial de l'affaire, l'arrêt attaqué repose sur de simples conjectures: là oi il aurait fallu s'appuyer sur des faits solidement établis (sur la base, par exemple, d'une expertise complémentaire), le Tribunal administratif s'est contenté d'affirmations catégoriques. En agissant de la sorte, il n'a pas pesé correctement les intérêts en présence, au détriment de ceux des recourants.
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h) L'autorité qui ordonne le classement d'un bâtiment doit s'entourer de précautions particulières lorsque cette mesure produit concrètement l'effet de maintenir l'affectation du bâtiment et oblige, comme en l'espèce, le propriétaire à poursuivre, même contre son gré, une activité économique déterminée. S'agissant d'une restriction grave au droit de propriété (consid. 2c ci-dessus), l'autorité doit, en premier lieu, établir les faits de telle manière qu'apparaissent clairement toutes les conséquences du classement, tant pour ce qui concerne le bâtiment lui-même et son utilisation future, que le rendement que le propriétaire pourra désormais en escompter. A cette fin, l'autorité et le propriétaire doivent se concerter pour examiner tous les effets du classement, étudier d'éventuelles variantes et solutions alternatives, fixer les modalités, les charges et les conditions de l'utilisation future. Cette obligation de collaboration ne change pas la nature de l'acte de classement, qui n'en devient pas négociable pour autant, et demeure une prérogative exclusive et unilatérale de l'Etat. De même, l'éventuel défaut de coopération du propriétaire dans la phase de l'instruction de la cause n'empêchera pas l'Etat d'ordonner le classement, si l'état de fait est établi clairement et complètement. Cela fait, et après la pesée des intérêts en présence, une mesure de classement est proportionnée, partant compatible avec l'art. 26 al. 1 Cst., si elle garantit au propriétaire un rendement acceptable. Celui-ci peut soit résulter de la continuation de l'activité économique antérieure, soit d'une reconversion totale ou partielle, pourvu que les frais de celle-ci puissent être raisonnablement mis à la charge du propriétaire. A défaut, l'Etat doit ou renoncer à la mesure de classement envisagée, ou en réduire la portée, ou encore la maintenir, mais à la condition, dans ce dernier cas, de prêter son concours, y compris financier, au changement d'affectation nécessaire, voire à l'exploitation future du bâtiment.
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