BGE 119 Ia 254 - SSP et al. | |||
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Bearbeitung, zuletzt am 15.03.2020, durch: Sabiha Akagündüz, A. Tschentscher | |||
30. Extrait de l'arrêt de la IIe Cour de droit public du 20 août 1993 dans la cause X, Y, Z et le Syndicat suisse des services publics (SSP) contre le Conseil d'Etat du canton de Vaud (recours de droit public) | |
Regeste |
Art. 4 BV; Waadtländer Dekret über die Anpassung der Beamtengehälter an die Teuerung; Rückwirkung. |
2. Voraussetzungen, unter denen die Rückwirkung einer Norm zulässig ist (E. 3). Ausnahmefall, in dem es zulässig ist, das noch nicht in Kraft getretene Recht anzuwenden; Begriff der Vorwirkung von Erlassen (E. 4). | |
Sachverhalt | |
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"Le Conseil d'Etat adapte les traitements au coût de la vie le 1er janvier de chaque année, sur la base de l'indice des prix à la consommation du mois d'octobre de l'année écoulée. Dans cette mesure, il est compétent pour modifier l'échelle des traitements figurant à l'art. 49."
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Le 15 décembre 1992, le Grand Conseil du canton de Vaud a adopté un décret sur l'adaptation au renchérissement dont la teneur est la suivante:
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"Article premier. - L'application de l'article 54 de la loi du 9 juin 1947 sur le statut général des fonctions publiques cantonales est suspendue pour l'année 1993, de sorte que les traitements ne sont pas adaptés au coût de la vie le 1er janvier 1993.
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Une adaptation partielle correspondant à l'éventuelle augmentation en 1993 de la part des cotisations de l'assurance-chômage fédérale à la charge des travailleurs est toutefois accordée dès l'entrée en vigueur de cette augmentation.
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Cette adaptation est limitée à la part du salaire assurée à l'assurance-chômage.
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Les pensions versées aux retraités de l'Etat de Vaud ne sont pas affectées par le présent décret.
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Art. 2. - Sous réserve des dispositions constitutionnelles, le présent décret entrera en vigueur le 1er janvier 1993.
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Art. 3. - Le Conseil d'Etat est chargé de l'exécution du présent décret.
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Il en publiera le texte conformément à l'article 27, chiffre 2, de la Constitution cantonale et le mettra en vigueur, par voie d'arrêté, conformément à l'article 2 ci-dessus."
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Ce décret a été publié dans la Feuille des avis officiels du canton de Vaud du 29 décembre 1992; le délai référendaire expirait le 7 février 1993, conformément à l'art. 27 ch. 2 de la Constitution vaudoise (Cst./VD) aux termes duquel "12'000 citoyens actifs peuvent demander que soit soumis au vote du peuple une loi ou un décret, dans les quarante jours après sa publication dans la "Feuille des Avis officiels" du canton de Vaud ... les lois ou décrets soumis au référendum ne sont pas mis en vigueur avant l'expiration du délai de quarante jours, ou, le cas échéant, avant la votation populaire."
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Le référendum n'ayant pas été demandé, le Conseil d'Etat a, par arrêté du 12 février 1993 publié dans la Feuille des avis officiels du 19 février 1993, promulgué le décret du 15 décembre 1992 sur l'adaptation au renchérissement et l'a mis en vigueur avec effet au 1er janvier 1993.
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En janvier 1993 déjà, les fonctionnaires vaudois, dont X, Y, Z, n'ont pas touché l'allocation de renchérissement, selon les bulletins de salaire émis pour ce mois.
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Agissant par la voie du recours de droit public, X, Y, Z et le Syndicat suisse des services publics (SSP) demandent au Tribunal fédéral d'annuler le décret du 15 décembre 1992 du Grand Conseil vaudois sur l'adaptation au renchérissement, l'arrêté du 12 février 1993 du Conseil d'Etat du canton de Vaud fixant l'entrée en vigueur dudit décret au 1er janvier 1993 et, enfin, les bulletins de salaire de janvier 1993 des trois premiers recourants susnommés, ainsi que ceux de tout le personnel soumis à la loi du 9 juin 1947 sur le statut général des fonctions publiques cantonales. Invoquant l'art. 4 Cst., les recourants contestent notamment l'effet rétroactif donné au décret sur l'adaptation au renchérissement par rapport à la date de sa promulgation.
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Le Tribunal fédéral a rejeté le recours dans la mesure où il était recevable.
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Extrait des considérants: | |
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En ce qui concerne la suppression du renchérissement elle-même, les recourants se contentent de déplorer ses effets sur le niveau de vie des fonctionnaires. Ils laissent entendre, sans grande conviction, que la situation financière de l'Etat de Vaud ne serait pas aussi mauvaise qu'elle a été décrite. On ne saurait voir là une motivation suffisante au sens de l'art. 90 al. 1 let. b OJ (voir notamment ATF 118 Ia 188 consid. 2 et les références citées). En effet, les recourants n'essaient pas vraiment de démontrer que, sur ce point, le décret attaqué serait arbitraire, soit contraire à l'art. 4 Cst. Le recours est donc irrecevable, dans la mesure où est attaqué l'art. 1 du décret, et plus particulièrement son alinéa 1. En revanche, les recourants ont suffisamment motivé le grief par lequel ils contestent que le décret sur l'adaptation au renchérissement ait été déclaré applicable avec effet au 1er janvier 1993, alors même qu'il ne pouvait entrer en vigueur avant l'échéance du délai référendaire.
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Selon la jurisprudence, une norme a un effet rétroactif lorsqu'elle s'applique à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur (ATF 116 Ia 213 /214 consid. 4a, ATF 113 Ia 425 et les arrêts cités. Voir aussi ANDRÉ GRISEL, Traité de droit administratif, vol. I, p. 147; ALFRED KÖLZ, Intertemporales Verwaltungsrecht, in RDS 102/1983 II p. 160; PIERRE MOOR, Droit administratif, vol. I, Berne 1988, n. 2.5.2.3, p. 144). En l'espèce, le décret litigieux a été adopté par le Grand Conseil le 15 décembre, pour être publié dans la Feuille des avis officiels du 29 décembre 1992. Vu le texte clair de l'art. 27 ch. 2 Cst./VD, il ne pouvait entrer en vigueur avant l'échéance du délai référendaire, soit le 7 février 1993. Toutefois, l'art. 2 du décret lui-même prévoit qu'il entre en vigueur le 1er janvier 1993 sous réserve des dispositions constitutionnelles. L'Etat de Vaud pense pouvoir en déduire que le décret n'a pas prévu d'effet rétroactif, puisque la date de son entrée en vigueur a été fixée au moment où il a commencé à déployer ses effets. Or, l'art. 2 du décret est rédigé de manière peu claire. Au vu de l'art. 27 ch. 2 Cst./VD, le décret ne pouvait entrer en vigueur avant le 7 février 1993. De fait, son entrée en vigueur remonte au moment de la publication dans la Feuille des avis officiels de l'arrêté du Conseil d'Etat du 12 février, soit le 19 février 1993. Le texte de cet arrêté est du reste plus clair et fait mieux ressortir le véritable processus juridique: en effet, l'arrêté du 12 février 1993 met le décret en vigueur, mais avec effet au 1er janvier 1993.
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b) La rétroactivité est contraire au principe de la sécurité et de la prévisibilité du droit. Selon la jurisprudence, il est cependant possible de déroger à certaines conditions au principe de non-rétroactivité des lois: il faut que la rétroactivité soit expressément prévue par la loi, qu'elle soit raisonnablement limitée dans le temps, qu'elle ne conduise pas à des inégalités choquantes, qu'elle se justifie par des motifs pertinents, c'est-à-dire qu'elle réponde à un intérêt public plus digne d'être protégé que les intérêts privés en jeu et, enfin, qu'elle respecte les droits acquis (ATF 116 Ia 214 consid. 4a, ATF 113 Ia 425 et les références citées). En l'espèce, la rétroactivité est prévue dans la loi, soit à l'art. 2 du décret attaqué. Elle est très limitée dans le temps et ne conduit pas à des inégalités choquantes. Elle ne porte par ailleurs pas atteinte aux droits acquis des recourants, car, comme le Tribunal fédéral l'a relevé à plusieurs reprises, les rapports de service des fonctionnaires sont soumis aux modifications législatives, également en ce qui concerne la rémunération. Le législateur cantonal est donc libre d'apporter des modifications légales aux prétentions pécuniaires des fonctionnaires, qui n'ont en général pas le caractère de droits acquis (ATF 118 Ia 255 /256 consid. 5b et l'arrêt cité). Enfin, le législateur vaudois pouvait se fonder sur des motifs pertinents pour adopter l'art. 2 du décret. Certes, l'intérêt purement financier de l'Etat ne permet normalement pas de faire exception au principe de non-rétroactivité, sauf si les finances publiques sont en péril (ATF 102 Ia 73, ATF 95 I 10, ATF 92 I 232; GRISEL, op.cit., p. 149), En l'espèce, les finances publiques cantonales se trouvaient dans une mauvaise situation, nécessitant que des mesures de redressement soient prises (le taux d'imposition cantonal a été relevé et diverses dispositions arrêtées pour alléger les charges financières de l'Etat). Cela dit, même si l'intérêt public à octroyer l'effet rétroactif au décret en question apparaît peu important, il l'emporte néanmoins sur l'intérêt privé des recourants à voir leurs traitements adaptés au coût de la vie, dans la mesure où le dommage subi par les recourants est très restreint, puisqu'il ne correspond qu'à l'allocation de renchérissement pour le mois de janvier 1993 (voire quelques jours en février).
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Le décret attaqué a de plus prévu la suppression de l'adaptation des salaires au renchérissement durant un an. Des raisons de simplification justifiaient que cette mesure concorde avec l'année civile, plutôt que de s'étendre de mars 1993 à fin février 1994 par exemple. A cela s'ajoute que les intéressés n'ont pas été pris au dépourvu, puisqu'ils ont connu la mesure envisagée dès l'automne 1992, au moment où elle a fait l'objet du projet de décret présenté par le Conseil d'Etat au Grand Conseil, la publication du texte adopté intervenant le 29 décembre 1992 (BÉATRICE WEBER-DÜRLER, Vertrauensschutz im öffentlichen Recht, p. 289). Le grief est dès lors infondé.
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4. Le Conseil d'Etat (ou l'administration cantonale) a appliqué le décret du 15 décembre 1992 avant son entrée en vigueur, puisqu'en janvier 1993 l'adaptation au renchérissement n'a pas été octroyée selon l'art. 54 de la loi sur le statut général des fonctions publiques cantonales, alors même que ledit décret ne déployait pas d'effets juridiques, le délai référendaire n'étant pas échu. En droit strict, on aurait pu envisager de payer aux fonctionnaires, en janvier, l'allocation de renchérissement puis, en février, de supprimer cette allocation et de réclamer le remboursement du montant versé en trop en janvier (sur la base de l'art. 2 du décret, dont on a vu plus haut qu'il était admissible). En effet, il n'est normalement pas possible d'appliquer une loi qui n'est pas en vigueur (KÖLZ, op.cit., p. 173/174). Cette manière de procéder aurait toutefois entraîné de vaines complications sur le plan pratique. Il aurait fallu calculer pour le premier trimestre 1993 pas moins de trois montants différents de salaire: janvier (avec renchérissement), février (pas de renchérissement et déduction de la somme versée en trop en janvier) et mars (sans renchérissement). L'Etat aurait encore dû réclamer séparément le trop-perçu aux fonctionnaires ayant quitté leur fonction à fin janvier. De plus, l'entrée en vigueur du décret était imminente. Aucun référendum n'avait été annoncé et il était quasiment impossible de fin janvier à début février d'annoncer le référendum et de déposer les listes contenant 12'000 signatures valables (cf. art. 89 à 96 et 105 de la loi vaudoise du 16 mai 1989 sur l'exercice des droits politiques). On peut du reste sérieusement se demander si les recourants, notamment les trois premiers, ont un intérêt réel à soulever ce moyen, car, même si celui-ci était fondé, ils pourraient théoriquement réclamer à l'Etat le versement du renchérissement pour janvier, mais l'Etat de Vaud pourrait immédiatement leur opposer en compensation une créance en remboursement sur la base de l'art. 2 du décret attaqué. De toute façon, l'autorité cantonale pouvait en l'espèce donner un "effet anticipé" au droit nouveau, dans la mesure où elle avait pour cela une base légale dans le droit en vigueur (MOOR, op.cit., n. 2.5.4, p. 152/153). En effet, le Conseil d'Etat dispose d'un pouvoir réglementaire selon l'art. 113 de la loi sur le statut général des fonctions publiques cantonal. On peut ici admettre qu'il n'a pas excédé les limites de ce pouvoir en réglant comme il l'a fait la transition entre le droit ancien et le droit nouveau, pour éviter les conséquences mentionnées ci-dessus, qui auraient confiné à l'absurde. Le moyen doit donc être écarté.
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